Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Morale


Éthique et modernité

Work in progress

 
On pourrait croire que notre époque moderne est morale et éthique. À l’heure de #metoo, de #metoo-garçon désormais, à l’heure des condamnations et des plaintes incessantes pour antisémitisme ou pour islamophobie, à l’heure des multiples codes de déontologie ou de chartes éthiques que les salariés se voient imposer de respecter dans les entreprises ou les administrations, à l’heure de la nomination de déontologues dans tout ce que la France compte de grandes entreprises, de grandes administrations, jusqu’à l’Assemblée nationale ou le Sénat, on pourrait penser que notre époque est hautement morale et éthique, que l’ensemble de nos comportements sont normés, encadrés par des normes éthiques et morales inaltérables et inattaquables. 

Et pourtant, il n’en est rien. Notre monde n’a jamais été aussi loin de l’éthique. Notre monde est fracassé de partout par les jugements, par les condamnations intempestives, par l’émotivité des uns ou des autres à laquelle on nous impose d’adhérer, de donner suite, de relayer inlassablement. Il faut condamner ci ou ça. Les journaux et les médias comme Le Monde ont cessé de vouloir éclairer sur le monde qui nous entoure et se contentent, comme tout un chacun, de manipuler les plus instinct des uns ou des autres et nous enjoindre de condamner, juger, déformer les faits pour répandre la bonne parole et la sainte colère. Le gouvernement n’est pas plus en reste avec les excommunications que prononcent tels ou tels ministres à l’encontre de tels ou tels partis politiques ou homme public parfois. Tel syndicat a affiché son mur des cons. Tel spectacle d’un humoriste est antisémite. Tel geste est antisémite. Tel mot utilisé comme ‘résistant’ pour décrire un peuple comme les palestiniens est un crime antisémite. Et ainsi de suite…

 

Il peut être utile de relire le philosophe et logicien Ludwig Wittgenstein, l’auteur du Tractatus, pour se rappeler de ce qu’il écrivait sur l’éthique. 

«Or, ce que je veux dire est qu’un état d’esprit, si l’on entend par là un fait que nous pouvons decrire, n’est, au sens éthique, ni bon ni mauvais. Par exemple, si nous lisons dans notre livre du monde la description d’un meurtre avec tous ses détails physiques et psychologiques, la simple description de ces faits ne contiendra rien que nous pourrions nommer une proposition éthique. Le meurtre se trouvera exactement sur le même planque tout autre événement, la chute d’une pierre par exemple. Assurément, il se pourrait que la lecture de cette description provoque en nous de l’affliction, de la colère ou toute autre émotion, ou que nous soyons informés de l’affliction ou de la rage que ce meurtre a suscité chez d’autres personnes qui en ont entendu parler, mais il n’y aura là que des faits, de simples faits, et seulement des faits, mais non l’Ethique. Aussi dois-je dire que, si je me représente ce que devrait être vraiment l’Ethique, à supposer qu’une telle science existe, le résultat me semble tout à fait évident. Il me semble en effet évident que rien de ce que nous pouvons jamais penser ou dire ne pourrait être l’Ethique même.»

 

Conférence sur l’éthique, Ludwig Wittgenstein, 17 novembre 1929

 

En lisant la comparaison faite par Ludwig Wittgenstein entre un horrible meurtre et la simple chute d’une pierre, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec l’attaque du Hamas du 7 novembre 2023 et l’injonction impérative faite à tout un chacun de condamner cette abominable attaque terroriste. Mais en terme éthique, il eusse fallu qu’un philosophe ose rappeler à nos dirigeants outrés, à nos médias guerriers, que la description de cette attaque terroriste n’était pas differente de la description d’une simple chute de pierre. 

Evidemment, en disant cela, je me condamne à l’excommunication, aux poursuites judiciaires et pénales, comme l’aurait été le pauvre Luwig Wittgenstein si il avait osé commettre une telle déclaration en notre époque. Parce que notre époque se croit éthique. Nous sommes tenus en permanence de condamner et de juger les comportements et les actes que l’on nous désigne comme déviants, mauvais, condamnables. Un témoignage est à peine publié sur #meetoo ou désormais #metoo-garçon que le prédateur est immédiatement soumis à l’ostracisme, condamné médiatiquement, exclut de la sphère des vivants. Au delà même de la réalité des accusations, on se trouve d’abord confronté à l’interprétation des accusations. «Il a pris ma main et il m’a dit : tu me troubles !» Harcèlement sexuel évidemment ! 

https://www.lefigaro.fr/cinema/metoo-garcons-ouverture-d-une-enquete-apres-une-plainte-pour-harcelement-sexuel-contre-le-cineaste-andre-techine-20240303

 

Aujourd’hui, il ne faut surtout plus penser ! Il faut condamner ce que l’on nous dit de condamner, juger ce que l’on nous dit de juger, dénoncer ce qu’on nous dit de dénoncer. Penser par soi-même deviendra bientôt un crime. Comment laisser circuler des personnes qui pensent par elles-mêmes, des personnes qui ne condamnent pas ce qu’on leur demande de condamner, mettre à l’index ceux qu’on leur demande de mettre à l’index, huer ceux qu’on leur demande de huer ?

 
Je voudrais terminer cet article sur les dernières phrases de Ludwig Wittgenstein de sa conférence sur l’éthique :

 

«Je vois clairement et immédiatement, comme en un éclair, non seulement qu’aucune des descriptions auxquelles je pourrais penser ne décrirait vraiment ce que j’entends par valeur absolue, mais encore que je rejetterais toutes les descriptions signifiantes que quiconque pourrait suggérer ab initio, en arguant de leur sens. En d’autres termes, je vois maintenant que ces expressions absurdes ne sont pas absurdes parce que je n’ai pas encore trouvé la manière correcte de les exprimer, mais parce que leur essence même est d’être des non-sens. Car tout ce que je voulais, en les mettant en avant, était précisément aller au-delà du monde, c’est-à-dire au-delà du langage signifiant. 

 

Mon penchant, qui est aussi, à ce que je crois, celui de tous les hommes qui ont jamais essayé d’écrire sur l’Ethique ou la religion, ou d’en parler, était de buter contre les limites du langage. Buter ainsi contre les murs de notre cage est entièrement, absolument, sans espoir. L’Ethique, pour autant qu’elle provient du désir de dire quelque chose du sens ultime de la vie, du bien absolu, de la valeur absolue, ne peut être une science. Ce qu’elle dit n’ajoute rien, en quelque sens que ce soit, à notre savoir. Mais elle porte témoignage d’un penchant de l’esprit humain que, pour ma part, je ne puis m’empêcher de respecter profondément et que je ne ridiculiserais à aucun prix.»

 

Ludwig Wittgenstein - Conférence sur l’éthique - 17 novembre 1929 - Pages 18-19

 
Ce sont surtout les derniers mots de cette citation, de cette conclusion de cette conférence, prononcé par Wittgenstein il y a bientôt un siècle, que je trouve admirable. Le fait de buter contre les limites du langage lorsque l’on veut parler sur l’Ethique, le fait que l’Ethique ne puisse être dès lors qu’elle voudrait parler du Bien absolu. Et enfin de ce penchant de l’esprit humain qui cherche à trouver ce Bien absolu, ce sens ultime de la vie. Ce penchant né en Grèce antique, il y a deux millénaires et demi.

 
 
Saucratès


04/03/2024
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Aux origines de la Religion et de la Philosophie

Dieu, l’Homme et la philosophie

Par Saucratès 

Paris onzième, jeudi 14 décembre 2023

 

Qu’est-ce que Dieu ? Qui est Dieu ? Pourquoi l’homme a-t-il besoin de croire en Dieu ou en autre chose ? Ou bien en quoi pourrait-il croire s’il ne croit pas en Dieu ? Pourquoi l’Homme pense-t-il ? Et depuis quand ? Et qu’est-ce que la philosophie ?

 

Sont-ce les grandes questions métaphysiques existentielles ? La première question porte, je pense, sur la place respective de la religion et de la philosophie. La religion a-t-elle commencé avec l’invention des Dieux, au début des premières civilisations de l’écrit, ou bien la religion et la croyance en un Dieu, ou des Dieux, bienveillants ou malveillants, préexistaient-elles à ces premières civilisations de l’écrit, aux temps antérieurs au néolithique ? De la même manière, la philosophie a-t-elle démarré avec la Grèce antique, avec Socrate ou avant cela avec les philosophes présocratiques, ou bien existait-elle avant la Grèce antique, au cours des millénaires antérieurs qui se sont déroulés en Égypte, en Sumer, en Chine ou dans la vallée de l’Indus ? 
 

À la première question, sur l’existence préhistorique de la croyance en des Dieux, en des êtres surnaturels, on peut se rappeler toute la controverse sur l’existence ou non d’une croyance et d’une religion adorant une déesse mère, schématisée autour de ces multiples statuettes de déesses mères trouvées dans les grottes préhistoriques. Ces statuettes représentaient-elles, témoignaient-elles d’une adoration d’une sorte de déesse mère ? Ou bien s’agissait-il de toute autre chose, de symbole de la fécondité ou autre symbole ? Les préhistoriens ne sont pas tous d’accord sur l’objet et les symboles de ces statuettes. 
 

Il existe une autre réponse à cette question. Elle se trouve dans l’ancienneté des grandes formes des mythes des origines, qui font tous intervenir des Dieux ou des personnages légendaires et supérieurs aux humains. Et ces mythes sont extrêmement anciens, bien antérieurs aux premières civilisations de l’écrit que j’ai cité. La répartition géographique de ces mythes permet de faire remonter l’origine de ces mythes de la création du monde, de ces discours sur l’origine des sociétés et de l’homme, à plus de 100.000 ans dans le passé pour les plus anciens des mythes primordiaux. Le discours des aborigènes australiens remontent probablement aux premiers temps de leur arrivée en Australie, vers il y a 50.000 ans.

 

Et ces mythes, quelque soit la manière dont ils ont évolué, dont ils ont pu se combiner avec d’autres mythes, d’autres discours, d’autres religions, font intervenir des Dieux ou des personnages ou des animaux légendaires. La croyance en des Dieux, en des entités surnaturelles, dépassent forcément de très loin les premières traces écrites que les premières civilisations de l’écrit nous ont laissé. On sait que  l’écriture de la Bible a été influencé par les mythes babyloniens et sumériens. Vraisemblablement, ces premiers mythes sumériens ont dû également être influencés par des mythes bien plus anciens d’autres peuples dont il ne nous reste aucune trace écrite et aucun souvenir historique. 
 

A l’exception de nos peuples occidentaux urbains modernes, le reste de l’humanité croit encore aujourd’hui en des entités surnaturelles. Je fais partie d’un peuple pétri de religiosité et de surnaturel, qui croit encore à la légende de l’Ankou. Et dans ma prime enfance, certainement bercé par les contes et légendes bretonnes, j’étais persuadé que je tomberais, en soulevant les rochers pour la pêche aux coquillages, sur le roi des crabes ou le roi des poissons. Un crabe à la carapace immense, bien plus grand que le jeune enfant que j’étais. Et même si j’étais d’un caractère rêveur, je ne peux avoir été le seul à croire en l’existence de tels êtres surnaturels. De telles croyances on existait de tout temps comme nous l’enseigne les contes et légendes qui se perpétue jusqu’à nous, depuis des temps immémoriaux.

 

Si ces croyances ont existé de tout temps, vraisemblablement depuis au moins 100.000 ans, il est possible que ces croyances ne reposaient pas sur l’existence d’un Dieu unique et tout puissant, ni sur un Dieu vengeur. L’existence de croyances préhistoriques en des entités surnaturelles n’implique pas évidement que l’on puisse parler de religions préhistoriques. Pas de bible. Juste une histoire de la création du monde que l’on se transmet de générations de conteurs en générations de conteurs …

 

Pour la deuxième question posée quant à l’origine de la philosophie, cette question équivaut à se demander si la manière de se penser des égyptiens et des sumériens de l’Antiquité correspondait à un questionnement sur le but de l’homme, sur la recherche du bonheur. Les hiéroglyphes égyptiens et les pictogrammes sumériens ne nous renseignent pas sur ce problème. On y trouve des codes de lois, des inventaires marchands, des discours de la création, mais pas de traités sur le bonheur ou sur le bon fonctionnement de la cité. Une autre façon de chercher une réponse à ces questions est d’interroger les civilisations archaïques que l’on a découvert au cours des derniers siècles, au moment de leur premier contact avec l’Occident, que ce soit en Afrique, en Australie, en Nouvelle-Guinée ou dans la forêt vierge amazonienne. Les hommes et les femmes de ces sociétés archaïques avaient-ils développé une philosophie, sur le bonheur, sur les formes idéales de fonctionnement des sociétés, sur ce qu’est l’homme et l’humanité ?

 

Question à laquelle, je le crains, il n’y ait pas vraiment de réponses. Les anthropologues qui ont étudié ces peuples nouvellement découverts, qui ont été au contact de ces peuples, s’intéressaient à collecter de nombreuses informations, mais je n’ai pas lu qu’ils avaient cherché véritablement à se demander s’ils disposaient d’un discours philosophique. Mis à part Pierre Clastres qui nous a transmis de sa rencontre avec les indiens Guayakis ce qu’il a appelé ‘Le grand Parler, Mythes et chants sacrés des Indiens Guarani’, ce qu’il a appelé comme une forme de discours mélancolique des indiens Guayakis sur la fin de leur vie d’errance. 
 

Au fond, l’invention et l’usage du terme de philosophie n’est-il qu’un concept ethnocentrique de l’Occident et de ces racines qui plongent dans la Grèce antique platonicienne. N’est-ce pas uniquement parce que nous avons conquis le monde entier que nous pensons que la philosophie est une constante inamovible de la pensée humaine ? L’existence et l’invention de la philosophie ne dépendent-elles pas de la confrontation à de multiples formes de sociétés, d’organisations sociales différentes, comme cela a été le cas dans la Grèce antique, ce creuset géographique microscopique où s’inventa la cité athénienne ou spartiate, la démocratie et la tyrannie ? Des sociétés archaïques en Afrique, en Amazonie ou en Australie, qui ont réussi à maintenir inchangées et immuables des organisations sociales inchangées pendant des millénaires, qui ont réussi à rejeter toute apparition de l’Un, du pouvoir coercitif, ces sociétés pouvaient-elles avoir un discours sur la meilleure forme d’organisation de la société et de l’homme, alors que toute leur énergie passait dans le processus de maintien et de défense de leur forme de société. Le discours servait à rappeler l’origine de la tribu et l’égalité de tous contre tous, et ce discours n’aurait pas pu tolérer une réflexion philosophique sur ce que serait la meilleure forme de gouvernement, sur le rôle de l’homme, sur la recherche du bonheur …

 

La philosophie implique la possibilité d’interroger et de remettre en cause l’organisation de la société telle qu’elle fonctionne. La philosophie n’a probablement pas pu apparaître avant qu’une telle capacité de la société à accepter sa remise en cause ne soit acceptable et possible. Et probablement cette tolérance n’a pas été possible avant cet exceptionnel accident historique et géographique que fut l’apparition des premières cités de la Grèce antique. Tout comme cette tolérance n’a pas survécu, ou très difficilement survécu, aux temps obscurs du moyen-âge occidental tout comme aux siècles obscurs de l’islamisme, même si la splendeur des débuts de l’islam ont permis la redécouverte des sagesses antiques que l’Occident avait totalement oublié lors de ce même moyen-âge. 
 

Il me resterait maintenant à parler de Dieu et de l’homme …

 

 

Saucratès


14/12/2023
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Barbarie

Barbarie 

Par Saucratès 

Saint-Denis de La Reunion, dimanche 27 août 2023

 

Au début de ce mois d’août 2023, une jeune femme de 29 ans a été agressée sauvagement à Cherbourg, par un jeune migrant de 18 ans, au prénom à consonance maghrébine, Oumar N. ou Oumar M.

 

«La jeune cherbourgeoise de 29 ans a expliqué aux forces de l’ordre qu’elle venait d’être frappé et violée. Son témoignage est glaçant. (…) l’agresseur s’était introduit à son domicile pour la frapper à de multiples reprises, au visage et sur le corps, avant de la violer plusieurs fois, notamment avec un manche à balai.

  

(…) À son arrivée à l’hôpital Pasteur, la jeune femme a été plongée dans un coma artificiel et admise au bloc opératoire. Plusieurs heures de chirurgie s’en sont suivies. Violée avec un manche de balai, le colon, l’intestin grêle, le péritoine et le diaphragme de la victime ont été perforés. Elle présentait également des fractures sur les côtes. Face à la brutalité de ses blessures, certains membres du personnel ont fondu en larmes.»

  

https://www.liberation.fr/societe/police-justice/un-jeune-de-18-ans-mis-en-examen-pour-viol-avec-actes-de-barbarie-sur-une-femme-dans-la-manche-20230813_Z7723V4X75AVTCG62TRPZXYNQ4/

  

https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/viol-de-cherbourg-le-lourd-casier-de-l-agresseur-presume-9880160

 

On peut évidemment s’interroger sur la barbarie de tels actes, sur l’absence de toute empathie pour leurs victimes ! Que font ces individus en France ? Sont-ils des victimes pour mériter, pour avoir le droit de séjourner en France ? Absence totale d’empathie dans la manière dont le suspect a fini par reconnaître les faits en garde à vue, sans montrer aucune émotion. Selon BFMTV, cet homme compterait déjà 17 mentions au fichier du traitement des antécédents judiciaires, dont un viol sur mineur en 2019 au sein d’un internat socio-éducatif médicalisé et une tentative d’agression sexuelle sur sa petite sœur, en 2022.

 

Ce qui choque tout autant, ce n’est pas tant la récupération politique de cette barbarie, que la négation par tous les écoles-gaucho bobos du contexte raciste de cette agression. Ne surtout pas faire le moindre lien avec le fait que le barbare est un migrant et un délinquant multirécidiviste. Faisons le procès du patriarcat, excusons le barbare, mais ne faisons surtout aucun lien avec le fait qu’un étranger migrant viole, brutalise sauvagement une jeune femme dans une de nos villes ! Surtout pas !

 

https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/viol-barbare-a-cherbourg-le-suspect-reconnait-les-faits-et-les-politiques-s-en-emparent

 

Tout aussi marquant le fait que Le Monde se garde bien de mettre une ligne dans son magnifique journal  écolo-gaucho bobo sur cette triste information, puisque Le Monde tient un discours aussi assimilassionniste que tous les politiques femino-ecolo-gaucho bobos. Mon Dieu, quand une information ne correspond pas au discours assimilassionniste du Journal, alors l’information n’existe pas, elle ne sera pas traitée par le Journal et par ses preux journalistes, mais on pourra peut-etre dénoncer ultérieurement les amalgames réalisés par les extrémistes de droite qui refusent la logique d’assimilation des millions de migrants que Le Monde appelle de ses vœux. 
 

Peut-on faire un parallèle avec le traitement du baiser volé par le Président de la fédération royale espagnole de football, Luis Rubiales, à l’encontre de Jenni Hermoso, joueuse espagnole, pendant la cérémonie protocolaire après la victoire de l’Espagne en Coupe du monde féminine ? 

 

https://www.lemonde.fr/football/article/2023/08/21/le-president-de-la-federation-royale-espagnole-de-football-s-excuse-apres-avoir-embrasse-de-force-une-joueuse_6186103_1616938.html

 

Chaque heure, chaque minute, nous découvrons un nouveau rebondissement de cette affaire. Désormais, les joueuses de l’équipe féminine championne du monde refuseront d’être sélectionnées tant que Luis Rubiales demeurera Président. Grosso modo, pour Le Monde, comme pour une partie de la presse française, cette monstrueuse agression semble mille fois pire que la barbarie d’Oumar N. ou Oumar M.

 

Evidemment. Le journal Le Monde est tellement plus à l’aise avec une abominable agression sexuelle d’un homme quadragénaire blanc, image du patriarcat, qui ose des comportements vulgaires à l’égard de femmes pouvant représenter l’étendard de la cause féminine, qu’avec la barbarie commise par un si gentil migrant d’origine étrangère. Pour Le Monde, ce pauvre jeune homme est une victime. Ah, le coupable aurait été un méchant blanc quadragénaire appartenant au monde patriarcal, cela leur aurait permis de fustiger l’abominable patriarcat. Donc là, ce genre de journalistes va mettre en cause la pornographie devant laquelle les jeunes gens sont sans défense …

 

L’Espagne semble désormais avoir lancé une guerre civile à l’encontre des hommes, comme dans les pays nordiques. Ces mêmes types d’actes auraient-ils eu les mêmes répercussions si Luis Rubiales avait eu le même comportement avec un homme. Les comportements des sportifs entre eux, à se porter en triomphe, posent-ils véritablement problème ou bien tout ceci n’est-il qu’un faux prétexte pour attaquer une nouvelle fois les hommes ? Au fond, le virilisme des sportifs n’est absolument pas compatible avec la féminisation du sport et l’absence de toute interaction possible entre les hommes et les sportives, ou avec l’appartenance à la mouvance LGBTQIA+. 
 

La solution aujourd’hui imposée est de supprimer toute forme de virilité dans le sport, pour que les femmes et les LGBTQIA+ puissent se sentir désormais chez eux. Sans oublier le petit truc bassement financier : que tout le monde, hommes, femmes ou LGBTQIA+ gagnent autant.

 

Et après tout, cette infâme agression sexuelle est tellement plus importante que la pauvre agression barbare de ce si gentil et adorable Oumar N. ou Oumar M. Combien faudra-t-il de milliers d’actes de barbarie de la sorte de la part de migrants africains pour que Le Monde s’y intéresse. Pourtant un baiser forcé de Luis Rubiales suffit bien lui !

 

 

Saucratès

 

 

Post Scriptum : Suis-je abominable ou raciste de réagir de cette manière à cet acte de barbarie, d’un barbare dont on ne connaît que le prénom et l’âge, et dont on suppose qu’il s’agit d’un jeune d’une famille de migrants ou d’immigrés ? Probablement … Mais n’est-il pas tout aussi criminel de laisser ce genre de barbare en liberté dans nos villes, en attendant qu’il attaque et agresse une autre personne, et de faire en sorte qu’aucune mesure d’expulsion ne puisse être prise contre lui, sous prétexte qu’il était mineur ou que le reste de sa famille est hébergé en France ? Et de penser qu’il sortira de prison probablement dans très peu de temps, et qu’il recommencera, et qu’il tuera ce jour-là ? Parce que notre justice, les juges, les avocats, sont laxistes et font tout pour faire sortir le plus vite possible ces barbares.

 
Et là-dessus, Le Nouvel Observateur nous pond un article pour nous demander si nous sommes dignes face aux migrants, pour nous interroger sur les raisons pour lesquelles nous privons les personnes migrantes de leur dignité. Mais combien de ces migrants, ou leurs enfants, tueront nos femmes, nos enfants, nos vieux parents ? Comment ne pas y penser avant de les laisser rentrer dans notre pays ?


https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20230808.OBS76716/sommes-nous-dignes-face-aux-migrants.html?dicbo=v2-2Hm956B

 
Dans un second temps, il y a toute une polémique sur une comparaison entre les polices françaises et allemandes, et dans leurs conceptions du maintien de l’ordre. Mais le problème n’est-il pas justement que l’on ne puisse pas simplement comparer les peuples français et allemands ? Sont-ils comparables en matière de respect des lois et des règles, que ce soit sur les routes ou dans les villes, sans même penser à nos cités et nos banlieues ghettoïsées.
 
https://www.francebleu.fr/infos/societe/violences-policieres-pourquoi-les-allemands-semblent-moins-touches-par-ce-fleau-1606922983

 

https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/lallemagne-un-modele-pour-la-police-francaise-pas-si-sur

 

Français ou Allemand, nous n’avons absolument rien de comparables face aux lois et aux règles. Les français, de toutes origines, considèrent que les lois et les règles ne les concernent pas, et ils ne les respectent le plus souvent qu’en raison de la peur du gendarme. Sans gendarmes, sans vidéo et sans contrôle, une majorité d’automobilistes, de citoyens, ne respectent pas les limites de vitesse, les interdictions de dépassement ou l’interdiction de voler dans les magasins … et cela semble encore pire chez les jeunes originaires des cités, des banlieues, tandis que face à un contrôle, les jeunes ou vieux délinquants chercheront par tout moyen à fuir les contrôles de police, au mépris de la vie des autres usagers de la route ou ailleurs, au mépris de leur propre vie. Et de toute façon, si ils meurent, leurs frères se révolteront et brûleront les villes et les poubelles.

 

Et pourtant, il suffirait qu’ils s’arrêtent et se laissent contrôler. Il suffirait qu’ils ne soient plus des barbares inculturés… 

 

C’est une question d’éducation, de morale. Accepter que l’on a violer une loi ou une règle et que l’on doit accepter la conséquence de notre faute. Ou bien, plus simplement, ne pas violer les lois et les règles et agir partout et tout le temps en fonction de ces lois et de ces règles. Être allemand en quelque sorte.


27/08/2023
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CIVITAS, coupable ou victime expiatoire

CIVITAS, coupable ou victime expiatoire ?

Par Saucratès

Saint-Denis de La Réunion, jour de l’Assomption (mardi 15 août 2023)

 

Les ministres de l’intérieur en France (j’allais dire un peu virulents, mais ils sont dans la réalité tous virulents, de Nicolas Sarkozy à Charles Pasqua, en passant par Manuel Valls ou maintenant l’actuel ministre macroniste de l’intérieur, Gérald Darmanin), mais aussi les premiers ministres, qui aiment s’afficher sur les sujets régaliens, adorent cibler des ennemis de l’intérieur en les accusant péremptoirement d’être des antisémites. Et il s’agit là d’une accusation sans appel possible, qui, une fois lancée, se suffit à elle-même, possède sa propre légitimité et présente l’avantage, ou l’inconvénient, d’interdire toute contestation. Toute personne qui voudrait défendre ou contester l’abominable antisémite serait immédiatement taxée d’être également un antisémite. CQFD. Ou bien le serpent se mord la queue. 

 

Rappelons-nous bien, sous les socialistes, Manuel Valls, alors premier ministre, en quête d’un dérivatif, avait ciblé l’humoriste Dieudonné en l’accusant d’être un antisémite et en faisant interdire ses spectacles partout en France. On peut se moquer de tout en France, sauf des musulmans, d’Allah, de Mohamet, et surtout pas d’Israel, des juifs, sans oublier désormais de l’Ukraine, des ukrainiens et des ukrainiennes et de son leader charismatique et si beau et si intelligent et si grand. Par contre, se moquer de Dieu, du pape, des chrétiens, c’est permis, toléré, encouragé, célébré, applaudi, signe d’une ouverture et d’une indépendance d’esprit, signe d’une occupation salutaire.

 

Donc aujourd’hui, notre ministre macroniste de l’intérieur, Gérald Darmanin, futur présidentiable, décide d’en découdre avec l’association ultra-catholique CIVITAS en demandant sa dissolution, en dénonçant des «propos ignominieux tenus lors de l’université d’été de juillet du groupuscule». Il s’était précédemment attaqué à l’association ‘Soulèvement de la Terre’ et la NUPES est bizarrement absolument contre. Mais là, CIVITAS, tout le monde est d’accord.

 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/08/07/gerald-darmanin-annonce-engager-la-dissolution-de-l-organisation-catholique-integriste-civitas-apres-des-propos-antisemites_6184729_823448.html


De quels propos ignominieux et antisémites est-il ici question ? Il s’agit d’une intervention de Pierre Hillard, tenus lors du rassemblement de l'UDT Civitas à Pontmain, dans le département de la Mayenne, dénoncée par la LICRA et relayée par les députés de la NUPES. Pierre Hillard y développe l’idée que les politiques d’intégration des étrangers de religion musulmane trouvent leur origine dans la loi d’émancipation des juifs du 27 septembre 1791 votée par l’Assemblée nationale révolutionnaire et promulguée par le Roi de France Louis XVI.

 

«Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'État, roi des Français, à tous présents et à venir, salut. L'Assemblée nationale a décrété et nous voulons et ordonnons ce qui suit: Décret de l'Assemblée nationale du 27 septembre 1791:

 

L'Assemblée nationale considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français et pour devenir citoyen actif sont fixées par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique et s'engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu'elle assure ; révoque tous ajournements, réserves et exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tous privilèges introduits précédemment en leur faveur. »

 

Conclusion de la LICRA : «Nous interpellons @GDarmanin et @NunezLaurent et demandons une condamnation ferme ainsi que la dissolution de Civitas ! @_LICRA»

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/08/dissolution-de-civitas-le-gouvernement-cible-pour-la-premiere-fois-les-catholiques-integristes_6184829_3224.html

 

Soyons clair, cette idée et ce rapprochement sont stupides. Les débats à l’Assemblée nationale dans les deux années précédant 1791 rappellent la violence de l’antisémitisme de nombre de parlementaires de l’époque, mais également que déjà des musulmans peuvent être ou devenir citoyens français, selon WIKIPEDIA, mais pas les juifs. Et cette même page WIKIPEDIA rappelle la condition abominable faite aux juifs dans toute l’Europe, excluant de la citoyenneté, interdit de certains métiers, cantonnés à habiter dans des ghettos, et interdit d’ester en justice ou contraint à des procédures abominables, comme le serment more judaico.

 

Alors évidemment, voire dans cette loi du 27 septembre 1791 l’origine des politiques assimilationnistes ultérieures est stupide ! Penser que la remise en cause des politiques assimilationnistes pourrait nécessiter de remonter jusqu’à cette loi révolutionnaire (et royale), et la remettre aussi en cause, est également particulièrement stupide et inutilement vexatoire. Mais s’agit-il pour autant de propos ignominieux et antisémites ? Et doit-on dissoudre CIVITAS parce qu’un idiot y a prononcé un discours stupide ? Non. Pas selon moi. Faut-il dissoudre WIKIPEDIA parce qu’un article y explique les débats survenus dans l’Assemblée nationale de l’époque sur la question de la citoyenneté des juifs ? Non. Faut-il dissoudre le ministère de l’intérieur parce qu’un article y parle de cette même loi du 27 septembre 1791 ? Non plus. Faut-il dissoudre la LICRA parce qu’elle appelle à dissoudre un mouvement catholique et que c’est ignominieux d’attaquer un mouvement catholique, fut-il intégriste ? Non.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/13/dissolution-de-civitas-faire-des-juifs-de-france-des-etrangers-releve-d-une-falsification_6185276_3232.html

 

Tout le monde y va donc de sa petite musique. La LICRA, la NUPES et Darmanin veulent la dissolution de CIVITAS. Pierre Salmona nous explique quant à lui que «contrairement à ce qu’affirme Hillard, les juifs n’ont pas été naturalisés en 1791 mais émancipés». Bon, c’est un peu jouer sur les mots dans le cas présent, même si la formule est historique. Parce que la question derrière cette querelle d’historiens est bien de savoir, à cette époque, et pendant deux ans, si «les juifs vivant en France peuvent prétendre ou non à la citoyenneté française», droit qui leur était refusé à cette époque. «À cette époque, seule une communauté sépharade, qu'on appelle les Juifs portugais ou espagnols, résidant dans le sud-ouest et à Avignon, disposent depuis seulement 1787 de l’égalité civile.»

 

On se trouve ainsi devant une querelle de termes utilisés, d’historiens sur une matière qui est l’histoire, sur des sujets extrêmement sensibles. Soyons clair, l’Europe a appliqué des politiques abominables à l’encontre des citoyens européens de relevions juive. La France a même été le premier état européen à casser le statut discriminatoire des juifs par cette loi de 1791. Et si émettre une opinion historique sur l’histoire des juifs peut être traité comme de l’antisémitisme, c’est extrêmement dangereux parce qu’on pourrait aussi considérer que l’article de Pierre Salmona énonce également des positions antisémites en rappelant simplement l’histoire de cette loi … ou moi-même.

 

Faut-il rappeler ce que signifiait le serment More Judaico (qui signifie en latin «d’après la coutume juive» ? Faut-il rappeler que dans l’empire byzantin, au dixième siecle, le juif doit prêter serment en justice avec une couronne d’épine sur les reins ? Qu’à Arles, en 1150, une guirlande d'épines est enfilée autour du cou du jureur juif, tandis que d'autres branches d'épines entourent ses genoux ? Qu’à Souabe, au treizième siècle, le Juif doit prêter serment en se tenant debout sur une peau de truie ou d’agneau ensanglantée ? Qu’en Silésie, en 1422, le Juif doit se tenir debout sur un tabouret à trois pieds et payer une amende à chaque fois qu'il tombe. S'il tombe quatre fois, il perd son procès ? Et ainsi de suite … 

 

Faut-il rappeler que le serment More Judaico restera en vigueur en Prusse jusqu’au 15 mars 1869, que les Pays-Bas ne modifieront le serment qu’en 1818 et que la Roumanie ne supprimera ce serment qu’en 1902 ? L’antisémitisme, à savoir la haine des juifs, est une histoire ancestrale en Europe et elle reste tellement proche de nous. Même en France, même après 1791, la question de l’égalité civile et juridique des juifs n’a pas été immédiatement tranchée.

 

Mais le simple fait de rappeler l’histoire, même de manière stupide, même avec des raccourcis stupides et honteux, et des conclusions fausses, ne doit pas relever de l’accusation d’antisémitisme, parce que sinon, c’est tout rappel de l’histoire qui pourrait conduire à des accusations d’antisémitisme ainsi qu’à la dissolution de tous ceux qui font œuvre d’historiens.

 

L’acharnement de l’histoire européenne vis-à-vis des citoyens de religion juive à travers l’histoire est intolérable et abominable. Mais il faut pouvoir parler de cette histoire, de cette horreur, qui nous a conduit jusqu’à l’holocauste, sans jugement hâtif d’hommes politiques intéressés uniquement par leur carrière politique.

 

 

Saucratès


14/08/2023
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Nouvelles réflexions sur le Pouvoir

Nouvelles réflexions sur le Pouvoir

Par Saucratès 

Saint-Denis de La Réunion, lundi 7 août 2023

 

Dans mes recherches ou réflexions autour du concept de pouvoir, les chefferies amérindiennes d’Amazonie décrites par Pierre Clastres constituent l’un de mes objets préférés de réflexion. Ces chefferies se situent peu ou prou à l’une des extrémités les plus éloignées du spectre du pouvoir, tandis que nos sociétés occidentales modernes technologiques et supposément démocratiques se situent à l’autre bout de ce large spectre. 

Au sujet de ces chefferies amérindiennes, Pierre Clastres les présentait comme des ‘sociétés contre l’Etat’. Il n’a pas seulement étudié la tribu des indiens Guayakis, mais également quelques autres tribus amérindiennes comme les Yanomami. Et j’ai trouvé intéressante et pertinente la question que certains penseurs se posaient sur ces sociétés contre l’Etat. Comment des peuples peuvent se protéger d’un concept, le pouvoir coercitif, qu’ils n’ont pas connu ? Comment peuvent-ils avoir développé des mécanismes pour s’en protéger s’ils n’ont jamais expérimenté le pouvoir coercitif ? Comment cela peut-il s’expliquer ? L’apport selon ces penseurs de Pierre Clastres était de présenter ces sociétés non pas sans pouvoir, comme des sociétés auxquelles il manque quelque chose, le pouvoir coercitif, mais bien au contraire des sociétés où il y a quelque chose de différent, où toute la société est construite pour s’opposer à l’apparition du pouvoir.

 

Les chefferies amazoniennes sont en effet des particularités dans le domaine du pouvoir. Pas seulement par rapport au concept du pouvoir occidental, de l’usage du monopole pour l’Etat de la violence légitime. Les chefferies amazoniennes sont des exceptions par l’absence de toute forme de pouvoir coercitif dévolu au chef et à ses séides. On retrouve des sociétés à base de royauté sacrée (ou non) en Afrique. Où ce roi sacré (ou non) dispose de gens à lui, de gens du roi, pour user de la violence à son bénéfice et celui de ses hommes. On retrouve aussi des concepts de sociétés lignagères en Afrique, avec des chefs de lignages et des chefs à peau de léopard. On trouve des sociétés à Big Men (grand homme) en Océanie et en Mélanésie, mais également des royautés puissantes. On trouve des sociétés à classes ou à castes en Asie, avec des nobles et des roturiers et même des esclaves (esclavage pour dettes). L’Australie est plus ou moins à part avec des sociétés que j’aurais de la peine à décrire sous forme de concept de pouvoir (je ne pense pas qu‘Alain Testard aborde les sociétés aborigênes australiennes sous l’aspect du pouvoir politique). Y existe-t-il des chefs ? Il y existe en tout cas des responsables de culte, de sociétés secrètes, comme on en retrouve également en Afrique (je parle des sociétés secrètes). On y trouve des guerres, des guerriers, des vieux hommes puissants avec des filles à marier et de grands pouvoirs religieux, témoignage de leur puissance.

 

Et dans toutes ces sociétés, on peut noter ce que l’on appelle communément une malédiction attachée au fait d’être des chefs.

 

1. Le Big Men mélanésien passera sa vie à trimer durement pour correspondre et maintenir son statut de Big Men, impliquant de régaler largement en patates douces, en ignames et en cochons rôtis ses coreligionnaires, sans recevoir aucune aide de leur part. 

2. Le roi sacré africain sera mis rituellement mis à mort dès lors que le cycle de la nature sera perturbé, déréglé, que la sécheresse guettera ou qu’une inondation surviendra. Tout puissant pendant sa vie, mais à la merci de la moindre catastrophe naturelle ou signe de désordre social. 

3. Les chefs dans les sociétés indiennes de la côte nord-est américaine devait pour sa part, pour maintenir son statut et sa position sociale, toujours offrir des potlachs majestueux et généreux, et devait toujours rendre plus ou détruire autant ou plus qu’il avait reçu par le passé. Avec le risque de perdre son statut et le risque de déchéance s’il ne pouvait pas rendre plus.

 

4. Et quand au chef amérindien, il était toujours à la merci d’être rejeté par les membres de sa tribu s’il ne les représentait pas convenablement, s’il les entraînait dans une guerre dont ils ne voulaient pas ou inversement. À la merci du fait, du risque que les membres de sa tribu ne lui préfèrent un autre chef, un autre membre de la tribu parlant mieux ou les représentant mieux.

 

5. Dans une société beaucoup plus proche géographiquement de nous (mais pas temporellement), les sociétés grecque ou romaine antiques, la reconnaissance de la grandeur des familles riches dépendaient des dons qu’ils réalisaient, qu’ils offraient, des jeux qu’ils finançaient ou des actions d’évergétisme qu’ils offraient à leur cité, tel monument ou telle statue qu’ils avaient financés. À cette époque aussi, le statut social était aussi inséparable des dons offerts, comme en Mélanésie ou sur la Côte nord-ouest américaine. Il n’est plus que dans nos sociétés supposément égalitaires où les riches et les puissants n’ont plus nécessité de donner pour maintenir leur statut social. L’impôt a supposément remplacé les dons, mais les plus riches cherchent et réussissent à y échapper presque totalement. 

 

Néanmoins, au regard de ce spectre très large que peut prendre le pouvoir dans les sociétés humaines, peut-on imaginer que l’on trouve des formes très proches de ce pouvoir, à la fois à un bout de ce spectre, parmi les sociétés amérindiennes les plus préservées, telles que les a observé Pierre Clastres dans les années 1960-1970, mais également à l’autre bout de ce spectre, dans nos sociétés occidentales modernes ? Et peut-on alors se demander ce qu’il faudrait alors en penser, en déduire sur la nature de ce pouvoir ?

 

Dans la description que fait Pierre Clastres d’une société indienne, les Yanoama, qui constitue l’archétype du chef amérindien et de sa potentielle déchéance : 

 

«Disons seulement que la personne de Fusiwe [chef du peuple Yanoama décrit par une brésilienne enlevée qui vécut quelques décennies auprès d’eux] illustre parfaitement la conception indienne du pouvoir, radicalement différente de la nôtre en ce que tout l’effort du groupe tend précisément à séparer chefferie et coercition et donc à rendre en un sens le pouvoir impuissant. Concrètement, un chef - dirigeant ou guidé, faudrait-il plutôt le nommer - ne dispose sur ses gens absolument d’aucun pouvoir, hors celui - tout différent - de son prestige auprès d’eux et du respect qu’il sait inspirer.

 

D’où ce jeu subtil entre le chef et son groupe, jeu lisible entre les lignes du récit d’Elena (Yanoama. Récit d’une femme brésilienne enlevée par les Indiens, Plon, Terre humaine, 1968), et qui consiste pour le premier à savoir à chaque instant apprécier et mesurer les intentions du second, pour s’en faire ensuite le porte-parole. Tâche délicate, toute en finesses, de s’accomplir sous le discret mais vigilant contrôle du groupe. Que celui-ci repère le moindre abus de pouvoir (c’est-à-dire l’us du pouvoir), et c’en est fait du prestige du chef : on l’abandonne, au profit d’un autre plus conscient de ses devoirs. 

 

Pour avoir tenté d’entraîner sa tribu en une expédition guerrière qu’elle refusait, pour avoir confondu son désir et les intentions du groupe, Fusiwe se perdit. Délaissé de presque tous, il persista néanmoins à faire sa guerre pour y laisser finalement la vie. Car sa mort, presque solitaire, est en fait un suicide : le suicide d’un chef qui ne put supporter le désaveu infligé par ses compagnons, d’un homme qui, faute de pouvoir survivre comme chef aux yeux de ses gens et de sa femme blanche, préféra mourir comme un guerrier.»

 

Pierre Clastres, «Une ethnographie sauvage - Recherches d’anthropologie politique», pages 38-39

  

Vous me direz : il n’y a absolument aucune ressemblance avec le pouvoir politique dans nos sociétés occidentales, avec le fonctionnement de l’Etat. Et pourtant, en lisant ces lignes, je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec le fonctionnement de groupes d’égaux, avec mon propre ressenti. Et tout particulièrement avec le fonctionnement d’une section syndicale d’entreprise. Là aussi, le délégué syndical ou le responsable de la section syndicale ne tient son pouvoir que du libre choix des adhérents de sa section. Lui aussi il tient son pouvoir de sa capacité à parler pour le groupe et à le représenter. Lui aussi il ne peut pas conduire ses adhérents au conflit avec l’ennemi (l’employeur), si ceux-ci ne le souhaitent pas. Et inversement. Et là aussi, le délégué syndical court le risque que ses adhérents considèrent qu’un autre responsable parlera mieux et les représentera mieux. Alors évidemment, pas de suicide rituel de l’ancien chef désavoué (mais en dépassant les bornes avec le patron, il peut se faire licencier et il le sera probablement à la fin de sa protection), pas d’obligation de parler dans les cérémonies du groupe … (mais n’est-ce pas ce que l’on attend de lui ?).

 

Evidemment, le conflit et l’opposition avec le patron de l’entreprise est sensé relever de la théâtralisation. Mais aux yeux du personnel et des adhérents, la fraternalisation avec l’employeur risquerait d’être considérée comme une trahison. Et enfin, dernière ressemblance, le pouvoir du délégue syndical comme celui du chef amazonien repose sur leur légitimité à représenter le groupe, sur leur prestige ou sur le respect qu’ils savent inspirer (pour reprendre les mots de Clastres), réels, fantasmés ou usurpés, aux yeux de leurs coreligionnaires ou de leurs mandants. De la même manière, comment réagiraient des salariés et des militants syndicaux si leur délégué se transformait en dictateur, les forçait à travailler pour lui ou cherchait à transmettre sa charge de dirigeant à la personne de son choix ?

A bien réfléchir, ce que Clastres décrit comme une société contre l’Etat n’est peut-être qu’une forme normale de fonctionnement d’un groupe d’égaux, dans une société d’égaux. À moins qu’on ait peut-être juste retrouvé avec les syndicats le fonctionnement idéal d’un groupe d’égaux, à l’égal du fonctionnement des sociétés amazoniennes archaïques, même dans notre société ultra-libérale et ultra-policée. 

 

Et on trouve à l’œuvre dans notre société moderne une volonté politique de combattre ce fonctionnement entre égaux. Il est intéressant de voir que ce fonctionnement idéal de la section syndicale ne s’observe pas plus haut dans la structure syndicale. Les syndicats, les branches de syndicats, les unions départementales de syndicat ne reposent plus sur des sociétés d’égaux, mais elles sont aseptisées, organisées avec des élections, des représentants désignés afin de contrôler les personnes qui seront finalement désignées pour diriger. On rentre dans des organisations où tout devient contrôler. Il ne faudrait pas qu’un leader charismatique parlant admirablement prenne le pouvoir et en abuse, comme l’exemple hitlérien l’avait utilement démontré. 

De la même manière, le politique tente de réguler le fonctionnement de la section syndicale pour en extirper cette forme de représentation politique archaïque qui terrorise le pouvoir. Le délégué syndical doit maintenant avoir maintenant prouvé sa représentativité en obtenant suffisamment de voix dès salariés de l’entreprise. Il ne pourra pas se représenter plus de trois fois à l’élection et ne pourra plus être désigné comme délégué syndical. 

La différence entre les sociétés contre l’Etat amazonienne et nos sociétés modernes occidentales, ou celles qui les ont précédées, ne repose peut-être pas tant sur des différences fondamentales, que sur l’idée que les dirigeants de ces sociétés différentes ont réussi à institutionnaliser leur fonctionnement pour permettre à certains chefs de se maintenir et de consolider leur pouvoir, et de se protéger des leaders trop charismatiques.

 

Les sociétés amazoniennes sont juste restées des accidents de la nature, conservant leur caractère de sociétés entre égaux, forcées de se designer des chefs mais qu’ils n’autorisent en aucun cas à consolider et à maintenir leur pouvoir. Il est surprenant, voire extraordinaire, que l’on puisse continuer à observer ce même genre de relations, ce même genre de fonctionnement, dans toutes les sociétés entre égaux que l’on observe dans nos sociétés occidentales ou non occidentales modernes. Associations de quartier, assemblées de copropriétaires, syndicats … Même si à chaque fois, dans chacune de ses instances, des chefs, des responsables, essaient de se réfugier derrière une institutionnalisation, derrière des règles, derrière des quorums, derrière des ordres du jour, pour conserver et maintenir leur pouvoir lorsqu’ils sentent qu’ils perdent de leur pouvoir, que la contestation apparaît. 

La société contre l’Etat de Clastres ne serait ainsi qu’une simple forme naturelle à l’Humanité d’un groupe d’égaux ? Mais il resterait malgré tout cet extraordinaire miracle qui voudrait que des peuples amazoniens aient réussi à maintenir ce fonctionnement de leurs sociétés sans présence d’un pouvoir coercitif au nom de l’Etat. Et cela reste un miracle.

 

Même si, et j’y reviendrais ultérieurement, cette absence de pouvoir coercitif étatique se traduit par une violence interne et externe de ce groupe, que ce soit à l’égard de ses propres membres dans le cadre des cérémonies d’initiation, ou à l’égard des groupes humains proches contre lesquels il existe un état de guerre presque permanent. Entre cette violence et la violence de l’Etat, je ne suis pas sûr de vouloir idéaliser les sociétés contre l’Etat ! Même si cette opposition est intellectuellement féconde et stimulante.

 

 

Saucratès

 

 

Nota : Évidemment, avec cette explication, j’idéalise le  fonctionnement de la section syndicale et de la désignation de son délégué syndical. J’en présente un archétype (au sens webérien de l’idéal-type) de la même manière que l’histoire du chef Fusiwe représente l’archétype du chef amazonien. Dans certaines sections syndicales d’entreprises, là également, certains peuvent hériter du statut et du prestige de leurs parents, et on peut être ainsi dans certaines entreprises délégués syndicaux de père en fils ou de mère en fille, avec des dynasties de représentants syndicaux (cela implique qu’un employeur embauche les enfants de celui qui les emmerde régulièrement… ce qui devient moins commun désormais). À une autre échelle, l’ancien secrétaire général de la CFDT, Francois Chérèque, élu en 2002, n’avait-il pas été élu en tant que secrétaire général de la CFDT justement parce que son père en avait été le secrétaire général (adjoint) quelques décennies auparavant (1979), tout du moins en partie ? 


07/08/2023
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