Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

De la justice (1)

Réflexion neuf (12 janvier 2009)
Les théories utilitaristes de la justice (suite) ...


Ces théories présentent plusieurs intérêts. La première est évidemment de donner une définition fondamentalement caricaturale de l'être humain rationnel tel qu'il devrait être ou tel qu'elles l'imaginent. Il est en effet notable que l'homme utilitariste ou rationnel tel que ces théories le définissent puisse en fait être le modèle idéal-typique de la personne sans âme, sans morale, sans culture, sans éducation, qui ne pense qu'à lui-même, à son bonheur et à son plaisir, et le poursuit quel que puisse en être les conséquences pour ceux qui l'entourent. C'est d'autant plus intéressant que le clone de cette morale efficiente utilitariste sert de socle, de base, à tous les principes économiques qui régissent la société et les relations économiques. L'utilitarisme n'est pas uniquement une forme de morale, mais le socle de la science économique moderne, de l'économie néo-classique ou libérale.

Est-il possible d'imaginer que ce qui est aussi absurdement incohérent en matière de morale, aussi éloigné de la réalité, l'homme utilitariste, occupé à maximiser son bonheur personnel, pourrait être moins incohérent en matière d'économie, où est censé régner le consommateur et le producteur utilitaristes, occupé à maximiser sa consommation, son revenu et son profit ? Vraisemblablement non. Si la maximisation du bonheur en matière de morale est aberrant, il en va forcément de même de la maximisation de la consommation pour atteindre ce même bonheur en matière économique ! (la maximisation du profit de l'entrepreneur ou du producteur semble évidemment plus conforme à la réalité observée, mais telle n'est pas ici l'objet du débat).

Le deuxième intérêt de ces théories utilitaristes concerne leur socle égalitariste, à savoir leur objectif visant à traiter tous les êtres humains de manière égale, d'accorder à chacun une attention, une considération et une aide financière égale. Or évidemment, dans la réalité vécue tous les jours par chacun d'entre nous, nous savons bien que tel n'est pas le cas. L'état tout particulièrement ne traite pas tous les citoyens avec une égale considération. L'âge, le milieu et l'appartenance social, la couleur de peau, la richesse influe fortement sur la considération qui nous est octroyée par l'état et par les administrations qui le compose. Aussi triste que cela soit, dans une démocratie républicaine telle que la France, ce point ne saura être contesté. Mais au-delà de cette réalité souvent ressentie individuellement, même si les mêmes histoires vécues par un ensemble homogène de personnes peuvent servir à l'exprimer collectivement, je préfère noter la différence extrêmement visible d'attention portée par l'état aux difficultés de ces citoyens, qui le poussent à octroyer plusieurs dizaines de milliards à une poignée de banques et à quelques dizaines de milliers d'entreprises françaises, lorsqu'il octroie avec d'extrêmes difficultés quelques millions d'euros aux millions de personnes extrêmement démunies victimes de la crise économique ou d'accidents de la vie. Il est clair que le dogme égalitariste censé présider à la majeure partie des théories de justice s'efface devant la réalité des faits, et à l'aide différente octroyée par l'état français, mais plus largement par tous les états occidentaux, à leur système bancaire et économique, en comparaison de l'aide octroyée aux plus pauvres de nos concitoyens, pourtant extrêmement nombreux.

Evidemment, on peut comprendre la nécessité d'aider les systèmes financiers du monde occidental, en raison des risques de déstabilisation systémique qui seraient encourus par nos économies occidentales si ces derniers disparaissaient dans un cataclysme financier. Mais il n'en demeure pas moins que ces différences de considération sont flagrantes et choquantes en terme de théories de justice.

Le même débat peut être mené au niveau international, même si aucune organisation étatique n'intervient à une telle échelle, mais où la même réalité peut être observée, avec une masse de personnes misérables encore plus importantes, qui se voient octroyer une proportion des ressources mondiales encore plus infime. Cette situation est tout autant aberrante en matière de théorie de justice.

Il faut enfin revenir à ce que Will Kymlicka nomme 'préférences illégitimes', qui correspondent à toutes les préférences utilitaristes des personnes qui sont notamment contraires à l'idéal-type d'une égale considération consentie à chacun d'entre nous. Les 'préférences illégitimes' de ces personnes peuvent ainsi leur octroyer un haut niveau de satisfaction et de bonheur, comme le fait de voir certaines personnes, en fonction de leur couleur de peau, de leur religion, de leur sexe ou de leur appartenance sociale, être traitées de manière discriminatoire par rapport à eux-mêmes. De telles préférences illégitimes peuvent également concerner la possession d'esclaves, c'est-à-dire de personnes non-libres, soumises à notre volonté. Si on ne s'intéresse qu'aux préférences des gens, sans critères moraux, le désir et le bonheur de posséder des esclaves, ou le fait de maintenir un des deux sexes sous la dépendance et la toute-puissance de l'autre sexe, pourrait être considérer comme une situation maximisant l'utilité et le bonheur collectif d'un ensemble de personnes.


Réflexion huit (11 janvier 2009)
Sur les théories de la justice ...


Quelle est la contemporanité d'une réflexion sur la philosophie politique et sur la justice ? Les grands débats pouvant être abordés sur de tels sujets sont pluriels : la signification du pouvoir, la signification de la souveraineté, la nature de la loi, l'idéal de justice, l'idéal de liberté, l'idéal de communauté (Will Kymlicka, 'Les théories de la justice'). Ces divers sujets, à l'exception des deux derniers, m'ont régulièrement intéressé au fil de mes diverses réflexions et pérégrinations au sein des méandres de la philosophie.

Will Kymlicka interroge d'abord la possibilité d'une même valeur ultime à toutes les théories politiques, en se référant notamment à Ronald Dworkin qui estime que toutes les théories politiques sont égalitaristes, à savoir qu'elles traitent tous les êtres humains comme des égaux. « Une théorie est égalitariste dans ce sens si elle accepte que l'intérêt de chaque membre de la collectivité pèse d'un poids égal à celui de tous les autres. En d'autres termes, les théories égalitaristes exigent que l'état traite tous les citoyens avec une égale considération ; chaque citoyen a droit au même respect et à la même attention. »

Selon Will Kymlicka, on trouve cette conception plus fondamentale de l'égalité dans toutes les théories politiques, des libéraux jusqu'à chez Marx ... Cette conception pose problème. Les différentes théories politiques divergent justement sur le type d'égalité et de forme d'égalité qui est nécessaire. Cette forme d'égalité, exposée de cette manière, se trouve essentiellement chez les libertariens (comme Nozick) ou chez les libéraux, pour lesquels une telle égalité formelle, sans intervention ni régulation de l'état, est seulement nécessaire. A l'inverse, les partisans d'un interventionnisme de l'état, et plus encore les communistes, croient en une version différente de l'égalité, où chaque citoyen dispose d'une part égale des richesses produites (ce que Will Kymlicka appellera une 'juste part des richesses').

Ce que Will Kymlicka traduira de la manière suivante : « Ce qui fait débat entre ces diverses théories, c'est précisément quel type spécifique d'égalité est requis pour satisfaire la conception plus abstraite d'une égale considération des individus. »

Will Kymlicka commence son analyse des diverses théories politiques et philosophiques de la justice par les conceptions utlitaristes de la justice. Mais le personnage que les utilitaristes décrivent, dont l'objectif est la maximisation de son utilité, pose problème. « Dans sa formulation la plus simple, l'utilitarisme défend l'idée qu'un comportement ou une politique moralement juste est celui ou celle qui produit le plus grand bonheur des membres de la société. » Il développe évidemment au fil de son analyse une critique assez complète de cette conception d'une politique moralement juste, qui repose accessoirement sur une conception voisine des sciences économiques, où la doctrine utilitariste règne en maître, et où l'efficience économique implique de maximiser également l'utilité (en matière de consommation et non plus de bonheur) de l'ensemble des acteurs économiques qui compose la société concernée.

Les théories utilitaristes se voient opposer un certain nombre de contradictions, que Will Kymlicka appellera 'préférences illégitimes'. « Ce n'est pas parce que des racistes désirent voir maltraiter une partie de la population qu'on doit priver cette dernière d'équipements de santé. Les désirs des racistes sont illégitimes et, quelle que soit la quantité d'utilité que leur satisfaction produit, cette utilité n'a aucun poids moral. »

Une personne qui réagirait dans le seul objectif de maximiser son utilité personnelle, chacune de ses actions étant dictées par son intérêt égoïste et la maximisation de son utilité et de son bonheur, serait un monstre ... Ces gens-là existent évidemment, mais ce sont justement de ces personnes, poursuivant leur seul bonheur sans égard aux conséquences sur les autres de leurs actions, que l'on nomme monstres, personnes sans éducation, ou enfants de riches ...

Les théories de la justice traitent régulièrement de distribution initiale de ressources (égalitaire ou inégalitaire). L'objectif d'une théorie de la justice étant de réfléchir à la meilleure forme de justice qui entraîne un fonctionnement juste de la société, et un bien-être maximal. Mais dans la réalité, chacun d'entre nous entre dans la vie sans aucune ressource allouée, avec les seules ressources qui lui sont léguées ou transmises par sa famille. Le seul apport de la société à chacun d'entre nous prend la forme de l'éducation qui lui est dispensée par le système scolaire d'enseignement, qui est lui-même différent selon les villes et les quartiers, et qui dépend de la relation de chaque enfant à l'enseignement, et de la qualité de l'enseignant. Ce qui fait ainsi que dans des cités extrêmement sensibles, certains jeunes peuvent avoir l'impression que l'état, la République, n'a jamais rien fait pour eux.

Le résultat à la fois de cette absence de distribution initiale de ressources, et d'accès imparfait à l'enseignement, implique les déséquilibres sociaux actuels que nous traversons, entre les problèmes des banlieues et l'incompréhension des jeunes à l'égard de l'état et du pouvoir. Ceux qui s'en sortent le mieux sont justement ceux qui bénéficient des plus fortes dotations en matière de dotation d'enseignement, tout particulièrement auprès des plus hautes écoles françaises (mines, polytechnique et ENA). Un fonctionnement plus harmonieux de notre société devrait ainsi reposer sur une distribution initiale de ressources, qui viendrait corriger à la fois les déséquilibres dus aux richesses différentes des familles de chacun (financement assuré par un imposition plus importante des revenus, du capital et des héritages, à l'inverse de la politique poursuivie ces dernières années) et les déséquilibres dus au parcours scolaire de chacun, puisque les mieux formés consomment une proportion plus importante de fonds publics consacrés à l'enseignement et réussissent le plus souvent mieux que les jeunes sans formation ... une prime à l'échec ?... ou une façon de reconcilier la jeunesse avec la société, corriger les erreurs et les injustices du fonctionnement de notre société, et d'en obtenir un fonctionnement plus harmonieux et plus juste, cohérent avec les diverses théories imaginées de la justice.


Réflexion sept (15 septembre 2008)
De l'existence de systèmes de justice différents selon les époques et les pays et de leur influence sur l'organisation des sociétés et des rapports de force qui y existent ...


Les systèmes judiciaires que l'on rencontre de par le monde diffèrent évidemment selon les époques et selon les pays considérés ... Le système judiciaire français actuel n'est évidemment pas le même qu'il y a un ou deux siècles, ni même semblable à celui d'il y a une décennie ... Les variations sont souvent infimes, dépendant parfois des juges qui siègent dans la plus haute juridiction (la Cour de Cassation en France ou la Cour Suprême aux Etats-Unis) et qui peuvent influer sur la jurisprudence et sur l'état du droit. Mais en même temps, il existe une grande permanence des principes de l'action pénale dans chaque pays ... L'organisation de la justice autour des procureurs a ainsi fort peu varié au cours des derniers siècles aux Etats-Unis mais également en France, malgré les changements de régime politique, même en se comparant à l'époque de la royauté absolue, où existaient déjà les procureurs du roi dont nos procureurs actuels ne sont qu'un prolongement.

Les systèmes judiciaires de chaque état diffèrent également les uns par rapport aux autres, de manière beaucoup plus marquée. On trouve évidemment trace de l'opposition existant entre le système judiciaire les pays anglosaxons, dit de 'common law' et celui dit de 'droit civil', issu du modèle napoléonien français ... Mais des divergences naissent également des modalités d'organisation de la justice, de l'histoire de la justice et des évolutions des droits de chacun ...

L'opposition qui me semble la plus intéressante est celle existant entre le régime judiciaire français et le régime judiciaire américain ... Pourquoi les Etats-Unis et non pas la Chine ? D'abord parce que la Chine ne possède pas de système judiciaire autonome et démocratique, où les droits de chacun puissent être respectés ... Ensuite parce que les Etats-Unis et la France (avec l'Angleterre) sont par nature et par l'histoire les deux principaux modèles démocratiques ... les étalons historiques de valeur et de mesure de la démocratie ...

Deux systèmes judiciaires opposés donc, que ce soit par le système juridique utilisé (common law d'un côté, codification de l'autre), par le pouvoir dévolu aux systèmes judiciaires et notamment à leur plus haute juridiction (une Cour de Cassation aux pouvoirs limités, incapable de créer de nouveaux droits pour les citoyens français ... une Cour Suprême toute puissante capable de faire la loi et de créer des droits constitutionnels nouveaux au bénéfice des citoyens américains), par l'organisation de la justice (avec des juges professionnels en France dépendant du pouvoir politique, et des jurys populaires aux Etats-Unis pour tous les procès civils, octroyant parfois des indemnités records aux plaignants), par les droits octroyés aux plaignants (existence de 'class actions' aux Etats-Unis dont les grands groupes commerciaux et industriels ne veulent pas en France, du fait des risques financiers que cela leur ferait courir) et enfin par la forme de désignation des juges professionnels, des procureurs fédéraux et autres fonctions publiques (élitiste dans le cas de la France avec l'existence d'écoles dont sont issus ces juges ... la démocratie dans le cas des Etats-Unis où les juges, procureurs sont élus démocratiquement ...).

Ces divergences ont d'importantes conséquences sur le rendu de la justice dans nos deux pays. En France, nous disposons d'une justice relativement intègre, professionnelle et impartiale, traitant à peu près tous les justiciables de la même manière sur l'ensemble du territoire de la République, même si certains peuvent questionner son impartialité ou son équité. Mais les actions judiciaires sont à l'inverse extrêmement lourdes et coûteuses, et difficiles à mettre en oeuvre. Les grands groupes industriels sont parfois attaqués en justice par des associations, mais les condamnations qu'ils y risquent sont relativement modérées, même dans le cas d'un pétrolier tel Total ayant causé des dommages considérables au littoral breton et qui n'est cependant que faiblement condamné en justice ... Ce qui ne l'empêchera pas de faire appel de cette décision, persuadé que la sanction financière à laquelle il a été condamné est disproportionnée ...

Aux Etats-Unis, par exemple, Total aurait risqué d'être condamné à des dizaines de milliards de dollars d'indemnité pour les risques auxquels l'imprévoyance de cette société a exposé les habitants de cette région, le coût des opérations de nettoyage et les conséquences financières de cette marée noire. Le système judiciaire américain me semble plus protecteur pour le consommateur ... plus dangereux pour les groupes industriels et commerciaux américains (mais également pour les professions médicales avec la possibilité d'exagérations des malades pour faute médicale ou harcellement sexuel) ...

La preuve d'un système américain plus juste et plus offensif, c'est que tous les procès ouverts contre les laboratoires pharmaceutiques sur les médicaments ou contre les établissements bancaires sur les dérapages financiers (dans le cas de la crise financière actuelle) sont intentés aux Etats-Unis, même contre des groupes européens ... Et grosso-modo, ce sont les européens qui payent pour que ces groupes industriels, bancaires ou commerciaux, puissent indemniser les citoyens américains ...

Les seuls amendes importantes appliquées par les pouvoirs publics européens concernent le domaine de la concurrence, où les pratiques des autorités de Bruxelles sont copiées sur celles des autorités américaines ... avec l'intervention de la justice européenne qui vient malgré tout régulièrement remettre en cause les indemnisations auxquelles sont condamnées ces groupes ...

Pour quelles raisons la justice française et européenne est-elle favorable aux grands groupes industriels et commerciaux ? Pour quels raisons voit-on une telle déférence de la justice pour les puissants de ce monde ?


Réflexion six
Retour sur les notions de juste et d’injuste


Comme je l’ai déjà dit, notre civilisation occidentale ne reconnaît plus ces deux termes. Elle leur a préféré les termes de ’légalité’ et ’illégalité’. Notre civilisation matérialiste et cartésienne ne se réfère plus à la morale, qui fonde le juste et l’injuste, mais se réfère uniquement aux normes, dont les lois font parties. Les normes permettent de déterminer ce qui est conforme et ce qui n’est pas conforme. La morale, au contraire, permet de déterminer ce qui bien et ce qui est mal. D’une certaine façon, cette dernière dichotomie est beaucoup plus tranchée que la première. Les normes peuvent changer, et ce qui est conforme aux lois devenir non conforme, et vice versa. Au contraire, le bien et le mal ne varient pas. La morale a cette particularité d’être intangible. Les lois et les normes changent selon les époques, pas la morale.

Bizarrement, notre civilisation occidentale est la seule civilisation à avoir pour fondement une culture reposant sur la morale, dite judéo-chrétienne. Et c’est justement cette civilisation-là, judéo-chrétienne, qui a formalisé les notions de normes et de lois, puis les a substitué aux notions de morale, de bien et de mal. Cette création avait pour origine l’impossibilité de définir une loi supérieure, dite divine, qui aurait servi de modèle et de fondement aux lois humaines. Mais, en l’absence d’une loi divine, sur quoi peut donc reposer la morale ? Sur notre religion judéo-chrétienne ?

Ce qui est sûr, c’est que toute société humaine, occidentale ou non, repose sur le respect de normes et de règles. Ce qui rend nos sociétés occidentales particulières, c’est le formalisme qui s’y attache. Et le capitalisme tout particulièrement, principal composant de nos sociétés modernes, a besoin de ce formalisme juridique, qui sécurise son fonctionnement. Evidemment, celui-ci est également capable de fonctionner là où le droit n’existe pas, ou seuls la violence, l’arbitraire, l’irrationnel fonctionnent. Mais il faut alors que l’importance des profits possibles rende rentable les risques encourus et la corruption qui est alors indispensable.

Le capitalisme n’a nul besoin de morale. En effet, lois et morale ne sont pas toujours en harmonie. Dans nos sociétés occidentales dites judéo-chrétiennes, ce qui est légal n’est pas toujours moral, et ce qui est considéré comme illégal est parfois justement moral. Ainsi en matière d’immigration, l’aide aux personnes légalement en situation irrégulière est considérée comme une action illégale, alors l’accueil des étrangers est une action moralement valable, voire encouragée par les écritures saintes (catholiques). Les lois sur l’immigration, même non amorales, condamnent ainsi souvent des actes qui en eux-mêmes sont moraux.

Il est très intéressant d’observer qu’a posteriori, des actes moraux mais illégaux comparables ont pu par le passé être considérés comme justes et moraux, et les actes amoraux mais légaux, valorisés à un instant donné, être condamnés quelques années plus tard et considérés comme légalement répréhensibles (l’assistance aux personnes juives pendant la seconde guerre mondiale et l’occupation nazie). Intéressant d’observer que ces mêmes actes moraux sont de nouveau considérés aujourd’hui comme répréhensibles, vis-à-vis d’une autre population (non plus juive mais étrangère, notamment africaine). L’Histoire pourrait-elle de nouveau s’inverser dans quelques années ?

De même, en matière financière, la recherche capitaliste du profit maximum conduit souvent à des actes amoraux (expulsion de personnes socialement en difficulté, abus vis-à-vis de personnes en difficulté). Le capitalisme ne repose pas sur la morale, parce que la morale n’a semblerait-il plus sa place dans nos sociétés modernes.

Mais est-ce si sûr ? N’assiste-t-on pas ces dernières années à un retour de la morale ? En matière de relations internationales d’abord avec la guerre contre l’axe du mal chère à Georges W. Bush, qui a servi de prétexte à l’invasion de l’Irak par les armées américaines et alliées. En matière de capitalisme également, avec les multiples condamnations des rémunérations importantes de dirigeants de certains grands groupes.

En fait, la morale n’a jamais quitté nos sociétés occidentales. Avec l’essor des relations capitalistes et de l’individualisme, elle avait reflué dans la sphère privée, dans les échanges interpersonnels. Elle fondait les relations de chacun avec son entourage, mais n’était plus pertinente en matière globale. Confinée à cet usage individuel, sa transmission de générations en générations ne reposait plus que sur la parenté et sur la religion. De sorte, certaines personnes ne se sentent plus obligées de la respecter, d’où le développement des vols et des aggressions, aussi bien que des pratiques professionnelles ou financières amorales, que certains croient conformes au capitalisme.

La morale existe toujours dans nos sociétés. La majeure partie de la population la respecte encore plus ou moins. Les justes sont ceux qui quelle que soit la situation, quels que soient les risques encourus, même face à la justice ou face à un Etat totalitaire, continuent d’appliquer ce que la morale (ce qu’on leur a transmis de la morale) leur dit de faire. Et il est dommage que ces justes ne soient seuls pas autorisés à fabriquer les lois dans nos parlements et assemblées. Mais la recherche du pouvoir personnel que suppose la politique est rarement le fait de personnes ’justes’.


Réflexion cinq
De la justice internationale


Il existe enfin une troisième forme de justice, dite internationale. L’allocution télévisée du Président prononcé à l’occasion du 14 juillet 2006 nous le rappelle ; il y a des évènements dangereux et injustes qui se produisent ailleurs dans le monde et sur lesquels le politique est appelé à se prononcer, à les condamner ou bien à exprimer notre solidarité. De même que pour la justice sociale intérieure (leçon 16), les évènements internationaux sur lesquels les politiques sont appelés à se prononcer ne relèvent pas tous de tribunaux internationaux.

Les évènements actuels au Proche Orient ne sont pas justes. Mais il n’existe pas de définition universelle pour le terme ’juste’ en matière de guerre. Et les agressions que certains considèrent comme justes face à des attaques considérés comme terroristes sont appelées injustes par leurs adversaires, qui peuvent estimer faire oeuvre de résistance face à un régime militaire occupant. Le droit international repose essentiellement sur les rapports de force, au bénéfice des plus forts. Israël a été condamné par l’ONU depuis des dizaines années pour l’occupation des territoires palestiniens, sans qu’aucune sanction ne lui ait été appliquée. Elle peut aujourd’hui bombarder un Etat limitrophe, tenter de le détruire, et assassiner ces civils, sans risquer de sanctions internationales ni bien sûr d’invasion par l’armée américaine, qui pourtant n’a pas cherché d’autres raisons pour envahir l’Irak il y a plus de dix ans.

Le seul pouvoir du politique en justice internationale est de discourir en bilatéral ou dans des enceintes internationales. La possibilité d’agir est très rare, sauf pour les plus puissants Etats Nations, qui peuvent eux agir sans s’occuper des réactions possibles des autres nations, avec le risque d’une dérive militaire vers un embrasement généralisé, comme en 1914 ou en 1939. Malgré tout, l’ONU permet à de nombreux Etats une certaine forme d’actions, notamment grâce aux forces de maintien de la paix.

Il est frappant de remarquer que les vies de tant de personnes dépendent de l’état de ses relations internationales, sur lesquels les hommes politiques de tant de pays ont si peu de moyens d’action et d’influence, et sur lesquels nous n’en avons strictement aucun.


Réflexion quatre
De la justice sociale


Le terme de ’justice’ ne se limite aux instances judiciaires. La signification accordée à ce mot est plus large, notamment en se référant à sa racine ’juste’. Le politique est en rapport permanent avec les notions de juste et d’injuste. Il est surprenant de constater que ces deux termes représentent une acceptation passée, ancienne. Bizarrement, je n’ai pas l’impression d’avoir entendu parler de ces notions récemment, hormis pour désigner ceux qui ont sauvé des juifs pendant la guerre, en France, en Allemagne ou dans les autres Etats occupés par les nazis allemands.

Pourtant, en revenant dans un premier temps à la conception judiciaire de la justice, les parlementaires et membres du gouvernement se doivent de proposer et de voter des textes de lois ’justes’. Mais quelle définition peut être rattachée à cette valeur ? Dans l’absolu, une loi ne pourrait être considérée comme ’juste’ que si elle était favorable à une majorité des citoyens. Mais aucune loi ne respecte cette définition. Dans une acceptation plus étroite, une loi pour être juste ne devrait pas désavantager plus de citoyens qu’elle n’en avantage. Une telle loi ne devrait pas non plus être favorable à ceux qui la vote ou la propose, ou à ceux de son milieu social. Imaginons ainsi un parlementaire propriétaire d’une écurie de chevaux de course, qui proposerait et voterait l’octroi d’une subvention du gouvernement pour financer de telles écuries. Une telle loi devrait être considérére comme injuste, et le parlementaire poursuivi pour avoir confondu son intérêt personnel et l’intérêt de la Nation qu’il est censé représenter.

Evidemment, nos codes sont remplis de lois injustes. La loi sur le ’contrat première embauche’ était une loi injuste, défavorable à des millions de jeunes salariés qui auraient bénéficié de droits sociaux restreints pendant les deux premières années de leur contrat de travail, et favorable à une minorité de chefs d’entreprise, appartenant à la classe sociale des parlementaires de droite. Le gouvernement avait beau promettre que cette loi aurait un effet favorable sur le chômage à terme, elle n’en demeurait pas moins injuste. La loi sur le ’contrat nouvelle embauche’ est également injuste. A l’inverse, les lois de nationalisation de 1945 et de 1981 étaient des lois justes, même si elles avaient été défavorables aux propriétaires des entreprises nationalisées, car elles permettaient une prise de contrôle d’outils de production, dans le cadre de l’intérêt général.

En réalité, en politique, il n’existe aucune notion de justice en matière de lois. Une loi n’a nul besoin d’être juste ; il lui suffit d’être légalement promulguée pour avoir valeur légale, et ne pas être contraire aux grands principes constitutionnels. A une époque où on légifère à tour de bras, il s’agit d’un manque flagrant. La désaffection des citoyens à l’égard de la politique vient peut-être aussi de là, dans cette production décérébrée de lois injustes.
Mais les notions de juste et d’injuste en politique ne se limite pas uniquement aux lois. Il suffit de se rappeler Nicolas Sarkozy condamnant les rémunérations insensées de certains patrons de grands groupes français. Le politique est également en rapport avec la justice sociale, du fait notamment de la médiatisation croissante des sociétés occidentales.

C’est la justice sociale qui pousse les hommes politiques à s’intéresser aux relations dans la sphère de l’économie capitaliste, à s’inquiéter de l’état des prisons françaises et des conditions de détention. La justice sociale est inséparable de la médiatisation de notre société. C’est le plus souvent parce qu’il y a médiatisation des problèmes que le politique intervient. Pas uniquement évidemment, puisque les maires et les parlementaires interviennent souvent aussi pour aider les plus nécessiteux de leurs administrés.

Et cette inquiétude parlementaire débouche parfois sur l’adoption de nouvelles lois (ainsi l’affaire d’Outreau), bien souvent beaucoup moins injustes que les autres lois. Mais cette inquiétude gouvernementale ou parlementaire a aussi le plus souvent uniquement des visées électoralistes. N’est-ce pas en vue des futures élections présidentielles que Nicolas Sarkozy condamne aujourd’hui les fortes rémunérations de certains grands patrons capitalistes français ? De même, la fracture sociale chère à Jacques Chirac ne visait-elle pas essentiellement à lui permettre de remporter les élections présidentielles de 1995 ?


Réflexion trois
De la Constitution


Réformer de fond en comble le système judiciaire français est-il réellement envisageable ? Est-il possible de modifier le fonctionnement d’un système de pensée multiséculaire (à la différence de notre organisation constitutionnelle), qui étend ses ramifications jusqu’aux temps de l’absolutisme royal ? Je crains que cela ne soit impossible. Même la fusion de la Cour de Cassation, du Conseil d’Etat et du Conseil Constitutionnel en une seule Cour Suprême n’est pas possible, du fait des usages et des intérêts opposés. Jusqu’à la désignation des juges de cette Cour Suprême qui soulèverait les passions et les intérêts opposés.

La solution est peut-être ailleurs, à chercher au niveau de l’Europe. Quel est le système judiciaire qui fonctionne le mieux (entre le système judiciaire français, anglais ou américain), qui est le plus protecteur et le plus respectueux des droits individuels de chacun ? C’est à cette question qu’il faudrait d’abord répondre. Par ailleurs, la création d’une Cour Constitutionnelle semble moins urgente au niveau de l’Europe (en raison de l’existence de telles Cours dans chaque Etat nation et de l’absence d’une Europe férale), et un fonctionnement unitaire du type d’une Cour Suprême devrait être plus utile et plus valable. Il en existe évidemment des prémices dans la Cour de Justice Européenne. Mais à l’image de la Cour Suprême des Etats Unis, son existence et son rôle devrait être mentionnée dans une Constitution.

 
Evidemment, le terme de Constitution Européenne a fait couler beaucoup d’encre. Il y a pratiquement autant de motifs d’opposition qu’il y a d’opposants à ce projet de constitution. Le pire qui pourrait nous arriver, ce serait son adoption par les députés et les sénateurs français réunis en congrès à Versaille. Pour autant, l’Europe a certainement besoin d’une Constitution. Mais cette Constitution ne devra pas dépasser une centaine d’articles, sur quelques pages. Une Constitution doit reprendre les droits essentiels des citoyens européens, les organes garantissant le respect de ses droits, et fixant les règles de fonctionnement entre les différents pouvoirs de l’Union européenne. Il serait temps aujourd’hui de dire aux constituants et à son président, qu’ils se sont plantés royalement en rédigeant et en élaborant cette bible monstrueuse qui nous a été présentée, à nous français, pour validation au référendum.

Il nous faut oublier cette proposition de constitution européenne, et réfléchir à une nouvelle constitution pour l’Europe, accessible avant tout, apte à fonctionner, et reposant sur une analyse précise de ce qui fonctionne dans chacun des grands Etats de droit européens, et disposant de suffisamment de recul historique en matière de démocratie (ce qui conduit pratiquement à éliminer tous les Etats hormis le Royaume Uni, la Belgique, les pays scandinaves et à la rigueur la France). La Constitution dont l’Europe aura besoin ne devra pas être l’objet d’un obscur marchandage, mais un recueil des droits de tous les citoyens européens, susceptible de résister victorieusement à la montée de tous les extrêmismes ou fascismes qui risquent d’embraser le monde et l’Europe au cours des prochains siècles. Et cela n’a rien à voir avec le pourcentage en terme de voix dévolu à chaque pays, comme certains partisans du projet de Traité ont cru nous le faire croire.


Réflexion deux
De la justice pénale


Le modèle français de justice pénale, civile et de droit public est-il le meilleur qui puisse être ? Notre droit pénal disproportionné et notre justice civile ou de droit public de nains ne sont-ils pas déséquilibrés, au profit exlusif de l’Etat ? La surpuissance de notre droit pénal correspond au besoin de sécurité d’une bonne partie du corps électoral.

Cette surpuissance est toutefois gênée par les insuffisances du domaine judiciaire et carcéral français, insuffisamment proportionné face à la montée de la délinquance. De sorte, des comparutions devant la Justice qui prennent des mois, de sorte que des dangereux délinquants sont relachés en attente de jugement (mais c’est cette même idéologie qui a conduit à l’incarcération préventive des présumés coupables d’Outreau). Des peines de prison qui sont aussi systématiquement raccourcis pour libérer des places dans les prisons françaises. Et qui font que des violeurs et des assassins multirécidivistes sont libérés sans avoir purgé complètement les peines de prison auxquels des jurés (représentants du peuple souverain français) les avaient précédemment condamnés. Pourquoi des termes comme réclusion criminelle à perpétuité sont-ils à ce point galvaudés, puisque même ces condamnés se retrouvent un jour en liberté (conditionnelle ou pas) et mettent nos vies, ou celles de nos femmes et de nos enfants en danger ?

Le pendant de cette surpuissance du droit pénal français, c’est l’impuissance du droit civil et du droit public français. Ces autres formes de justice doivent censément protéger le citoyen français face à l’Etat et face aux autres citoyens. Mais cette protection dépend en France de trois instances supérieures séparées (Cour de Cassation, Conseil d’Etat et Conseil Constitutionnel) alors qu’elle dépend dans d’autres Etats de droit, d’une seule et même instance, réellement garante de la justice. Cette impuissance de la justice française s’explique par l’importance accordée à l’administration et à l’Etat, mais elle explique aussi l’impuissance de la société française à se protéger éventuellement de la montée des extrêmismes politiques ou du fascisme. D’une certaine façon, les français ne font pas confiance en la justice pour faire évoluer leurs droits ; ils ne croient qu’en l’Etat et que dans l’administration. L’affaire du ’contrat première embauche’ en donne un exemple frappant. Même les organisations syndicales ne croient pas en la capacité d’interprétation et de réforme de la justice civile face à un contrat de travail injuste. Et d’une certaine façon, il en est de même de l’administration et du gouvernement français, qui souhaite interdire toute interprétation des tribunaux au sujet du ’contrat nouvelle embauche’.

S’il y a une chose qui doit être réformée en France, ce n’est pas la Constitution (si ce n’est à la marge), mais c’est cette organisation de la justice et du droit, pour permettre à l’ordre judiciaire de s’émanciper du politique, pour se constituer réellement comme garant du droit et des droits de chacun. Evidemment, l’affaire Outreau peut nous faire peur. Remettre nos vies et nos droits entre les mains de juges qui pourraient s’avérer aussi peu crédibles peut sembler dangereux. En France, il vaut mieux ne pas avoir à faire à la justice. C’est donc tout cela qu’il faudrait modifier. C’est peut-être toute une autre architecture de la justice à laquelle il faudrait réfléchir, et non pas se contenter simplement d’importer une ou deux procédures qui semblent intéressantes à certains (le plaider coupable, l’inversion des normes au profit du contrat ou bien la ’class action’).


Réflexion une
Justice et politique


Justice et politique sont indissociables. Quelque soit la justice (sociale ou pénale) dont on parle, la politique a forcément un droit de regard sur elle.

Justice pénale et politique forment les trois pouvoirs de nos Etats. Quand la politique s’est mis à dysfonctionner dans les années 1990, c’est la justice pénale qui est intervenue en poursuivant et en condamnant un certain nombre d’hommes politiques. Quand la justice pénale s’est emballée, notamment au cours du procès d’Outreau, c’est le politique (le parlement) qui en a été saisi, et celui-ci devrait poursuivre et réformer le fonctionnement de la justice, voire condamner certains juges. En effet, il existe bien une Cour de Justice, pour juger les Ministres, pourquoi n’y en aurait-il pas une pour les juges ?

A bien réfléchir, Outreau a également été le symptôme de la faillite d’un autre pouvoir constitué, la presse d’information. Cette presse qui contrôle les trois autres pouvoirs, mais que pratiquement nul ne contrôle, hormis parfois la justice pénale, mais qui justement a failli içi. Mais nul n’en parle plus maintenant. Ce quatrième pouvoir, non prévu par la Constitution, mais qui émerge un peu partout dans le monde pour équilibrer les autres Pouvoirs législatifs, exécutifs ou judiciaires. Ce quatrième pouvoir, fonctionnant essentiellement par autorégulation, comme les banques autrefois. La presse, comme à son habitude, s’est acharnée sur les présumés coupables (d’Outreau), oubliant la présomption d’innoccence, comme elle fait bien souvent. Heureux les sans-grades, inconnus et ignorés de la presse, et malheur à ceux qui intéressent cette broyeuse d’hommes.

La justice pénale de chaque Nation est différente de celle des autres Nations. La justice pénale française est particulière par le pouvoir presque absolu dévolu au juge d’instruction, mais aussi par le fait qu’il n’instruise pas uniquement à charge mais également à décharge. Aux Etats-Unis, le drame d’Outreau n’aurait pas été considéré comme un dysfonctionnement de la justice. Aux accusés de prouver leur innoccence, pas au ministère public. La justice française (non pas pénale mais générale), même au plus haut niveau (Cour de Cassation, Conseil d’Etat et Conseil Constitutionnel) est également particulière par son incapacité à faire autre chose que d’interprêter la loi. Ces hautes juridictions ne sont pas les garantes de la loi ; elles n’ont pratiquement aucun pouvoir ni autorité pour récuser une loi ; elles sont incapables de protéger la loi ou la Constitution française d’éventuelles modifications fondamentales imposées par le Pouvoir Politique, si celui-ci respectait les règles formelles qui lui sont imposées.

-nota : en effet, une Cour constitutionnelle (ou conseil constitutionnel) est chargée d’assurer la primauté effective de la constitution (norme suprême en terme de hiérarchie des normes). Pour cela, cette cour vérifie la conformité des lois par un contrôle a priori ou a posteriori selon les pays, par opposition au système américain, où la conformité d’une loi se fait à l’occasion d’un litige, sous l’autorité d’une Cour suprême. A noter également qu’aux Etats-Unis, les juges à la cour suprême sont élus à vie et ne peuvent être destitués qu’après un jugement par le Congrès selon la procédure d’impeachment (celle qui s’applique également au Président des États-Unis). Aucun juge à la Cour suprême n’a jamais été destitué-

Quand on parle de Constitution, on pense tout de suite aux critiques récurrentes des uns et des autres, souvent au Parti Socialiste (Mitterand autrefois, Montebourg aujourd’hui). Certains se battent ainsi pour une nouvelle constitution qu’il appellent déjà Sixième République. On peut aussi imaginer que d’autres, à l’extrême gauche ou à l’extrême droite, ne se satisferaient pas non plus de notre constitution et de l’équilibre relatif des Pouvoirs qui en résulte. Mais pourquoi cette soif de modification de notre constitution. Nous est-il impossible de comprendre la leçon que nous donnent les pays anglosaxons anglais et américains, avec leurs constitutions multiséculaires ? Une constitution vieille de plusieurs siècles est beaucoup plus difficile à faire évoluer qu’une constitution vieille de quelques décennies. Quel président américain serait en effet capable de modifier la règle des deux mandats (règle récente, puisque elle ne s’est pas appliquée à Roosevelt), ou bien les pouvoirs du congré ou ceux de la cour suprême des Etats Unis ? A l’opposé, il ne serait guère difficile pour un homme politique français de faire modifier la Constitution pour la faire ressembler à sa vision personnelle, comme le Général de Gaulle il y a moins de cinquante ans. N’est-il pas frappant en effet d’observer que ni l’Angleterre, ni les Etats-Unis, ni le Canada, pays aux constitutions multiséculaires, n’ont subi une prise du pouvoir par des fascistes, et les changements de constitutions qui en ont découlé ?


Saucratès



23/11/2010
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