Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Morale


Cinéma, agressions et #metoo

La question du viol, de l’agression sexuelle, des relations hommes-femmes, des relations humaines et de tout ce qu’elles charrient comme fantasmes, comme rêves, comme envies, comme désirs, comme risques et comme dangers, mériteraient un article intelligent. Ce ne sera pas mon essai.

 

Les procès intentés contre des monstres sacrés du monde du cinéma peuvent s’expliquer comme une volonté de nettoyer ce monde … ce qui pourrait ressembler à un des douze travaux d’Hercule : Nettoyer les écuries d’Augias. Mais je ne rejoins pas cet acharnement à l’encontre de monstres autrefois sacrés. Comment peut-on brûler aujourd’hui nos idoles d’hier ? Parce que le monde a changé ? Ou parce qu’une nouvelle horreur se répand sur notre monde ? L’horreur de la pensée féministe intransigeante, extrémiste, qui prône l’énucléation et l’émasculation de tous ceux qui ne sont pas des femmes, coupables simplement d’être des hommes. 

Alors effectivement, le milieu du cinéma est un milieu abominable, un milieu où l’on peut devenir une star, un phénomène, où l’on peut gagner des cachets invraisemblables en faisant un métier incroyable, en jouant la comédie, en se mettant en scène … Mais c’est un monde extrêmement dangereux, et tout le monde le sait. Aussi dangereux si ce n’est pire que le monde carcéral, le monde de la prison. 

 

Personne n’a envie d’aller en prison pour cette raison. Tout le monde est au courant. Seuls les voyous n’y craignent rien. Par contre le monde du cinéma fait rêver, des jeunes rêveurs et des jeunes rêveuses se laissent hypnotiser par ses lumières. Et ils ou elles se font dévorer et voient leurs rêves s’envoler, s’écrouler.

 

C’est un monde où il n’y a que très peu d’élus. Et où les échecs sont légions. Sommes-nous responsables de l’effondrement des rêves de gloire des ingénues ? Et pourtant certaines ont décidé de s’attaquer à l’horreur qui y règne. La ruine des rêves des rêveurs et des rêveuses ne doit pas rester impunie aux yeux de ces justiciers.

 

Derrière le procès contre Depardieu, on ne parle pas d’un prédateur, mais de milliers de prédateurs qui y règnent. Depardieu n’est ainsi qu’une victime expiatoire, un bouc émissaire commode pour ceux et celles qui cherchent à y faire un exemple. Évidemment, Depardieu est présenté comme le monstre ultime, l’horrible abominable qui transgresse toutes les règles. Je n’y crois pas. On reconnaît la puissance d’un homme au nombre et à la puissance de ses ennemis. À ce décompte-là, Depardieu était véritablement un géant … Et non pas un de ces quelconques minables qui l’attaquent et qui cherchent une notoriété facilement acquise. L’histoire oubliera leur nom ; nul n’oubliera Depardieu !

Cet article permet au moins de relativiser ses actes parce qu’ils sont des milliers à agir de la même manière. Un inventaire à la Prévert des milliers de comportements pour certains stupides, innocents, qui ne font réagir que les féministes extrémistes, d’autres évidemment problématiques, mais le cinéma n’est pas un monde de bisounours, ce n’est pas la forêt des rêves bleus, c’est un monde de requins où des forts dévorent les faibles, et cela le restera …

 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/08/je-les-connais-les-salopes-dans-ton-genre-qui-veulent-reussir_6592802_3246.html

  • «Qu’il s’agisse de ce professeur en classe préparatoire cinéma qui qualifie une scène de viol de “plus belle scène d’amour jamais vue” ;
  • du directeur de production qui lance à un réalisateur, à propos d’une scripte : “tu peux l’engager, elle, elle est pas chiante !” ;
  • du réalisateur qui indique à la scripte un matin : “je préférais comme t’étais habillée hier” ;
  • du second assistant caméra qui répond à la scripte qui lui demande une information technique : “je te donne le nombre de gigas si tu me suces” ;
  • du scénariste césarisé qui propose des conseils à une étudiante de la Fémis en échange d’une fellation ;
  • du directeur de collection qui demande à un jeune scénariste : “quand est-ce que tu me suces ?” ;
  • du chef opérateur qui demande à la scripte ses positions sexuelles préférées ;
  • de celui qui demande à une actrice racisée si elle [couche] aussi avec des Blancs” ;
  • de la cheffe décoratrice qui répond à une régisseuse harcelée moralement que “le harcèlement, ça n’existe pas, c’est comme MeToo, c’est un effet de mode” ;
  • du producteur qui refuse de recourir à un coiffeur formé pour un acteur racisé, qui devra donc s’occuper lui-même de ses cheveux pendant le tournage ;
  • de cette maquilleuse qui proposera à cette actrice racisée un fond de teint qui doit lui aller puisque c’est “le même que celui de Firmine Richard” ;
  • du critique de cinéma qui lance à sa jeune collègue : “tu ressembles à une actrice porno […] assise comme ça au milieu de la pièce, tu pourrais te faire gang bang par tout le monde” ;
  • du rôle principal qui plaque une stagiaire contre un mur et essaye de la toucher ;
  • du réalisateur qui demande à une actrice de passer un casting en utilisant son vibromasseur ;
  • du directeur de casting qui invite de jeunes comédiens au théâtre dans la perspective d’un possible rôle et leur touche par surprise le sexe pendant la pièce ;
  • de celui qui met au défi une jeune actrice de se mettre un œuf dans le vagin pour démontrer son talent ;
  • du réalisateur qui attrape les seins de “sa” scripte ;
  • du directeur d’un célèbre festival de musique qui demande à l’oreille d’une jeune artiste qui vient de se produire, sans lui avoir jamais parlé, en lui caressant la main, “tu as mouillé ta culotte, avant de monter sur scène ?” ;
  • du comédien qui embrasse par surprise une comédienne pendant une scène, puis regardera au “combo” la scène intime qu’elle tourne ensuite, alors qu’il n’a rien à faire à ce poste ;
  • de la professeure de théâtre qui demande à une élève de mimer une fellation ;
  • du réalisateur qui lance, à la cantonade, que “tout le monde veut toucher [le] beau cul” de telle actrice ;
  • de l’acteur principal d’un film qui n’interpelle une actrice qu’en faisant référence à ses seins ;
  • du milliardaire qui, avec la complicité d’un réalisateur connu dont il finance les films, harcèle une jeune mannequin rêvant de devenir actrice ;
  • de cet écrivain et réalisateur qui lance publiquement à l’actrice qui a refusé ses avances sexuelles plus qu’insistantes : “t’es une merde, une petite pute ; je les connais, les salopes dans ton genre qui veulent réussir, tu ne t’approches plus de moi et de mes amis”;
  • de ce réalisateur qui invite une actrice à venir dessiner dans sa chambre, puis la harcèle ensuite pendant toute la durée du tournage, en lui enjoignant notamment, en public, d’aller se “laver la chatte” ;
  • du professeur de flûte d’une école de musique qui incite une élève à jouer “un peu plus pute, comme si de la confiture dégoulinait de [son]décolleté” ;
  • du comédien qui convoque l’assistante à la réalisation sous de fausses raisons, et la reçoit dans sa loge le pantalon baissé ;
  • de cet autre comédien qui a pour habitude de se promener nu sur le plateau ;
  • de l’animateur star d’une matinale radio qui demande à sa coanimatrice si elle a “déjà mis ses gros doigts dans son gros cul” et si elle a la “chatte acide” ;
  • de ce producteur qui harcèle une jeune technicienne en étant sous l’emprise de toxiques à un pot de tournage ;
  • de ce réalisateur qui caste toutes les actrices de Paris sur une scène où il doit leur embrasser les seins, dont il insiste pour filmer l’aréole ;
  • du comédien qui plaque une jeune assistante contre un mur dans un couloir désert pour l’embrasser de force ;
  • du figurant qui profite d’une scène de danse maintes fois répétée pour toucher sa partenaire, qui ne demande pas à en changer de peur que la scène ne soit plus “raccord” ;
  • du réalisateur qui appose ses mains sur les seins de la scripte ;
  • du réalisateur qui filme la vulve d’une comédienne après son refus exprès, et utilise les images dans la bande-annonce du film ;
  • du comédien qui soulève le haut d’une maquilleuse ;
  • de ce professeur de danse qui lance des chaises sur ses élèves lorsque ses consignes ne sont pas appliquées ;
  • du directeur de production qui continue d’embaucher son ami technicien suspecté de viol ;
  • du comédien qui, sous le couvert d’improvisation, met son pouce dans la bouche de l’actrice en la traitant de “salope” ;
  • de cet acteur qui profite d’une scène d’intimité pour mettre le sein de l’actrice dans sa bouche ;
  • de l’animateur radio qui mord jusqu’au sang les fesses d’une collègue au travers de ses habits ;
  • de l’animateur télé qui mord jusqu’au sang la bouche de sa collègue ;
  • du producteur d’une émission de radio qui, sous le couvert d’incarner un satyre, se frotte lascivement, de force, contre une collaboratrice, sous le regard médusé de ses collègues ;
  • de ce musicien qui tente de violer une fan dans le bus de tournée, celle-ci étant sauvée in extremis par le chauffeur qui la dépose sur une aire d’autoroute ;
  • du réalisateur qui tente de violer une jeune stagiaire en lui faisant miroiter des essais avec un directeur de casting influent ;
  • du producteur qui tente de violer l’assistante mise en scène dans les locaux de la production ;
  • du machiniste qui s’introduit dans la chambre de l’assistante scripte et tente de la violer ;
  • de l’acteur de théâtre qui viole une stagiaire en l’attirant à son domicile, où sa femme et ses enfants sont supposés l’attendre ;
  • de l’assistant réalisateur qui prétexte un rendez-vous pour des essais et impose une fellation à un jeune acteur ;
  • du chef opérateur qui viole la jeune technicienne qu’il héberge lors d’un tournage ;
  • du journaliste qui viole le jeune pigiste qu’il héberge à son arrivée à Paris ;
  • de l’acteur qui, lors d’une scène d’intimité sous un drap, viole sa partenaire ;
  • de la jeune critique de cinéma violée par un critique d’âge mûr, lors d’une soirée en marge du Festival de Cannes,
  • etc, etc, etc»

 

Au fond tout ceci est très naturel. Certaines de ces assertions sont sans intérêt, démontrant juste la susceptibilité excessive de certains ou certaines. Mettre sur un même plan des viols et le refus de fournir un coiffeur spécialisé pour des acteurs racisés !!! D’autres assertions démontrent juste que sous couvert de #metoo, certains ou certaines sont outrageusement naïfs ou naïves et n’ont simplement pas eu de chance … Tout ceci ne démontre qu’une chose : les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes fantasmes, les mêmes rêves … Cela démontre un changement d’époque. Autrefois, les artistes en devenir étaient prêts à tout pour percer, pour être remarqués, pour émerger. Avec des milliers de victimes jetées en pâture à tous les pervers et sadiques prospérant dans ce milieu là. Désormais, ils cherchent à changer les règles du jeu. Le grand mélange de tout, c’est leur truc. Mais réussiront-ils pour autant à percer ? Et s’ils ou elles échouent, qui rendront-ils responsables de leur échec ?

 
 
Saucratès 


10/05/2025
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Justice et État de droit

Les médias, la Droite conservatrice et la Justice
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, dimanche 27 avril 2025

 

Le débat passionné qui se déroule autour de Trump, de l’extrême-droite française, de Sarkozy et de leur remise en cause de la justice, est un très vieux débat autour du principe du Droit. Mais le positionnement même des médias autour de cette question, de ces remises en cause, est également un élément important de ce débat.
 
Au fond, comme sur tous les sujets, la majorité des médias occidentaux sont des partisans d’un libéralisme politique qui les conduit à prendre partie de manière systématique dans ces débats. La remise en cause d’une décision de la Cour Suprême américaine par un président démocrate comme Biden n’est absolument pas couverte n’est pas absolument pas couverte de la même manière qu’une remise en cause de la justice par Trump. La tentative d’influencer la désignation du prochain pape par les dirigeants européens afin de favoriser le choix d’un pape réformateur ne sera pas non plus présenté de la même manière qu’une tentative des chrétiens conservateurs comme Vance pour favoriser l’élection d’un pape conservateur. 
 

https://actu.capital.fr/economie-politique/election-du-pape-comment-trump-compte-influencer-le-choix-du-successeur-de-francois-1512951

 

Il y a désormais un combat qui fait rage autour de la Justice. Ce débat est ancien entre une justice se limitant à la stricte application de la Loi, et une justice engagée dépassant l’application simple de la Loi pour interpréter la Loi et l’esprit de la Loi. Lorsqu’une juge américaine est arrêtée par le FBI pour avoir tenté d’empêcher l’arrestation d’un migrant illégal aux Etats-Unis, les médias prennent faits et causes pour cette pauvre juge et reprennent les arguments de ses défenseurs. 

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/04/25/le-fbi-a-arrete-la-juge-hannah-dugan-dans-le-wisconsin-pour-entrave-a-l-arrestation-d-un-migrant_6600024_3210.html

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/04/18/entre-trump-et-les-juges-la-bataille-s-intensifie_6597435_3210.html

 

La question n’est plus de savoir si un juge quelconque peut braver la Loi pour s’opposer à une règle qu’il considérerait comme inique et injuste. Pour les médias, c’est le combat entre la Justice libre et indépendante et l’arbitraire du pouvoir d’un homme qu’ils considèrent comme indigne d’occuper ce poste de président des États-Unis d’Amérique. Ce n’est plus à ce niveau-là un problème d’idées et d’idéologie. C’est le combat du Bien contre le Mal. C’est le combat contre le Mal. Il n’existe de toute façon plus de sujet d’éthique journalistique ; lorsqu’on arrive au stade du combat contre le Mal, tous les combats sont permis ; l’éthique ne compte plus.

 
Le combat n’est même pas inégal, malgré l’importance du camp des médias libéraux. Une moitié des électeurs ne croient plus dans ce qu’ils lisent ou voient dans les médias, qui cachent selon eux la majeure partie des faits qui n’iraient pas dans leur sens. Une moitié des électeurs ne croient plus en les médias. Il ne faut les lire et les comprendre que comme la vision partisane et déformée des faits d’une presse cherchant à manipuler les opinions de leurs lecteurs.

 
Tout ceci s’explique probablement parce que la justice a été instrumentalisée par ceux qui sont sensés l’appliquer et la mettre en œuvre. Le gouvernement des juges n’est pas propre à la France. La Justice est politisée et utilisée pour influencer ou combattre les décisions de l’Etat, que ce soit en France ou aux Etats-Unis. Lorsque cette justice remet en cause le droit des femmes à l’avortement aux Etats-Unis, les médias ne défendent pas cette Justice contrôlée par des juges réactionnaires. On appelle le président Biden à modifier la composition de la Cour suprême pour y nommer de nouveaux juges pour rééquilibrer la Cour Suprême. Lorsque la Justice est attaquée par les hommes de Trump, changement de décor : la Justice défend le droit du peuple.

 

Il en va de même en France. Les juges rendent bien trop souvent une Justice politisée bien plus qu’une justice équitable ou objective. Au fond, c’est bien là le souci ; la Justice se devrait d’être objective et non politisée, mais ce ne sont que des hommes ou des femmes qui la constituent, et ces hommes et ces femmes sont contrôlés par leurs opinions politiques. D’où les multiples condamnations de l’Etat pour inaction climatique, pour ces procès du siècle en matière d’écologie, ou afin de libérer le plus possible de criminels ou de sans-papiers en fonction d’une idéologie gauchiste extrémiste. La Justice ne pourra être une Justice équitable que lorsqu’elle ne sera plus rendue par des hommes ou des femmes possiblement victimes de leurs passions.

 
L’influence des médias joue ici également. Les médias ne communiquent qu’autour des jugements respectant leur idéologie et attaqués par le camp des conservateurs, ou inversement, par les décisions s’opposant à leur idéologie comme la remise en cause d’un jugement légitimant le droit à l’avortement. Les médias ignorent l’immense majorité des décisions judiciaires qui ne permettent aucune polémique.  
 
La situation française avec les affaires des condamnations de Nicolas Sarkozy ou de Marine Le Pen et du Rassemblement National est tout aussi intéressante. La condamnation de Marine Le Pen constitue-t-elle véritablement une victoire de l’Etat de droit ? En quoi la condamnation pour détournement de fonds publics de la dirigeante d’un parti politique ayant construit sa progression électorale sur le ‘tous pourris’ pourrait-elle être une victoire de l’Etat de droit ?

https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/04/01/apres-la-condamnation-de-marine-le-pen-la-presse-etrangere-parle-d-un-seisme-et-redoute-le-chaos_6589459_823448.html

 

Les médias comme Le Monde se gargarisent de cette condamnation et de la levée de boucliers au Rassemblement National sur la justice aux ordres. S’agit-il d’un acharnement policier ou judiciaire ou de celui du gouvernement ? Sinon, pourquoi les poursuites comparables conduites pour des emplois fictifs d’assistants parlementaires au parlement européen ne se soldent-elles pas par des peines aussi lourdes prononcées contre les autres partis politiques ou les amis de Macron ? Pourquoi Marine Le Pen est-elle lourdement condamnée et pas François Bayrou ? Parce que ce dernier ne constitue pas une menace pour une réélection potentielle de Macron ou d’une de ses marionnettes, à la différence de Marine Le Pen ? 
 
Bizarrement, les attaques de Marine Le Pen ou du Rassemblement National entraînent une levée de bouclier de la part de presque tous.  Quelle grandiloquence ! «Attaquer l’institution judiciaire, c’est porter atteinte aux fondements de notre démocratie». 

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/01/condamnation-de-marine-le-pen-attaquer-l-institution-judiciaire-ce-n-est-pas-seulement-porter-atteinte-aux-juges-mais-aussi-aux-fondements-de-notre-democratie_6589524_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/31/condamnation-de-marine-le-pen-la-rhetorique-du-gouvernement-des-juges-vise-moins-a-defendre-la-souverainete-du-peuple-que-celle-des-gouvernants_6589004_3232.html

 

Alors évidemment, certains personnages importants de la Macronie et du système judiciaire comme Rémy Heitz peuvent bien marteler que cette condamnation n’est pas politique, que la justice francaise n’est pas politique : 

 

« La justice n’est pas politique, cette décision n’est pas une décision politique mais judiciaire, rendue par trois juges indépendants, impartiaux », a déclaré l’un des deux plus hauts magistrats de France, Rémy Heitz, en réaction aux critiques contre la condamnation, la veille, de Marine Le Pen.

 

Malgré tout, une décision qui n’avantage qu’un clan, qui, si on suit l’exemple roumain, va s’étendre peu à peu à l’ensemble des principaux candidats du parti d’extrême-droite, n’est-il pas par définition politique ? Si la justice n’est pas véritablement politique, même si Remy Heitz semble être un pur produit de la Macronie et a occupé les principaux postes d’appui à Emmanuel Macron, les juges qui prennent les décisions de condamnation ne peuvent-ils être politisés ? Jugent-ils ou jugent-elles en fonction des lois et des preuves étayées ou en fonction de ce que leur dicte leur conscience, en fonction de ceux qu’ils ou elles ont en face d’eux et du parti politique auquel les prévenus appartiennent? 
 
De tout temps, on a mis en cause et critiqué une république des juges. Le problème du monde d’aujourd’hui est que la justice est surtout désormais une des armes utilisées par les opposants aux partis conservateurs, d’extrême-droite ou populistes afin de les éliminer judiciairement ou de les bloquer institutionnellement lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir. Roumanie, Etats-Unis, France désormais, Allemagne, Bulgarie, Brésil… La liste est longue. La Justice n’est ainsi plus une composante de l’Etat de droit, mais une des armes utilisées par les opposants de ces partis populistes. Et le risque en politisant la justice, en démontrant que la Justice n’est pas indépendante, impartiale, c’est de détruire un deuxième pilier de l’Etat de droit occidental après celui du politique. 
 
 
Saucratès 


27/04/2025
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Censure

Qu’appelle-t-on «censure» ? Qu’est-ce que la «censure» ? Et comment se fait-il que toutes les formes de censures ne soient pas toutes considérées de la même manière, comme des formes de censures intolérables ? Existe-t-il une bonne censure et de mauvaises censures ? C’est en tout cas ce qui ressort de certaines visions ou interprétations médiatiques à la lecture de certains articles de presse. 

 

On peut déjà avoir l’impression que nous sommes rentrés dans une nouvelle ère de la censure généralisée. La lecture de plusieurs articles du journal Le Monde m’a fait ressentir cette sensation d’omniprésence de la censure tout autour de nous et de nos vies. Une multitude de causes semblant toute relever d’un seul et même phénomène : cette omniprésente censure. 
 
Qu’est-ce donc que la «censure» ? À lire Wikipédia, la censure est «la limitation de la liberté d'expression par un pouvoir (étatique, religieux ou privé) sur des livres, médias ou diverses œuvres d'art». 
 

Dans cette idée, la censure qu’estime subir l’artiste Jul, à savoir Julien Berjeaut, semble parfaitement correspondre à cette définition. Celle d’une censure du ministère de l’éducation nationale à l’encontre d’un ouvrage remis en cause parce que Jul ne donne pas la bonne image ni de la ‘Bête’, ni surtout de la ‘Belle’, avec «le grand remplacement des princesses blondes par des jeunes filles méditerranéennes» qui serait selon Jul «la limite à ne pas franchir pour l’administration versaillaise du ministère». 

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/03/19/operation-un-livre-pour-les-vacances-le-dessinateur-jul-denonce-une-censure-de-l-education-nationale-pour-la-belle-et-la-bete_6583608_3224.html

 

Accessoirement, faut-il voir dans cette dénonciation de la censure du ministère de l’éducation nationale une conséquence, une contestation, de la perte financière que pourrait subir Jul du fait de la non sélection et de la non-publication de son adaptation pour l’ensemble des écoliers de CM2 de France et de Navarre ? 
 
Une deuxième série de faits rapportés par Le Monde tourne autour de la censure financière par des pouvoirs privés. Au fond, contraindre une organisation de défense de l’environnement comme Greenpeace à fermer en la condamnant à payer des centaines de millions de dollars pour diffamation au bénéfice de l’exploitant privé d’un oléoduc américain correspond à une certaine forme de censure, à l’américaine. 

 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/03/19/greenpeace-condamnee-a-payer-plusieurs-centaines-de-millions-de-dollars-pour-diffamation-envers-l-exploitant-d-un-oleoduc-americain_6583637_3244.html

 

Dans un monde judiciaire comme le système américain, ce genre de condamnation et d’amende semble assez normal. Il semble plus incompréhensible dans un système judiciaire européen où des campagnes de dénigrement et d’harcèlement médiatique ne font courir aucun risque à ceux qui les pratiquent. Dans un monde où la sanction n’existe pas, mais où la moindre interdiction conduit les contestataires à se draper dans le costume du censuré, il doit leur paraître bizarre de voire une organisation comme Greenpeace être condamnée de cette manière et risquer de disparaître parce qu’ils ne voudront surtout pas payer, ni ne pourront payer.

 
Dans le même ordre d’idées, le refoulement d’un chercheur français du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) à son entrée aux Etats-Unis parce qu’il avait critiqué la politique menée par Donald Trump en matière de recherche semble poser problème. Mais cette censure, si elle s’appelle «censure», n’émane même pas de Donald Trump lui-même mais du FBI et des autorités américaines qui s’estiment autorisées à ne pas laisser rentrer aux Etats-Unis un critique acerbe de la politique américaine. Surprenant pour un pays comme la France qui ne surveille pas ses frontières, ne sait pas reconduire à la frontière sans intervention suspensive d’un juge administratif, et qui n’oserait jamais agir de la sorte.

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/19/etats-unis-un-chercheur-francais-refoule-pour-avoir-exprime-une-opinion-personnelle-sur-la-politique-menee-par-l-administration-trump_6583618_3210.html

Au fond, aux Etats-Unis, la sacro-sainte liberté d’expression n’est pas une arme dont peuvent user les étrangers au détriment des Etats-Unis, de son président ou de ses industriels, alors qu’en Europe, cette liberté d’expression est surtout réservée à nos ennemis de l’extérieur ou de l’intérieur. 

Si on parle de bonne censure, on ne peut ignorer la censure politique mise en œuvre en Roumanie pour sécuriser le droit des roumains a demeurer dans l’Union européenne, ou bien, inversement et plus probablement, ne pas remettre en cause l’intérêt de l’Union européenne à conserver la Roumanie au sein de là construction européenne. Et tant pis si pour cela, la justice roumaine doit violer le droit à des élections libres en interdisant les candidatures de candidats d’extrême-droite comme Calin Georgescu et Diana Sosoaca.


https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/15/roumanie-apres-calin-georgescu-une-autre-candidate-d-extreme-droite-exclue-de-la-presidentielle_6581545_3210.html

 
S’agit-il encore de «censure» lorsque cette censure vise à défendre une démocratie et empêcher l’élection de candidats considérés comme dangereux pour le maintien de la démocratie ? Mais qui est autorisé à considérer et à juger de cette dangerosité démocratique ? Les mêmes réflexions et les mêmes considérations ne pourraient-elles pas conduire à exclure les candidats du Rassemblement national, au-delà des condamnations actuelles pour le parlement européen ? Que l’on soit favorable aux idées du Rassemblement national ou opposé, on appréciera ou on désapprouvera une telle décision. Il reste à savoir si ces mêmes décisions auraient réellement permis d’empêcher l’arrivée au pouvoir des nazis d’Adolf Hitler dans les années 1930 en Allemagne, et si la situation était réellement comparable. 

 

Se pose aussi la question de déterminer qui est légitime pour décider. Qui est capable de déterminer si telle ou telle demande est légitime ou illégitime ? Si telle démocratie est démocratique ou non, si sa demande est légitime ou non ? Ou bien s’il ne s’agit au fond là aussi que de censure ?

 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/03/19/la-justice-francaise-refuse-les-demandes-d-extradition-vers-l-algerie-d-un-ancien-ministre-algerien_6583475_3212.html

 
 
Saucratès

 

 


29/03/2025
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Du renouveau du concept de contrat social

Le concept de contrat social redevient actuellement un concept opérationnel. On le retrouve évoqué sous plusieurs formes à la fois par Le Monde dans plusieurs articles traitant des finances publiques ou de l’éducation des enfants, mais également sous la plume de nombreuses organisations s’intéressant à l’environnement et à la lutte contre la surconsommation.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/17/finances-publiques-un-nouveau-contrat-social-doit-etre-etabli-entre-les-actifs-d-un-cote-et-les-retraites-et-les-heritiers-de-l-autre_6550250_3232.html

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/02/l-autorite-a-l-ecole-passe-par-un-contrat-social-et-educatif-plutot-que-repressif_6231125_3232.html

 
Partie 1

Principes et limites du contrat social selon Rousseau

 
L’idée de l’existence d’un contrat social est évidemment inséparable du philosophe des Lumières Jean-Jacques Rousseau. On ne peut plus se référer au principe du contrat social sans se référer à ses écrits fondamentaux. Le contrat social est ainsi un instrument qui permet d’expliquer le passage d’un état de nature, où les hommes vivaient libres, séparément les uns des autres, à un état de société où les hommes choisissent d’abdiquer une partie de leurs libertés pour sécuriser ce qui en restera. Cette idée rousseauiste du contrat social s’accompagne également d’une philosophie du Bien et du Mal. L’homme est bon à l’état de nature et c’est le passage à l’état de société qui le pervertit. 

 
Evidemment, cette philosophie du contrat social est en complète contradiction avec les faits préhistoriques. L’homme préhistorique a de tout temps vécu en société, en groupe, au sein de rapports sociaux ou de domination. Probablement qu‘avant même le processus d’hominisation, nos ancêtres hominidés communs aux autres branches des grands singes vivaient déjà en bandes organisées, en groupe. Le processus d’hominisation puis le processus de construction des sociétés humaines a probablement été insensible, sans changer grand chose aux relations sociales existantes au sein des groupes puis des sociétés, jusqu’à l’invention de la démocratie assyrienne puis grecque, des royautés sumériennes, égyptiennes, sacrées africaines ou romaines, des tyrannies ici ou ailleurs.
 
L’idée d’imaginer qu’à un moment quelconque de l’histoire, les hommes se sont réunis pour fonder une société et se mettre d’accord sur un contrat social est une hypothèse irréaliste. Évidemment, parfois, extrêmement rarement, à certains moments de l’histoire, on peut penser que des peuples se sont réunis pour fonder un contrat social pour se mettre en société, pour désigner les règles du jeu, les obligations des uns et des autres, pour permettre la désignation d’un chef. Le moment athénien sous le législateur Solon, autour du huitième siècle avant notre ère, fut peut-être un de ces moments-là. La littérature trouve trace de quelques autres moments de la sorte, comme lors de naufrages au cours des siècles passés, comme par exemple ceux du Doddington en juillet 1755 ou du Grafton en janvier 1864.

Mais il s’agit d’exceptions. On ne peut pas imaginer par exemple que la libération de la France puis la reconstruction de la société francaise  qui a suivi la seconde guerre mondiale s’apparente à un tel moment. Le contrat social doit regrouper tous les membres de la société et ils doivent tous accepter de négocier puis de se soumettre aux résultats et aux règles arrêtées en commun. On ne peut pas plus estimer que la Révolution française de 1789 ou des années suivantes appartienne également à ce genre-là. Il s’agit de nouveaux régimes et d’assemblées constitutionnelles dans lesquels le peuple n’a droit d’être représenté que par des représentants, par des notables, des nobles ou des bourgeois. En aucun cas les français n’ont eu le choix d‘adherer ou non à un tel nouveau contrat social. Les représentants du peuple ont juste mis en place de manière majoritaire un régime politique et social accordant quelques droits au peuple du dehors, en échange d’autres compromis.

L’un des défauts du contrat social de Rousseau est évidemment que dans une telle négociation, si elle avait eu lieu, le contrat social sur lequel on débouche est forcément le plus mauvais compromis entre les intérêts opposés des uns et des autres. Qu'est-ce que les propriétaires, les nobles et les industriels sont-ils prêts à lâcher ou à accorder aux pauvres et aux autres membres de la société en échange du maintien de leurs avantages, de leurs richesses, de leur puissance ?

 
Le concept même de contrat social pose un autre problème fondamental. Même si on pouvait imaginer qu’à un moment quelconque de l’histoire passée, une telle négociation ait eu lieu et un tel contrat social ait pu être passé au temps de nos parents ou de nos grands-parents, comment un tel contrat social pourrait-il encore s’appliquer à leurs enfants ou à leurs petits-enfants ? Ceux-ci se retrouveraient à vivre dans une société et dans un contrat social auxquels ils n’auraient pas individuellement adhéré et qui s’imposerait automatiquement à eux. Et au bout de quelques générations, que resterait-il d’un tel contrat social et qu’est-ce qui le différencierait de lois imposées par un fondateur, un tyran ou un despote ? Comment pourrait-on être forcé à accepter notre place dans la société imposée par un contrat social à la négociation duquel nous n’avons jamais participé, pour lequel on ne nous a jamais demandé notre avis ou notre adhésion.
 
Au fond, on peut penser qu’à chaque génération il faudrait refonder ce contrat social et cette société. À défaut, il ne s’agirait plus d’un contrat social pour les jeunes générations nées après son établissement ou en âge d’y adhérer. Ce problème du renouvellement du pacte pour les générations suivantes a forcément été abordé par Jean-Jacques Rousseau mais au-delà du fait que ce principe du contrat social n’est pas applicable, son renouvellement est encore moins applicable.

 
Partie 2

Quelques exemples de contrat social

 

Le principe du contrat social ne me semble pas applicable même si des mouvements récents pensent pouvoir parler de l’existence de tels pactes dans la démocratie française récente, avec par exemple un pacte autour du système de sécurité sociale ou de sécurité des gens. 
 
A-t-il donc existé des sociétés basées sur un véritable contrat social, explicite ou implicite. Je pense avant tout à une société antique comme la Grèce et la cité athénienne, exemple de démocratie directe où l’ensemble des citoyens constitués l’Agora et pouvaient voter les lois et désigner leurs dirigeants. C’est du moins l’idéal promu par la cité athénienne telle que décrite par les lois de Solon en -594 avant notre ère. Je pense que l’on peut parler d’une société fondée sur un contrat social dans son cas, même si tous les citoyens ne pouvaient pas accéder aux charges de magistrats et si tous les habitants d’Athènes n’étaient pas tous des citoyens (les esclaves, les étrangers et les femmes).

 
Quelques autres sociétés archaïques devaient également fonctionner de manière suffisamment démocratique pour pouvoir considérer qu’elles étaient basées sur un contrat social. Je pense notamment à la confédération des Iroquois, de leur vrai nom les Haudenosaunee (ou peuple de la longue maison). Chez un peuple où chaque homme et chaque femme participent à la moindre prise de décision, et où chaque décision se doit d’être unanime, je pense que l’on peut parler de l’existence d’un contrat social.

 
Neanmoins, je pense que la société constituée entre les naufragés du Grafton constitue le meilleur exemple d’une organisation sociale fondée autour d’un contrat social. Le Grafton était une goélette qui a sombré début janvier 1864 dans les îles d’Aukland, dans le Sud antarctique de la Nouvelle-Zélande. L’équipage était constitué de 5 marins : le capitaine américain Thomas Musgrave, le français François Edouard Rayan, l’anglais George Harris, le norvégien Alice McLaren et le cuisinier portugais Henry Folgee. Ces cinq hommes écrivirent une constitution formelle de 6 articles de la ‘famille’ des cinq hommes, qui permettaient notamment aux membres de déposer le chef de la famille s’il abusait de sa position.

 

«6-The community reserves to itself the right of deposing the chief of the family, and electing another, if at any time he shall abuse his authority, or employ it for personal and manifestly selfish purposes.»

 
Ces hommes se nourrirent notamment de phoques qu’ils chassaient. Au bout d’un an, ils décidèrent de construire un bateau pour rejoindre la Nouvelle-Zélande. Trois d’entre eux tentèrent la traversée pour chercher des secours (Musgrave, Raynal et McLaren) et ceux-ci réussirent à renvoyer un navire, le Flying Scud, chercher les deux naufragés qui étaient restés. Tous survécurent. La même année, en 1864, deux mois plus tard, un autre navire, l’Invercauld, sombrait aussi sur l’autre côté de cette île, rejetant 25 naufragés sur cette île d’Auckland. Mais ceux-ci ne survécurent pas aussi facilement. Apparemment, trois d’entre eux seulement furent sauvés par un navire espagnol. Apparemment, les deux groupes de naufragés ne se croisèrent jamais.
 
La survie des naufragés du Grafton en comparaison de celle de l’Invercauld tient-elle au fait des denrées et des matériaux sauvés du naufrage, ou bien de la mise en place du contrat social qu’ils avaient passé entre eux, tandis que les naufragés de l’Invercauld s’éparpillèrent chacun œuvrant à sa propre survie sans constituer de société ?

 
Partie 3

Le contrat social selon Rawls

 
John Rawls apporte une amélioration au concept de contrat social de Rousseau en inventant le concept de voile d’ignorance. Selon lui, la seule manière de permettre de créer une société équilibrée entre les droits, les devoirs et les positions sociales de tous et de chacun, c’est de fonder une société sur des règles décidées sans que personne ne connaisse préalablement sa position dans cette société, qu’il y soit esclave, maître, ouvrier, riche propriétaire ou roi. Derrière ce voile d’ignorance, chacun ignorant la manière dont il risque d’être traité dans cette société, fera en sorte qu’elle soit la plus juste et la plus équilibrée possible. 

 
Cette théorie est évidemment féconde. Le voile d’ignorance inventé par John Rawls permet d’offrir une réalité tangible au moment de négociation de ce contrat social de Rousseau. Chez Rousseau, on devait imaginer le moment où l’homme basculait de l’état de nature à l’état social et on se rendait bien compte que cet instant ne s’était jamais produit au cours des derniers millions d’années. Cette négociation du contrat social était ainsi un instant impossible. Aucun nouveau contrat ne pouvait être passé pour fonder une nouvelle société. L’invention de John Rawls permet ainsi de sortir de la conflictualité inhérente à cet instant entre des membres d’un groupe qui cherchent tous à améliorer leur situation ou à ne pas l’empirer. Le voile d’ignorance résout cette potentielle conflictualité en privant chacun de l’envie de défendre sa propre situation. Comment chercher à défendre sa propre situation si on ignore totalement sa place dans la société ? On se trouve alors chacun confronté au besoin de limiter les pouvoirs des puissants et des plus forts et à maximiser la situation des plus pauvres, des moins bien pourvus, des plus faibles, car on ne sait alors nullement si l’on fait partie des plus pauvres ou des plus puissants.
 
Le problème néanmoins avec cette approche, c’est qu’elle ne soit pas  plus applicable. On ne peut ignorer ce que l’on sait de sa position sociale. Et là aussi, même si une génération peut décider de règles, ce contrat social ne pourra être revisité ni modifié à chaque fois qu’un nouveau membre vient au monde ou arrivera à l’âge de citoyen.

 
La lecture de John Rawls ne m’a pas persuadé du caractère applicable de sa philosophie. Évidement, une société rawlsienne serait foncièrement juste. Mais s’il est impossible de décider de l’organisation d’une société humaine derrière ce voile d’ignorance, si nul ne peut oublier sa propre position sociale et sa propre situation de santé, alors aucune théorie de justice et aucun contrat social ne peut être mis en œuvre de manière juste et équilibrée. 

 

Partie 4

Que représentent les pactes que certains groupes peuvent mettre en œuvre ?

 
Je suis arrivé au bout de ma réflexion autour de l’idée d’un contrat social. Le principe même d’un contrat social est selon moi incompatible avec le principe même majoritaire démocratique. Ce système majoritaire est d’ailleurs une aberration intellectuelle. Quelques centaines d’hommes et de femmes font en vrai passer leurs propres idées et leurs propres pulsions comme des décisions collectives. Tel député antispéciste tentera de faire passer ses priorités au nom de l’intérêt général. Le prix des whiskys et alcools forts à la Réunion a ainsi été doublé du jour au lendemain parce qu’une parlementaire réunionnaise combat les méfaits de l’alcoolisme et les violences contre les femmes dans le département. Idem pour les boissons sucrées au nom de la lutte contre l’obésité. 

 

Au nom de l’intérêt collectif, l’idée même de la loi perd toute unité et toute mesure sous les assauts des intérêts individuels de quelques oligarques qui s’imaginent en sauveurs ou en destructeurs de monde. Nul n’est sensé ignorer la loi mais comment faire quand la loi ne cesse de changer au gré des envies de tel ou tel. 

L’idée même d’un contrat social se heurte également aux sentiments d’abandon de ceux qui croyaient en un tel contrat social passé entre eux et la république et qui découvrent que la République ne remplit ses promesses, ne les protègent comme le contrat social qu’ils croyaient avoir passé avec elle le prévoyait selon eux. Au fond, parce qu’il n’existe pas de contrat social réellement conclu entre la République et chaque citoyen, parce que les lois changent si souvent au gré et aux envies de parlementaires et des hauts fonctionnaires qui fabriquent la loi, on se retrouve du jour au lendemain sans les protections et les libertés dont on croyait pouvoir disposer. On se retrouve sans droit, sans aide, sans appui, sans protection, sans liberté, comme notamment l’épidémie de coronavirus nous l’a démontré. Les organisations comme le conseil constitutionnel qui était sensé nous protéger se sont brutalement montrés comme étant à la solde du gouvernement de Macron. 
 
On peut parler d’un sentiment d’abandon et de tromperie de la part des citoyens qui découvrent que les contrats sociaux qu’ils croyaient avoir passés avec le gouvernement n’existent pas au fond. Aujourd’hui, pour conjurer la crise démocratique qui en est née, la crise écologique et climatique qui pointe, on veut nous faire croire que la société, le gouvernement, peut mettre en œuvre, peut discuter d’un nouveau contrat social passé avec les différentes classes de citoyens. Mais c’est évidemment aussi faux et  aussi factice que les contrats et les pactes que nous croyions avoir passés avec la république française.
 
On ne peut pas imaginer un nouveau contrat ou pacte passé entre les citoyens et les associations, parlementaires et gouvernements qui garantiraient des droits et des garanties aux citoyens que nous sommes. Loin d’être un nouveau pacte, ce ne seront que de nouvelles obligations, de nouveaux devoirs, de nouvelles interdictions, de nouvelles contraintes que nous imposerons tous ceux qui cherchent à restreindre toujours plus les droits des citoyens et à imposer une nouvelle forme de contrôle des orientations de la société dans son ensemble, à leur bénéfice sous couvert de l’intérêt général.

 
https://www.iddri.org/sites/default/files/PDF/Publications/Catalogue%20Iddri/Décryptage/202210-IB0302-contrat%20social.pdf

 

(IDDRI : institut de développement durable et de relations internationales)
 
 
Saucratès


08/03/2025
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Mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Benyamin Nétanayhou, le silence embarrassé de l’Occident

Le silence embarrassé du gouvernement français, du président Macron et des médias français face à l’émission du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou pour crimes contre lnhumanité surprend. Le Monde en a même parlé plusieurs fois. Mais ces articles reprennent aussi les thèses de Benyamin Nétanyahou pour lequel ce mandat d’arrêt est un acte antisémite ! Comme si des poursuites pénales internationales pouvaient être antisémites !

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/21/les-incidences-du-mandat-d-arret-de-la-cpi-contre-benyamin-netanyahou-pour-crimes-contre-l-humanite_6407567_3210.html

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/22/le-mandat-d-arret-de-la-cpi-contre-benyamin-netanyahou-un-tournant-pour-la-justice-internationale_6407908_3210.html

  

Par contre, pas de fanfaronnade de l’Elysée sur un acte courageux de la Cour Pénale Internationale, comme dans l’affaire de Vladimir Poutine. Pas de promesse de l’Elysée de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour faire arrêter Benyamin  Nétanyahou  et le traduire devant la CPI pour qu’il rende compte de ces crimes, comme dans l’affaire du mandat émis à l’encontre de Vladimir Poutine. Rien d’autre qu’un silence embarrassé, un silence coupable, devant une situation qui met en lumière le deux poids deux mesures de la justice internationale telle qu’elle est vue et conçue par l’Occident. Il y a les leaders du Monde Libre, les Bons et les Gentils, et il y a le reste du monde, il y a les forces du Mal, il y a les autres, ceux qui ne sont rien. La Cour Pénale Internationale appartient au camp du Bien lorsqu’elle poursuit les Méchants, les Mauvais, mais elle bascule dans l’impensé lorsqu’elle ose s’attaquer à l’un des membres du camp du Bien.

 

Comment l’Occident va-t-il faire lorsque Benyamin Nétanyahou devra participer à un événement international ? Lorsqu’il devra faire un déplacement officiel dans un quelconque État occidental, à quelques occasions que ce soit ? Comment feront les Etats-Unis si Benyamin Nétanyahou envisage de participer à l’investiture de son grand ami Donald Trump en janvier 2025 ? Comment les États occidentaux pourraient-ils traiter différemment deux personnes, Benyamin Netanyahou et Vladimir Poutine, contre lesquelles sont émis de manière équivalente des mandats d’arrêt internationaux de la CPI. 

 
La question est évidemment de pure forme. Nous en connaissons tous la réponse. Les États occidentaux ont tout fait pour repousser au plus loin et tenter d’empecher l’émission de ces mandats, et ils n’arreteront jamais Benayamin Netanyahou, quoiqu’il ait pu faire et quelque soit les mandats qui puissent être émis contre lui. Ils ont surtout réussi à empêcher que ces mandats d’arrêt ne viennent perturber la bonne tenue des Jeux Olympiques parisiens. 
 
Et les États occidentaux ont surtout tout tenté pour éliminer le procureur britannique Karim Khan qui a osé demander l’émission de ces mandats d’arrêt contre un dirigeant occidental. Et notamment l’attaque parfaite et incontestable d’une plainte pour agression sexuelle, dans laquelle ils ressortent blanc comme neige alors que la concomitance de cette plainte avec la demande d’émission des mandats d’arrêt est plus que suspecte. Heureusement, il y a de braves personnes de sexe féminin qui n’hésitent pas à faire preuve de patriotisme même si il n’y a absolument aucun lien entre les deux affaires. 

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/13/une-enquete-pour-faute-presumee-est-ouverte-contre-le-procureur-de-la-cour-penale-internationale-karim-khan_6391244_3210.html

 

Le probleme n’est pas que personne n’y croit. Le problème est que personne ne peut le mettre en doute. Les chiennes de garde des féministes guettent. Toute femme qui se plaint d’agression sexuelle doit forcément être crue, entendue, et sa victime, son supposé agresseur, doit être immédiatement sanctionné et cloué au pilori. Il doit de préférence demissionner puisque sa simple présence met forcément au supplice la pauvre et malheureuse victime qui a l’impression que sa parole n’est pas entendue et qu’on ne la protège pas. Heureusement, il s’agit dans ce cas présent d’un procureur de la Cour Pénale Internationale et l’affaire semble cousue de fil blanc. N’empêche, quelle abomination ! Une pauvre victime qui doit continuer de croiser son abominable agresseur. Qu’importe que tout soit faux, monter par des services secrets étrangers qui ne peuvent tolérer ce mandat d’arrêt international. Mais c’est surtout trop tard. Les mandats d’arrêt sont émis. Les plaintes pour agression sexuelle vont-elles fleurir comme au printemps à la Cour Pénale internationale à l’encontre des juges qui ont également osé émettre ces mandats d’arrêt ? 

 
Pluie de plaintes d’agressions sexuelles attendues à la Cour Pénale internationale. Gageons qu’une partie seront le fait d’hommes pour rendre encore plus outrageantes les poursuites engagées contre ces abominables défenseurs du Mal qui osent attaquer injustement un brave gouvernant qui protège son pauvre peuple qui cherche juste à exterminer ses adversaires, les méchants palestiniens qui osent occuper les terres israéliennes !

 
Les évemements futurs nous apprendront de quelle manière les États occidentaux résoudront cette situation extrêmement embarrassante ; le risque demain que l’un quelconque des autres grands États occidentaux se trouvent eux-aussi soumis aux risques d’une condamnation de la justice internationale dans l’un des conflits auquel ils pourraient participer. C’est là le grand enjeu de cette histoire. Comment l’Occident pourrait-il accepter de risquer de se faire condamner par cette justice prévue pour servir leurs seuls intérêts. Il va leur falloir détruire cette CPI qu’ils avaient glorifié, qu’ils avaient construit pour défendre leurs intérêts, et qui osent mordre la main du maître qui les nourrit. 
 
Le plus amusant c’est aussi qu’un même mandat a été émis contre des dirigeants présumés décédés du Hamas qui a agressé Israel. Mais comment accepter et se réjouir d’une partie du mandat de la CPI sans reconnaître la validité du reste du mandat d’arrêt international visant des personnalités politiques israéliennes. 
 
 
Saucratès


23/11/2024
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