Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Du développement (4)

Réflexion quarante (28 avril 2009)
Du problème de la cession de parties entières du territoire de certains pays en développement à des groupes étrangers par certains gouvernements (suite) ...


Pour avoir une meilleure idée des enjeux existants dans ce problème de cession de fonciers en direction de firmes extra-territoriales, il est intéressant de regarder quels pays en développement sont concernés par ces ventes et quels pays sont concernés par ces achats fonciers ...

Parmi les pays en développement qui ont cédé des centaines de milliers d'hectares de foncier à des investisseurs étrangers, on trouve les pays suivants : Madagascar (groupe coréen Daewoo pour 1,3 million d'hectare - groupe indien ...), Argentine (groupe italien Benetton), Mozambique, Tanzanie (le groupe britannique Cams pour 45.000 hectares - groupe suédois Sekab ...), Soudan (groupe américain Jarch pour 400.000 hectares), Ethiopie (Arabie Séoudite), Pakistan (Arabie Séoudite), Indonésie (Arabie Séoudite pour 1,6 million d'hectares), Philippines (groupe espagnol Bionor Transformacion pour 100.000 hectares - consortium japonais Sarangani Biocarburants pour 50.000 hectares), Cambodge (Qatar et le Koweït), Brésil (Inde), Paraguay (Inde), Uruguay (Inde) ... etc ...

A l'inverse, la liste beaucoup plus restreinte des pays dont des entreprises nationales achètent du foncier dans des pays en développement comprend les pays suivants : Corée du Sud, Suède, Arabie Séoudite, Japon, Qatar, Koweït, Inde ... sans compter évidemment des entreprises du Royaume Uni, des Etats-Unis, de l'Espagne et très vraisemblablement de la France, de l'Allemagne sans parler de la Chine ...

Il serait très intéressant de disposer d'une liste exhaustive des principales opérations concernées, des pays touchés. Pour un certain nombre de pays investisseurs tels l'Inde, l'Arabie Séoudite, la Corée ou la Chine, l'acquisition de foncier dans des pays en développement est une politique volontariste étatique de recherche de nouvelles sources d'approvisionnement sûres pour nourrir leur population dans le futur.

Ce n'est au fond vraiment pas différent des politiques colonialistes menées par les pays européens au dix-huitième et dix-neuvième siècles, qui visaient l'expansion territoriale et la recherche de nouvelles terres à exploiter, pour constituer un empire. Il suffirait en effet qu'un de ces états investisseurs menace militairement un pays en développement qui souhaiterait annuler les concessions consenties à un acheteur de sa nationalité. De nouvelles guerres colonialistes pourraient très facilement être déclarées sur ces bases, de la même manière que fûrent déclenchées les guerres coloniales françaises à Madagascar par exemple.

Car l'exemple malgache récent de remise en cause des accords conclus, ou l'achoppement des négociations, visant un investisseur étranger, offre la réponse qui pourrait être apportée à l'ensemble de ses spoliations des droits fonciers des nationaux d'un pays en développement, pour préserver les droits de ces nationaux à disposer également d'une terre agricole pour subvenir aux besoins de sa famille, plutôt que de devoir vivre dans des bidonvilles en bordure de grandes agglomérations ...

On peut espérer que de plus en plus d'alternances politiques conduiront les gouvernements de pays en développement à remettre en cause les droits 'illégitimes' détenus par de grands groupes étrangers sur des centaines de milliers d'hectares accaparés, pour les rendre à leur peuple. Les conséquences de ces récupérations de foncier injustement accaparé, au bénéfice parfois uniquement des dirigeants corrompus des pays incriminés, devront être traitées au niveau international, que ce soit en terme d'indemnisation des investisseurs éliminés (ces derniers ont-ils droit à une indemnisation et devant quelle juridiction ?), ou en terme de risque de conflit territorial dans le cas où le pays concerné serait une grand puissance militaire (je pense tout particulièrement aux réactions possibles de la Chine) ou un voisin militairement puissant (cas de la Chine une nouvelle fois).


Réflexion trente-neuf (15 avril 2009)
Du problème de la cession de parties entières du territoire de certains pays en développement à des groupes étrangers par certains gouvernements ...


De nombreux pays en développement ont cédé des parties entières de leur territoire et de leur sous-sol à des groupes financiers ou industriels étrangers. C'est le cas de certains pays d'Amérique du Sud tel l'Argentine, où d'immenses propriétés agricoles ont été cédées à des étrangers, dont le groupe Benetton (mais aussi notre chanteur national Florent Pagny), au mépris des droits des occupants ancestraux (les indiens Mapuche pour les terres occupées par Benetton) ...
http://www.mapuche-nation.org/francais/benettonarticles/mapucheexcludescouleursunies.html

C'est aussi le cas de Madagascar, où le gouvernement de l'ancien président ultra-libéral Marc Ravalomanana avait vendu à plusieurs groupes financiers étrangers (indiens, coréens ou d'Afrique du Sud) des concessions de très longue durée pour d'immenses parties du territoire malgache, à des conditions financières et pour des contre-garanties relativement obscures ... sans prise en compte souvent des droits des paysans exploitant déjà ces territoires ...

Les cas concernés sont légions. Ils touchent tout autant la vente d'immenses propriétés agricoles que la mise à disposition des sous-sols et de leurs richesses géologiques et minières. Mais l'analyse en est gênée par la ressemblance de ces opérations avec l'usage capitaliste normal de la propriété privée. Cela fait des siècles que des groupes industriels exploitent le sous-sol de certaines régions pour en extraire des richesses minières ou fossiles (les mines de charbon en Angleterre, le pétrole au Texas ou dans la péninsule arabique, des métaux dans des carrières en Europe ou ailleurs ...) sans indemniser personne pour les richesses extraites ; le simple fait d'exploiter ces sites et de payer les impôts et taxes demandées étant considéré comme suffisant pour asseoir la légitimité de la possession de ces mines, carrières ou terres agricoles. Cela fait également des millénaires que d'immenses propriétés agricoles sont octroyées ou vendues à de riches personnages, étrangers ou non. Que des châteaux médiévaux, des vignobles ou des fermes passent de mains en mains, parfois étrangères, que ce soit en France ou ailleurs ...
http://energie.lexpansion.com/articles/prospective/2009/03/Manger-ou-conduire--il-faudra-choisir/

Est-il donc possible et nécessaire de séparer ces diverses situations observées ? Comment pourrait-on les séparer, sur la base de quels principes, de quelles raisons, en fonction de quelle logique ? Qu'est-ce qui explique qu'un pays puisse considérer que telle vente de terres, telle mise à disposition de richesses géologiques, est acceptable ou inacceptable ? Où se trouve la limite ? Qu'est-ce qui explique que la rue, que le le peuple puisse considérer illégitime telle ou telle vente ou à mise à disposition ? Et qu'est-ce qui explique que nous, à notre niveau, le pensions également ?

Il faut des règles précises, une source de légitimité, ou le risque de basculer dans l'arbitraire serait trop élevé. Car, en laissant la pression populaire, la rue, décider de ce qui est légitime ou non, on tombe forcément dans le piège de l'arbitraire, du fascisme, de l'obscurantisme. Il suffit de se rappeler les déferlements haineux de la révolution française, des pogroms en Europe de l'Est ou du nazisme ...

Comment définir de telles règles ? Qu'est-ce qui sépare ces cessions de droits sur des terres ou des ressources géologiques réalisées par des pays en développement d'Afrique ou d'Amérique ... de ventes comparables réalisées dans des pays occidentaux ?

a) Sont-ce les superficies en cause dans ces cessions ou ces ventes ? Vraisemblablement non : aux Etats-Unis, des propriétés de plusieurs millions d'hectares doivent parfois pouvoir être achetées par des étrangers ...

b) Sont-ce les durées en cause de ces cessions ? Vraisemblablement pas non plus, puisque les cessions en cause sont des baux d'une durée de 49 ou 99 années, alors que dans les pays occidentaux, la possession est à durée indéterminée, à vie, et transmissible à ces descendants ...

c) La seule différence peut être liée au fait de la personnalité du vendeur, au fait que dans nos pays occidentaux, les vendeurs soient des propriétaires privés, alors que dans ces opérations dans des pays en développement, le vendeur soit l'état. Mais même dans nos pays occidentaux, il arrive que l'état exproprie et indemnise des propriétaires privés pour mettre à disposition les terrains récupérés à d'autres acheteurs ou intervenants.

d) Enfin, la principale différence recouvre vraisemblablement la notion d'état de droit ... Nos états occidentaux sont des états de droit, qui protègent l'ensemble des citoyens et même les étrangers, et leur reconnaissent normalement dans l'absolu un traitement équitable par l'état et la possibilité de bénéficier d'un procès équitable devant la justice. A l'inverse, de nombreux états en développement ne sont pas des états de droit, et nul n'est assuré d'y bénéficier d'un traitement équitable, que ce soit par le biais de l'état ou devant la justice ... et ce qu'un gouvernement a fait ou a promis, peut alors être défait par un autre gouvernement ou sous la pression de la rue ...

Est-ce cela qui différencie ses opérations considérées comme illégitimes d'autres opérations légitimes se déroulant depuis toujours dans de nombreux autres états ? Ou bien est-ce autre chose ?... Une illégitimité par nature de ces opérations, liée au fait par exemple qu'elles sont justement possibles en raison justement d'une absence d'un état de droit protégeant ceux qui utilisent déjà ces terres ou richesses promises à ces groupes étrangers ? Ou une illégitimité plus large de la possession capitaliste, qui accorde à certains des droits sur notre planète en complet décallage avec ce dont bénéficie l'immense majorité d'entre nous ?

Merci de vos éclairages à tous ...


Réflexion trente-huit (23 décembre 2008)
Intermède glauque dans mon questionnement sur le développement ... Comment faire pour aider au développement d'un continent qui demeure la proie des pires instincts ataviques de l'homme et des pires croyances et superstitions ?...


C'est une question véritablement inséparable d'une réflexion sur le développement. Plusieurs mondes se cotoient sur le continent africain ... A la fois un monde en voie de développement, où les nouvelles technologies se développent, tels les cybercafés, tels les téléphones portables ou satellites, tel les réseaux internet ... A la fois un monde où les superstitions, les croyances et la sorcellerie demeurent extrêmement vivaces et conduisent les africains aux pires exactions, aux pires meurtres, aux pires négations de l'humanité de leurs concitoyens (voir à ce sujet l'article du journal du Monde sur la chasse aux albinos qui se déroule aujourd'hui au Burundi et hier en Tanzanie) ... Et à la fois un monde qui demeure livré aux pires violences que l'homme est capable d'infliger à d'autres hommes et aux femmes ... Un monde en guerre perpétuelle depuis des décennies, où les conflits tribaux, ethniques ou de frontières conduisent à des massacres récurrents et où l'instrumentalisation du viol et des massacres jette des populations entières sur les routes de l'exode, que ce soit au Tchad, au Soudan ou dans la région des Grands Lacs Africains (Burundi, Congo ...).

Peut-on parler de processus de développement économique dans de telles situations ? Cela a-t-il un sens quelconque de lancer des projets de développement, qui achopperont aux premiers embrasements généralisés qui touchent régulièrement ces pays ? Est-il même encore possible de rendre responsable le sous-développement de cette misère et de ces conflits généralisés et récurrents ? Est-il encore censé de déclarer l'homme blanc responsable de cette misère et de ce processus de sous-développement ?

A la vérité, est-il encore possible de croire que le développement économique de l'Afrique lui permettra de s'arracher à sa misère, à son obscurantisme, aux superstitions ... qui font par exemple que toutes les personnes un peu différentes (albinos, jumaux, malades ...) sont considérées comme responsables des calamités qui frappent la Terre ou recèlent des pouvoirs magiques qui peuvent être captés ?...

C'est bien beau de réfléchir au concept du développement. Mais l'Afrique peut-elle être développée, elle qui pour l'instant est enfoncée dans les guerres, dans les viols, dans les massacres, dans la superstition, dans la sorcellerie, dans l'arbitraire et la corruption généralisée ?... comme l'Europe cinq ou dix siècles auparavant ... Ce qui serait aujourd'hui indispensable à l'Afrique, ce serait un processus identique à celui qui toucha l'Europe à l'époque des Lumières ...

Réflexion trente-sept (15 décembre 2008)
Modèles d'agriculture et modèles de développement (suite) ...


Est-il possible que ces modèles de développement pour l'Afrique reposant sur des monocultures d'exportation, qui ont été définis pendant des décennies pour la majeure partie des états africains, qui ont reçu l'appui et à la bénédiction des principaux bailleurs de fonds internationaux, puissent avoir été dès l'origine voués à l'échec ?

Est-il possible que le fondement théorique de l'économie des échanges internationaux - la théorie des avantages comparatifs édictée par Ricardo - qui a conduit à l'élaboration de nombres de politiques de développement pour nombres d'états africains, soit complètement faux ? Faux au sens où il ignorerait le concept d'apauvrissement du milieu naturel dont il dépend, et qui devient particulièrement visible dans le cas de la pêche industrielle et de l'impact de ses prélèvements sur les ressources hallieutiques d'un pays. L'épuisement des ressources hallieutiques du Sénégal, ses conséquences sur l'activité de pêche côtière de ses villages côtiers, et ses problèmes en matière de difficultés d'approvisionnement de sa population en poissons, alors que les usines de production pour l'exportation rafflent toute la production disponible, explicite les dangers des mono-activités à l'exportation, reposant sur une ressource épuisable.

Plutôt que de respecter cette décision de spécialisation internationale, conforme aux canons de l'économie des échanges internationaux chers à l'OCDE, les états africains auraient vraisemblablement mieux fait d'organiser leur développement sur une organisation autocentrée de leur société et de leurs circuits économiques, en direction et au bénéfice de leurs propres peuples, et pas de l'Occident.

Cette monoculture d'exportation avait été mis en oeuvre dans ces colonies au bénéfice des anciens empires coloniaux, qui récupéraient ainsi des biens qu'il leur était impossible de produire chez eux ... Par le biais d'un commerce qui leur permettait d'accumuler des fortunes financières ... Il est relativement surprenant que ces monocultures aient été maintenues à l'identique après les indépendances, et que ces nouveaux états libres aient pu croire qu'ils pourraient modifier les règles du commerce international de ces produits pour qu'il devienne équilibrer. Evidemment, les cours internationaux de la majeure partie de ces produits se sont régulièrement effondrés, ruinant l'économie de ces pays en voie de développement. Et ce sont toujours les intermédiaires sur ces marchés (et aujourd'hui les spéculateurs internationaux) qui continuent d'en profiter.

Il est évidemment coûteux (socialement et financièrement) de réformer une organisation productive, que ce soit aujourd'hui ou autrefois, juste après les mouvements d'indépendance ... Les indépendances se sont par ailleurs accompagnées de missions d'assistance technique, par des gens qui pensaient vraisemblablement aveuglement dans la nécessité du maintien de ces cultures d'exportation pour obtenir des devises étrangères indispensables à leur développement.

Il est aussi extrêmement facile pour des élites politiques de se servir sur les rentrées de devises provenant des exportations de ces monocultures d'exportation. La captation par les élites politiques de ses sources de devises et les possibilités d'enrichissement qui en découlent limitent alors évidemment significativement l'ambition réformatrice de ces mêmes élites politiques, que les cours internationaux sont élevés ou bas. Ces monocultures d'exportation conduisent ainsi à la mise en oeuvre d'un système de financement de l'état public reposant sur un système de captation de taxes sur les échanges extérieures, et sur la généralisation de la prévarication dans l'administration du pays, les élites les plus élevées se servant dans le produit des exportations et dans l'aide au développement, les strates inférieures de l'administration copiant leurs supérieurs en ponctionnant les administrés qui dépendent d'eux.

Se pose alors la nécessité d'une mise en questionnement de l'aide au développement et de l'assistance technique que défendent les instances internationales de financement. Si le développement effectif d'un pays nécessite avant tout une volonté réelle de ses habitants et une décision politique autonome, le mode de financement de l'aide au développement, reposant sur des décisions de techniciens étrangers de l'aide au développement, qui sélectionnent les projets de développement qu'ils acceptent de financer, pose problème. Ce ne peut pas être à la Banque Mondiale, à l'Agence Française de Développement ou à toute autre organisme multilatéral ou bilatéral de financement de décider des programmes à financer, mais uniquement aux états en développement eux-mêmes. Avec tous les risques de captation de ces financements qui en découleront évidemment ... de manière encore plus accrue si les contrôles sont moins poussés.

Mais malgré tout, le développement ne se décrète pas ... Il se construit ... Il ne peut pas non plus être imposé ou octroyé ... Le développement doit être voulu, et venir de l'intérieur ... Les financements par le biais de l'aide au développement ne devraient toutefois pas être décidés par des organismes étrangers, mais par l'état africain lui-même concerné. Celui-ci doit lui-même déterminer ses priorités et ses propres besoins.

D'une certaine façon, la première nécessité pour un véritable développement de l'Afrique et de tout le monde en développement, c'est la réhabilitation de l'état dans ces pays et dans la théorie du développement. Sans volonté politique et sans administration d'état intègre et compétente, il ne peut pas y avoir de développement économique. Ce n'est pas à l'aide au développement étrangère de se substituer à l'absence des états africains ... Sans état, il ne pourra y avoir de sortie du sous-développement. Il faut donc un rétablissement de l'état de droit et de la volonté politique avant toute politique de développement ... Et il faut une prise de conscience de la responsabilité de l'Afrique dans son propre malheur et de la responsabilité de l'occident dans son contrôle de l'Afrique, des africains et de ses richesses.


Réflexion trente-six (11 décembre 2008)
Modèles d'agriculture et modèles de développement ...


Le développement économique des pays africains s'est construit, et est toujours construit, aujourd'hui, sur le modèle des monocultures d'exportation ... Le cacao en Cote d'Ivoire et au Ghana, l'arachide au Sénégal, les bois exotiques ailleurs ... Ces schémas de développement ont échoué ; ces pays demeurant encore à ce jour en état de sous-développement et leurs petits producteurs ont été ruinés par les baisses des cours de ces matières premières sur les marchés mondiaux.

Aucun état développé d'Europe ou d'ailleurs n'est spécialisé dans la production d'une monoculture agricole destinée à l'exportation. Les Etats-Unis ou la France sont de grandes puissances agricoles, mais leur agriculture est avant tout tournée vers l'approvisionnement de leur marché domestique ; l'exportation ne concernant essentiellement que les surplus non consommés par leurs propres consommateurs ... Ces systèmes de monocultures d'exportation sont-elles des survivances du vieux colonialisme européen, consistant à faire produire par des pays vassaux les produits qui sont utiles aux industries des pays colonisateurs ? Vraisemblablement oui ... Une survivance qui est le fait d'une organisation paysanne habituée à produire dans certaines conditions un bien dont la culture à cet endroit est habituelle et ancestrale. En ayant créé une demande importante, les pays occidentaux ont incité à la production. En l'absence d'un état centralisateur et planificateur apte à penser une nouvelle organisation agricole et capable de supporter politiquement les mouvements de protestation qui auraient découlé d'une telle réforme et d'en indemniser les victimes, ces pays sont demeurés esclaves de ces monocultures d'exportation.

Mais il est difficile de voir le danger inhérent à ces organisations agricoles. Ce modèle de développement répond apparemment parfaitement à la théorie économique des avantages comparatifs en commerce international développée par David Ricardo ... D’après cette théorie des avantages comparatifs, lorsqu’un pays se spécialise dans la production pour laquelle il est, comparativement à ses partenaires, le plus avantagé ou le moins désavantagé, il est alors assuré d’être gagnant au jeu du commerce international. Crédo officiel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ces pays d'Afrique auraient dû, grâce à cette spécialisation dans ces monocultures d'exportation, réussir leur développement économique.

Qu'est-ce qui explique cet échec ? L'explication peut en être trouvée dans une autre activité économique qui est en train de ravager les zones côtières des pays d'Afrique ... la pêche industrielle et la captation des ressources hallieutiques africaines au bénéfice des consommateurs des pays occidentaux. Les zones côtières africaines sont aujourd'hui victimes des pratiques de sur-pêche des flottes occidentales, qui ont entraîné l'appauvrissement des ressources hallieutiques disponibles. La pêche, qui nourissait autrefois sans difficulté les populations africaines, qui aurait pu donner naissance à des circuits de commercialisation internes pour les populations des zones intérieures des pays africains, est aujourd'hui captée par des industries de transformation et exportée vers les marchés occidentaux. Il est terrible d'imaginer que le thiéboudienne, plat national sénégalais, pour lequel les sénégalais utilisaient autrefois des poissons entiers, est aujourd'hui constitué de pulpe de poissons rejetée et revendue par les industries de transformation fondées par les importateurs occidentaux.

Ces schémas de captation des ressources fondées par les pays occidentaux développés au détriment des pays africains en développement et de leur population appauvrie est terrible, tout cela pour le bénéfice des industriels occidentales et en direction des consommateurs occidentaux. Nous avons une véritable responsabilité dans le drame qui se joue en Afrique et dans le monde en développement, au sens où nous encourageons des industries à rechercher des prix toujours plus bas en quantité toujours plus grande pour contenter notre besoin de consommation.

Le cas de la pêche illustre ainsi le problème des monocultures d'exportation : la raréfaction des ressources naturelles, que ce soit le poisson pour la pêche ou la terre pour les monocultures d'exportation. Ce qui serait aujourd'hui indispensable à l'Afrique pour qu'elle réussisse enfin à se développer, c'est qu'elle mette fin à la captation de ses ressources par les pays occidentaux. Qu'elle développe un marché et des circuits de distribution internes, en direction de ses propres marchés, de ses propres consommateurs, en fonction de ses propres besoins, en oubliant les besoins des pays occidentaux qu'elle n'a pas à contenter.


Réflexion trente-cinq (3 décembre 2008)
La critique gouvernementale à l'encontre de l'Agence Française de Développement ... Raison ou déraison ?...


Dans le journal Libération du 29 novembre 2008, le secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, Alain Joyandet, donne son avis sur l’aide française au développement et lance une charge virulente contre l'Agence Française de Développement, son Directeur général (Jean-Michel Sévérino) et son personnel (article de Libération ci-joint).

(Christian Losson pour Libération) Votre philosophie passe mal à l’Agence française de développement ; son directeur, Jean-Michel Severino, regrette les «coupes radicales» sur les projets sociaux en 2009.

(Alain Joyandet) L'AFD est quand même sous l’autorité de l’Etat dont elle distribue les crédits. Elle doit aussi s’interroger sur ces responsabilités. Elle développe 3,5 milliards d’euros de crédit alors qu’elle pourrait en catalyser trois fois plus ! Il faut que j’arrive pour lui demander de se bouger. Qu’est-ce que fait son patron, à part gérer le quotidien ? S’il est là pour faire du développement, qu’il développe ! Qu’est-ce qu’il attend au lieu de se lamenter et de dire que l’Etat ne lui donne pas assez d’argent ?

(CL) Vous êtes irrité car il y a aussi un concept de développement qui vous oppose ?

(AJ) Je suis irrité parce que je ne comprends pas : il faut soutenir toutes les initiatives de croissance, non ? L’AFD doit bosser et se retrousser les manches. C’est son boulot de prendre des risques ! Elle ne doit pas se comporter comme une administration, et faire sauter des verrous pour travailler plus. C’est quand même l’Etat qui l’a recapitalisée, non ? Elle a besoin d’une nouvelle gouvernance, ce ne sera pas du luxe.

En matière de contexte, il faut savoir à la fois que Jean-Michel Sévérino, le directeur général de cet établissement public en charge de l'aide au développement public de la France, passe très mal auprès de Nicolas Sarkozy et de ses conseillers élyséens ... question de style vraisemblablement. Il faut également savoir que l'effort français en matière d'aide au développement pâtit de restrictions budgétaires, notamment en ce qui concerne les subventions publiques consenties aux pays les plus pauvres de la planète (l'aide publique peut prendre en effet la forme soit de prêts publics remboursables à conditions de taux préférentiels, soit de simples subventions non remboursables).

Il faut aussi se rappeler que l'AFD, établissement public, a été créé en 1941 (le 2 décembre) par le Général de Gaulle pour servir de Trésor Public et de Banque centrale à la France Libre. Elle s'appelait à l'époque CCFL (Caisse Centrale de la France Libre) et a été renommée à la fin de la seconde guerre mondiale en CCOM (Caisse Centrale de l'Outre-Mer) puis CCCE en 1959 à l'époque des indépendances des états africains. On entre aujourd'hui dans la fin de l'héritage historique d'un établissement très spécial, initialement dirigé par des résistants français et des grands personnages de la France Libre, et bénéficiant en Afrique d'une aura sans commune mesure. Pendant longtemps, le directeur d'une agence de la CCCE (aujourd'hui AFD) était un personnage public plus important que l'ambassadeur de France dans de nombreux pays africains.

Mais sur le fond, je ne suis pas un fervent admirateur ni de la politique de développement menée par Jean-Michel Sévérino, ni des impulsions qu'il a donné et continue de donner à la politique menée par l'AFD dans le monde (et notamment un retrait de sa zone prioritaire d'Afrique pour privilégier des zones à plus fort aspect médiatique telle l'Asie ou l'Amérique latine). Cette personne est plus intéressée par sa propre carrière, par les prochains postes qu'il pourrait occuper dans le milieu du développement (le ministère de la coopération, le FMI ou la Banque Mondiale ...) et par la reconnaissance de ses pairs, que par le devenir de l'AFD et encore moins par le devenir du monde en développement et des populations qui y souffrent. Il passe la majeure partie de son temps à parader dans des réunions internationales sur le climat, le réchauffement climatique, l'eau, la biodiversité ou le développement ... Tous lieux suffisamment médiatisés pour affermir sa position internationale.

Je ne suis pas non plus un fervent admirateur du mode de management existant à l'AFD, et surtout de l'esprit de caste qui y règne entre, d'un côté, le personnel français recruté au siège (1.000 agents), bénéficiant de conditions de rémunération, de travail et d'expatriation extrêmement favorables, auxquel tous les postes de responsabilité et de management sont réservés dans le monde entier, et d'un autre côté, le personnel qu'ils appellent 'personnel local', dans un esprit qui demeure néocolonialiste (600 agents toutes géographies confondues), payé aux conditions de marché local (pas grand chose en Afrique), sans perspectives de carrière réservées aux seuls agents du siège et aux expatriés, et aux conditions sociales également inférieures. De même que leur directeur général, l'immense majorité des cadres qui y travaille (80% de son effectif siège alors que cette proportion doit à peine atteindre 5 à 10% pour le personnel dit local dans le monde entier) ont pour seule ambition leur carrière et les futurs postes qu'ils pourront obtenir à l'affectation suivante.

En matière d'effectif et de management, on peut s'interroger sur l'activité des 850 agents employés au siège de l'AFD en regard des 150 agents expatriés dans les agences du monde entier (dont les DOM et les CTOM) et des 600 agents locaux qui y sont aussi employés à des tâches sulbalternes. Le nombre de crédits octroyés ou à l'étude chaque année par l'AFD s'établit entre une centaine et un millier ... Il me semble qu'en moyenne, trois agents du siège doivent avoir à s'occuper de moins d'un dossier de crédit par an, ce qui ne représente pas une productivité très importante. En matière de management, on peut s'étonner qu'un organisme de développement tel l'AFD n'aie aucun directeur d'agence 'étranger' issu des pays qu'elle est censée aider, que ce soit à l'étranger ou dans l'outre-mer français, que son personnel local soit tenu à l'écart de tout le poste de responsabilité et cantonné aux tâches d'exécution et de garderie et d'entretien des locaux , et que l'esprit qui règne dans cette maison (issue de la France libre) soit néocolonialiste (genre de faire les courses pour remplir le frigo de l'expatrié).

Au fond, que le gouvernement, en la personne du secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie veuille remplacer le patron de l'AFD ne me pose pas problème. Il est juste problématique que la vision du développement qu'a ce gouvernement libéral est vraisemblablement encore plus éloignée de l'intérêt de l'Afrique et du monde en développement que celle qu'en a Jean-Michel Sévérino, et que cette reprise en main de l'AFD par le pouvoir politique (et par Nicolas Sarkozy) a aussi pour objectif de mettre la main sur les fonds propres pléthoriques de cet établissement public, indispensable à son activité d'établissement de crédit (et au respect des normes prudentielles qui lui sont imposées ... ratio Cooke ou Mac Donough et ratio de division des risques) ... en cette période de disette budgétaire ...


Réflexion trente-quatre (10 novembre 2008)
De l'importance de la démocratie en matière de développement ou de la relation entre parlementarisme et imposition ...

En matière de développement, l'un de mes commentateurs, Bilou Moliets, faisait remarquer la relation existant « dans les sociétés occidentales entre l'émergence du parlementarisme et l'émergence d'une fiscalité », qui rendait légitime « la dévolution de la souveraineté du roi vers le peuple ou ses représentants. »

Toujours selon Bilou Moliets, son intérêt « dans le cadre d'une réflexion sur l'aide au développement, c'est qu'elle souligne le lien de légitimité entre une communauté politique et son souverain (le souverain pouvant être le peuple ou la nation, comme dans nos sociétés à système démocratique par représentation) à l'occasion des choix politiques fondamentaux. C'est ce principe qui était assez bien formulé par les 'insurgents' américains : no representation, no taxation. »

Comme Bilou Moliets l'expliquait, cette thèse n'est toutefois pas nouvelle et a été régulièrement avancée en sciences politiques et en histoire des institutions politiques. Elle permettrait cependant d'expliquer les difficultés qu'ont souvent rencontrées la majeure partie des pays en développement pour mettre en place une administration publique financée par l'impôt, qui soit acceptée par la population de ces pays et qui ne se transforme pas en force de corruption et de prévarication ...

Elle conduirait à démontrer que le décalage existant dans les états en voie de développement africains entre l'administration publique et la démocratisation des régimes politiques, et notamment le déficit de légitimité de la représentation politique, expliquerait les déboires des ces états africains en matière de développement économique. Et ce serait aussi partiellement vrai pour les états en voie de développement d'Amérique et d'Asie.

On peut évidemment déjà s'interroger sur la réalité de ce lien entre représentation politique et acceptation de l'imposition. Au-delà de la simple logique, qui veut qu'un impôt voté par une représentation politique démocratiquement élue a plus de chance d'être acceptée par une majorité de la population qu'un impôt décidé par un gouvernement impopulaire, l'histoire de la taxation est forcément plus complexe.

Il est premièrement difficile de vérifier que tous les états ayant réussi leur décollage économique (take off) et mis en place un système de taxation pour le financer ont respecté cette règle de démocratisation de leur structure politique. Je pense notamment au Japon sous l'ère Meiji ou à la Chine actuelle ... Ces deux états ayant plutôt été des exemples d'autoritarisme étatique que des exemples de régimes démocratiques. Plus largement, on peut s'interroger sur le cas de l'ensemble des dragons et tigres asiatiques qui ont réussi leur développement économique. D'une certaine façon, on pourrait en déduire qu'un gouvernement étatique fort peut suppléer dans certains pays une absence de démocratisation du régime politique. On peut aussi l'appréhender différemment : ce qui compte, c'est la légitimité du gouvernement aux yeux de sa population et l'acceptation par celle-ci de l'administration et des impôts qu'elle décide, plutôt que simplement la forme de ce gouvernement, autocratique ou démocratique.

Il y a deuxièmement le risque d'être aveuglé par l'histoire européenne de la mise en place de régimes de taxation, elle-même esclave de son origine gréco-romaine. Car le modèle d'administration que l'on a tenté de mettre en place dans les états en développement africains, ainsi que le régime de financement par l'impôt, est une création européenne, dont les racines sont romaines et grecques. Rome a mis en place un régime de taxes pour financer l'administration romaine et les légions romaines, qui a échoué à sauvergarder l'empire mais qui a survécu dans les anciennes régions romaines, jusqu'à la fin du Moyen-Age européen. L'histoire de la taxation dans les états d'Europe est malgré tout une succession d'avancée et de recul, de conflits locaux et de guerres, dont l'origine est souvent l'imposition, malgré l'ancienneté de l'existence de ces taxes. Combien de guerres et de massacres en France par exemple pour contester des taxes ou pour récupérer le produit de taxes ? L'histoire récente se rappelle le développement d'une imposition 'moderne' en France sous les derniers rois, à compter du seizième et dix-septième siècle, et l'obligation faite au roi de France de concéder des droits politiques croissants aux représentants du tiers état (parlement, états généraux ...) en échange de la mise en oeuvre et de l'acceptation d'impôts nouveaux ... Mais même après cela, est-il possible d'oublier les diverses contestations des impôts qui ont encore suivi, comme la révolution française, la chouanerie ou les diverses jacqueries ... Est-il véritablement possible d'oublier que l'histoire des taxes est la principale raison de disparition de régimes politiques, quelque soit leur légitimité politique ou historique ...

L'Afrique n'ayant pas le même passé millénaire en matière d'histoire de la taxation, peut-elle se permettre les mêmes errements en matière de mise en place de taxes, les mêmes soubressauts ? Et qu'est-ce qui explique véritablement l'acceptation à un instant donné par un peuple donné d'une taxe donnée ? La légitimité de ses dirigeants ? Leur désignation démocratique ? Ou l'histoire de ce peuple lui-même et de sa docilité face au pouvoir ?


Réflexion trente-trois (24 août 2008)
Démographie et développement ... Ou l'explosion démographique de la population des pays en panne de développement peut-elle expliquer leurs difficultés économiques ?...

Le sous-développement est-il causé par l'explosion de la population des pays en développement ? Une question qui est loin d'être anecdotique et vraisemblablement fausse en regard du décollage économique apparemment réussi par les deux pays du monde à la population la plus nombreuse ... la Chine et l'Inde.

On dénombre actuellement environ 6,6 milliards d'habitants sur notre planète, dont plus de la moitié réside en Asie, principalement en Chine et en Inde. Et la population terrestre pourrait atteindre selon les hypothèses retenues entre 8 et 12 milliards d'individus en 2100. Pour mémoire, la planète Terre comptait 6 milliards d'habitants en 2000 ... 5 milliards en 1987 ... deux fois moins soit 2,5 milliards en 1950 ... 1 milliard à peine aux alentours de 1850 ... un peu plus de 400 millions en 1500 ... 250 millions en l'an 0 de notre ère ... et peut-être 100.000 individus il y a environ 150.000 ans, lorsque l'espèce humaine est, selon certains scientifiques, passée très près de l'extinction.

La répartition actuelle de la population mondiale (2007) est la suivante :
- Asie : 4,03 milliards (60,5 %)
- Afrique : 965 millions (14,0 %)
- Europe : 731 millions (11,3 %)
- Amérique latine et Caraïbes : 572 millions (8,6 %)
- Amérique du Nord : 339 millions (5,1 %)
- Océanie : 34 millions (0,5 %)

En 1980, la répartition de la population mondiale était déjà différente (4,4 milliards d'habitants au total) :
- Asie : 2,64 milliards (60,0 %)
- Europe : 693 millions (15,8 %)
- Afrique : 416 millions (9,5 %)
- Amérique latine et Caraïbes : 364 millions (8,3 %)
- Amérique du Nord : 256 millions (5,8 %)
- Océanie : 23 millions (0,5 %)

Et en 1950, elle s'établissait de la manière suivante (2,5 milliards au total) :
- Asie : 1,41 milliard (55,9 %)
- Europe : 548 millions (21,7 %)
- Afrique : 224 millions (8,9 %)
- Amérique du Nord : 172 millions (6,8 %)
- Amérique latine et Caraïbes : 168 millions (6,7 %)
- Océanie : 13 millions (0,5 %)

(Source : Atlas de la population mondiale de l'INED)

La distribution de la population à l'échelle du globe a ainsi énormément évolué au cours des dernières décennies. L'Afrique regroupe ainsi actuellement près d'un milliard d'habitants, contre 225 millions à peine en 1950. L'Afrique sub-saharienne, la partie la plus pauvre du continent, a vu, pour sa part, sa population passer de 180 millions d'habitants en 1950 à plus de 800 millions d'habitants en 2007. Et l'accroissement annuel de sa population, qui s'établissait à +10 millions d'habitants dans les années 1980, atteignait +15 millions dans les années 1990 et +20 millions à la fin des années 2000.

L'accroissement rapide de la population africaine représente évidemment le principal défi posé au développement et à l'aide au développement. Comment un continent n'ayant pas encore effectué sa révolution agricole, dont les techniques agricoles n'ont pratiquement pas évolué et demeurent organisées autour des techniques traditionnelles anciennes, peut-il faire face à un quadruplement de sa population totale ? Selon la FAO (Food and agriculture organization of the United Nations), 800 millions de personnes souffrent de la faim en Afrique. Mais, selon la FAO, la pénurie ne serait pas consécutive au surpeuplement, mais à la désorganisation politique et économique des pays.

Mais on peut aussi voir le problème de l'accroissement démographique, du développement économique et des atteintes à l'environnement d'une autre manière. Il ne faut pas oublier que les 5,5 milliards d'habitants des pays pauvres ont un impact beaucoup plus faible sur l'écosystème terrestre que le milliard d'habitants des pays riches. Ce ne sont pas véritablement ces 5,5 milliards d'habitants des pays pauvres qui posent un problème d'atteinte à l'environnement, mais bien le milliard d'habitants des pays occidentaux.

La Terre pourrait ainsi parfaitement supporter 12 milliards d'humains ayant le mode de vie des Africains. Le problème n'est pas un problème de nombre, c'est un problème écologique et énergétique.


Réflexion trente-deux (20 avril 2008)
Quelles responsabilités dans la crise alimentaire qui touche le monde en développement ...


La faim dans le monde recommence à passionner le monde et tout particulièrement nos médias occidentaux ... Rappelez-vous, cette expression était à la mode il y a environ vingt-cinq ans, au début des années 1980 ... Puis elle est passée de mode ... car il s'agit véritablement de mode en matière de développement ... plus précisément de paradigmes ... Evidemment, il est resté des associations humanitaires pour continuer à se préoccuper de la faim dans le monde, tel Action contre la faim (ACF), ou encore le programme alimentaire mondial des Nations unies ... Mais le financement du développement a oublié de se préoccuper de luttes contre la faim dans le monde ... Les Nations Unies se sont focalisées sur la lutte contre la pauvreté, les organismes internationaux se sont occupés des réseaux d'assainissement, de la gestion de l'eau, de la réflexion carbone, de meilleure gouvernance ...

Quelles sont les responsabilités dans le retour de la faim dans le monde en sous-développement ... (sans oublier évidemment le fait que la faim ne touche pas uniquement les peuples des pays en sous-développement ... mais que la faim frappe aussi dans nos pays occidentaux, parmi les plus pauvres et les plus démunis de nos concitoyens, souvent parmi les sans-domicile-fixe ... mais pas uniquement ...) ... Quelques articles du Monde traitent de ce problème ... Dominique Strauss-Kahn considérant que la fabrication de biocarburants à partir de céréales pouvant aussi servir de nourritures pour les humains était moralement condamnable ... Ou cet éditorial du Monde recensant les responsabilités des uns et des autres sur cette question ...
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/04/16/les-tartuffes-de-la-faim_1034940_3232.html

Est-il possible de parler de faute morale concernant la fabrication et l'incitation à l'usage des biocarburants, comme le fait Strauss-Kahn ? Les biocarburants concurrencent évidemment la culture des céréales pour l'alimentation humaine ?

Le problème est toutefois de déterminer quel est le prix normal d'un bien, comme le riz, le blé, d'autres céréales ou d'autres produits ? Par mécanique économique, il n'existe aucune possibilité de déterminer un prix normal pour un quelconque produit. La valeur du prix du blé a évidemment extrêmement diminué au cours des derniers siècles. Un ouvrier ou un paysan il y a quelques siècles en Europe s'estimaient heureux s'ils pouvaient s'offrir suffisamment de pain pour se nourrir chaque jour. S'offrir du poisson ou de la viande ne leur serait jamais venu à l'esprit ... Des vacances encore moins ... On voit et on entend parler des scènes de pillages et d'émeutes au sujet du prix du riz et des céréales dans un certain nombre d'états dans le monde ... Mais la seule mesure de la valeur des prix que chacun d'entre nous avons, c'est les prix que nous avions l'habitude de payer ... Sans que l'on sache quel devrait être le véritable prix du riz et des céréales ... Certains états ont même pensé à abaisser arbitrairement le prix du riz ... fausse bonne idée, puisqu'une telle mesure incite les producteurs et les commerçants à stocher leur marchandise plutôt que de l'écouler à un prix trop bas, et désincite les commerçants a importé du riz depuis l'étranger si le prix auquel il l'écoulera sera inférieur à son prix d'achat ... Les émeutes de la faim ne sont pas prêtes de prendre fin à Haïti ...

Cet édito du Monde m'a aussi gêné par sa présentation du problème. Evidemment, les organismes d'aide internationaux n'ont pas brillé par leur inventivité en matière de lutte contre la faim dans le monde. La Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International ont préconisé des politiques creusant les inégalités sociales dans les pays où ils sont intervenus ... Mais ils sont aussi intervenus en France dans les années 1960 ... Pour autant, leurs préconisations n'ont pas ravalé notre pays au stade de la misère ... Mais c'était peut-être avant l'époque des Chicago Boys ... et de leur politique néo-libérale extrêmiste ...

Evidemment, les biocarburants expliquent une partie de la hausse des produits alimentaires, mais l'appétît croissants des chinois et des asiatiques pour les viandes animales d'élevage l'explique également ... L'enrichissement des peuples des états en développement aura de toute façon le même effet sur le prix des produits alimentaires ... une hausse des prix, qui aura tendance à rogner les bénéfices du développement de ces mêmes états ...

Mais il y a aussi une responsabilité des habitants eux-même de ces états sous-développés, sans même parler de cette propension à se faire la guerre, à piller ou à participer à des émeutes, façon de penser qu'ils ne sont pour rien dans la misère qui leur tombe dessus, la faute en revenant à leurs politiciens, aux commerçants enrichis, aux étrangers différents d'eux, aux marchés internationaux, au grand Satan capitaliste ... Responsabilité du fait de leur démographie ... Comment des peuples crevant de faim régulièrement, incapables de se nourrir eux-mêmes, peuvent-ils continuer à procréer et à faire des enfants ? Le monde doit nourrir aujourd'hui 6 milliards d'habitants, plus de 9 milliards dans quelques décennies, contre à peine 3 milliards il y a vingt-cinq ans et 1 milliard au début du vingtième siècle ... La responsabilité première de la faim dans le monde repose d'abord sur ces mêmes peuples mourrant de faim, incapable de limiter leurs naissances et l'accroissement de leur population. C'est assurément atroce d'exprimer une telle position, mais c'est pourtant une réalité. Que serait la situation du monde si nous avions deux fois moins de personnes à nourrir, à loger, à occuper, à équiper ... Quelle serait la pression sur les ressources naturelles de notre planète ? Même si les habitants des pays en développement, ceux qui croissent le plus vite et expliquent la plus grande part de l'accroissement de la population terrienne, ces habitants du Tiers-Monde sont ceux qui consomment le moins, qui ne consomment pratiquement rien d'autres que ceux qu'ils récoltent ou ramassent ...

En tout cas, on ne parlerait pas d'émeutes contre la faim ... Les moyens financiers limités de ces états en sous-développement ne seraient pas accaparés par des programmes sanitaires insuffisants et débordés ... Les migrants n'envahiraient pas les états développés du Nord et du Sud à la recherche d'emplois et de la richesse ... ou en tout cas pas dans les mêmes proportions, rendant ainsi plus facile leur accueil et leur intégration ... Aujourd'hui, nous sommes 6 milliards avec ces problèmes ... Demain, nous serons 9 milliards ... et même si on nous dit que la Terre pourra les nourrir, personne ne rend-il compte que ce serait beaucoup plus facile si nous demeurions 6 milliards sur Terre ...

Nous étions à peine 100.000 humains il y a quelques centaines de milliers d'années ! Quel est donc l'objectif de l'humanité ? Se répandre sur Terre comme la peste ou la vermine jusqu'à ce que la Terre meurre ou nous fasse disparaître ?


Réflexion trente-et-une (18 avril 2008)
Suite du point précédent ... La démocratie existe-t-elle réellement ... et ... des liens entre développement économique et vol ...


Au sujet des critiques que l'on peut adresser à la démocratie, il faut cependant se rappeler qu'il s'agit du moins mauvais système politique existant actuellement ... je n'irais pas dire le moins mauvais système de représentation politique que l'homme est inventé ... Car il me semble qu'il en a existé de meilleurs dans un passé ancien ... Lire Pierre Clastres à ce sujet ... 'La société contre l'état' ...

De même, parler de peuples respectueux des lois, comme les allemands ou les japonais, ou à l'inverse estimer que les français sont un peuple dans une large partie préfère s'abstraire du respect des lois, est excessif, car, comme Comte-Sponville l'écrivait, le respect de la loi n'est pas suffisant en soi, sans le respect de la morale. Seule la morale, et au dessus d'elle l'éthique (ou l'amour) peut venir contraindre et orienter l'action en respect de la loi ... La loi sans la morale n'est rien ... Les allemands et les japonais furent un peuple extrêmement respectueux des règles dans les années 1930-1945 ... mais absolument pas respectueux d'une morale d'action non pervertie ...

De l'importance du vol en matière de développement ... Ou peut-il y avoir développement sans vol ? La première question concerne l'importance du colonialisme occidental dans le développement de l'Europe occidentale au début de l'époque moderne, à compter du seizième et dix-septième siècle. L'Europe aurait-elle connu le même développement économique et technologique si elle n'avait pas colonisé l'ensemble de la planète, et souvent exterminé les peuples étrangers qui y vivaient ? En effet, le colonialisme fut essentiellement un vol à très grande échelle de toutes les richesses de ces pays éloignés, l'or, l'argent, les matières premières, les hommes, les épices, les terres ... A ce sujet, il faut lire le discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, publié en 1955 ...
http://www.alterinfo.net/Discours-sur-le-colonialisme,-Un-livre-immortel-de-Aime-Cesaire_a18883.html

Notre monde occidental s'est construit au cours de ses siècles de colonialisme. A quoi ressemblerait-il sans l'or et l'argent des Amériques, sans ce continent américain et sans les Etats-Unis volés aux indiens qui l'occupaient depuis une dizaine de millénaires, sans les esclaves africains qui enrichirent les planteurs américains et antillais, les négociants nantais ou rochelais, les banquiers français, italiens et néerlandais, sans les diamants africains, sans l'aventure saharienne et africaine de la France, sans l'aventure indienne de l'Angleterre ? A quoi ressemblerait l'Europe avec ces millions d'émigrants qui auraient dû demeurer sur place, à crever de faim en Irlande, en France ou en Pologne ?

Certains estiment que la colonisation a été un coût pour les pays européens, en matière notamment de construction d'infrastructures ... Mais ces infrastructures ne représentent qu'une infime partie des richesses prélevées ou volées à ces pays et à ces continents ...

Sans le colonialisme, sans ce vol à très grande échelle, l'Europe ne serait certainement pas aujourd'hui arrivée à ce point de développement économique.

Maintenant, cela signifie-t-il que le vol est indispensable au développement, ce qui voudrait dire que le développement de l'Afrique ne sera possible que si les africains trouvent un autre peuple, une autre race, à voler ... suffisamment riche pour booster leur développement ...

En sens inverse, il faut toutefois se rappeler le contre-exemple de l'Espagne et du Portugal, principaux bénéficiaires de l'or et de l'argent aztèque et plus largement sud-américain, mais qui ne connûrent aucun développement économique malgré l'afflux d'or et d'argent qui en résulta ... Les causes de cet échec du colonialisme sont multiples et en même temps peu connues ... on suppose que l'Inquisition et l'acharnement auquel elle donna lieu à l'égard vis-à-vis des juifs et des convertis vida l'Empire espagnol de ses marchands et de ses banquiers (juifs le plus souvent à cette époque), a eu un effet important sur cette absence de thésaurisation, d'enrichissement et de développement de l'Espagne, dont bénéficia au contraire ses principaux voisins et adversaires ... France, Pays-Bas et Angleterre ... L'argument selon lequel les espagnols, enrichis, se détournèrent du travail manuel me semble oiseux ... Les paysans espagnols ne profitèrent véritablement pas de cet enrichissement de ces élites ... Il est resté des pauvres en Espagne à cette époque-là ...

Comment expliquer également le développement économique récent des dragons asiatiques (Taïwan, Corée du Sud, Singapour ...) et tigres asiatiques, ces nouveaux pays développés qui ont réussi leur décollage économique dans les dernières décennies, sans même appliquer les méthodes standards préconisées par le FMI et la Banque Mondiale ? Est-ce le vol qui explique leur développement réussi ? Le vol du travail de nos salariés occidentaux, ou bien le simple commerce international, c'est-à-dire les échanges entre nations ?

Peut-être le vol du colonialisme n'était qu'une forme d'échange, et c'est cette composante d'échange qui explique le développement de l'Europe occidentale aux cours des derniers siècles ... une forme d'échange particulière, sans contreparties ... sous la contrainte des armes, de la guerre ... un échange à sens unique, du monde entier vers l'Occident ... Mais le vol lui-même n'expliquerait pas le développement, mais seulement les échanges ... Raison pour laquelle l'Espagne, privée de structures commerciales après le départ des familles de banquiers et de marchands juifs, ne bénéficiera pas des richesses reçues, tandis que ses voisins, bénéficiaires de ces échanges, se développeront rapidement ... comme les Etats-Unis ...


Saucratès



05/12/2010
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