La situation antillaise (1)
Réflexion douze (2 avril 2009)
Que reste-t-il après le conflit social guadeloupéen ?
D'après certains sondages, une majorité des électeurs de l'Hexagone sont désormais favorables au fait que l'on accorde son indépendance à la Guadeloupe, et très vraisemblablement, à tout l'outre-mer français. Le plus amusant est vraisemblablement que cette solution ne soit par contre pas souhaitée justement par les guadeloupéens, qui viennent pourtant de conduire un mouvement social dont les racines indépendantistes sont pourtant visibles, que ce soit en la personne de Domata, secrétaire général du principal syndicat indépendantiste guadeloupéen (UDTG), ou dans les slogans utilisés.
De même, s'agissait-il d'un conflit raciste et anti-blanc ? Et qu'attendent les organisations antiracistes métropolitaines pour se saisir des agissements et des paroles des émeutiers guadeloupéens à l'encontre des blancs, eux qui sont pourtant si rapides à intervenir en métropole lorsque des faits ou des paroles racistes frappent des personnes de type non eurasien ?... Il faut lire l'article (un peu passé certes) du Figaro sur les pratiques musclées des militants du LKP (Liannaj Kont Profitasyon) et sur les impressions de tous ceux qui ne sont pas considérés comme des guadeloupéens (blancs européens, békés, asiatiques ... et jusqu'aux haïtiens ...) et qui ont eu à souffrir de paroles racistes ou de violences physiques à leur encontre ...
Et pourtant, certains de mes amis antillais m'assurent que ces évènements n'étaient absolument pas racistes !
D'une certaine façon, de la même manière que des évènements dramatiques avaient accompagné les derniers temps de la présence française en Algérie française, dont ceux que nous appelâmes pieds-noirs mîrent extrêmement longtemps à se remettre, et de la même manière que ces évènements dramatiques avaient ensuite conduit à l'indépendance de l'ensemble des colonies françaises d'Afrique, sans lutte, marquant le désintérêt français pour son empire, ne laissant subsister comme territoires français que quelques îles éparses dans les océans atlantique, indien et pacifique, il faut vraisemblablement s'attendre à ce que les évènements antillais récents laissent une profonde division et un profond malaise dans les relations futures entre la république française et les derniers confettis de son empire ... D'une certaine façon, le début de la fin de cette présence française sur l'ensemble des océans, de cette présence participant au rayonnement de la culture française ...
Si ce n'était pas le but recherché par les émeutiers guadeloupéens, ce serait bien dommage pour nous !!!
Réflexion onze (25 mars 2009)
Quelle situation dans l'outre-mer français près de trois mois après le début du conflit social guadeloupéen ?
En ce fin de mois de mars 2009, la grève générale décrétée en Guadeloupe, et qui avait contaminé notamment l'île de la Martinique, s'est terminée récemment, même si un certain nombre de mouvements de grève annexes perdurent encore dans des entreprises guadeloupéennes ou quelques établissements publics. En effet, le mouvement social guadeloupéen, qui visaient essentiellement les travailleurs payés au Smic et plus largement les personnes en situation précaire, n'a forcément pas traité de l'ensemble des problèmes rencontrés dans les entreprises ou les établissements publics guadeloupéens. Cette contestation sociale a réveillé notamment les ardeurs revendicatrices de nombre de salariés, même si, dépassant le plafond de 1,3 smic, il est difficile d'estimer qu'ils soient des travailleurs précaires ou pauvres. L'un de ses mouvements de contestation touche le personnel des agences de l'IEDOM et de l'AFD en Guadeloupe, qui sont en grève désormais depuis deux mois. Pour mémoire, un autre mouvement social avait touché les personnels de Pôle Emploi en Guadeloupe, mouvement mené déjà à l'époque par Domota, juste avant le lancement du mouvement social du LKP. Ces mouvements de revendications sont évidemment légitimes ; il est dans la nature des organisations syndicales de tenter d'améliorer la situation des travailleurs ... Sans cela, les syndicats n'existeraient pas, de même que le Smic, les congés payés, ou le repos bi-hebdomadaire ... Les arguments de tels ou tels syndicats peuvent paraître plus ou moins fondés ... Cela ne remet pas en cause la légitimité de leurs revendications dès lors que les salariés de ces établissements les soutiennent massivement. Evidemment, de tels mouvements de grève occasionnent des difficultés au reste de l'économie ou aux usagers de ces services publics ...
A la suite de la fin des mouvements sociaux guadeloupéens et martiniquais, les états généraux promis par Nicolas Sarkozy ont débuté aux Antilles, où la question de l'autonomie/indépendance de ces régions ultrapériphériques devrait être posée, ou au moins celle de leur évolution statutaire. Le département de la Réunion reste par contre toujours perturbé par un mouvement social comparable, mené par les principales organisations syndicales du département réunies au sein du Cospar ... L'adhésion de la population réunionnaise est cependant beaucoup plus limitée qu'elle ne l'a été aux Antilles, face à des positions critiquables des principaux agents de la négociation ... Par exemple, sur la liste des produits censés être de première nécessité pour lesquels le Cospar demandait une baisse de 20%, les négociateurs du Cospar ont intégré des produits alimentaires dont le caractère de première nécessité n'est absolument pas évident ... bonbons MNM'S, glaces Carte d'Or ... etc ... De même, la population réunionnaise peut également déroutée par des changements de positions de certains acteurs syndicaux (comme à la CFDT locale), entre le matin et le soir ... En attendant la conclusion d'un protocole de fin de conflit, la mobilisation de quelques irréductibles syndicalistes continue autour de certaines grandes surfaces, dont l'objectif est d'empêcher l'accès au reste de la population réunionnaise. Et le démarrage des états généraux est conditionné à la signature d'un tel accord ...
Et à côté de toute cette agitation, les mahorais sont appelés à se prononcer sur le changement de statut de la collectivité territoriale de Mayotte, qui se voit proposer la transformation en un département d'outre-mer, comme son île voisine (à quelques milliers de kilomètres toutefois) de la Réunion. Quel sera le résultat de ce référendum ? Il est en tout cas remarquable que le gouvernement français continue cette réflexion sur l'évolution institutionnelle de Mayotte, dans le cadre des mouvements revendicatifs autonomistes qui se déroulent dans les autres DOM, et alors que la population française est de plus en plus gagnée à la volonté de se défaire des derniers vestiges de l'empire colonial français, considérés comme particulièrement coûteux budgétairement par de nombreux métropolitains ... sentiment qui me semble gagner en intensité avec la médiatisation du conflit antillais ...
L'une des raisons pour laquelle la question de l'évolution statutaire des départements d'outre-mer risque d'être posée dans les états généraux de l'outre-mer qui se déroulent actuellement en Guadeloupe et en Martinique et prochainement à la Réunion (quid de la Guyane, de la Nouvelle Calédonie et de la Polynésie Française ?), d'une manière tout à fait innocente, sous la forme d'une rénovation du statut de région ultrapériphérique vraisemblablement ... pour moderniser des statuts poussiéreux peut-être ... mais dans le cadre d'une optique concertée de la part du gouvernement et des élus autonomistes ... un désengagement pour l'état ... et une mise en coupe réglée pour les mouvements indépendantistes ...
Il est au fond attristant de découvrir que des populations domiennes entières puissent être manipulées par des apprentis sorciers, et que sous prétexte de vouloir se prouver qu'ils seront capables de faire aussi bien que leurs confrères guadeloupéens (je pense à de nombreux réunionnais), ils puissent s'embarquer dans une aventure dans laquelle leurs collègues de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie Française, pourtant bien plus extrêmistes et indépendantistes, se sont bien gardés de s'embarquer ... Mais il faut après tout assumer les conséquences de ses actes ... Et les réunionnais, les guadeloupéens et les martiniquais, dans leur combat contre les différences de prix (explicables) et les profits (naturels sauf à être communiste) vont assumer les conséquences de ces mouvements de contestation de l'état et de la cherté des prix, et le choix des hommes qu'ils ont accepté de suivre ... quels qu'ils puissent être ...
Réflexion dix (7 mars 2009)
Incidents et racisme anti-blanc et anti-béké en Martinique - Début des hostilités à la Réunion à l'appel du Cospar
La situation continue de dégénérer en Martinique avec des accrochages entre manifestants, casseurs, et forces de l'ordre ... De son côté, en Guadeloupe, Elie Domota et le LKP (Liannaj Kont Profitasyon) accepteront-t-ils de s'effacer alors que l'extension décidée par le gouvernement de l'accord conclu avec des organisations patronales minoritaires élimine leurs dernières revendications ?
Mais la nouveauté, c'est l'extension du mouvement au département de la Réunion, à 15.000 kilomètres des Antilles, à 18 heures d'avion. L'extension du conflit signifie-t-elle qu'il existe véritablement un problème d'insularité ? Faut-il donc craindre la même chose à Belle-Ile-en-mer ou à l'île du Sein ? Où est-ce le soleil qui leur monte à la tête ?
La misère, ou plutôt les difficultés de vivre avec un SMIC ou un RMI, sont les mêmes au soleil ou sous la neige, que ce soit en Belle-Ile-en-mer, à Sein, en Corse , à Marseille, dans un DOM ou à Paris. Il est même plus facile de vivre dans un milieu où l'on peut compter sur la solidarité des autres ou de sa famille, comme dans les DOM, par différence avec les métropoles de la métropole où toute solidarité a disparu ... Alors pourquoi ces mouvements de protestation dans les DOM ? Vraisemblablement en raison de leur passé difficile lié à la question de l'esclavage et à des non-dits, de leur déchirement entre une histoire métissée et leur rattachement (pour des raisons financières notamment) à la métropole ... et de leur attente d'égalité soupçonneuse vis-à-vis de cette même métropole ...
Que signifie les quelques débordements réunionnais observés lors de ces deux derniers jours ? Même s'ils ne représentent pas grand chose par rapport à ceux survenus en Guadeloupe (quelques fermetures de grandes surfaces, une grande manifestation, quelques voitures brûlées, une barricade sur une route ...), il rencontre déjà un peu moins de soutien dans la population. D'un côté, un Cospar (Collectif des organisations syndicales politiques et associatives de la Réunion) un peu débordé par sa base ... de l'autre, des manifestants qui ont besoin de se trouver des objectifs, des actions symboliques pour occuper leurs troupes, pour maintenir la mobilisation ... au milieu, quelques énergumènes incontrôlables (Ratenon) qui recherchent désespérément la médiatisation et la starisation ... sans compter les centaines de milliers de réunionnais pris en otage par ses manifestations et opérations coup de poing ...
Ce qui est mal compris par une partie de la population, c'est l'écart entre les promesses du Cospar, qui avait promis une manifestation pour le 5 mars, assurant les réunionnais qu'il n'était pas question d'entrer dans un mouvement de contestation long comme en Guadeloupe, et qu'il n'y aurait pas de fermeture des grandes surfaces par le collectif, et les actions actuelles du Cospa qui visent à fermer les commerces et appellent à la grève générale à compter de mardi ... Comme si les responsables syndicaux et les principaux leaders du mouvement, détachés par la fonction publique ou salariés des organisations syndicales, dont l'emploi ne risque rien même par temps de grève, qui continueront d'être payés même en appelant à la grève, n'en avaient rien à faire des conséquences sociales de tels mouvements de grève, du cortège de liquidations judiciaires et de licenciements qui s'en suivent pour les autres salariés, manipulés et trompés sur les objectifs réels de ces mouvements de grève.
Réflexion neuf (6 mars 2009)
Après la Guadeloupe et la Martinique, au tour de la Réunion ?...
Près de quinze à seize milliers de kilomètres séparent la Réunion des Antilles ... Un océan les séparent ... Mais hier 5 mars 2009, de 20.000 à 25.000 personnes manifestaient dans les rues de sa capitale et de quelques autres villes pour contester les prix et manifester contre la vie chère. Comme en Guadeloupe et en Martinique, les défilés ont dégénéré avec des charges des forces de l'ordre, et les manifestants sont partis fermer les grandes surfaces alimentaires ou de bricolage de la région, ravigorés par leurs forces et leur nombre. Raisons invoqués par les syndicalistes et les manifestants : l'absence de respect (de qui ? des patrons de ces grandes surfaces ? ou des clients qui malgré les appels du collectif faisaient quand même leurs courses ? dans la bouche des manifestants, les deux catégories de personnes semblaient être visées) des appels des manifestants à une journée sans achat et à la fermeture de tous les magasins.
Le collectif, dénommé Cospar (Collectif des organisations syndicales politiques et associatives de la Réunion) ... cela fait évidemment beaucoup moins 'tropiques' que LKP (Liannaj Kont Profitasyon) ... Bizarre qu'un petit 'k' pour kollectif au minimum n'ait pas été utilisé pour donner une touche 'réunionnaise' ou créole ... au minimum ... Les syndicats à l'intérieur du 'kollectif' réunionnais appellent au maintien de la mobilisation jusqu'à mardi ... Pour faire comme aux Antilles ? Même s'ils s'en défendent, il ne faut pas ignorer cette envie de faire 'aussi fort' qu'aux Antilles, de se prouver que les réunionnais ont autant de détermination (et de solidarité) que leurs collègues antillais ...
... Jusqu'à copier le slogan guadeloupéen ("péi cé tan nou – péi cé pa ta yo")... en moins raciste ... "La Réunion lé a nou, pas a ban' patrons" ... Ce slogan avait au moins l'intérêt d'être clair ... Ce ne sont pas les blancs qui sont visés, mais les patrons ... Même si le patron des patrons, le président du Medef local, est un bon créole blanc ... issus d'une riche famille de colons blancs ...
Et puis, il y a cette ivresse des syndicalistes devant la puissance de leur rassemblement ... chaque syndicat compte ses membres et se grise de son succès, de sa capacité de mobilisation ... Il est alors difficile pour ces leaders 'naturels' de renoncer à leur force nouvellement acquise et de ne pas tenter de surfer sur cette légitimité, sur cette puissance, pour obtenir une attention des médias et de la préfecture ...
Seul problème : la situation à la Réunion comme aux Antilles est-elle beaucoup plus difficile que pour les français métropolitains ? Les prix d'un certain nombre de produits ont effectivement plus élevés que dans l'hexagone ... les laitages et les produits frais ... l'alimentation ... et surtout l'automobile et notamment toutes les pièces de rechange automobiles, trois fois plus chères qu'en métropole ...
... La faute au prix de rachat des principaux concessionnaires automobiles de l'île ... les marques Renault et Volkswagen ayant notamment été rachetées pour plusieurs millions d'euros par un béké martiniquais (Hayot) s'étant implanté dans l'île depuis plusieurs décennies ... Celui-ci est bien obligé de rentabiliser son investissement ... C'est le capitalisme ...
... Et chacun à son niveau ne fait rien d'autre que cela ... Essayer de réaliser la plus grosse marge ou la plus grosse plus-value sur les autres, que ce soit en vendant un bien immobilier, une voiture d'occasion, en faisant des travaux chez les autres par le biais de son entreprise de bâtiment ... Comment peut-on désigner un bouc émissaire sur la cherté du coût de la vie quand, chacun à son niveau, humble ou élevé, essaie de s'enrichir le plus rapidement possible ... Faut-il alors désigner un bouc émissaire en raison de sa race (blanche par exemple) ou de sa religion, et de sa richesse (sous prétexte qu'étant plus riche, il a simplement mieux réussi à s'enrichir que tout le monde) ?... Il y a évidemment une forme d'injustice dans tout cela, mais c'est dans les faits un comportement tellement généralisé à tous niveaux, pour tout un chacun ... comme la remise en cause du capitalisme auquel on assiste en France métropolitaine ... que contester la cherté de vie (à la Réunion, en Guadeloupe ou en Martinique) équivaut à contester son propre comportement de rapace ... C'est comme vouloir arnaquer les gens mais hurler dès lors que d'autres veulent vous arnaquer ...
Ce qu'il faut, c'est un changement de mentalité ... Et il n'est nul besoin de manifester dans la rue pour changer sa mentalité ... Je ne comprends plus ce monde !...
Réflexion huit (3 mars 2009)
Peut-on faire signer par la force un accord à des employeurs ?...
En Guadeloupe, les organisations patronales majoritaires, dont certaines sont contrôlées par les employeurs békés (créoles blancs antillais), refusent de signer les accords salariaux négociés avec le LKP (Liannaj Kont Profitasyon). Le leader du LKP envisage désormasis de passer dans les entreprises faire signer les accords négociés sous l'égide de l'Etat, par la force forcément, sous la contrainte de la violence, au minimum théorique ! Après avoir pris en otage l'ensemble de la population guadeloupéenne, dont forcément au minimum un certain nombre ne souhaitait pas faire grève, le LKP envisage désormais d'arracher par la force la signature d'un contrat, se mettant sous le coup d'annulation pour dol des accords conclus.
La conséquence (très) prévisible de cette grève sera la mise au chômage de très nombreux salariés, touchés à la fois par la fragilisation de la trésorerie de leurs entreprises (sauf le leader du LKP, qui étant salarié de Pôle emploi -ex Anpe-, ne risque rien de même que ces camarades de la fonction publique ou permanents syndicaux dirigeant les principaux syndicats), et à la fois par le renchérissement des bas salaires qui contraindra vraisemblablement une partie des entreprises à restreindre le nombre de leurs salariés.
Il ne faut pas non plus oublier que ce conflit mené contre une partie de la population (les grands patrons békés) va laisser des traces très sensibles et douloureuses dans les relations sociales antillaises. Un bon accord syndical est un accord dans lequel on ne compte ni gagnants ni perdants ... Or, en Guadeloupe, le LKP aura, avec l'aide d'une partie de la population, gagné ce long conflit social, où les racines du vivre-ensemble antillais auront été détruites ... Mais les salariés en paieront vraisemblablement le prix un jour ou l'autre. On ne gagne pas un conflit de cette manière, en menaçant même ensuite de faire signer les accords par la force dans les entreprises, les unes après les autres.
Et la Martinique et la Réunion qui prennent exemple sur ce conflit guadeloupéen en croyant gagner autant sans risque ? Vision à très court terme, pour des gains à très court terme. Evidemment, si les leaders syndicaux étaient des personnes compétentes en économie, cela se saurait ... Ils ne seraient pas dans le syndicalisme où ils n'auraient pas pu y survivre au milieu des intrigues et des luttes pour le pouvoir ...
Réflexion sept (1er mars 2009)
Ce qu'il y a d'extraordinaire dans les évènements guadeloupéens ...
La première chose amusante dans les évènements guadeloupéens et dans leur réception dans l'Hexagone, c'est que les français de métropole se disent massivement favorables aux revendications sociales des antillais, mais qu'ils sont aussi une majorité à souhaiter l'indépendance des DOM et leur séparation de la République française. En ce sens, ils ne me semblent pas éloignés de la position du gouvernement français et de Nicolas Sarkozy, qui veulent mettre la question du statut des départements d'outre-mer sur la table.
Les français favorables à l'indépendance des départements d'outre-mer des Antilles et de l'Océan Indien savent pourtant la conséquence d'une telle décision. Les Antilles françaises, la Guyane, la Réunion et Mayotte se trouveraient alors immédiatement ramenées au niveau de développement, de richesse et de niveau de vie des états indépendants qui leur sont proches géographiquement, Madagascar pour la Réunion (et non pas Maurice qui a réussi un décollage économique notable au cours de ces dernières décennies), les Comorres pour Mayoote, Haïti ou la Dominique pour la Guadeloupe ou la Martinique ...
Il me semble aberrant d'être favorable aux revendications sociales d'un groupe mais accessoirement de leur souhaiter le pire sort qu'il soit possible d'imaginer. Concernant la position du gouvernement français, il me semblait que l'indivisibilité de la République française était inscrite dans la constitution française, dont le président de la république était le garant, et qu'aucun cas, celui-ci ne pouvait lancer un tel processus d'indépendance pour une raison de coût budgétaire, ou parce qu'une organisation syndicale prenait l'état et ses habitants en otage. Qu'un tel processus soit enclenché dans le cadre d'une guerre d'indépendance ; je peux le comprendre comme à la suite des accords d'Evian pour l'Algérie française ... Mais pas là.
Ce qu'il y aussi d'extraordinaire dans ce conflit social guadeloupéen, c'est que les antillais puissent être très majoritairement opposés à l'indépendance de la Guadeloupe ou de la Martinique, mais qu'ils se reconnaissent dans un mouvement tel que le LKP (Liannaj Kont Profitasyon), derrière lequel se trouvent embusqués des partis politiques ou des syndicats indépendantistes. La situation est la même dans un département comme la Réunion, où un dirigeant politique clairement autonomiste comme Paul Vergès, président du Conseil régional de la Réunion (de la même manière qu'Alfred Marie-Jeanne, fondateur du 'Mouvement pour l’Indépendance de la Martinique' -MIM- est actuellement président du Conseil Régional de Martinique), est à l'origine d'une prochaine grève générale (le jour de son supposé anniversaire ... le 5 mars ... bon anniversaire Paulo entonneront certainement les manifestants), où les réunionnais veulent massivement copier leurs compatriotes antillais pour se prouver qu'ils sont également capables de se révolter et de ne pas se laisser faire (par qui ... c'est une question à laquelle peu d'entre eux ont cependant la réponse ... car on n'y trouve pas de békés et que les descendants des colons contrôlent beaucoup moins qu'aux Antilles l'économie réunionnaise, où les grandes fortunes sont tout autant d'origine chinoise ou indo-arabe) ... et que l'ensemble des mesures proposées aux Antilles seront vraisemblablement étendues à tous les DOM.
Il y a en fait une sorte d'émulation dans la contestation sociale entre guadeloupéens, martiniquais, réunionnais, et demain guyanais probablement ... de la même manière qu'il y a une émulation dans les mouvements de contestation estudiantins et lycéens ... une émulation évidemment enfantine ... rien n'est plus contestataire qu'un fonctionnaire, qu'un enseignant ou qu'un permanent syndical, qui de toute façon sera payée, qu'il soit dans la rue ou derrière son bureau dans une permanence syndicale ... une émulation lancée par des gens qui n'ont absolument rien à perdre, et qui seront les premiers à demander à retourner en métropole le jour où les départements d'outre-mer deviendront indépendants ...
Il y a toutefois des signes d'apaisement en Guadeloupe ... Le fait notamment que les six meurtriers guadeloupéens présumés du syndicaliste tué en Guadeloupe en fin de semaine dernière aient pu être arrêtés et déférés au parquet hier, sans affrontement violent à l'égard des forces de l'ordre. L'état de droit reprend enfin sa place en Guadeloupe, et c'est un signe important.
Réflexion six (26 février 2009)
Comment un mouvement raciste anti-blanc peut-il recevoir un tel soutien en France métropolitaine ?
La situation en Guadeloupe et en Martinique est explosive. Elle l'est tout particulièrement pour ses résidents blancs métropolitains, dont un certain nombre songent désormais à rentrer dans l'Hexagone. Les débats actuels sur l'autonomie des régions d'outre-mer, lancés par le gouvernement, par la voix du président de la république ou du ministre de l'outre-mer, ne vont pas arranger les choses. La situation n'a jamais été simple pour les métropolitain(e)s blanc(he)s aux Antilles, comme dans une partie de l'outre-mer français. Les ressentiments anti-blancs dans la population ne doivent pas être masqués, même s'ils affleurent rarement en public ... sauf à des occasions comme celles que l'on observe actuellement. Il doit ainsi être noté que l'équivalent de la 'préférence nationale' chère au Front National, appelée 'préférence régionale' en outre-mer, est un vocable ouvertement appliqué et prôné par les organisations syndicales et politiques, à la Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe. Les assemblées générales d'organisations syndicales liées à la CFDT, par exemple, sont ainsi l'occasion de diatribes contre les métropolitains qui occupent les emplois des domiens et les intervenants en appellent régulièrement à la créolisation des emplois.
Et pourtant, le mouvement social antillais, violamment anti-blanc, dans le mot d'ordre est 'la Guadeloupe est à nous' (péi cé tan nou – péi cé pa ta yo), reçoit un accueil extrêmement favorable en métropole, que ce soit dans des organisations politiques d'extrême gauche, dans les organisations syndicales de travailleurs, toutes étiquettes confondues, ou plus largement dans l'opinion publique ...
Cette situation me semble préoccupante. Comme l'écrivait un intervenant anonyme depuis les Antilles, un mouvement social où fleuriraient des pancartes 'la France est à nous' serait immédiatement condamné, les syndicats ou les partis politiques y participant cloués au pilori ... et les associations de lutte contre le racisme s'en seraient immédiatement saisies et auraient porté plainte ... Et pourtant, en Guadeloupe ou en Martinique, cela semble presque naturel et normal, et le mouvement bénéficie de l'appui d'une forte majorité ... Pas de plaintes, peu de personnes expriment une opinion contradictoire ... (même si j'ai entendu M. Lubel, président du conseil général de Guadeloupe, exprimait son refus de cette dérive raciste de la société guadeloupéenne, qui ne correspondait pas à la vision multiraciale qu'il avait de la Guadeloupe) ...
Je suis d'ailleurs tout autant inquiet de la volonté manifeste du gouvernement de proposer leur autonomie aux départements français d'outre-mer, ne comprenant pas qu'en raison de l'agitation d'un partie de leur population, l'appartenance de ces régions d'outre-mer, de ces territoires qui ont fait le choix de devenir départements d'outre-mer il y a un peu plus de soixante ans, à la France puisse être aussi facilement remise en cause par un gouvernement censé représenter la france dans son ensemble. J'ai un peu l'impression que le gouvernement cherche, soit à faire peur, soit à se débarrasser d'un fardeau envahissant ou embarrassant ... Peut-on imaginer une sorte d'accord tacite secret entre Nicolas Sarkozy et des dirigeants politiques domiens qui ont toujours prôné l'indépendance ou l'autonomie (Paul Vergès à la Réunion) et qui ont été étrangement neutres lors des précédents scrutins électoraux nationaux (la dernière présidentielle) ?
Réflexion cinq (24 février 2009)
Quelques approximations sur les DOM
Il n'est pas facile d'avoir son idée sur ce qui se passe dans les DOM. En lisant mon 'ami' Usbek, quelques idées me sont venues. Un certain nombre d'approximations sont en effet véhiculées par les médias nationaux et par les divers intervenants ou présentateurs sur le sujet.
a) La situation sociale est-elle vraiment plus difficile pour les antillais (ou pour les guyanais ou les réunionnais) que dans l'Hexagone ? Je ne le pense pas. Le taux de chômage des jeunes ou des plus vieux et le nombre de érèmistes et de 'pauvres' y sont certes plus importants qu'en France métropolitaine, mais ces chiffres n'intègrent pas les échanges de l'économie informelle (du travail au 'noir') qui y sont très développés. D'une certaine manière, je ne suis pas sûr que la généralisation du RSA (revenu de solidarité active) en remplacement du RMI (revenu minimum d'insertion) ne rencontrera au fond un engouement très massif dans les départements d'outre-mer, dès lors que nombres de érèmistes domiens comprendront qu'il leur faudra travailler pour obtenir légèrement plus que ce qu'ils obtenaient précédemment sans aucune autre obligation.
Des postes de dépenses différents dans les DOM (parfaitement rappelés par Usbek) et des revenus non déclarés non négligeables pour de très nombreuses personnes (trouver une personne acceptant un emploi déclaré de femme de ménage y est ainsi particulièrement difficile, alors que trouver une personne non déclarée y est beaucoup plus simple, avec tous les risques que cela implique ... d'assurance, d'accident du travail ou de contentieux).
Pourquoi la situation sociale a-t-elle explosé en Guadeloupe dans ce cas ? La faute, je le pense, à un climat délétère dans tous les DOM sur la question du prix des carburants. Régulièrement, les DOM sont bloqués par les transporteurs routiers pour obtenir une baisse des carburants. De telles mouvements ont eu lieu très récemment à la Réunion puis en Guyane, et c'était l'une des revendications phare du collectif guadeloupéen. Le fait que la baisse mondiale du pétrole n'ait pas été répercutée immédiatement dans ces départements a posé problème, en raison d'erreurs d'approvisionnement des opérateurs domiens disposant de monopole. Mais aucun domien ne s'était plaint lorsque les cours du pétrole était à leur plus haut, début 2008, du fait que les prix des hydrocarbures dans les DOM étaient moins élevés que dans l'Hexagone.
Sur ce mouvement de contestation du prix des carburants, commun à l'ensemble des DOM, s'est cristallisé un mouvement de revendications plus profond mené par le LKP (Liannaj Kont Profitasyon), qui s'est nourri des rancoeurs accumulées par les guadeloupéens et des sentiments sous-jaccents indépendantistes et anti-blancs propres à ces géographies antillaises, qui ont particulièrement souffert de l'histoire esclavagiste et en ont gardé un souvenir douloureux.
b) La question de l'octroi de mer. L'octroi de mer, comme le rappelle Usbek, est effectivement un impôt affecté aux collectivités locales domiennes (Région, département, communes) ayant une signification économique, et permettant de protéger les productions locales en taxant plutôt les produits importés. Cette taxe a dû être réformée pour demeurer compatible avec le droit communautaire, et elle concerne aussi maintenant un certain nombre de productions locales, qui n'ont pas le même besoin de protection douanière que certaines productions industrielles.
L'octroi de mer représente une importante source de financement des collectivités locales d'outre-mer et sa suppression aurait des conséquences catastrophiques pour les économies domiennes, pour l'équilibre budgétaire des collectivités locales, pour le financement des emplois publics notamment pour le personnel communal, mais aussi pour les productions locales qui pourraient disparaître si elles étaient soumises à la concurrence étrangère sans aucune protection douanière (des exploitants agricoles aux industries de substitution de produits importés).
Si le débat concernait véritablement le pouvoir d'achat, la suppression de l'octroi de mer pourrait être une solution, mais cela reviendrait pour les domiens, à scier la branche sur laquelle ils sont assis, avec des conséquences catastrophiques pour l'emploi.
Par ailleurs, l'octroi de mer se superpose à des taux de TVA beaucoup plus faibles qu'en métropole, avec un taux normal de 9,5% (au lieu de 18,6%) et un taux minoré de 2,1% (au lieu de 8,5% en métropole) ... sauf erreur de ma part ... Remplacer de l'octroi de mer, finançant les collectivités locales, par de la TVA, finançant l'état français, ne serait pas d'un phénoménal intérêt, surtout que les biens qui seraient avantagés seraient notamment l'automobile (ou les taux cumulés doivent dépasser 30% et beaucoup plus pour les moteurs de grosses cylindrées), ce qui n'est ni bon pour le climat, ni pour les embouteillages.
A ce sujet, comment des gens aussi majoritairement pauvres peuvent-ils se permettre de disposer d'un parc automobile aussi neuf et aussi important ? La voiture est le bien préféré de très nombreux domiens (que ce soit à la Réunion ou aux Antilles). Les établissements de crédit accordent assez facilement des crédits pour financer l'acquisition de tels biens (beaucoup plus onéreux qu'en métropole), même à des personnes dont le seul revenu est un RMI, accessoirement ... Je vois là un signe de l'importance de l'économie informelle, qui a toutefois le désavantage de ne pas transparaître dans les revenus des foyers domiens et de permettre de faire croire que les domiens sont massivement non fiscalisés et pauvres, ce qui n'est pas aussi vrai (même si on y trouve évidemment des personnes pauvres comme dans l'Hexagone, de même que des travailleurs pauvres).
Il y a certes un malaise dans les DOM ... mais un malaise qui prend toutefois racine dans des facteurs très différents de ce qui est présenté aujourd'hui dans ce mouvement social guadeloupéen. Ce que l'on appelle une forme de récupération ...
Réflexion quatre (21 février 2009)
Nicolas Sarkozy envisage-t-il une indépendance ou l'autonomie des départements d'outre-mer ?
Le discours de Nicolas Sarkozy a ouvert une possibilité dont un certain nombre d'élus politiques autonomistes ultra-marins se sont déjà engouffrés ... la convocation d'états généraux où aucun sujet ne sera tabou ... Je pensais que la démocratie française ne pouvait pas s'imaginer se détricotant ; qu'il n'était pas envisageable qu'une minorité d'activistes prennent en otage un département en entier et que le gouvernement ne profite de cette colère apparemment affichée pour prendre des mesures de rétorsion ... Mais je me trompais !... La France semble prête à se débarasser de ses départements d'outre-mer, prête à les confier à une poignée d'activistes et d'autonomistes, de dictateurs en herbe qui pourront alors se tailler l'empire (minuscule) dont ils rêvent depuis des décennies ...
Les départements d'outre-mer sont-ils attirés par l'autonomie ? Les martiniquais, les guadeloupéens, les guyanais, les réunionnais souhaitent-ils une séparation de la France, de cette métropole et de ces énarques si souvent critiqués ?
Pourquoi cette idée évoquée par Nicolas Sarkozy dans laquelle tous les serpents autonomistes que compte l'outre-mer se sont engouffrés ? Que cherche-t-il ? Pourquoi un mouvement guadeloupéen parti d'une revendication contre la cherté de la vie, pour une majoration des bas salaires de 200 euros, débouche-t-il sur la possibilité d'une remise en cause de l'appartenance des DOM à la république française ? Quel sens a cette réponse du Président de la République.
Le soir même, à la Réunion, un vieux briscard de la politique réunionnaise, Paul Vergès, expliquait qu'il était temps de passer à l'étape suivante, que les réunionnais se trouvaient une nouvelle fois à un carrefour de leur histoire, comme en 1948, lorsque la Réunion avait choisi de devenir un département français d'outre-mer. Les réunionnais sauraient-ils se montrer dignes de l'histoire, comme leurs prédécesseurs, demandait-il ? Je sens une envie chez Nicolas Sarkozy de se séparer des départements français qui ne l'ont jamais aimé, à la différence de Jacques Chirac qui éprouvait un certain bonheur apparent à ces fêtes et à ces réceptions colorées ...
Nicolas Sarkozy n'aime rien de tout cela ... pas de bling-bling ... un peu comme le salon de l'agriculture ... plein de connards qui ne l'aiment pas et qu'il ne comprend pas ... auxquels il ne comprend rien ... Il en va de même pour les DOM ... Je sens chez lui une haine des DOM et des domiens, que je ne m'explique pas ... Nicolas Sarkozy, au nom de la France, lâche une partie de la République française, une partie certes qui ne lui rapporte pas grand chose mais lui coûte énormément ... Une évolution statutaire aurait l'avantage de réduire les obligations sociales de la France, le coût de la facture, puisque dans ces îles des Antilles et de l'Océan Indien, la France n'y a jamais conduit d'expériences nucléaires, à ma connaissance ... Evidemment, il y a Kourou en Guyane, indispensable pour l'instant à la fusée Ariane ... La Guyane aura son indemnisation ...
La fin des danseuses de la République ? Quel pourra bien être l'opinion des opinions publiques domiennes ? Car une évolution statutaire de ces départements, un éloignement du statut de département français, impliquera forcément, immédiatement ou à terme, une remise en cause des dispositifs sociaux (RMI, CMU, allocations ...) que touche une grosse majorité de la population domienne ... Les lois françaises, les dispositifs sociaux ou fiscaux français, ne s'y appliqueront plus automatiquement ... Faut-il parler de manipulation ? Et qui manipule qui ?
Réflexion trois (20 février 2009)
Quelle désespérance ?
Nicolas Sarkozy a une nouvelle fois répondu à l'urgence par un beau discours. Celui-ci verra-t-il un début de mise en application ? Dieu seul le sait ? Les promesses du Président suffiront-elles aux guadeloupéens et aux martiniquais pour arrêter leur mouvement de grève ? La situation en Guadeloupe est-elle tout simplement encore sous contrôle, avec notamment des bandes de jeunes incontrôlables qui s'attaquent plus largement à l'ensemble de la société, avec des bandes de jeunes dans la désespérance, dans l'exclusion sociale, dans la rupture sociale ? Un leader syndicaliste parti en guerre contre la république française peut-il même appeler à l'arrêt d'un conflit social qui est son gagne-pain, sa légitimité, sa chance historique de marquer l'histoire ?
Dans cette phrase de Nicolas Sarkozy ... « Je sais le sentiment d'injustice qui vous habite face à des inégalités, à des discriminations qui vous paraissent à juste titre, j'emploie le mot, intolérables. Ce sentiment d'injustice, je le comprends, je le partage »" ... que faut-il comprendre ? ... « Comment en effet justifier que les prix dans les départements d'outre-mer soient plus élevés qu'en métropole et donc le pouvoir d'achat plus bas ? Comment justifier que le chômage y soit si important ? Comment justifier les monopoles, les surprofits, les rentes de situation et des formes d'exploitation qui ne devraient plus avoir cours au XXIe siècle ? » ...
Evidemment, ce discours n'a pas été écrit par Nicolas Sarkozy mais par l'une de ses plumes ... Henri Guaino vraisemblablement ... Mais ces hommes ont-ils une véritable compréhension de ce sentiment d'injustice, de désespérance ?
On peut être en complet désaccord avec les moyens utilisés en Guadeloupe, avec l'argumentation développé, avec l'objet du combat, n'être d'accord ni avec les revendications, ni avec le fait de faire grève, ni avec le fait de tout bloquer et de prendre en otage la population, ni avec les sentiments anti-blancs et anti-métropolitains qui animent de très nombreux antillais ...
... Mais être en même temps, au fond, d'accord pour parler d'un formidable malaise sur la forme de la présence et de l'hégémonie de tous les décideurs blancs métropolitains qui accaparent la majorité des postes de responsabilité des services de l'état et des établissements publics, pour dénoncer les discours condescendants et creux de tous ses fonctionnaires, responsables, hommes politiques et ministres, pour dénoncer les rentes issues de la colonisation et de l'esclavagisme qui permet à quelques riches familles créoles blanches (béké) de contrôler des économies domiennes et de se partager avec de grands groupes métropolitains des secteurs économiques ...
Réflexion deux (19 février 2009)
La situation dégénère en Guadeloupe ... La faute à qui ?
Un leader syndicaliste, membre du "collectif contre l'exploitation" (LKP - "Liannaj Kont Profitasyon" - merci à Usbek pour la signification de ce sigle) a trouvé la mort dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 février, apparemment victime de coups de feu tirés par de jeunes manifestants guadeloupéens tenant une barricade autour de la cité Henri-IV, dans un quartier sensible de la commune de Pointe-à-Pitre. Comble de l'ironie, les deux hommes auraient pu être confondus avec des policiers circulant en voiture banalisée par les bandes de jeunes qui tenaient les barricades. Une morale qui pourrait être retenue de cette histoire (pour tous ceux qui valident ce genre d'actes) : toujours bien vérifié avant de tirer sur les forces de l'ordre ...
Bon évidemment, c'est déjà la faute de l'état ! Elie Domota, leader du LKP, a émis des "doutes" sur la "version officielle". "On demande à la justice de mener une enquête approfondie pour réellement définir ce qui s'est passé parce que les circonstances sont encore troubles", a-t-il affirmé. De même, François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, estime que la mort du syndicaliste guadeloupéen est "en partie la responsabilité du fait que le gouvernement ne parle plus de ce sujet depuis une semaine". Quant à Ségolène Royal, elle estime que c'est la faute à Sarko ...
Et pourtant, en Guadeloupe, la situation est tout autre, avec des bandes de jeunes, cagoulés, armés, parfois sous l'emprise de stupéfiants, pour certains âgés de 15 ans, qui prennent d'assaut les rues des villes et montent des barricades. A trop attiser l'incendie, même les incendiaires risquent d'être les victimes des incendies. Il est par trop tentant de devenir célèbre, par tous les moyens et quels que puissent être les risques pour les autres.
Le problème de la Guadeloupe (mais c'est également vrai pour l'ensemble de la France) est pluriel :
- la gabegie et l'incurie des élus politiques qui confondent l'intérêt public et leurs intérêts privés ;
- l'absence de responsabilité des représentants syndicaux intéressés par leur seule célébrité et leur médiatisation ;
- le carriérisme des fonctionnaires et l'absence de toute croyance en l'action publique ravalée au stade de simple moyen pour leur carrière ;
- couplé dans les DOM à l'arrogance de fonctionnaires métropolitains expatriés croyant détenir le monopole de l'intelligence et de la compréhension des faits ;
- l'avidité des classes les plus riches de la société, uniquement intéressées par leur enrichissement maximum et par la possibilité d'échapper à l'impôt, vécu comme une spoliation, sans se reconnaître aucune obligations, ni morales, ni financières, ni sociales, à l'égard de la collectivité ;
- l'assistanat des classes les plus pauvres de la société qui ne voient plus en l'état républicain qu'une source de revenus qui leur est due ;
- la désespérance de jeunes désoeuvrés, sans modèle pertinent ni familial ni social, sans perspective de carrière ou de travail, et qui voient simplement l'injustice invraisemblable d'une société où quelques milliardaires font plier les règles à leur convenance et profitent de l'exploitation de milliers de leurs salariés en vivant dans un luxe tapageur ...
- et enfin l'arrogance d'un Président de la République et de ses ministres qui croient que l'excitation désordonnée peut tenir lieu de politique publique, et imaginent qu'ils seront jugés sur le nombre de nouvelles idées énoncées à tout bout de champ ...
Réflexion une (17 février 2009)
On ne parle pas énormément de la situation aux Antilles et tout particulièrement en Guadeloupe dans l'Hexagone (pour ne pas écrire France métropolitaine). Et pourtant, les guadeloupéens vivent une situation de grève générale, quasi insurrectionnelle, depuis plusieurs semaines. Tous ne sont pas en grève et nombre d'entre eux sont simplement les victimes d'une prise en otage de l'ensemble de l'économie antillaise. Comme tout le monde dans ce cas-là, dans un lieu où tout le monde connaît tout le monde, où tout le monde se voit et sait ce que fait le voisin, on est souvent obligé de se joindre parfois aux mouvements de grêve, de s'afficher au côté des foules ...
Pour la forme, il faut aussi savoir que certains de mes très bons amis (ou amies) sont guadeloupéens ou martiniquais, et qu'ils me lisent parfois ... Et que certains font partie de ces grévistes ...
Que peut-on dire donc de cette situation guadeloupéenne ? Premièrement, les Antilles ont l'habitude de ces mouvements sociaux longs et destructeurs. Il y a un peu plus d'une décennie, une grève de plus de trois mois avait déjà paralysé l'économie antillaise et notamment le secteur des banques dites AFB ... Au final, il était sorti peu de choses de cette énorme grève ... Mais les banques AFB avaient perdu dans ce conflit les deux tiers de leurs clients et les principaux gagnants de cette grève avaient été leurs concurrentes, les banques mutualistes (Crédit Agricole et Banques mutuelles).
Ce n'est donc pas une situation exceptionnelle, pour la Guadeloupe.
Il me semble aussi que les organisations syndicales et politiques hexagonales auraient tord de prendre partie pour les 'révoltés' guadeloupéens ou martiniquais, car les relents indépendantistes de ces mouvements sociaux antillais (et surtout guadeloupéens) présentent tout particulièrement des connotations racistes (ou raciales), à l'inverse de ce que l'on défend ou conteste dans l'Hexagone. On entend notamment dans ces manifestations des slogans anti-blancs, même si cette situation est commune à l'ensemble de l'outre-mer français (se rappeler la chasse aux blancs/mzungus menée à Mayotte par certains partisans anjouanais). La Ligue contre le Racisme devrait s'intéresser à ce qui se passe là-bas, même si pour une fois, ce ne sont pas des personnes de couleur qui y sont agressées ou discriminées, mais des blancs.
Certains expliquent cette xénophobie par un chômage plus élevé dans ces îles que dans l'Hexagone, qui fleurtent avec une proportion de 20% de la population active (30% à la Réunion). Mais depuis quand trouve-t-on normal le racisme en France sous prétexte d'un chômage important ? En Guadeloupe, l'ouverture des commerces appartenant à des blancs métropolitains est ainsi empêchée par les manifestants, alors que les commerces appartenant à des guadeloupéens ne sont pas inquiétés.
Un tel climat xénophobe me conduit ainsi à être extrêmement réservé sur un tel mouvement social. Il ne fait pas toujours bon être blanc dans de telles manifestations, où certains ont vite fait de vous suspecter de représenter l'état ou les renseignements généraux ...
Les revendications avancées par les manifestants ne me semblent pourtant pas si incompréhensibles. Elles visent notamment la vie chère, qui est une réalité dans ces géographies, résultant notamment de politiques de marges commerciales élevées pratiquées par un certain nombre de commerçants riches (souvent békés), dont certains font financer l'expansion internationale de leurs 'empires' commerciaux sur le dos de leurs compatriotes guadeloupéens moins fortunés, associées à l'éloignement gééographique qui caractérise ces géographies et l'étroitesse du marché intérieur.
Il y a clairement un problème de fixation des prix dans ces géographies, que ce soit aux Antilles, en Guyane, à la Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française ou à Wallis-et-Futuna ... La raison en est d'abord géographique : tout bien supporte des frais d'expédition qui en renchérit le coût, sans qu'il soit possible de produire des substituts localement en raison de l'étroitesse des marchés, le niveau élevé des salaires au standard français, et l'absence de matières premières disponibles localement (à part le nickel en Nouvelle-Calédonie) ...
Mais demander une revalorisation générale des salaires de 200 euros pour tous les salariés ne constitue pas une réponse crédible à la crise dans ces départements, puisque cette revalorisation se répercutera invariablement sur les prix des produits commercialisés. A moins que l'état ne finance cette revalorisation en acceptant d'accorder des exonérations supplémentaires de charges aux entreprises ... Mais cela signifiera prochainement que l'état français ne collectera pratiquement plus aucun impôt dans ces géographies, qui bénéficient pourtant déjà très largement de la solidarité nationale et de la solidarité européenne.
Le risque est grand que face à de telles revendications raciales et autonomistes, face aux risques d'explosion sociale ainsi que de violences à l'encontre des ressortissants métropolitains, le gouvernement français ne réponde favorablement à la demande d'indépendance d'une partie de la population, avec toutes les conséquences imaginables de disparition des dispositifs sociaux français qui font vivre une partie de la population et de l'économie guadeloupéenne.
En même temps, une démocratie telle la France ne peut pas se séparer d'une partie de son territoire pour en punir les habitants sous prétexte qu'ils auraient manifesté trop violamment contre la politique du gouvernement. Sinon, le territoire de la France risquerait de se réduire comme une peau de chagrin, d'abord les départements ultra-marins, demain la Corse, après demain la Bretagne à cause des rfevendications des marins pêcheurs, le lendemain l'Aquitaine en raison des revendications des viticulteurs ou des mareyeurs, le sur-lendemain la région parisienne à cause de la grève des transports urbains ... Il n'y a pas plus de raisons de se séparer de la Guadeloupe, des Antilles ou des départements ultra-marins qu'il y en aurait à donner son indépendance à une région française à l'intérieur de l'Héxagone. Quelle qu'en soit la raison ...
Saucratès
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