Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Ecole et violence scolaire (1)

Réflexion huit (27 juillet 2009)
Violence et école (suite) ...

Le milieu scolaire est un endroit où règne la violence. Cette violence n'est évidemment pas uniquement et seulement le fait de l'institution scolaire elle-même. Elle émane également des relations entre les enfants eux-mêmes. Mais ce qui me semble ahurissant, ce sont les réactions hystériques des équipes éducatives lorsque la violence touche un membre enseignant, que soit par le biais d'une arme ou par le biais d'une giffle, et la différence de perception ressentie lorsque ce même genre de violences est le fait d'un enseignant et touche un enfant. C'est un peu comme si frapper un enfant était normal aux yeux des personnels enseignants, et qu'il fallait apprécier de tels actes dans leur contexte. A l'inverse, toute agression à l'encontre d'un enseignant serait un crime impardonnable, une agression contre la société. Aberrant !

L'aberration, c'est en fait la valeur accordée à un enseignant en tant que représentant de la loi, en tant que personne dépositaire d'une autorité publique. L'aberration, c'est le fait de vouloir reconnaître à un enseignant une valeur supérieure à celle de toute autre personne modestement employée, par exemple caissière à un supermarché ... Cette personne aurait en fait tout autant le droit d'espérer se voir reconnaître une autorité particulière, le droit de voir ses agresseurs être poursuivis pénalement pour atteinte à une personne dépositaire de l'autorité publique, comme c'est le cas pour un enseignant molesté. Mais ce n'est pas le cas.

Je dois avoir également un problème avec l'autorité. Je ne comprends pas comment l'on peut estimer que tel ou tel métier peut valoir plus de considérations à une personne qu'un autre métier, et qu'une agression touchant une personne n'est strictement égale à celle touchant toute autre personne, même si ce n'est qu'un clochard ... L'assassinat du préfet Erignac et les protestations qui avaient suivi m'avaient pour cette même raison fortement gêné. L'assassinat de M. Erignac m'avait semblé tout autant dramatique que tout autre assassinat frappant un père de famille, mais pas plus. En tant que préfet, M. Erignac ne méritait pas mon admiration. Son train de vie, son style de vie mondain imposé par ses obligations préfectorales, ses relations limitées aux hautes sphères de l'état, dans la préfectorale, parmi la haute société des villes et des départements où il exerçait, me semblaient avoir suffisamment récompensé cette personne de son activité professionnelle, qu'il ne devait vraisemblablement qu'à la réussite au concours d'entrée à l'Ena, quelques décennies auparavant.

En clair, je ne fais pas partie de ceux qui estiment que des diplômes donnent une légitimité quelconque, ni qui reconnaissent une quelconque supériorité à des personnes en fonction de leurs responsabilités ou des décorations que quelques ministres ont estimé qu'ils méritaient. Ces décorations, que ce soit l'ordre du mérite ou la légion d'honneur, ne sont pas accordés le plus souvent en fonction de ce que les gens ont fait mais en fonction de leurs responsabilités et de leur réseau d'influence. Ce ne sont presque jamais des sans grades qui sont médaillés de l'ordre du mérite ou de la légion d'honneur, mais des gens célèbres ou des gens puissants.

2) La violence entre enfants

L'école tout comme les crêches d'enfants sont des lieux de violence où l'enfant est très tôt confronté aux relations interindividuelles et à l'apprentissage de l'évitement des conflits et des stratégies de réactions aux situations d'affrontement. Dès le plus jeune âge, en crêche, l'enfant doit apprendre le langage du corps, le discours non verbal, face aux risques d'agression.

Dans les années 1970 et 1980, l'école, le collège et le lycée étaient déjà des lieux de grande violence, où les batailles entre enfants existaient déjà, où des enfants étaient déjà parfois les souffre-douleurs de leur classe, où l'on connaissait déjà les rackets. Evidemment, la technologie des téléphones GSM n'existait pas encore, et il ne restait en fait pas de traces d'épisodes de violence comme la baffe joyeuse (happy slapping), même si cette forme de violence existait déjà.

Dire que le milieu scolaire est ainsi aujourd'hui devenu beaucoup plus violent que par le passé ne me semble ainsi pas si évident ; l'école, le collège et le lycée ont toujours été des lieux de violence, de tout temps, il y a vingt ans comme il y a quarante ans. Seule la situation dans certaines zones urbaines, comme les cités parisiennes du neuf deux ou du neuf quatre, présentent-elles une situation plus grave qu'elle ne l'était il y a vingt ou quarante ans.

Face à la violence de ses camarades, l'enfant ne possède pas toujours la bonne attitude, le bon algorythme de décryptage, la connaissance des bonnes attitudes non-verbales qu'il faut avoir pour faire face aux menaces d'agression. C'est une chose qui s'apprend peut-être, ou qui est innée. Dans tout groupe social humain, il y a des leaders et des meneurs, comme dans tout groupe animal, il y a des mâles dominants et des femelles dominantes.

Simplement, les crêches d'enfants, les écoles, les collèges et les lycées sont des lieux fermés où ces relations de leadership et de violence sont exacerbées par rapport à la vie de tous les jours, par rapport aux situations que nous rencontrons dans la vie adulte suivante. Il y a, à mon sens, une erreur de notre système d'enseignement français et de l'organisation de nos institutions scolaires (que l'on retrouve à mon sens également dans les grandes écoles notamment à l'occasion des rites d'initiation, lieux également de violence symbolique).

L'école ne joue pas son rôle en n'intervenant pas pour réguler les interrelations sociales entre les enfants pendant leur jeunesse, et en laissant se développer de telles formes de violence et de tels comportements violents. Que cette violence quitte les cours de récréation pour venir éclabousser les enseignants n'est qu'une triste conséquence d'une inaction coupable.

Quand à la perte de prestige et d'autorité de l'école et de l'enseignant, est-elle due au manque de motivation des enseignants, qui ne choisissent plus toujours cette voie par vocation ?... ou est-elle due à la réalité économique extérieure, qui n'offre plus de perspective de carrière et de réussite aux enfants ni de modèles représentatifs par le travail et la réussite scolaire ?...

 

Réflexion sept (26 juillet 2009)
Violence et école ...

On ne parle le plus souvent de la violence à l'école que lorsque un enseignant est poignardé ou frappé par un enfant, comme si la violence à l'école, ce n'était que cela. A l'inverse, lorsque qu'un enseignant frappe un enfant, ce n'est pas la violence qui est stigmatisée, mais la démesure de la réaction des forces de l'ordre à l'encontre d'un brave professeur confronté à la montée de la délinquence et à la difficulté de l'autorité.

Mais la violence à l'école, ce n'est pas que cette violence des enfants face aux enseignants, ou la difficulté d'enseigner dans des collèges ou des lycées difficiles, même si le fait d'enseigner ne doit pas toujours être facile. Je ne le nie pas ; je n'aurais pas su résister à cette pression. Mais enseigner doit correspondre à une vocation ; alors que c'est souvent un job alimentaire, de la part de personnes qui n'ont pas trouvé d'autres débouchés à la fin de leurs études supérieures. Et de là naissent les premiers problèmes.

Les enfants sont confrontés à de très nombreuses formes de violence à l'école, au collège, au lycée, voire à l'université.

1) La violence institutionnelle

La première de ces violences est la violence institutionnelle de l'institution scolaire. L'école est d'une certaine façon rien d'autre qu'un lieu de dressage des enfants pour en faire de futurs adultes obéissants et respectueux des lois et des règlements. L'école est un lieu de règles et l'enfant n'y a que peu de droits, mais énormément de devoirs, de devoirs-être et de devoirs-faire. Et l'école est même un lieu d'exportation de devoirs vers la maison, avec les devoirs à faire le soir, après une journée de travail.

Cette violence institutionnelle, c'est la violence théorique, putative, arbitraire, des enseignants, maîtres ou professeurs, sous l'autorité desquels les enfants passent toute la journée scolaire. L'école, c'est des adultes ayant une autorité, par le simple fait de leur âge, sur des enfants qui leur sont inféodés. Cette violence institutionnelle, c'est ainsi le système des colles, des retenues, des observations, des mots dans des cahiers, donnés par des professeurs à l'encontre d'enfants, sans aucune possibilité d'appel, de procès équitable devant une juridiction paritaire, sans même de possibilité de réciprocité, c'est-à-dire pour un enfant de contester la capacité d'un enseignant à faire cours ou de les noter ...

L'école est une zone de non-droit où nos enfants sont soumis au diktat d'adultes tristement humains, absurdement faillibles, et souvent admirables. Il suffit de voir que le redoublement est pensé le plus souvent comme une mesure vexatoire par certains enseignants, comme la reconnaissance d'un échec de l'enfant, et le refus des parents d'accepter le redoublement comme une remise en cause de l'autorité des enseignants, de leur pouvoir de vie ou de mort sur l'enfant ...

Enfin, cette violence institutionnelle fait apparaître la difficulté de l'application des lois de la République, notamment sur l'absence de toute discrimination à l'encontre des enfants. Comment prouver qu'un enseignant n'a pas pris en grippe un enfant à cause de son nom, de son origine, de sa religion, de son sexe, parce qu'il s'appelle Mohamed, Ahmed, Benazouz ou au contraire Dupont ou Durand ? Comment prouver que les notations d'un enseignant ne sont pas subjectives ? Comment prouver qu'une demande de redoublement, une éviction d'un établissement n'a pas pour raison l'apparence de l'enfant, son comportement, les désordres psychologiques d'un enseignant plus que ses résultats scolaires ?

Evidemment, ces comportements que je dépeins ne correspondent qu'à quelques centaines de cas d'enseignants ou de personnels éducatifs sur des millions. Les enseignants sont majoritairement dévoués à leur classe, à leurs élèves, et tentent de leur transmettre quelques parcelles de leurs connaissances, de les intéresser. Et pourtant, en tant que parent d'élèves, en tant qu'ancien élève, nous avons tous le plus souvent été confrontés à quelques enseignants ressemblant à cela ... Des enseignants incapables de dire un mot d'encouragement à l'enfant qui leur fait face, mais uniquement capable de le descendre devant ses parents ... La violence institutionnelle à l'école, ce sont les enfants qui pourraient le mieux nous en parler !

C'est cela l'école, une zone de non-droit ! Un lieu soumis à l'arbitraire des adultes. Et on s'étonne que certains enfants se révoltent contre ce dressage, contre cette aliénation ?


Réflexion six (24 juin 2009)
Nouveau cas de violence de la part d'un enfant dans une école ...

A Arras, une enseignante aurait été insultée et giflée par un enfant de 10 ans dans sa classe. L'enseignante a porté plainte la semaine dernière et l'enfant devrait être convoqué, avec sa mère, prochainement au commissariat de police.
http://fr.news.yahoo.com/77/20090624/tfr-arras-une-institutrice-gifle-par-un-37c756d.html

Evidemment, ces statistiques de violence à l'égard d'enseignants ne recensent pas non plus toutes les violences, physiques ou morales, qui sont commises contre les enfants dans les écoles par les personnels enseignants. Je doute qu'il n'y en ait aucune et que tous les enseignants soient au-dessus de tout soupçon. Il est plus vraisemblable que les médias n'accordent pas la même importance à ces différents types d'évènements, et qu'ils ne s'intéressent qu'aux actes qui aboutissent à une plainte ou mieux à un jugement ...

Dans la médiatisation de ces histoires, je crains sérieusement des traitements différents selon que les victimes ou les agresseurs soient des enseignants ou des enfants. Dans le cas de l'enseignant qui avait giflé un élève, la procédure judiciaire engagée contre l'enseignant avait été présentée par nombre de ses collègues ou de syndicalistes comme disproportionnée, et on avait estimé que le fait que le parent d'élève ait été gendarme n'était pas étranger à l'acharnement témoigné à l'égard du brave enseignant.

Va-t-on voir les mêmes réactions des mêmes bonnes âmes ? Vont-elles également estimer qu'une convocation au commissariat du jeune coupable est exagérée. Après tout, il ne s'agit tout de même que d'une gifle. A moins que ces personnes n'estiment qu'un enfant de 10 ans donnant un gifle à un adulte est bien plus angoissant, fait bien plus peur, qu'un adulte frappant un enfant ?

A moins que certains n'estiment que frapper et harceller moralement un enfant (en le punissant régulièrement d'observations et d'heures de retenue) est absolument normal, tandis que l'inverse, à l'égard d'un adulte de la part d'un enfant est inacceptable. Comme si les enseignants et les adultes valaient beaucoup plus, étaient beaucoup plus importants que des enfants ? Ce qui me semble être absolument contraire aux droits des enfants, mais que nombre d'enseignants français ne reconnaissent pas du tout. 


Réflexion cinq (29 mai 2009)
Quelle place pour l'enfant dans le monde de l'enseignement ?

Evidemment, je ne suis pas particulièrement compétent pour traiter de ce problème, alors que des spécialistes en sciences de l'éducation passent leur temps à étudier et à réfléchir sur ce sujet et sur ses différentes conséquences et implications. Mais en tant que parent d'élève, confronté à l'école, au collège, et à déjà un certain nombre d'enseignants, mon interrogation n'est pas forcément sans objet.

Alors que plusieurs faits divers regrettables ont émaillé l'actualité ces derniers temps, où des enfants ou des adolescents en sont arrivés à poignarder un de leur professeur en réaction à certaines de leurs décisions à leur encontre, on ne peut pas refuser aux parents de s'interroger sur le système éducatif français et sur la place qui y est laissé aux élèves. Ce que je trouve de particulièrement choquant dans les divers évènements médiatiques qui ont concerné le monde de l'enseignement, c'est le fait que les enseignants et leurs syndicats prennent toujours le parti des enseignants face aux enfants et à leurs parents. Qu'un enseignant soit poignardé, qu'un enseignant brutalise ou insulte un enfant, qu'un instituteur menace avec un cutter un enfant en parlant de couper son sexe, les réactions de soutien aux enseignants sont toujours les seuls que l'on entend dans le monde de l'enseignement. Nul ne pense aux enfants.

Or, qu'observe-t-on dans les réactions entre enseignants et parents et élèves ? Une fois sur deux, des enseignants qui passent leur temps à décrire les erreurs des enfants devant leurs parents, sans soulever une seule fois les points positifs des contacts avec l'enfant. Certains poussent le vice à chercher avant de rencontrer les parents les manquements de l'enfant pour appuyer leur opinion négative sur celui-ci. Ce comportement me rappelle les méthodes d'entretien de notation de certains mauvais managers dans les entreprises, qui s'emploient à descendre chaque année leurs subordonnés pour ne pas avoir à les augmenter ou les promouvoir. Comportement qui est bizarre puisque les enseignants justement ne sont pas notés de cette manière ; on ne peut donc les soupçonner de se venger sur les enfants.

J'ai évidemment dû fréquenter de tels enseignants pendant la scolarité de mes enfants, et j'en ai également connu un certain nombre pendant ma propre scolarité. Contrairement aux idées reçues, ceux-ci n'ont pas disparu malgré le développement des sciences de l'éducation ; ils doivent représenter une bonne moitié des enseignants.

Je reconnais toutefois qu'une autre moitié appréhende les rapports avec les enfants d'une manière un peu différente, évoquant les qualités et les défauts des enfants, s'intéressant également à un enseignement à visage humain.

Quelle est la place reconnue aux enfants à l'école, au collège ou au lycée ? L'enfant est-il reconnu comme un membre à part égal de la société, comme un citoyen en devenir à part entière, avec des droits et des devoirs, comme l'égal en droit des adultes chargés de son enseignement et je n'ose dire de son éducation ?

Pour de nombreux enseignants (j'en ai connu un certain nombre ...), l'enfant n'a pas de droits mais seulement le devoir d'obéissance aveugle à leurs désidératas ... Le devoir de s'écraser ...

L'institution même de l'école élimine toute reconnaissance de droits aux enfants, face à la parole des adultes. Il n'existe ainsi aucune possibilité de défense pour les enfants qui se voient sanctionner par une observation, une colle ou une retenue. Est-ce normal ? Est-il normal que la voix d'un enseignant soit considérée comme supérieure à la parole d'un enfant ou d'un adolescent ? Je ne le pense pas, alors que le principe même de la justice française, le droit reconnu à tout justiciable, est de pouvoir être entendu et défendu avant d'être jugé et condamné. Pourquoi les enfants à l'école, au collège ou au lycée, ne se voient-ils pas reconnaître à minima ce droit inaliénable ?

Et on s'étonne après que l'enseignement français crée de la frustration et un sentiment d'injustice chez nos enfants, et que certains d'entre eux, même âgés d'une douzaine d'années, puissent poignarder un de leur enseignant ?


Réflexion quatre (20 mai 2009)
L'école et la violence (suite) ...


Une enseignante poignardée, un enfant emprisonné et peut-être prochainement une sécurisation par portiques de détection des entrées des collèges et lycées français ... des syndicats enseignants qui demandent plus de moyens humains dans les collèges et lycées, comme si c'était l'insuffisance des moyens d'encadrement des collèges qui étaient à l'origine de cet incident regrettable.
http://www.ladepeche.fr/article/2009/05/17/607849-Le-collegien-de-13-ans-en-detention-a-Lavaur.html

Il y a vingt à trente ans de cela, comme il y a cinquante ans, au sortir de la seconde guerre mondiale, les collèges et lycées français étaient déjà des endroits empreints de violence, le plus souvent entre les enfants (ou les adolescents) eux-mêmes. Actuellement, la situation est très loin de s'être améliorée ; les moyens modernes de télécommunication (GSM) permettant même de donner une nouvelle dimension médiatique aux brimades imposées à certains 'camarades' (happy slapping par exemple). L'école est encore plus que par le passé un lieu de violences, d'agressions, de rackets ...

Mais c'est aussi devenu, plus que par le passé, un lieu d'injustices, de la part principalement des équipes enseignantes et de surveillance. Et cette forme d'injustice vécue par les enfants se déroule dans un monde extérieur qui est devenu beaucoup plus égalitaire qu'il y a une vingtaine ou une quarantaine d'années.

Il n'est pas neutre que cet incident se soit déroulé en relation avec l'application d'une retenue à un élève par l'enseignante, motif qui apparaît tellement futile à tant d'adultes, pour une si petite sanction, mais sanction qui rythme et pollue la vie scolaire et familiale de tant de nos chères têtes blondes. Combien de leurs journées n'ont-elles pas été gâchées par ces punitions données par un professeur excédé par des problèmes personnelles qu'il n'aurait pas dû amener à l'école (dispute familiale, énervement dû au trafic automobile ...) ? Pourquoi personne ne s'est interrogé sur la nécessité de cette sanction donnée par l'enseignante de mathématiques ?

En tant que parents et anciens collégiens, comment se fait-il que nous puissions laisser nos enfants sous le règne de l'injustice qui règne dans les salles de classe des collèges et lycées. Il y a un lycée à Paris, pour enfants en voie d'exclusion scolaire, qui repose sur la reconnaissance de l'égalité des enfants et des enseignants. Ce n'est absolument pas le cas de l'enseignement public normal ou de l'enseignement privé. Comment se fait-il que dans une société soi-disante autant égalitaire que la nôtre, les enseignants et les surveillants des écoles, collèges et lycées disposent d'un tel pouvoir de sanctions et de brimades, sans aucune possibilité d'appel ouvert aux enfants ou aux parents ?

Evidemment, les coups ont disparu de l'école ! Heuresuement ! Mais l'envie de nombre d'enseignants de faire cours, de transmettre les valeurs de la république et des connaissances aux enfants a cependant disparu en même temps. Le temps des hussards noirs de la république est fini depuis bien longtemps. Que reste-t-il ? Un système administratif de sanctions et de brimades contre les élèves, avec une toute-puissance accordée à un enseignant et au système éducatif (comme à l'époque des hussards noirs de la république). Et une machine à sanctions qui s'est emballée ; la sanction étant devenue une fin en soi et l'objet d'une note de vie scolaire.

C'est le principe de la sanction, de son injustice, et son illégitimité, aux yeux des enfants et de leurs parents, qui doit être mis en jugement dans cette affaire d'enseignante poignardée, et non pas ce jeune de douze ans. Je connais des enseignants dont l'injustice à l'égard de leurs élèves est si flagrante que la survenue d'un tel incident ne me surprendrait pas. Et cette illégitimité et cette instrumentalisation des sanctions me semblent pour rappel d'autant plus incompréhensibles, qu'elles interviennent dans une société française qui a énormément évolué depuis quelques décennies, où les droits des enfants sont affirmés et défendues, et où il est incompréhensible que ceux-ci puissent être soumis à un tel arbitraire de la part d'adultes, arbitraire sans aucune vertu pédagogique, sans aucune légitimité si ce n'est celle du pouvoir lui-même et du droit à l'arbitraire ...

On apprend dans leurs écoles à nos enfants l'existence de l'injustice et de l'arbitraire, et on s'étonne qu'ils soient révoltés et violents ! Le système éducatif essaie de faire en sorte que pas une tête ne sorte des rangs, que pas une tête ne dépasse, que pas une tête ne diffère, et la société prône pourtant la différence et le métissage ! Une forme de standardisation des comportements et des apparences à l'école dans une société plurielle, sans même l'assurance que cette standardisation protégera les enfants, qui peuvent se trouver soumis à l'arbitraire d'un enseignant qui ne supportera pas les garçons, les filles, une voix, une apparence, un regard ou autre chose ...

L'école, règne de l'arbitraire ! Réalité que nous essayons d'éviter de regarder et de remarquer, mais réalité dans laquelle nos enfants grandissent et dans laquelle ils doivent se construire et grandir. Et nous nous étonnons après cela que certains d'entre eux poignardent leurs enseignants et deviennent des membres du 'gang des barbares'.

C'est l'institution de l'école, son fonctionnement et la place de l'enfant à l'intérieur, qu'il faut mettre en procès ...


Réflexion trois (16 mai 2009)
L'école et la violence, une nouvelle fois ...


Hier, vendredi matin, un élève de douze ans, en cinquième dans un collège de Fenouillet, à côté de Toulouse, a poignardé sa professeur de mathématique pour lui avoir donné une heure de colle (heure de permanence en fin d'après-midi) pour apparemment ne pas avoir rendu la correction de son devoir. L'enfant est revenu le lendemain avec un couteau et a attendu la fin du cours pour poignardé son enseignante après lui avoir demandé si elle levait la punition.
http://fr.news.yahoo.com/3/20090515/tfr-haute-garonne-college-agression-56633fe.html

Les témoignages de sympathie avec l'enseignante affluent évidemment. Le ministre de l'Education, Xavier Darcos, devrait se rendre au chevet de l'enseignante, à l'hôpital, pour la rencontrer. Dans un communiqué, le ministre a dénoncé "avec force cette nouvelle atteinte à l'intégrité physique d'un professeur" et rappelé "la nécessité de faire des écoles et des établissements scolaires des lieux protégés et sanctuarisés".

Ce nouveau problème survenu dans un collège ou dans un lycée me ramène à certaines réflexions personnelles sur le sujet de l'enseignement. Il me semble difficile d'avoir une opinion sur ce sujet, de condamner l'enfant ou de plaindre systématiquement l'enseignante. Pour avoir un enfant se trouvant justement dans cette situation, au début de collège, il me semble qu'il faut rappeler quelques faits, qui, s'ils n'excuseront pas l'acte de ce gamin (la violence n'est pas une réponse pertinente à un tel problème), doivent néanmoins nous conduire à considérer qu'ils témoignent d'un problème.

1) Du temps de ma jeunesse, je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu autant de punitions, d'heures de colle distribuées. J'ai le souvenir d'avoir fait toute ma scolarité, de la sixième à la terminale, sans avoir jamais eu de mot dans un cahier ou d'heures de colle. Et c'était le cas pour l'immense majorité de mes camarades de classe ; les seules heures de colle distribuées concernant des manquements graves de respect. C'était il y a trente ans.

Depuis lors, on a mis une note de comportement à l'école, et pour que tous les enfants n'est pas 20/20, pour que cette appréciation soit objective, les professeurs se sont mis à distribuer des heures de colle et des observations à tous vents. Les enfants ont donc des heures de colle ou des observations pour avoir parlé dans les rangs, pour ne pas avoir fait un exercice à la maison, voire ne pas avoir fait signer par leurs parents des devoirs. Combien d'entre nous, à notre époque, ne faisaient pas un exercice, un devoir, ou cachaient leurs mauvaises notes à leurs parents ...

On est rentré dans le règne d'un arbitraire encore plus grand, avec des professeurs qui distribuent selon les cas et selon les enfants les punitions selon leur bon vouloir, sans aucune possibilité de régulation accessible aux enfants ou aux parents. Impossible de contester et de faire lever de telles punitions, heures de colle ou observations, et parfois même, refus de ces enseignants d'en discuter avec les parents (un enseignant de mathématiques de mon fils lui a répondu : j'ai le droit de foutre une heure de colle sans en référer aux parents ...)

2) Les enfants de cet âge n'accorde pas non plus la même importance que des adultes à une observation ou une heure de colle. Pour cet enfant, cette heure de colle était manifestement quelque chose de grave, même si pour nous, un coup de couteau pour une heure de colle paraît totalement disproportionné ... Il y a peut-être une réaction disproportionnée des parents de cet enfant devant ce genre de punition. Cet enfant craignait peut-être d'être battu et n'a pas pu assumer de ramener à la maison cette punition ?

3) Il est difficile enfin de se positionner pour cette enseignante sans savoir si elle n'est pas un tyran dans sa classe. Le professeur de mathématiques de mon fils, en sixième, est un tel tyran vis-à-vis des enfants, tellement con et méchant, que je me suis souvent dit qu'il serait normal qu'il ait un jour ce genre de problèmes. Et le pire, c'est qu'il serait plaint par tous les politiques et par la communauté enseignante, alors que cela ne serait finalement que justice. Il y a des professeurs, bénéficiant parfois d'appuis très hauts placés et pour cette raison intouchables, qui ne devraient pourtant plus enseigner ni avoir accès aux enfants.

Il m'est ainsi impossible de condamner l'acte de ce gamin. L'école a changé, et non pas uniquement nos enfants. Ils se trouvent désormais confrontés à l'injustice permanente et l'arbitraire absolu, et certains d'entre eux ne sont plus capables de vivre à l'intérieur. On dit que les enfants sont devenus plus durs. Mais c'est aussi l'école qui a changé. Dommage que sur ce sujet, seuls des adultes aient essentiellement la possibilité de s'exprimer, et peu de collégiens.


Réflexion deux (25 janvier 2009)
Un silence étourdissant alors qu'un jeune homme de vingt-et-un ans est condamné à dix années de prison pour avoir poignardé son professeur ... tandis que presque toute la communauté éducative s'était mobilisée contre la condamnation d'un professeur pour une claque reçue ... et que les enseignants usent quotidiennement de pratiques pédagogiques vexatoires contre des collégiens et lycéens sans se remettre en question ...


Je trouve aberrante la condamnation à dix années de réclusion criminelle par la cour d'assises d'appel de Paris de Kevani Wansale, ce lycéen, âgé aujourd'hui de 21 ans, qui avait poignardé en plein cours son enseignante en arts plastiques, Karen Montet-Toutain, le 16 décembre 2005 à Etampes dans l’Essonne (il avait été condamné à treize ans en première instance). Une aberration lorsque l'on voit les autres condamnations prononcées dans le cadre d'autres tentatives de meurtre, ou même d'autres meurtres, où les durées d'emprisonnement prononcées sont très souvent bien inférieures. Il aurait pu notamment y avoir requalification en violence volontaire avec arme ayant entraîné une ITT de tant de jours, qui aurait conduit cet grand adolescent devant un tribunal correctionnel et non devant une cour d'assise, avec une peine d'emprisonnement maximal de sept ans ... Mais un jugement devant le tribunal correctionnel n'aurait vraisemblablement pas paru suffisant à la victime (qui explique pourtant ne pas avoir voulu l'élimination sociale de son agresseur), ni aux organisations syndicales d'enseignants (pourtant si promptes à contester la condamnation d'un enseignant), ni au pouvoir politique actuel ou de l'époque, puisque c'est l'autorité, derrière ce professeur, à leurs yeux, qui était visée ...

Dix années de réclusion criminelle, c'est énorme comme condamnation pour un gamin (il était tout juste âgé de 18 ans au moment des faits), dont la vie est désormais foutue. La juridiction et la peine eut-elle été comparable si le jeune adulte ne portait pas un nom et un prénom visiblement étranger, mais un patronyme de connotation bien française, voire même portait le patronyme du chef de l'état ? Je comprends la nécessité d'une condamnation pénale, notamment pour la victime et pour l'agresseur, mais pas de cet ordre ... Quelques mois d'emprisonnement auraient selon moi largement suffit ...

Ce qui me gêne dans cette affaire, c'est le gouffre entre les comportements réguliers de certains enseignants en collèges et lycées, qui gèrent leurs classes en usant de pratiques pédagogiques vexatoires envers les collégiens et lycéens qu'ils ont dans leurs classes : notes désastreuses, jugements vexatoires sur les copies de leurs élèves, leurs comportements ou leurs efforts, injustices régnant dans de nombreuses classes où les jugements et les corrections de ces enseignants sont sans appel et bénéficient de la solidarité du monde enseignant (comme l'histoire de la gifle donnée à un enfant de onze ans et de la mobilisation du corps enseignant pour défendre le professeur du collège de Berlaimont il y a à peine un an) ... et l'acharnement dont a fait l'objet ce gamin, Kevani Wansale ... aux yeux duquel peut-être il ne restait au fond aucune autre forme d'action possible contre cette enseignante ... Ce qui me gêne dans cette affaire, c'est le gouffre entre la peine pour l'exemple à laquelle ce gamin a été condamné et l'absence de toute remise en cause du monde éducatif et enseignant, qui est pourtant à l'origine de cette violence et de l'échec scolaire dans ces zones reculées des villes françaises.

Dans le monde de l'enseignement, est-il nécessaire de confronter nos gamins au collège et au lycée à l'arbitraire d'adultes enseignants et à l'injustice de leurs décisions et de leurs oukazes ? De leur apprendre que face à l'autorité, même illégitime, il n'existe pas de réactions possibles pour la combattre ? Est-ce cela que l'on veut apprendre à nos enfants, que l'on veut qu'ils retiennent dans la vie ? Le message que l'on veut qu'ils puissent dupliquer ultérieurement, le jour où nous ferons de nouveau face à l'injustice, à l'intolérance et au fascisme ?

Pour quelle raison la violence morale des professeurs peut-elle être considérée comme légitime par la société française, et la violence des enfants à l'égard de leur autorité est-elle considérée au contraire comme totalement illégitime ? Pour mémoire, seule une amende de 800 euros avait été requise contre José Laboureur, le professeur de technologie du collège Gilles-de-Chinmercredi, devant le tribunal correctionnel d'Avesnes-sur-Helpe, alors que celui-ci encourait une peine de 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Il avait été finalement condamné à une amende de 500 euros en août 2008 et n'avait pas fait appel du jugement (ce que je comprends vu la légéreté de la peine en regard des circonstances et des peines encourues). Pourquoi un tel écart dans le traitement de ces deux affaires, entre José Laboureur et Kevani Wansale ?


Réflexion une (12 décembre 2007)
Le tabou des souffre-douleur


C'est un article du Monde de ce jour (même titre) qui m'a fait réagir. C'est un sujet qu'il ne faut ni ignorer ni écarter, car il fait de la vie de ces enfants un enfer journalier, d'autant plus difficile à vivre pour eux s'ils ne sont pas soutenus par leurs parents ou par des camarades. Comment faire face à de telles situations pour des enfants, des adolescents ou des parents ?

Comment faire pour en parler dans le cas de ces enfants ou de ces adolescents, face à des parents qui refusent de s'en rendre compte ou qui parfois enfoncent ou battent eux-même leurs enfants, ces mêmes enfants ? Comment faire pour en parler, dans le cas des parents, face à des enfants qui parfois se referment, face à des équipes éducatives qui n'en ont parfois rien à faire ou qui sont elles-même parfois également dépassées par cette violence ?

Ce problème est loin d'être rare puisqu'en moyenne, au niveau international, on estime que 9,5% des élèves seraient concernés par des problèmes de violence entre jeunes. Et par expérience, il est à craindre que la proportion de tels actes soit bien plus élevée en France, que ce soit dans les campagnes françaises tout comme dans les cités des grandes villes. Et accessoirement, c'est au collège que les risques sont les plus élevés ...

Un article à lire ...
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-988367@51-985748,0.html


Saucratès



01/11/2010
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