Morale
Du renouveau du concept de contrat social
Le concept de contrat social redevient actuellement un concept opérationnel. On le retrouve évoqué sous plusieurs formes à la fois par Le Monde dans plusieurs articles traitant des finances publiques ou de l’éducation des enfants, mais également sous la plume de nombreuses organisations s’intéressant à l’environnement et à la lutte contre la surconsommation.
Partie 1
Principes et limites du contrat social selon Rousseau
L’idée de l’existence d’un contrat social est évidemment inséparable du philosophe des Lumières Jean-Jacques Rousseau. On ne peut plus se référer au principe du contrat social sans se référer à ses écrits fondamentaux. Le contrat social est ainsi un instrument qui permet d’expliquer le passage d’un état de nature, où les hommes vivaient libres, séparément les uns des autres, à un état de société où les hommes choisissent d’abdiquer une partie de leurs libertés pour sécuriser ce qui en restera. Cette idée rousseauiste du contrat social s’accompagne également d’une philosophie du Bien et du Mal. L’homme est bon à l’état de nature et c’est le passage à l’état de société qui le pervertit.
Evidemment, cette philosophie du contrat social est en complète contradiction avec les faits préhistoriques. L’homme préhistorique a de tout temps vécu en société, en groupe, au sein de rapports sociaux ou de domination. Probablement qu‘avant même le processus d’hominisation, nos ancêtres hominidés communs aux autres branches des grands singes vivaient déjà en bandes organisées, en groupe. Le processus d’hominisation puis le processus de construction des sociétés humaines a probablement été insensible, sans changer grand chose aux relations sociales existantes au sein des groupes puis des sociétés, jusqu’à l’invention de la démocratie assyrienne puis grecque, des royautés sumériennes, égyptiennes, sacrées africaines ou romaines, des tyrannies ici ou ailleurs.
L’idée d’imaginer qu’à un moment quelconque de l’histoire, les hommes se sont réunis pour fonder une société et se mettre d’accord sur un contrat social est une hypothèse irréaliste. Évidemment, parfois, extrêmement rarement, à certains moments de l’histoire, on peut penser que des peuples se sont réunis pour fonder un contrat social pour se mettre en société, pour désigner les règles du jeu, les obligations des uns et des autres, pour permettre la désignation d’un chef. Le moment athénien sous le législateur Solon, autour du huitième siècle avant notre ère, fut peut-être un de ces moments-là. La littérature trouve trace de quelques autres moments de la sorte, comme lors de naufrages au cours des siècles passés, comme par exemple ceux du Doddington en juillet 1755 ou du Grafton en janvier 1864.
Mais il s’agit d’exceptions. On ne peut pas imaginer par exemple que la libération de la France puis la reconstruction de la société francaise qui a suivi la seconde guerre mondiale s’apparente à un tel moment. Le contrat social doit regrouper tous les membres de la société et ils doivent tous accepter de négocier puis de se soumettre aux résultats et aux règles arrêtées en commun. On ne peut pas plus estimer que la Révolution française de 1789 ou des années suivantes appartienne également à ce genre-là. Il s’agit de nouveaux régimes et d’assemblées constitutionnelles dans lesquels le peuple n’a droit d’être représenté que par des représentants, par des notables, des nobles ou des bourgeois. En aucun cas les français n’ont eu le choix d‘adherer ou non à un tel nouveau contrat social. Les représentants du peuple ont juste mis en place de manière majoritaire un régime politique et social accordant quelques droits au peuple du dehors, en échange d’autres compromis.
L’un des défauts du contrat social de Rousseau est évidemment que dans une telle négociation, si elle avait eu lieu, le contrat social sur lequel on débouche est forcément le plus mauvais compromis entre les intérêts opposés des uns et des autres. Qu'est-ce que les propriétaires, les nobles et les industriels sont-ils prêts à lâcher ou à accorder aux pauvres et aux autres membres de la société en échange du maintien de leurs avantages, de leurs richesses, de leur puissance ?
Le concept même de contrat social pose un autre problème fondamental. Même si on pouvait imaginer qu’à un moment quelconque de l’histoire passée, une telle négociation ait eu lieu et un tel contrat social ait pu être passé au temps de nos parents ou de nos grands-parents, comment un tel contrat social pourrait-il encore s’appliquer à leurs enfants ou à leurs petits-enfants ? Ceux-ci se retrouveraient à vivre dans une société et dans un contrat social auxquels ils n’auraient pas individuellement adhéré et qui s’imposerait automatiquement à eux. Et au bout de quelques générations, que resterait-il d’un tel contrat social et qu’est-ce qui le différencierait de lois imposées par un fondateur, un tyran ou un despote ? Comment pourrait-on être forcé à accepter notre place dans la société imposée par un contrat social à la négociation duquel nous n’avons jamais participé, pour lequel on ne nous a jamais demandé notre avis ou notre adhésion.
Au fond, on peut penser qu’à chaque génération il faudrait refonder ce contrat social et cette société. À défaut, il ne s’agirait plus d’un contrat social pour les jeunes générations nées après son établissement ou en âge d’y adhérer. Ce problème du renouvellement du pacte pour les générations suivantes a forcément été abordé par Jean-Jacques Rousseau mais au-delà du fait que ce principe du contrat social n’est pas applicable, son renouvellement est encore moins applicable.
Partie 2
Quelques exemples de contrat social
Le principe du contrat social ne me semble pas applicable même si des mouvements récents pensent pouvoir parler de l’existence de tels pactes dans la démocratie française récente, avec par exemple un pacte autour du système de sécurité sociale ou de sécurité des gens.
A-t-il donc existé des sociétés basées sur un véritable contrat social, explicite ou implicite. Je pense avant tout à une société antique comme la Grèce et la cité athénienne, exemple de démocratie directe où l’ensemble des citoyens constitués l’Agora et pouvaient voter les lois et désigner leurs dirigeants. C’est du moins l’idéal promu par la cité athénienne telle que décrite par les lois de Solon en -594 avant notre ère. Je pense que l’on peut parler d’une société fondée sur un contrat social dans son cas, même si tous les citoyens ne pouvaient pas accéder aux charges de magistrats et si tous les habitants d’Athènes n’étaient pas tous des citoyens (les esclaves, les étrangers et les femmes).
Quelques autres sociétés archaïques devaient également fonctionner de manière suffisamment démocratique pour pouvoir considérer qu’elles étaient basées sur un contrat social. Je pense notamment à la confédération des Iroquois, de leur vrai nom les Haudenosaunee (ou peuple de la longue maison). Chez un peuple où chaque homme et chaque femme participent à la moindre prise de décision, et où chaque décision se doit d’être unanime, je pense que l’on peut parler de l’existence d’un contrat social.
Neanmoins, je pense que la société constituée entre les naufragés du Grafton constitue le meilleur exemple d’une organisation sociale fondée autour d’un contrat social. Le Grafton était une goélette qui a sombré début janvier 1864 dans les îles d’Aukland, dans le Sud antarctique de la Nouvelle-Zélande. L’équipage était constitué de 5 marins : le capitaine américain Thomas Musgrave, le français François Edouard Rayan, l’anglais George Harris, le norvégien Alice McLaren et le cuisinier portugais Henry Folgee. Ces cinq hommes écrivirent une constitution formelle de 6 articles de la ‘famille’ des cinq hommes, qui permettaient notamment aux membres de déposer le chef de la famille s’il abusait de sa position.
«6-The community reserves to itself the right of deposing the chief of the family, and electing another, if at any time he shall abuse his authority, or employ it for personal and manifestly selfish purposes.»
Ces hommes se nourrirent notamment de phoques qu’ils chassaient. Au bout d’un an, ils décidèrent de construire un bateau pour rejoindre la Nouvelle-Zélande. Trois d’entre eux tentèrent la traversée pour chercher des secours (Musgrave, Raynal et McLaren) et ceux-ci réussirent à renvoyer un navire, le Flying Scud, chercher les deux naufragés qui étaient restés. Tous survécurent. La même année, en 1864, deux mois plus tard, un autre navire, l’Invercauld, sombrait aussi sur l’autre côté de cette île, rejetant 25 naufragés sur cette île d’Auckland. Mais ceux-ci ne survécurent pas aussi facilement. Apparemment, trois d’entre eux seulement furent sauvés par un navire espagnol. Apparemment, les deux groupes de naufragés ne se croisèrent jamais.
La survie des naufragés du Grafton en comparaison de celle de l’Invercauld tient-elle au fait des denrées et des matériaux sauvés du naufrage, ou bien de la mise en place du contrat social qu’ils avaient passé entre eux, tandis que les naufragés de l’Invercauld s’éparpillèrent chacun œuvrant à sa propre survie sans constituer de société ?
Partie 3
Le contrat social selon Rawls
John Rawls apporte une amélioration au concept de contrat social de Rousseau en inventant le concept de voile d’ignorance. Selon lui, la seule manière de permettre de créer une société équilibrée entre les droits, les devoirs et les positions sociales de tous et de chacun, c’est de fonder une société sur des règles décidées sans que personne ne connaisse préalablement sa position dans cette société, qu’il y soit esclave, maître, ouvrier, riche propriétaire ou roi. Derrière ce voile d’ignorance, chacun ignorant la manière dont il risque d’être traité dans cette société, fera en sorte qu’elle soit la plus juste et la plus équilibrée possible.
Cette théorie est évidemment féconde. Le voile d’ignorance inventé par John Rawls permet d’offrir une réalité tangible au moment de négociation de ce contrat social de Rousseau. Chez Rousseau, on devait imaginer le moment où l’homme basculait de l’état de nature à l’état social et on se rendait bien compte que cet instant ne s’était jamais produit au cours des derniers millions d’années. Cette négociation du contrat social était ainsi un instant impossible. Aucun nouveau contrat ne pouvait être passé pour fonder une nouvelle société. L’invention de John Rawls permet ainsi de sortir de la conflictualité inhérente à cet instant entre des membres d’un groupe qui cherchent tous à améliorer leur situation ou à ne pas l’empirer. Le voile d’ignorance résout cette potentielle conflictualité en privant chacun de l’envie de défendre sa propre situation. Comment chercher à défendre sa propre situation si on ignore totalement sa place dans la société ? On se trouve alors chacun confronté au besoin de limiter les pouvoirs des puissants et des plus forts et à maximiser la situation des plus pauvres, des moins bien pourvus, des plus faibles, car on ne sait alors nullement si l’on fait partie des plus pauvres ou des plus puissants.
Le problème néanmoins avec cette approche, c’est qu’elle ne soit pas plus applicable. On ne peut ignorer ce que l’on sait de sa position sociale. Et là aussi, même si une génération peut décider de règles, ce contrat social ne pourra être revisité ni modifié à chaque fois qu’un nouveau membre vient au monde ou arrivera à l’âge de citoyen.
La lecture de John Rawls ne m’a pas persuadé du caractère applicable de sa philosophie. Évidement, une société rawlsienne serait foncièrement juste. Mais s’il est impossible de décider de l’organisation d’une société humaine derrière ce voile d’ignorance, si nul ne peut oublier sa propre position sociale et sa propre situation de santé, alors aucune théorie de justice et aucun contrat social ne peut être mis en œuvre de manière juste et équilibrée.
Partie 4
Que représentent les pactes que certains groupes peuvent mettre en œuvre ?
Je suis arrivé au bout de ma réflexion autour de l’idée d’un contrat social. Le principe même d’un contrat social est selon moi incompatible avec le principe même majoritaire démocratique. Ce système majoritaire est d’ailleurs une aberration intellectuelle. Quelques centaines d’hommes et de femmes font en vrai passer leurs propres idées et leurs propres pulsions comme des décisions collectives. Tel député antispéciste tentera de faire passer ses priorités au nom de l’intérêt général. Le prix des whiskys et alcools forts à la Réunion a ainsi été doublé du jour au lendemain parce qu’une parlementaire réunionnaise combat les méfaits de l’alcoolisme et les violences contre les femmes dans le département. Idem pour les boissons sucrées au nom de la lutte contre l’obésité.
Au nom de l’intérêt collectif, l’idée même de la loi perd toute unité et toute mesure sous les assauts des intérêts individuels de quelques oligarques qui s’imaginent en sauveurs ou en destructeurs de monde. Nul n’est sensé ignorer la loi mais comment faire quand la loi ne cesse de changer au gré des envies de tel ou tel.
L’idée même d’un contrat social se heurte également aux sentiments d’abandon de ceux qui croyaient en un tel contrat social passé entre eux et la république et qui découvrent que la République ne remplit ses promesses, ne les protègent comme le contrat social qu’ils croyaient avoir passé avec elle le prévoyait selon eux. Au fond, parce qu’il n’existe pas de contrat social réellement conclu entre la République et chaque citoyen, parce que les lois changent si souvent au gré et aux envies de parlementaires et des hauts fonctionnaires qui fabriquent la loi, on se retrouve du jour au lendemain sans les protections et les libertés dont on croyait pouvoir disposer. On se retrouve sans droit, sans aide, sans appui, sans protection, sans liberté, comme notamment l’épidémie de coronavirus nous l’a démontré. Les organisations comme le conseil constitutionnel qui était sensé nous protéger se sont brutalement montrés comme étant à la solde du gouvernement de Macron.
On peut parler d’un sentiment d’abandon et de tromperie de la part des citoyens qui découvrent que les contrats sociaux qu’ils croyaient avoir passés avec le gouvernement n’existent pas au fond. Aujourd’hui, pour conjurer la crise démocratique qui en est née, la crise écologique et climatique qui pointe, on veut nous faire croire que la société, le gouvernement, peut mettre en œuvre, peut discuter d’un nouveau contrat social passé avec les différentes classes de citoyens. Mais c’est évidemment aussi faux et aussi factice que les contrats et les pactes que nous croyions avoir passés avec la république française.
On ne peut pas imaginer un nouveau contrat ou pacte passé entre les citoyens et les associations, parlementaires et gouvernements qui garantiraient des droits et des garanties aux citoyens que nous sommes. Loin d’être un nouveau pacte, ce ne seront que de nouvelles obligations, de nouveaux devoirs, de nouvelles interdictions, de nouvelles contraintes que nous imposerons tous ceux qui cherchent à restreindre toujours plus les droits des citoyens et à imposer une nouvelle forme de contrôle des orientations de la société dans son ensemble, à leur bénéfice sous couvert de l’intérêt général.
(IDDRI : institut de développement durable et de relations internationales)
Saucratès
Mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Benyamin Nétanayhou, le silence embarrassé de l’Occident
Le silence embarrassé du gouvernement français, du président Macron et des médias français face à l’émission du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou pour crimes contre lnhumanité surprend. Le Monde en a même parlé plusieurs fois. Mais ces articles reprennent aussi les thèses de Benyamin Nétanyahou pour lequel ce mandat d’arrêt est un acte antisémite ! Comme si des poursuites pénales internationales pouvaient être antisémites !
Par contre, pas de fanfaronnade de l’Elysée sur un acte courageux de la Cour Pénale Internationale, comme dans l’affaire de Vladimir Poutine. Pas de promesse de l’Elysée de mettre en œuvre tous les moyens possibles pour faire arrêter Benyamin Nétanyahou et le traduire devant la CPI pour qu’il rende compte de ces crimes, comme dans l’affaire du mandat émis à l’encontre de Vladimir Poutine. Rien d’autre qu’un silence embarrassé, un silence coupable, devant une situation qui met en lumière le deux poids deux mesures de la justice internationale telle qu’elle est vue et conçue par l’Occident. Il y a les leaders du Monde Libre, les Bons et les Gentils, et il y a le reste du monde, il y a les forces du Mal, il y a les autres, ceux qui ne sont rien. La Cour Pénale Internationale appartient au camp du Bien lorsqu’elle poursuit les Méchants, les Mauvais, mais elle bascule dans l’impensé lorsqu’elle ose s’attaquer à l’un des membres du camp du Bien.
Comment l’Occident va-t-il faire lorsque Benyamin Nétanyahou devra participer à un événement international ? Lorsqu’il devra faire un déplacement officiel dans un quelconque État occidental, à quelques occasions que ce soit ? Comment feront les Etats-Unis si Benyamin Nétanyahou envisage de participer à l’investiture de son grand ami Donald Trump en janvier 2025 ? Comment les États occidentaux pourraient-ils traiter différemment deux personnes, Benyamin Netanyahou et Vladimir Poutine, contre lesquelles sont émis de manière équivalente des mandats d’arrêt internationaux de la CPI.
La question est évidemment de pure forme. Nous en connaissons tous la réponse. Les États occidentaux ont tout fait pour repousser au plus loin et tenter d’empecher l’émission de ces mandats, et ils n’arreteront jamais Benayamin Netanyahou, quoiqu’il ait pu faire et quelque soit les mandats qui puissent être émis contre lui. Ils ont surtout réussi à empêcher que ces mandats d’arrêt ne viennent perturber la bonne tenue des Jeux Olympiques parisiens.
Et les États occidentaux ont surtout tout tenté pour éliminer le procureur britannique Karim Khan qui a osé demander l’émission de ces mandats d’arrêt contre un dirigeant occidental. Et notamment l’attaque parfaite et incontestable d’une plainte pour agression sexuelle, dans laquelle ils ressortent blanc comme neige alors que la concomitance de cette plainte avec la demande d’émission des mandats d’arrêt est plus que suspecte. Heureusement, il y a de braves personnes de sexe féminin qui n’hésitent pas à faire preuve de patriotisme même si il n’y a absolument aucun lien entre les deux affaires.
Le probleme n’est pas que personne n’y croit. Le problème est que personne ne peut le mettre en doute. Les chiennes de garde des féministes guettent. Toute femme qui se plaint d’agression sexuelle doit forcément être crue, entendue, et sa victime, son supposé agresseur, doit être immédiatement sanctionné et cloué au pilori. Il doit de préférence demissionner puisque sa simple présence met forcément au supplice la pauvre et malheureuse victime qui a l’impression que sa parole n’est pas entendue et qu’on ne la protège pas. Heureusement, il s’agit dans ce cas présent d’un procureur de la Cour Pénale Internationale et l’affaire semble cousue de fil blanc. N’empêche, quelle abomination ! Une pauvre victime qui doit continuer de croiser son abominable agresseur. Qu’importe que tout soit faux, monter par des services secrets étrangers qui ne peuvent tolérer ce mandat d’arrêt international. Mais c’est surtout trop tard. Les mandats d’arrêt sont émis. Les plaintes pour agression sexuelle vont-elles fleurir comme au printemps à la Cour Pénale internationale à l’encontre des juges qui ont également osé émettre ces mandats d’arrêt ?
Pluie de plaintes d’agressions sexuelles attendues à la Cour Pénale internationale. Gageons qu’une partie seront le fait d’hommes pour rendre encore plus outrageantes les poursuites engagées contre ces abominables défenseurs du Mal qui osent attaquer injustement un brave gouvernant qui protège son pauvre peuple qui cherche juste à exterminer ses adversaires, les méchants palestiniens qui osent occuper les terres israéliennes !
Les évemements futurs nous apprendront de quelle manière les États occidentaux résoudront cette situation extrêmement embarrassante ; le risque demain que l’un quelconque des autres grands États occidentaux se trouvent eux-aussi soumis aux risques d’une condamnation de la justice internationale dans l’un des conflits auquel ils pourraient participer. C’est là le grand enjeu de cette histoire. Comment l’Occident pourrait-il accepter de risquer de se faire condamner par cette justice prévue pour servir leurs seuls intérêts. Il va leur falloir détruire cette CPI qu’ils avaient glorifié, qu’ils avaient construit pour défendre leurs intérêts, et qui osent mordre la main du maître qui les nourrit.
Le plus amusant c’est aussi qu’un même mandat a été émis contre des dirigeants présumés décédés du Hamas qui a agressé Israel. Mais comment accepter et se réjouir d’une partie du mandat de la CPI sans reconnaître la validité du reste du mandat d’arrêt international visant des personnalités politiques israéliennes.
Saucratès
L’affaire Dominique Pelicot, encore
Post scriptum du 28 septembre 2024
Au cours des dernières semaines, je me suis ouvert à deux reprises de ce sordide fait divers, pour exprimer mon malaise. Les lignes qui suivent datent des 16 et 22 septembre 2024.
https://saucrates.blog4ever.com/laffaire-dominique-pelicot-suite
https://saucrates.blog4ever.com/laffaire-dominique-pelicot
Toute personne qui entend parler de cette sordide affaire se pose probablement des questions, qu’il ou elle soit un homme ou une femme, marié ou mariée ou en voie de se marier. Tous les hommes sont-ils comme ces cinquante et quelques hommes qui ont violé et abusé de Mme Pelicot ?
Dans mes réflexions, je faisais une erreur en imaginant qu’ils sont normaux, qu’ils sont comme vous et moi. Que l’on pourrait peut-être agir comme eux dans certaines circonstances. C’est faux. Ces gens ne sont pas comme nous. La plupart de ces hommes sont des monstres. Des personnes dont les perversions, dont la haine, dont les agissements abominables, les séparent du reste de l’humanité, des hommes. Ce n’est pas parce qu’ils sont au nombre de cinquante, qu’une autre cinquantaine de ces violeurs ont échappé à la reconnaissance, ce n’est pas parce qu’ils semblaient bien intégrés, appréciés de leurs proches, bons maris et bons pères, qu’ils représentent l’ensemble des hommes. Ce sont juste des monstres comme il en existe trop. Mais il faut être des monstres pour oser menacer un journaliste suivant leur procès, pour le menacer de «violer également sa mère», tout cela en groupe, en meute comme l’écrit ce journaliste.
Je me suis donc trompé. Ces gens-là ne sont pas des hommes comme vous et moi. Ce sont juste des monstres, des exemplaires de ces millions de monstres dont les armées nazies étaient constituées, dont les bataillions d’un Hamas sont constitués, des monstres pour la plupart sans culpabilité ni aucune honte. Des monstres que notre société doit éliminer, pour un temps suffisamment long.
Je m’inquiétais pour rien. Je ne suis absolument pas comme eux.
Saucratès
L’affaire Dominique Pelicot, suite
Écrit du 22 septembre 2024
Il fallait s’en douter, l’affaire Pelicot devient un symbole de la lutte contre le patriarcat, contre la domination masculine, contre la violence des hommes.
Chaque jour, Le Monde donne la parole à un nouveau groupe victimaire, à une nouvelle prise de position dont l’objet est avant tout de s’afficher, de se mettre en avant, ou de crier sa frustration ou sa haine des hommes. Ainsi samedi 21 septembre 2024, c’était au tour d’un groupe de 200 hommes de proposer une feuille de route pour «lutter contre la domination masculine». Parmi eux, j’ai notamment noté la présence de Guillaume Meurice, cet humoriste licencié par Radio France pour une blague considérée comme de mauvais goût et antisémite du fait d’un rapprochement réitéré entre un célèbre premier ministre israélien et un nazi. Ainsi, on peut être courageux en matière de liberté d’opinion, de liberté de se moquer, et se soumettre au diktat de la lutte imposée contre le patriarcat !
Quelques jours auparavant, le jeudi 19 septembre 2024, c’était au tour de la philosophe Camille Froidevaux-Metterie de publier une tribune pour indiquer que selon elle, selon son mari, selon certains autres hommes, tous les hommes étaient coupables de ce qui s’était passé à Mazan. Que selon elle, tous les hommes devaient se sentir coupables des agissements de Dominique Pelicot et des autres violeurs.
Elle a beau être ‘philosophe’, je ne me retrouve pas dans ce qu’elle écrit. «Il se trouve aussi des femmes pour surenchérir et relancer l’accusation qui fait des féministes des furies aigries détestant les hommes et se complaisant dans une posture victimaire.» Il se trouve évidemment que c’est justement ce que j’ai écrit quelques lignes plus haut. Même si j’y parle de la complaisance du Monde avec la rhétorique féministe.
Je ne suis pas d’accord avec l’idée que nous devons tous nous sentir coupables des agissements de Dominique Pelicot et de la multitude de violeurs normaux qui ont abusé sexuellement de son épouse dans son sommeil.
Je suis néanmoins assez d’accord avec l’idée que cette cinquantaine de violeurs sont des gens plus ou moins normaux, plus ou moins comparables à vous ou à moi. Je suis assez d’accord que l’on puisse penser que ce ne sont pas des monstres. Même si malgré tout, ces gens-là ne sont pas tout à fait sains d’esprit. Il faut aimer le risque pour rechercher des forums comme ‘à son insu’ et y interagir avec des inconnus. Il faut déjà avoir une sexualité limite pour être attiré par une telle prise de risque.
Et c’est bien là que se trouve la clé du problème. Des millions de personnes ont une sexualité bizarre, limite, ou sans limite. Les adeptes de l’échangisme, du voyeurisme, du libertinage. Mais il existe aussi les hommes et les femmes adeptes des relations sadomasochistes, ou du triolisme. Tout ceci pourrait paraître très bizarre à des adeptes d’une sexualité ‘normale’. Avec tous les risques d’une telle appellation. L’homosexualité elle-même est-elle normale ou déviante ?
Évidemment, on me répondra que ce n’est pas de cela dont il est ici question ; c’est du viol et du consentement et je n’en disconviens pas. Simplement, je ne pense pas que l’on doive plus se sentir coupable de cette déviation de Dominique Pelicot et des 50 violeurs, que de toutes les autres déviances sexuelles que des millions d’hommes et de femmes pratiquent également !
Pourtant, moi aussi, j’ai fait état que cette affaire Dominique Pelicot me troublait. Elle me troublait parce que j’ignorais au fond si j’étais un violeur ou non, un malade sexuellement parlant ou non, un monstre ou non. Parce que je n’ai pas cette réponse, parce que moi aussi, je pourrais être attiré par ce versant obscur de la sexualité. Au fond, tous les hommes et peut-être les femmes ont pu un jour penser, même éphémèrement, que la seule façon d’approcher et d’avoir une relation sexuelle avec une très belle femme, ou un très bel homme, était d’user de violence ou de le soumettre par une drogue. Même si ce n’est pas sur le coup, mais simplement ultérieurement, en y repensant, en fantasmant sur ce moment.
Au fond, je suis peut-être potentiellement un monstre, un taré comme tant d’autres de ces violeurs, mais malgré tout, parce que je n’ai pas cédé à cette tentation, à ces éventuels fantasmes, je n’ai pas à me sentir coupable des agissements de Dominique Pelicot, probablement complètement taré sexuellement, ou des cinquante violeurs qu’il a entraîné dans ses fantasmes. Parce qu’il y a un gouffre entre un éventuel fantasme, quel qu’il soit, et son assouvissement, qui plus est lorsqu’il s’agit de blesser l’autre, le ou la violer, le ou la droguer.
Saucratès
Post scriptum : Enfin, il est difficile de se sentir responsable, coupable des agissements de Dominique Pelicot, également coupable d’agressions sexuelles, de tentatives de viol et peut-être de meurtres sur de jeunes conseillères immobilières. Dominique Pelicot s’apparente désormais plus à un monstre qu’à un homme normal comme tout le monde.
L’affaire Dominique Pelicot
L’affaire Dominique Pélicot me trouble. La question n’est pas de savoir comment un homme à peu près normal, non violent avec son épouse, un père aimant et investi, un mari apparemment aimant, a pu organiser pendant dix longues années le viol régulier de son épouse qu’il disait aimer, et qui croyait qu’il l’aimait. La question est plutôt de savoir comment, en tant qu’homme, on peut en arriver là ? Sommes-nous tous des monstres potentiels ?
« Pas de traits de personnalité saillants, rapport à la réalité correct, pas de pathologie mentale, pas d’antécédents psychiatriques, ont énuméré les spécialistes, auxquels Dominique Pelicot avait été présenté ; il avait aussi été qualifié par des proches, au fil de l’instruction, de père incontestablement présent et aimant, très investi dans l’éducation de ses petits-enfants, de patriarche respirant le bonheur, au sein d’une famille très unie.
Dominique Pelicot a travaillé comme ouvrier puis conducteur de travaux dans une entreprise réalisant des installations électriques, puis est devenu agent immobilier, avant de vendre des alarmes, du matériel informatique ou des téléphones. C’était un homme bien inséré, il faisait du sport. Gisèle Pelicot a été le premier et unique amour de sa vie ; ils se sont mariés en 1973 et, malgré quelques turbulences dans les années 2000, renvoyaient l’image d’un couple aimant, sans fausse note ».
Derrière cette façade de normalité, selon les mots du psychiatre Paul Bensussan, Dominique Pelicot a été capable, pendant près de dix ans, de droguer sa femme pour pouvoir la violer et la faire violer dans son sommeil par des dizaines d’inconnus rencontrés sur Internet. Lui qui pratiquait une sexualité ordinaire avec elle lorsqu’elle n’était pas inconsciente laissait alors libre cours à toutes ses paraphilies – ou déviances sexuelles – notamment sa somnophilie aux confins de la nécrophilie pointée par les experts.
Quel ressort de personnalité permet à quelqu’un qui dit aimer son épouse de lui infliger ces scènes, d’assister à sa déchéance, de la mettre en danger ? Comment faire cohabiter cette contradiction vertigineuse ? », ont demandé Stéphane Babonneau et Antoine Camus, les avocats de Gisèle Pelicot.»
Ce procès est à la fois le procès du viol sous l’emprise de la soumission chimique, mais aussi le procès de ce que l’on appelle la normalité. Dominique Pelicot n’est pas seul. Plus d’une cinquantaine d’hommes sont poursuivis pour l’avoir violée dans son sommeil chimique. Et il y a aussi l’histoire d’un autre couple supposément (ou apparemment) aimant, dont le mari, Jean-Pierre M., a aussi fait violer sa femme Sonia (prénom inventé) par ce même Dominique Pelicot avec le même mode opératoire. Une douzaine de fois jusqu’en 2020. Lui aussi était un père et un mari aiment.
Comment peut-on faire cela ? Et en même temps, combien d’entre nous sont hantés par de sombres envies, de sombres pensées, de sombres fantasmes, qu’il nous est impossible de mettre en pratique, de mettre en œuvre, d’assouvir, sans risquer d’ouvrier en encore plus grand les portes de nos fantasmes, de nos envies, de nos pulsions. Pulsions de sexe, pulsions de mort.
C’est au fond mon angoisse. Qui suis-je au fond ? Un monstre ou un ange ? Un violeur en puissance ou un saint ? Comment réagirais-je si j’étais confronté à une semblable situation ? Aurais-je de l’empathie ou bien me transformerais-je en un monstre comme tous ces hommes confrontés à ces tentations ?
Car c’est bien là l’enfer. On n’en sait rien jusqu’à être confronté au choix. De la même manière que les Justes pendant l‘Occupation se trouvèrent contraints à choisir entre dénoncer des juifs à la Gestapo nazie ou à la milice française, ou bien les cacher au péril de leur propre vie, de leurs propres enfants. On se trouve seul face à nos questions, à ce vertige. Aurais-je pu être comme Dominique Pelicot dans une autre situation, aurais-je pu me conduire comme lui, suis-je véritablement différent de lui ? Et en quoi ?
Cette histoire a une autre clé de lecture. Combien d’hommes agissent de cette manière avec leur épouse ? Comment des femmes peuvent-elles donc nous faire confiance, à nous les hommes, si nous donnons libre court à de telles pensées, à de tels fantasmes, à de telles pulsions mortifères ? Si même des hommes apparemment normaux, aimants, bons pères de famille, agissent de cette manière ? Je n’ai pas de réponses, pas de solutions. Juste le vertige devant l’abomination de cette histoire qui révèle une possible béance dans nos réalités. L’écart entre une vie aimante, réglée, tranquille, et les sombres secrets qui peuplent nos pires pensées inavouées.
Saucratès