Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

De la politique monétaire (3)

Réflexion dix-sept (21 janvier 2007)
Réponses à quelques questions sur les banques
Réponse à Real (suite)


Salut Real. Quelques éléments de réponse à tes questions (nota, n'étant pas banquier, je ne connais qu'approximativement les produits bancaires proposés, et mes connaissances sont imparfaites notamment pour les PEA).


1. 'Si je place 100 euros sur un support qui rapporte 2%, est-ce que la banque peut utiliser ces euros pour d'autres placements pour son propre compte, me verser les 2% et empocher la différence ?'.

Evidemment, c'est justement le propre de l'activité de la banque, de la transformation bancaire. Les banques collectent des ressources sur tous types de supports, de toute échéance. Et elles emploient ces ressources pour couvrir leurs différents emplois. Elles peuvent donc acheter des titres (actions, obligations), accorder des crédits au taux de 5% pour de l'équipement voir 20% pour du crédit revolving. Ou le replacer sur le marché monétaire à un taux proche de ce qu'il lui coûte. Certains produits doivent être affectés à certaines utilisations, mais ces produit sont rares : les livrets A et le logement social par le biais de la CDC ; les Codevi et les prêts bancaires aux entreprises. Le plus souvent, la banque est totalement libre de l'emploi des fonds qu'elles collectent, et il vous est impossible, un, de récupérer une partie de la rémunération qu'elle en obtient, et deux, de savoir ce qu'elle fait de votre argent.

Ce que l'on appelle transformation bancaire, c'est cette faculté qu'ont les banques de prêter à long terme (de 25 ans à 30 ans maintenant pour l'immobilier) à partir de fonds collectés à court terme ... quelques jours pour les comptes de dépôts à vue, quelques mois pour les livrets et comptes d'épargne, quelques années pour les plus longs placements (PEL).

L'avantage de ce fonctionnement, c'est que la banque agit à ses propres risques. Elle ne pourra pas vous remettre moins que vous n'avez déposé, plus les intérêts. Mais ceci ne concerne que les dépôts, en aucun cas aucun titre, que ce soit obligations, actions, FCP ... Rémunération (normalement) moindre, sûre, mais risque zéro (avec en plus une protection de place qui vous permet d'être rembourser de vos dépôts en cas de faillite de votre banque, jusqu'à un certain montant).


2. 'Question insidieuse: Ou encore, si je place sur un FCP, le gestionnaire peut-il faire des opérations du style dérivés ou vente à la baisse à découvert, au seul bénéfice de la banque. Je ne parle pas ici de malversation d'un employé pour son propre avantage.'

Argh ! Je n'aime pas les questions insidieuses (je blague !) ... On atteint ici les limites de mes connaissances. Ce que je sais, c'est qu'il y a plusieurs types de FCP. Les plus sécuritaires sont les FCP monétaires, sur lesquels il n'y a pratiquement pas de risques pris par le gestionnaire (risque zéro, même ce dernier n'existe pas). Le seul risque pris sur ce type de FCP est un risque de contrepartie, c'est-à-dire un risque de défaut de paiement de l'établissement de crédit ou de l'émetteur du produit. C'est très rarement arrivé. Ce genre de FCP achète des titres en fin de vie (obligations d'état voire d'entreprises) ou des titres monétaires, d'où une rémunération très faible, proche de celle du marché monétaire, mais pratiquement sans risque.

Les autres types de FCP peuvent être obligataires, actions ou diversifiés ... J'ignore s'ils peuvent réaliser le genre de prises de risques dont vous parlez (opérations dérivées ou ventes à découvert), s'ils ont des réglements qui les interdisent, et si ces opérations sont contrôlées, notamment par la Commission Bancaire. Je pense pour ma part que pour ce genre de FCP (à risques), ce doit être possible (mais en même temps, c'est tellement risqué que cela peut aussi leur être interdit).

Mais ce sera forcément pour le compte du FCP. Les plus-values ou les moins-values appartiennent au FCP, et permettent de faire varier sa valeur. Un FCP peut aussi prêter des fonds à sa maison-mère (c'est plutôt ce genre de rapports de groupe qui existe entre un FCP et la banque qui le commercialise et contrôle sa gestion), dans le cadre des opérations de trésorerie des FCP (pour permettre les rachats ou pour bénéficier des nouvelles opportunités), mais c'est alors sans risque, et on rejoint alors votre question n°1 (la banque fait ce qu'elle souhaite de ces fonds, à ses propres risques).

Il y a étanchéité complète entre le FCP et la banque qui le fait souscrire. Ce qui crée justement cette possibilité de gains pour les déposants (ne pas oublier les années 1999 et 2000 où les FCP affichaient des taux annuels de progression élevés mais qui ont été suivies de la crise boursière des années 2000-2002) mais également ce risque de perte en capital (et pas uniquement en intérêt).


3. 'Autre question: pourquoi les banques ne nous ont-elles pas proposé des placements dans les pays émergeants (Inde, Chine surtout) où les marchés ont flambé? Est-ce prohibé dans les PEA?'

On est encore plus prêt des limites de mes connaissances. Mais effectivement, les PEA ont uniquement vocation a accepté des placements en valeurs européennes (initialement, seules les valeurs françaises étaient acceptées, et il me semble que ce dispositif a été étendu aux valeurs européennes -mais est-ce à l'ensemble ?-).

Hors PEA, ce type de placements, par le biais de FCP, est évidemment possible. Mais les risques sur les marchés émergents sont extrêmement importants ... La crise asiatique (1997-1998) avait ainsi entraîné une diminution drastique des valorisations sur ces places boursières (voir l'article de Wikipedia à ce sujet).



Réflexion seize (20 janvier 2007)
Réponse à la question de Real


Salut Real. Merci de votre passage et de ces réponses. Je vous avais notamment laissé répondre sur l'habitat. En fait, je me suis référé fréquemment à l'argent papier parce que Décembre parlait de fabriquer ou d'imprimer de l'argent. On est donc là dans l'argent palpable, celui qui est le plus facilement appréhendable. Evidemment, les billets et pièces ne sont qu'une composante relativement mineure de la masse monétaire totale (pour mémoire 572 milliards d'€uros pour les billets à fin octobre 2006 -7,5% de M3-, 3.014 milliards d'€uros pour les dépôts à vue -39,8% de M3- et 7.581 milliards d'€uros pour M3 au total -ensemble de la zone €uro-). Mais la véritable création monétaire, comme j'ai essayé de le dire dans ce post, prend la forme justement de ces comptes ordinaires créditeurs dont vous parlez, qui sont créés par les banques sous forme de contrepartie lors de l'octroi de crédits (même si on parle plutôt de contrepartie dans le cas inverse, c'est-à-dire que l'on parle plutôt des contreparties de la masse monétaire).

Concernant les dépôts d'une banque comme indicateur de sa richesse, je pense qu'il s'agit d'une image archaïque (n'y voyez aucun jugement, juste une opinion sur l'idée émise). Autrefois, au 19è siècle et au début du 20è siècle, les dépôts d'une banque était effectivement un signe de sa puissance et de sa richesse, puisqu'ils pouvaient lui permettre d'accorder un certain volume de financements à sa clientèle entreprises. Je ne pense pas que cette approche soit encore valable.

1. Les dépôts collectés auprès de la clientèle offre effectivement à une banque une certaine indépendance vis-à-vis des marchés financiers. En cas de gap entre les ressources qu'elle collecte et les crédits qu'elle consent, elle sera obligé de se refinancer sur le marché financier, à un taux qui pourra être un peu plus élevé. Ce gap entre la collecte et les crédits est simplement un indicateur de vulnérabilité de la banque. Mais la masse des dépôts n'est pas une mesure de la puissance d'une banque. Par ailleurs, on dit souvent que les crédits font les dépôts (principe de la création monétaire).

2. Il existait des établissements ayant d'importants dépôts qui n'étaient pas considérés comme puissants. Je prendrais l'exemple des caisses d'épargne ou de la Poste il y a quelques années. L'important n'est pas la masse des dépôts que l'on collecte, mais ce sont qu'on en fait, et ce qu'on fait avec sa clientèle. Les deux exemples que j'ai pris ne sont peut-être pas si intéressants que cela, me direz-vous. En effet, les caisses d'épargne (grâce à son rachat de Ixis puis sa fusion avec Natexis) et la Poste (transformation en Banque Postale) sont des établissements qui vont devenir des acteurs de poids du système bancaire français. Mais ce n'est pas tant par l'importance de leurs dépôts, qui reste pour leur majorité transférer à la CDC pour le financement du logement social, qui explique leur développement actuel ou futur. Pour la Banque Postale, c'est l'importance de sa clientèle dûe à son duopole sur la collecte du livret A, qui fait peur aux autres établissements dès lors qu'elle est désormais autorisée à accorder des prêts à l'immobilier et à la consommation à cette clientèle, concurrençant désormais sévèrement les autres banques. Pour les caisses d'épargne, c'est leur implantation sur la clientèle des grands groupes industriels, grâce au réseau de Natexis et de Ixis, plus que l'importance de leur clientèle, qui explique son développement.

3. La guerre qui avait opposé la Société Générale et la BNP pour le contrôle de Paribas s'expliquait surtout par le positionnement de cette banque dans les grandes opérations financières (conseil en fusion) plus que par le volume des dépôts que cet établissement collectait.

4. Aujourd'hui, une grande partie de l'épargne des ménages français mais également des institutionnels n'est pas placée sous forme de dépôts dans les banques, mais est placé dans des OPCVM, des Sicav (c'est la même chose), ou sur les marchés boursiers ou financiers. Ces placements en OPCVM, en Sicav ou en bourse n'apparaissent pas en dépôts dans les comptes des banques. Les banques vont emprunter ces fonds sur le marché monétaire, parfois justement auprès de leurs propres OPCVM. Ce qui compte pour une banque, c'est la marge qu'elle réalise avec un client, les commissions qu'elles prélèvent pour tels ou tels services, pour l'achat de titres d'OPCVM, pour les frais d'entrée, pour les commissions de courtage en bourse, pour les frais de tenur de compte ... Et cette marge, c'est leur bénéfice.

Voilà les raisons pour lesquelles je pense que la véritable mesure de la richesse ou de la puissance d'une banque, c'est en fait sa capitalisation boursière, ou sa capacité à dégager de la valeur, du résultat, comme pour toute entreprise. La masse des dépôts qu'elle collecte ne signifie rien ; ce qui compte c'est ce qu'elle en fait ... Si c'est pour les placer à la CDC pour une rémunération miniscule, quel intérêt. De même si c'est pour les placer à 2% sur le marché monétaire ... La masse des crédits qu'elle consent n'est pas non plus très significatif ; tout dépend des taux pratiqués et des risques pris ...

Evidemment, les banques entre elles doivent suivre leurs parts de marché aussi bien sur leur collecte que sur leurs encours de crédits. Mais le Crédit Agricole, tout comme le groupe Natixis, communique sur l'importance de sa clientèle ... le banquier d'un ménage sur deux ... et sur ses résultats.

Voilà ce que je pouvais rajouter à ce point sur le problème de la valorisation d'une banque. Merci Real.

(rajout en raison d'un oubli) Il est difficile d'utiliser les dépôts d'une banque comme mesure de sa valeur. En effet, les dépôts, c'est ce qu'une banque doit à ses clients, ce sont une partie de ses dettes (c'est comme de dire que la valeur d'une entreprise, c'est la valeur de ses emprunts). A la rigueur, ce qu'elle a, c'est un portefeuille de crédits consentis à ses clients, que ceux-ci doivent lui rembourser et qui représente ses revenus futurs (les flux d'intérêt à venir).


Réflexion quinze (19 janvier 2007)
Réponse à la question de Décembre


Bonjour Décembre. J'essayerais de répondre dans ce post à vos questions du jeudi 18 janvier 2007, du moins pour ce que j'en connais. Vos questions impliquent des réponses plutôt techniques (j'en suis désolé !). N'y voyez aucune prétention, mais il n'y a pas possibilité selon moi de réponse simple. N'hésitez pas à réagir. Par ailleurs, j'ai recopié votre question initiale dans ce message.


1. 'Sur quoi repose la richesse des banques ? Leur cash liquide est-il compté de temps à autre par des gens aux mains libres ?'

La richesse des banques reposent essentiellement sur leur capitalisation boursière, c'est-à-dire le produit de leur cours de bourse par le nombre total d'actions existantes (et pas forcément en circulation), ainsi la Société Générale pèse 61 milliards d'€uros, BNP Paribas pèse 78 milliards d'€, Crédit Agricole pèse 48 milliards d'€, Natixis pèse 28 milliards d'€, Dexia 26 milliards d'€, HSBC pèse 163 milliards d'€. Cette mesure de leur richesse, me direz-vous, n'est pas très stable, dépendant des évolutions des cours des bourses mondiales ? C'est effectivement le cas ... il y a un peu moins de deux ans, Crédit Agricole ne pesait que 30 milliards d'€, ce qui fait une belle progression en deux ans ... La capitalisation boursière elle-même dépend d'un certain nombre de choses :
- le périmètre des sociétés. Crédit Agricole représente deux réseaux bancaires beaucoup plus puissants que celui de la Société Générale ou que BNP Paribas, mais la société cotée en bourse (le véhicule) n'intègre que minoritairement le réseau des caisses de Crédit Agricole.
- les bénéfices réalisés et espérées pour les années suivantes, qui permettent de déterminer le price earning ratio (PER) de la valeur, c'est-à-dire le nombre d'années de résultat. Les valeurs bancaires présentent actuellement des PER de 10 pour les résultats 2007 et 2008 (11 pour HSBC). Du coup, plus vous faîtes de résultats, plus votre capitalisation progressera (et donc l'enrichissement de vos actionnaires). Et l'inverse est également vrai.
- enfin, la capitalisation dépend aussi des fonds propres des sociétés côtées. C'est aussi la mesure principale de la richesse d'une entreprise ... sa valeur minimum ou valeur à la casse (c'est-à-dire si on fermait l'entreprise où la banque).

Concernant le cash liquide d'une banque, il n'y en a pratiquement pas. Nous n'en sommes plus à l'époque où les banques devaient avoir de l'or en réserve pour couvrir les billets qu'elles émettaient et les dépôts qu'elles recevaient (18ème et 19ème siècles). Aujourd'hui, si une banque devait faire face à un retrait massif de dépôts de ces épargnants, elle emprunterait auprès du reste du système bancaire, ou en dernier ressort auprès de la banque centrale, et se ferait livrer des billets par les transporteurs de fonds depuis la banque centrale (qu'elle acheterait d'une certaine façon). Le cash étant presque absent, pas besoin de le faire compter ... c'est le job des caissiers. Et puis, ce presque pas représente cependant suffisamment pour faire tourner la tête à nombre de gens honnêtes ... Imaginez qu'une petite briquette de 1.000 billets de 500 €uros, qui tient dans une poche, représente un demi-million d'€uros ... le tiers d'un milliard d'anciens francs.


2. 'Comment savons-nous que les banques possèdent en liquide le minimum exigé par la loi pour qu'elles puissent prêter ?'

Il n'y a pas d'obligation de ce type posée par la loi (bancaire ... 1984) et modifiée notamment par la Banque de France et les instances internationales (Comité de Bâle). Les obligations imposées aux banques concernent :
- une liquidité permanente mesurée par un ratio de liquidité (à chaque fin de mois), rapportant au numérateur (grosso modo) les fonds propres et leurs emplois liquides (les crédits qui vont être remboursés), et au dénominateur leurs ressources exigibles (dépôts à vue, sur livrets ...). Il doit toujours être supérieur à 100%.
- un rapport entre leurs fonds propres et la somme de leur emplois, dit ratio de solvabilité européen ou ratio Cooke, qui implique que leurs fonds propres représentent au moins 8% de leurs risques pondérés ... ratio en cours de révision mais le principe reste le même.
- un rapport entre leurs fonds propres et leurs risques maximaux (dit ratio de division des risques ou ratio des grands risques) ... Les banques ne peuvent pas prêter plus de 25% de leurs fonds propres à un même groupe, et la somme de leurs risques dépassant 15% de leur fonds propres ne doit pas dépasser un certain multiplicateur de leur fonds propres (autrefois octuple, aujourd'hui, je ne sais plus).
- et enfin d'autres petites bricoles, toujours de type ratio ...

Vous voyez que nous ne pouvons avoir aucune connaissance du respect de ces ratios minimums ... Seule la Commission Bancaire en a connaissance, et prend des sanctions si elle observe que ces limites sont dépassées ... en dernier ressort, elle peut suspendre l'agrément d'un établissement de crédit, qui ne sera alors plus autorisé à intervenir sur la place bancaire ... et qui ne s'y risquera pas ... car les peines encourus pour exercice illégal de l'activité de banquier sont extrêmement lourdes et les risques immenses. La Commission Bancaire ne le fait qu'en dernier ressort, et très rarement ; elle peut avant cela démissionner les dirigeants de l'établissement et nommer un administrateur provisoire qui fera en sorte que l'établissement respecte de nouveau les règles de solvabilité (et même cela est très rare). Cette surveillance a lieu trimestriellement voire mensuellement pour les plus gros établissements, avec un délai de remise de 25 jours (la CB disposera bientôt des comptes à fin décembre 2006 pour toutes les banques françaises). Elle réalise aussi des contrôles sur place par des équipes d'inspection.

Il y a un dernier minimum légal, qui est le capital social minimum, fixé par la loi, qui est normalement de 4 millions d'€ je crois pour une société financière de crédit (et de 15 millions d'€ pour une banque) ... je dis cela de mémoire (ce qui n'est pas peu). Et cette information est publique.


3. Qui décide combien on imprimera d'argent cette année ou aujourd'hui ?

Comme je l'ai expliqué à un autre endroit, l'argent imprimé (c'est-à-dire les billets de banque) ne représente qu'une infime partie de la création monétaire elle-même. Cela ne représente que des montants très faibles, en regard de la 'monnaie' créée par les banques elles-mêmes lorsqu'elles octroient des crédits.

On peut dire que la décision d'impression de billets de banques elle-même dépend de la Banque centrale européenne, en fonction de ses stocks de billets disponibles, mais ces billets ne deviennent réellement monnaie que lorsqu'ils sont réellement mis en circulation dans l'économie d'un pays de la zone €uro, c'est-à-dire lorsqu'ils sont demandés par un établissement de crédit, voire plus précisément lorsqu'ils sont demandés par un client de cette banque (dans le distributeur ou au guichet). Avant cet instant, le billet, imprimé et transféré à une banque, n'est pas encore 'monnaie'.

La principale forme de création monétaire reste l'octroi de crédits par une banque. En effet, en mettant à disposition l'argent d'un prêt à un de ses clients, la banque crée la contrepartie monétaire de cette dette. La décision de création monétaire ressort ainsi de la banque, plus que du client. Le problème de refinancement pour l'établissement de crédit apparaît lorsqu'il lui faut transférer ces fonds vers une autre banque, lorsque que son client a réglé en fait un fournisseur qui ne fait pas partie de sa clientèle. Et pour cela, il lui faut de la monnaie banque centrale.

A l'inverse, une banque détruira de la monnaie lorsqu'elle comptabilisera les remboursements des prêts consentis à sa clientèle. De même, les banques centrales détruisent de la monnaie lorsqu'elles détruisent des billets usagers. On dit par ailleurs que les sociétés financières, encore appelées 'sociétés de crédit' (Cofinoga, Sofinco ...) ne créent pas de monnaies lorsqu'elles octroient des crédits, car il leur faut disposer préalablement des refinancements bancaires correspondants.

Il existe enfin une autre forme de création monétaire, peu développée en France, qui concerne le financement par les banques du déficit des adminsitrations, par achat des émissions obligataires des états. Cette forme de création monétaire est peu développée parce que les principaux acquéreurs de papiers obligataires d'état sont les Opcvm (Sicav) qui opèrent des opérations d'arbitrage entre différents types de placements et de risques.

Ceci nous amène a une interrogation sur la création monétaire. Les billets font effectivement partie de la monnaie, pour une faible proportion. Mais leur mise en circulation correspond-elle véritablement à une création monétaire, ou bien à un transfert entre formes de monnaies ? Car le montant des billets prélevés au distributeur sera enlevé du compte à vue du client, qui est une autre composante de la masse monétaire. De même, lorsqu'un client (commerçants) dépose des fonds liquides sur son compte, la monnaie ne disparaît pas ; il n'y a qu'un transfert entre composantes de la masse monétaire (moins de billets, plus de dépôts à vue). Il en ressort donc que la seule véritable création monétaire est celle décidée par les banques sous forme d'octrois de crédits à leur clientèle.


4. Si je demande ça c'est que par expérience je sais que lorsque les chômeurs et indigents demandent de l'aide, du cash de préférence, le gouvernement dit ; désolé, y a pas d'cash ! Et souvent il délègue la réponse à la police qui sait parler sans trop expliquer. Puis le lendemain, sans que nous sachions souvent pourquoi, une guerre arrive et qu'est-ce qu'on constate ? De l'argent, plein d'argent liquide. On arme les chômeurs, on leur achète des habits neufs et on les nomment fièrement soldats et vogue la galère.

5. L'imprime-t-on au fur et mesure selon le lobby qui insiste le plus d’après vous ?

Les questions 4 et 5 (et à la rigueur la question 3) me semblent fortement liées. Si vous avez accepté mes explications précédentes, vous en déduirez avec moi qu'on ne parle pas de monnaie, mais de dépenses publiques, qui devront être financées, soit par des recettes publiques disponibles ou nouvelles, soit par des emprunts d'état supplémentaires.

L'état peut donc privilégier des dépenses militaires sur des dépenses sociales (dans toute cette explication, je ne cherche pas à donner d'explications éthiques, mais simplement à apporter des réponses techniques ; je ne cherche pas à justifier ces décisions, mais juste à les expliquer ... la critique me semble plus facile lorsque l'on connaît les mécanismes économiques qui sont derrière ... Marx ne disait pas autre chose en cherchant à comprendre le fonctionnement de la pensée économique libérale de son temps). Les Etats-Unis ne font pas autre chose en faisant financer le coût de la guerre en Irak par le biais du déficit budgétaire.

Lorsqu'on parle d'emprunts d'état, on ne parle donc pas d'imprimer de la monnaie. Il faut plutôt trouver des déposants, des prêteurs qui seront demandeurs des obligations d'état que tel gouvernement émettra pour financer son déficit budgétaire correspondant au surplus de dépenses publiques par rapport aux recettes publiques.

Vous me direz, Décembre, si mes explications sont suffisamment claires.

Une question qui me semble sous-entendue derrière cela, c'est pour quelle raison les états ne financent-ils pas leurs dépenses directement par l'émission de nouveaux billets ? La célèbre planche à billets d'une certaine façon. En réponse, le déficit public français ressortant apparemment en 2006 à 46 milliards d'€, serait-il possible d'émettre 46 milliards d'€ de nouveaux billets pour la seule France (de préférence sous forme de grosses coupures -500 euros- car ce sont les plus rentables).

Pour mémoire, j'avais indiqué précédemment que les billets et pièces en circulation représentaient 572 milliards d'€uros à fin octobre 2006 pour l'ensemble de la zone €uro, en croissance d'environ 10 à 15% par an (ce qui doit faire 60 à 70 milliards d'€ de plus par an pour toute la zone €uro). On voit ainsi facilement qu'une création additionnelle de billets pour la seule France serait très importante (ne parlons même pas de généraliser cette politique à tous les pays européens membres de la zone €uro).

La réponse technique sur l'opportunité d'une telle décision est une nouvelle fois en liaison avec l'inflation. On voit bien que l'accroissement annuel de la masse des billets et pièces en circulation de l'ordre de cinq fois 46 milliards d'€ (pour chacun des grands pays €uropéens) ne serait pas neutre sur la valeur de l'€uro, aussi bien interne que externe. Le danger d'une telle politique pourrait un comportement de fuite devant la monnaie, genre hyperinflation.

Même si, sur le fond, on peut imaginer que dans le deux cas (financement par la planche à billets ou financement par emprunts obligataires d'état), il y a création de monmaie. Mais dans le cas d'un financement par l'emprunt, il y aura remboursement (et donc charge de remboursement de la dette), tandis que dans le premier cas, il n'y a jamais remboursement. Mais je reconnais que ce débat est complexe et peut opposer plusieurs types d'arguments, aux partisans de l'orthodoxie monétaire qui veulent l'indépendance de la politique monétaire à l'égard de la politique budgétaire, c'est-à-dire qui défendent une neutralité de la politique monétaire (ainsi que de la politique budgétaire).

D'une autre façon, on peut réfléchir autrement à ce problème. Initialement, c'est l'état qui conservait le monopole de la frappe de la monnaie (le droit de battre monnaie encore appelé droit de monnayage). C'était en fait possible tant que la seule monnaie était une monnaie en or ou en argent. Le droit de monnayage des premiers princes ou barons, c'était la possibilité de battre une monnaie plus faible en poids de métal précieux, c'est-à-dire de diminuer la richesse en or ou en argent des pièces en circulation. Ce monopole est devenu impossible à maintenir lorsque l'on est passé à des monnaies fiduciaires (billets voire pièces en métaux non précieux comme notre nickel ou notre chrome). Dans ce cadre-là, tout dépend de la confiance du public. Et si celui-ci perd confiance en la monnaie, il en demandera soit le remboursement, soit il la fuiera. Ce concept a disparu de nos mémoires grâce à un système financier extrêmement bien contrôlé, et grâce à la suppression de la convertibilité-or de nos monnaies. Aujourd'hui, il faut un système monétaire qui inspire confiance, et cette confiance dépend d'un institut d'émission indépendant et fort, qui fixe indépendamment de toute pression, la politique monétaire du pays ou de la zone.


6. Les Banques centrales européennes sont-elles privées comme celle du Canada ou des USA ?

Je ne connais pas la Banque centrale canadienne. Par contre, concernant le système fédéral de réserves américain (federal reserve system), j'ai eu à l'instant la surprise de découvrir qu'il était effectivement détenu par des capitaux privés (les grandes banques commerciales détiennent le capital de chacune des douze banques régionales). Par contre, ses dirigeants (les membres du Conseil des gouverneurs et du FOMC) sont nommés par le président des États-Unis et confirmés par le Sénat américain. Mais ses bénéfices sont distribués à ses actionnaires privés. Drôle de système mi public, mi privé. Voir Wikipédia pour plus d'informations (http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9serve_f%C3%A9d%C3%A9rale_des_%C3%89tats-Unis).

Concernant les banques centrales de la zone €uro, le capital de la Banque centrale européenne appartient aux différentes banques centrales de la zone €uro (je suppose que l'entrée du nouvel état dans la zone €uro doit impliquer une prise de participation, ainsi que le transfert de certaines réserves de change, en devises ou en or, comme c'est le cas en ce début d'année avec l'entrée dans l'€uro de la Slovénie).

Mais j'ignore si toutes les banques centrales €uropéennes sont à capital public ou privé. Elles doivent par contre être indépendantes du pouvoir politique.

Concernant la Banque de France, la détention de son capital était privée jusqu'à la deuxième guerre mondiale ; on parlait alors des cent familles qui la contrôlaient, et qui contrôlaient la France. Son capital est devenu public au sortir de la seconde guerre mondiale (nationalisation sauf erreur de ma part). Son résultat est reversé à l'état.

Sauf erreur de ma part, la Bundesbank est aussi un établissement public.


7. Pourquoi les États ne sont-ils pas des banques dont tous les citoyens seraient les associés ? Leur richesse, les citoyens, n'est-elle pas calculable ?

Cette question me laisse perplexe. Je n'ai pas de réponse technique à apporter. Déjà que personne n'aime les banques, cela n'améliorerait pas la fracture sociale si l'état lui-même était une banque. Cette question sous-entendrait la privatisation de l'état, ce qui me semble premièrement dangereux, et deuxièmement en contradiction avec vos autres questions (notamment votre question 9).


8. Combien vaut un enfant à la naissance ? Peut-on emprunter là-dessus ? Cela ne favoriserait-il pas un meilleur soutien à l'enfant ?

Un enfant ne vaut que pour ses potentialités, pourrait-on dire. Combien vaut-il ? Je n'ai pas non plus de réponse. Pourrait-on chiffrer l'apport de chaque enfant dans un pays comme la France, un peu comme on ferait avec une externalité en économie de l'environnement ? Mais marchandéiser un bébé me semble particulièrement dangereux.


9. Pourquoi les États donnent-ils aux banques privées le pouvoir de décider de leur Économie ? Pourquoi acceptent-ils de payer des intérêts à des privés ?

Avec cette question, on en revient à la finance. C'est une question pertinente mais il ne me semble pas qu'il puisse y avoir de réponse technique précise.


10. Où est entreposé l'Or du Monde, ce précieux métal que personne ne peut plus posséder, enfin, pas les pauvres ?

Dans l'article de Wikipédia sur la Réserve fédérale américaine, je lisais que la Federal Reserve Bank de New York (l'une des douze banques régionales constituant le système de réserves fédérales) constitue la plus grande réserve d'or du monde avec 9.000 tonnes en dépôt (en 2006) dont seulement 2 % appartiennent aux États-Unis (soit 180 tonnes). Les principaux propriétaires sont une cinquantaine d'états étrangers, des organismes internationaux et quelques particuliers.

Les banques centrales européennes en détiennent également dans leurs propres réserves de change, et notamment la Banque de France. Le gouvernement français a notamment récemment eu l'ambition de faire vendre par la Banque de France son stock d'or pour financer le déficit budgétaire (puisque le résultat de la Banque de France est récupéré par son actionnaire unique étatique. Mais cette solution est impossible en raison d'un engagement entre banques centrales de ne pas céder leurs stocks d'or (si ce n'est une infime partie) pour ne pas déséquilibrer le marché mondial de l'or.

Enfin, concernant les pauvres, ceux-ci n'ont jamais pu posséder d'or, que ce soit à l'époque médiévale ou actuellement. Sinon, ils ne seraient pas pauvres.


11. Pourquoi acceptons-nous de jouer le jeu de l’argent, malgré les faussetés qu’il contient, puisque les banques trichent continuellement ?

Au jeu de l'argent, certains hommes d'affaires ont réussi. Je pense à François Pinault, à Bernard Arnault ou à Vincent Bolloré, épaulés notamment par des banques et ayant réussi de belles opérations. Il y a aussi eu des perdants célèbres tel Bernard Tapie. Comme tout jeu de hasard, il attire les parieurs et les joueurs.

Par contre, il me semble excessif et faux (factuellement) de dire que les banques trichent continuellement. On quitte ici le domaine des faits pour celui des opinions. Pour rester dans le domaine des faits, les banques margent fortement sur les clients peu fortunés, dépendant d'elles, voire en difficulté. Par contre, elles sont extrêmement prévenantes avec leur clientèle fortunée, et les frais qu'elles leur prélèvent sont la contrepartie de véritables services rendus, ou d'un enrichissement qu'elles leur offrent. C'est comme pour les impôts, pour conserver une certaine stabilité de l'activité financière ou de l'impôt collecté, il vaut mieux ponctionner une grande majorité de petits clients/contribuables qu'une petite minorité de gros clients/contribuables.


12. La Banque Mondiale est-elle privée ? Pourquoi demande-t-elle aux pays pauvres de céder leurs droits énergétiques pour obtenir de l’argent en échange ?

La Banque mondiale, tout comme le Fonds Monétaire International, est une organisation internationale (http://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_internationale), c'est-à-dire une association d'États souverains (http://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_mondiale). Ce n'est donc pas un établissement privé. Cette appellation regroupe en fait cinq établissements financiers, dont le principal est la BIRD. Et comme tout institutions, ceux qui la contrôlent sont ceux qui détiennent majoritaires son capital, c'est-à-dire les pays occidentaux.

J'ignorais par contre qu'elle demandait aux pays pauvres de céder leurs droits énergétiques. En même temps, ceci ne m'étonnerait pas outre mesure. La Banque Mondiale et le FMI sont les principaux gendarmes de l'orthodoxie libérale, qui vise à généraliser le libre fonctionnement du marché. Ces organisations ont généralisé les politiques d'ajustement structurel, qui coupent sans hésiter dans les programmes sociaux des pays qu'ils 'aident' financièrement, sans s'occuper de la misère des masses que leurs politiques génèrent.


13. Devrait-on nationaliser toutes les banques pour le bien de l’humanité ?

Premièrement, il ne faut pas oublier que tous les peuples de cette planète ne partagent pas la fascination des français pour les nationalisations. Nous faisons partie d'une minorité. Dans les pays anglo-saxons, cette idée est même une abomination. Dans les pays nordiques non plus, cette notion n'est pas énormément appréciée, où ils privilégient plutôt d'autres formes de conciliation des intérêts privés et des intérêts publics (cas de la co-gestion à l'allemande).

Par ailleurs, les banques françaises nationalisées ne fonctionnaient pas très différemment des banques privées. De même, la Banque Mondiale et le FMI sont des organisations internationales publiques, et pourtant ... Et il ne faut pas non plus oublier que ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Je pense plutôt qu'il vaudrait mieux réfléchir à d'autres formes de conciliation des intérêts privés et des intérêts publics.

Par exemple, les états en développement devraient créer leur propre organisation financière internationale, dirigée par leurs propres ressortissants, sans l'aide d'aucun développeur ni politique occidentaux, définir leur propre règle de fonctionnement, en fonction de leur propre théorie économique, de leurs propres besoins, et de trouver les moyens financiers qui leur permettent de se financer suffisamment et de manière autonome, sans intervention ni de la Banque Mondiale, ni du FMI. Et peut-être alors ces organisations occidentales disparaîtront-elles, si elles n'ont plus de raisons d'exister.

Une réforme de notre système économique et financier mes semble effectivement indispensable, pour obtenir une plus grande régulation, une meilleure prise en compte de l'intérêt commun, de l'intérêt public et de notre environnement.

Merci Décembre pour ces quelques questions.


Saucratès



08/11/2010
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