Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Histoire de l'euro

Réflexion huit (29 décembre 2006)
La politique de taux de la banque centrale entre 1994 et 2006


Je ne peux pas terminer cette histoire de la mise en place de l'€uro sans rappeler succinctement les principales évolutions des taux directeurs de la Banque de France puis de la Banque centrale européenne entre 1994 (après les grandes attaques spéculatives des années 1992 et 1993) et aujourd'hui.

Comme mentionné précédemment (réflexion cinq), la Banque de France a abaissé jusqu'à 6,20% son taux sur les pensions sur appels d'offres en décembre 1993. La Banque de France continuera à réduire graduellement ce taux tout au long de l'année 1994, pour atteindre 5% à compter du 29 juillet 1994. Le 8 mars 1995, de nouvelles attaques spéculatives touchent le MCE (système de fixité européen) et conduisent la Banque de France à limiter une nouvelle fois ses interventions à des prises en pensions pour 24 heures au taux de 8%, ramené à 7,75% le 6 avril 1995. Le 31 août 2005, les taux directeurs de la Banque de France ont été ramenés par pallier à 6,15%. Suite à de nouvelles attaques spéculatives contre le franc, le taux des prises en pensions à 24 heures est remonté à 7,25% le 9 octobre 1995. La situation sur le marché des changes se calme ensuite et la Banque de France diminue ensuite régulièrement ses taux directeurs au cours des mois d'octobre et de novembre 1995. Les pensions sur appels d'offres sont rétablies au taux de 4,80% le 17 novembre 1995. Au cours de l'année 1996, la Banque de France continue à diminuer ses taux directeurs pour les ramener de 4,45% (19 décembre 1995) à 3,15% (le 20 décembre 1996). Ils resteront presque inchangés jusqu'à la mise en place de l'€uro (3,10% le 31 janvier 1997, puis 3,30% le 10 octobre 1997 et enfin 3% à compter du 8 décembre 1998.

Le 1er janvier 1999, la politique monétaire et la fixation des taux directeurs sont transférées à la Banque centrale européenne, qui fixe à 3% son taux sur les opérations principales de refinancement (appels d'offre à taux fixe ou taux REPO). Ce taux est ramené à 2,50% le 14 avril 1999. Le 10 novembre 1999, la BCE l'augmente de 50 points de base à 3%. Le taux REPO atteindra un maximum de 4,75% le 11 octobre 2000 après six autres décisions de hausse consécutive. La BCE impulse ensuite une série de baisse de ses taux directeurs à compter du 15 mai 2001 (4,50%). Elle ramène finalement son taux REPO à 2% le 9 juin 2003, qu'elle maintiendra inchangé jusqu'au 6 décembre 2005. L'€uro s'appréciera continuellement à compter du 1er février 2002, passant d'une parité de 0,86 dollar à 1,37 dollar le 30 décembre 2004. Depuis le 6 décembre 2005, la BCE a procédé à six hausses consécutives de son taux REPO de 25 points de base, portant le taux REPO à 3,50% le 13 décembre 2006. Les marchés anticipent de nouvelles hausses pour l'année 2007, sur la base des déclarations des différents membres du conseil des gouverneurs, même si quelques divergences d'opinions ont pu être notées au cours des dernières semaines, entre les banques centrales du Sud et du Nord de l'Europe.

Nota : Source pour les taux BCE
http://www.banque-france.fr/fr/poli_mone/telechar/taux/taux_bce.pdf


Réflexion sept (28 décembre 2006)
En conclusion (temporaire)


Pour en revenir à l'importance d'une bonne politique monétaire, et pour contester les positions critiques d'une bonne partie du monde politique français au sujet de l'augmentation des taux directeurs de la Banque centrale européenne, je me permettrais un certain nombre de remarques.

Je pense premièrement que la France, jacobine, centralisatrice, a un grave problème avec l'indépendance en général (que ce soit des collectivités territoriales, des banques centrales ou des pays africains autrefois colonisés). Je lui trouve un certain air de ressemblance avec certains mauvais 'petits chefs', avec lesquels il n'y a jamais de problème lorsque vous êtes sous leur coupe, mais qui ont peur de toute relation un peu plus égalitaire. Les taux ont rarement été aussi bas que depuis l'indépendance de la Banque de France, et mieux encore depuis le transfert de la politique monétaire vers la Banque centrale européenne. Du temps où la Banque de France n'était pas indépendante du gouvernement français, et où les décisions de politique monétaire devaient recevoir l'agrément du ministère des finances et des services du premier ministre, le gouvernement a régulièrement dû prendre des décisions de hausse des taux directeurs de la Banque de France, le plus souvent non pas pour combattre les anticipations inflationnistes des agents économiques, mais uniquement pour défendre la parité du franc vis-à-vis du deutschemark, voire pour contrer des attaques spéculatives contre le Système monétaire européen. Et à l'époque où les taux directeurs ne descendaient pas en dessous de 6% (et où ils ont pu atteindre 12%), ces décisions étaient des choix politiques, assumés par le gouvernement. A partir du moment où la Banque de France a été indépendante, à partir du moment où le gouvernement a retrouvé sa marge de liberté de parole, le grand jeu à la mode (au gouvernement, par les partis d'opposition, par les partis de gouvernement) a été de critiquer toute les décisions monétaires prises par la Banque, supposée être déconnectées de la réalité économique. Les hausses ne sont jamais nécessaires, les baisses sont toujours insuffisantes, les statu-quo sont signes d'aveuglement.

(Nota : Il faut toutefois reconnaître que les taux actuels de la BCE (3,50%) sont aujourd'hui légèrement supérieurs à leur niveau atteint à compter du 23 août 1996 (3,35%). Le taux des pensions sur appels d'offres est même descendu jusqu'à 3% à compter de la fin de l'année 1998)

Que veulent les politiques français ? Une politique monétaire et une monnaie qui redeviennent nationales, pour que l'on se retrouve avec des taux directeurs de 10% ou plus ? Parce qu'il ne faut pas rêver. Ce retour en arrière sera vécu par les marchés comme la reconnaissance d'une défaite, et suscitera des attaques spéculaives massives. Et ce seront des taux de cet ordre, si ce n'est plus, que nous devrons maintenir, si nous ne voulons pas que notre futur franc ne rejoigne la parité du franc CFA, et notre pouvoir d'achat avec.

Deuxièmement, il me semble important d'en revenir à la politique monétaire américaine dans les années 1992-2000. Au cours des années 1992-1993, le principal taux directeur du Système de Réserve fédérale (FED funds) est alors de 3%, permettant aux Etats-Unis de se relever d'une récession (baisse de -0,7% du PIB enregistrée en 1991). En partie grâce à ces mesures monétaires, le PIB américain va croître de +2,3% en 1992 puis de +3,1% en 1993. La FED relevera une première fois son principal taux directeur sur les FED funds à 3,25% en février 1994, dans le cadre d'une "mesure préventive devant permettre la poursuite d'une croissance saine non inflationniste et durable, pour éviter de devoir procéder ultérieurement à un trop fort durcissement de la politique monétaire américaine". Elle continuera ensuite à six autres reprises à relever ses taux d'intervention entre 1994 et début 1995 pour un total de 300 points de base pour les porter à 6,00% en février 1995. Les variations du PIB américain atteindront +3,5% en 1994 et +2,1% en 1995 (pour mémoire, l'inflation américaine atteindra 2,8% en 1993, 2,6% en 1994 et 2,8% en 1995). La FED commencera à rediminuer ses taux directeurs à partir de juillet 1995, puis à deux autres reprises, pour les stabiliser à 5,25% début 1996. Ils resteront pratiquement inchangés jusqu'à la fin de l'année 1998, où ils seront de nouveau abaissés à trois reprises jusqu'à tomber à 4,75% mi-1999. Le resserrement de la politique monétaire américaine interviendra ensuite à compter de juillet 1999, jusqu'à juin 2000, pour porter les taux des FED funds à 6,50%. Ils seront ensuite violemment abaisser à compter du début de l'année 2001 et pour être ramené à moins de 2% à mi 2001 puis à 1% début 2003. La bulle boursière spéculative dite 'bulle internet' (dot-com bubble) explosera en mars 2000, sous la pression de la remontée des taux d'intérêt à long terme (source wikipédia). La croissance du PIB américain sur ces années se situera à +2,6% en 1996 (en variation du PIB par habitant), à +3,4% en 1997, à +3,3% en 1998, à +3,2% en 1999, à +0,9% en 2000 (crise boursière), et enfin à +3,0% en 2001.

Une politique monétaire américaine différente aurait-elle pu nous épargner le crack boursier de 2000 et les déconvenues et la récession qui ont suivi ? Le gonflement de la bulle internet sur le Nasdaq semble avoir débuté dès le milieu de l'année 1998, époque où les autorités monétaires américaines procèdent à un abaissement de leurs taux directeurs. On s'aperçoit ainsi que les décisions de politique monétaire ne sont pas neutres, et n'ont pas pour seul effet d'agir sur le taux de change des monnaies. On pourrait dire qu'elles servent essentiellement à véhiculer des messages pour la communauté financière. Et une analyse politique court-termiste et trop simpliste ne peut prendre en compte les différentes implications liées aux politiques monétaires.

En tout cas, c'est mon opinion, même si je peux être contredit par certains grands économistes tel Christian de Boissieu.


Réflexion six (27 décembre 2006)
1994-2002 - Les autres grandes dates de l'Unité Economique et Monétaire


Octobre 1993, désignation par les Douze états de la Communauté du Belge Alexandre Lamfalussy comme président de l'Institut monétaire européen (IME) et attribution du siège de l'Institut à Francfort.

Juin 1995, le Conseil européen de Cannes confirme la réalisation de l'union économique et monétaire d'ici le 1er janvier 1999 au plus tard et charge le Conseil des ministres de définir, de conserve avec la Commission et l'Institut monétaire européen, «un scénario de référence qui garantirait le plein respect du traité, condition de l'irréversibilité nécessaire à l'entrée en troisième phase».

Novembre 1995, l'Allemagne transmet aux ministres des finances des Quinze un mémorandum, où elle propose la conclusion d'un pacte de stabilité entre les pays qui entreront dans la troisième phase en vue d'assurer une politique durable de stabilité budgétaire après l'introduction de la monnaie unique. Maintien des critères de convergence dans la durée, sanction des écarts de conduite et mise en place d'un conseil de stabilité appelé à contrôler le respect des engagements.

Les 15 et 16 décembre 1995, le Conseil européen de Madrid adopte le scénario pour l'introduction de la monnaie unique pour le 1er janvier 1999, date butoir fixée par le traité sur l'Union européenne, et le nom de la nouvelle monnaie, l'euro, dans toutes les langues oficielles de l'Union européenne. Une autre décision importante prise par les Quinze est de ne pas limiter le respect des critères de Maastricht dans le temps et de soumettre les Etats membres à un contrôle constant. En septembre 1996, le Conseil européen avait ainsi déclaré : «Les ministres ont considéré à l'unanimité le Pacte de stabilité comme absolument nécessaire pour assurer la crédibilité de l'Euro».

Juin 1997, le Conseil européen d’Amsterdam adopte définitivement les règles du pacte de stabilité et de croissance. Il doit être noté que Romano Prodi, à l'époque Président du conseil du gouvernement italien, à la tête d'une coalition de centre-gauche, militera longuement contre cette création et tentera même de monter une opposition des pays d'Europe du Sud contre cette proposition. Il est ensuite incroyable que ce soit ce même homme qui sera obligé de lancer des mises en demeure, en tant que Président de la Commission européenne, contre les pays ayant enfreint les règles du Pacte de stabilité, dont justement l'Allemagne, la France et l'Italie.

Le 25 mars 1998, la Commission européenne estime que «la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-bas, l'Autriche, le Portugal et la Finlande remplissent les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique». Le même jour, l'Institut monétaire européen rend public son rapport sur l'état de la convergence en 1998. Tout en émettant des réserves sur l'état des finances de certains États membres, il approuve l'introduction de l'euro au 1er janvier 1999. Le 27 mars, c'est au tour de la Bundesbank de faire connaître sa position sur le lancement de la monnaie unique. Très critique, elle met en cause plus particulièrement l'Italie et la Belgique, qui sont loin de respecter leurs engagements.

Ne sont pas retenues la Grèce, qui ne remplit pas tous les critères mais qui rejoindra la zone euro au 1er janvier 2001. La Suède a, quant à elle, choisi de rester à l'écart de la zone €uro et ne participait par ailleurs pas au Système monétaire européen et a décidé d’attendre. Par le référendum du 14 septembre 2003, les Suédois refuseront d’adopter l’euro (56,1 % de non). Restent également en dehors le Danemark (le référendum danois du 28 septembre 2000 est très négatif avec 53,1 % de non pour 89 % de votants) et la Grande-Bretagne qui ont obtenu une clause d’«opting out» à Maastricht, se réservant ainsi la possibilité d’une adhésion ultérieure.

Le 3 mai 1998, le Conseil, réuni au niveau des chefs d'État ou de gouvernement, confirme la liste des Onze établie en mars par la Commission. Il désigne aussi - de manière rocambolesque - Wim Duisenberg comme président de la future BCE. En même temps, le Conseil des ministres des finances arrête les taux de conversions des devises nationales en euro, qui correspondent aux cours pivots bilatéraux en vigueur au sein du mécanisme de change européen (MCE). Le communiqué qui clôt la réunion observe : «Ces cours sont conformes aux données économiques fondamentales et sont compatibles avec une convergence durable entre les États membres qui participeront à la zone euro».

Le 30 juin 1998, la Banque centrale européenne, installée à Francfort-sur-le-Main, remplace l’Institut monétaire européen (IME) présidé depuis 1994 par le Belge Alexandre Lamfalussy puis, depuis le 1er juillet 1997, par le Néerlandais Willem F. Duisenberg.

Enfin, le 1er janvier 1999, a lieu la création de l'€uro scriptural. Jusqu'au 31 décembre 2001, son utilisation est facultative comme unité de compte ou monnaie scripturale. La mise en circulation dans le public des moyens de paiement en pièces et des billets se fait sans difficulté le 1er janvier 2002.

Les missions de la Banque centrale européenne (BCE) et du Système européen des banques centrales (SEBC).

La désignation rocambolesque de Win Duisenberg, ancien ministre des Finances et ancien gouverneur de la Banque centrale des Pays-Bas, comme premier président de la BCE, aura fait couler beaucoup d'encre. Jacques Chirac, président de la République française, proposait la candidature de Jean-Claude Trichet, gouverneur de la Banque de France, estimant que si l’Allemagne avait le siège de la BCE, c’est à la France que devait revenir la présidence. A l'inverse, les Allemands, les Néerlandais et les Belges soutenaient Duisenberg qui leur apparaissait comme le garant d’un euro fort.

La désignation des cinq autres membres du directoire de la BCE donna également lieu à des rivalités nationales. Tony Blair, Premier ministre britannique, exigeait un siège pour un Britannique alors que la Grande-Bretagne ne participait pas à l’euro. Il ne l’obtint pas, mais reçut la promesse d’en avoir un lorsqu’elle adopterait la monnaie unique. Sous la pression de la France, trois sièges furent donnés à des ressortissants des trois grands pays de la zone euro, un Français, vice-président, un Allemand et un Italien. L’Espagne réclama alors le même traitement et obtint la nomination d’un Espagnol. Le seul siège restant fut attribué à une Finlandaise. Ces rivalités nationales s’accordent mal avec le statut des membres des organes directeurs du SEBC, stipulant qu’ils ne peuvent - comme les membres de la Commission européenne - solliciter ni accepter d’instruction des institutions communautaires, des gouvernements ou de tout autre organisme. Certes, cette indépendance s’est affirmée lorsque des gouvernements ont demandé la baisse des taux d’intérêt. Il n’empêche que persiste la volonté des «grands» d’être présents au directoire. Ainsi, lorsque le mandat du membre espagnol arrive à expiration, le Conseil à Bruxelles du 25 mars 2004 décide, à la majorité qualifiée, de nommer encore un Espagnol, ce qui provoque la colère des «petits» pays car la Belgique et l’Irlande avaient des candidats.

Dans le domaine institutionnel, est installé le Système européen de banques centrales (SEBC) comprenant celles des États membres, qui doivent être indépendantes de leur gouvernement, et la Banque centrale européenne (BCE), indépendante des gouvernements et des institutions communautaires. L’ensemble est géré par un directoire et par un conseil des gouverneurs. Le directoire de six membres gère, au jour le jour, la politique monétaire, celle-ci étant décidée par le Conseil des gouverneurs réunissant, outre le directoire, les gouverneurs des banques centrales nationales qui disposent chacun d’une voix quelle que soit la taille de leur pays. Les banques centrales nationales reçoivent leurs orientations de la BCE. Elles transfèrent une partie de leurs réserves en or et en devises à la BCE. La souveraineté monétaire interne des États membres est exercée par le SEBC et par la BCE. L’émission et la gestion de la monnaie unique sont assurées par la BCE dont la mission est de maintenir sa valeur et de contenir l’inflation, préoccupation majeure des Allemands. La BCE a choisi l’objectif d’une hausse des prix ne dépassant pas 2% par an. Elle doit également surveiller les taux de change en raison de leurs répercussions sur le niveau des prix. La BCE a le libre choix des instruments à utiliser pour atteindre l’objectif de stabilité des prix : fixation des taux d’intérêt et contrôle des liquidités et des crédits.

En ce qui concerne la gestion externe de la monnaie unique par la politique de change, elle est partagée entre le Conseil des ministres pour les orientations générales qui doivent être compatibles avec l’objectif de stabilité des prix et respecter l’indépendance de la BCE, cette dernière ayant la responsabilité de la conduite quotidienne des opérations de change.

Si la monnaie unique est gérée par un SEBC indépendant, la politique économique reste quant à elle du domaine des gouvernements qui ne s’engagent qu’à respecter les règles communes destinées à assurer la stabilité monétaire, en particulier sur le plan budgétaire. Mais les États conservent la maîtrise de leur politique budgétaire, de la fiscalité directe et de l’arbitrage entre les dépenses publiques. L’Union économique et monétaire (UEM) ne prévoit qu’une coordination accrue des politiques économiques nationales. Celle-ci relève du Conseil des ministres de l’Économie et des Finances (Ecofin) qui arrête les décisions en matière de politique budgétaire et économique au niveau de l’Union, à l’unanimité sur les sujets les plus importants. Pour coordonner les politiques macroéconomiques, l’Ecofin adopte chaque année les «grandes orientations de la politique économique» après leur discussion par le Conseil européen, examine les déficits publics excessifs et veille au respect du pacte de stabilité et de croissance. Il peut, sur proposition de la Commission européenne, adresser des recommandations aux États défaillants ou décider des sanctions à leur égard. Le travail de l’Ecofin est préparé par le Comité économique et financier qui comprend des représentants de la BCE, des banques centrales et des ministres des Finances des États membres. Ses membres sont nommés à titre personnel et sont indépendants. C’est l’organe de discussion entre la Commission, la BCE et les États.

(http://www.ena.lu/europe/1998-2005-unification-europe/zone-euro-2006.htm)


Réflexion cinq (26 décembre 2006)
La politique monétaire conduit par la Banque de France au cours de la période 1992-1993


Depuis 1986, la Banque de France a abandonné la politique d'encadrement ou de rationnement du crédit pour privilégier une libéralisation des marchés financiers français, en se contentant de les contrôler via les taux d'intérêt au travers de ses taux d'intervention.

Au début des années 1990, la Banque de France refinance le marché monétaire au travers de plusieurs types d'intervention : des pensions sur appels d'offre (l'équivalent actuel du taux Repo de la BCE), ouvertes seulement à quelques établissements de crédit chefs de file et des prises en pensions de 5 à 10 jours, accessibles à tous les intermédiaires financiers, dont les taux sont supérieurs normalement de 1 point par rapport au taux des pensions sur appels d'offre. Accessoirement, la Banque de France refinance aussi des avances sur titres (qui ne sont pas considérées comme faisant partie de ses taux directeurs), dont les taux sont supérieurs en moyenne de 2 points par rapport au taux des mises en pensions de 5 à 10 jours.

En octobre 1991, les taux d'intervention de la Banque de France ont atteint leur niveau minimum à 8,75% pour les pensions sur appels d'offre et 9,75% pour les pensions de 5 à 10 jours. Le 19 novembre 1991, la Banque de France remonte une première fois ses taux d'intervention de 0,50 point (à 9,25% pour le taux des pensions sur appels d'offre), puis une deuxième fois de 0,35 point le 23 décembre 1991.

Le 23 septembre 1992, au cours de la première phase des attaques spéculatives contre le SME, trois jours après l'adoption par référendum du Traité de Maastricht en France, la Banque de France supprime les pensions sur appels d'offres et relève le taux des mises en pension de 5 à 10 jours à 13% (contre 10,50% précédemment depuis décembre 1991), pour décourager les attaques spéculatives contre le franc. En Allemagne, à la même époque, les taux directeurs de la Bundesbank atteignent 8,75%, ce qui représente une surrémunération du franc français de 4,25 points par rapport au deutschemark.

Dès le 29 octobre 1992, alors que les tensions spéculatives sur les marchés des changes s'apaisent, la Banque de France diminue graduellement les taux des prises en pension de 5 à 10 jours à 10,50% puis à 10,25% le 2 novembre 1992, puis rétablit les pensions sur appels d'offre au taux de 9,35% le 3 novembre 1992, et à 9,10% le 13 novembre 1992.

Le 5 janvier 1993, la reprise des attaques spéculatives contre les monnaies du SME impose un nouveau durcissement de la politique monétaire de la Banque de France, avec la suspension des pensions sur appels d'offres et des prises en pension de 5 à 10 jours, et l'application d'un taux de 12% sur les prises en pensions à 24 heures. Ces taux seront maintenus jusqu'au début du mois d'avril 1993. Le 13 avril 1993, les prises en pension de 5 à 10 jours sont rétablies au taux de 10%. La politique monétaire de la Banque de France est ensuite régulièrement assouplie jusqu'au début du mois de juillet 1993, où le taux des pensions sur appel d'offre est ramené à 6,75%.

La fin du mois de juillet 1993 voit les attaques spéculatives contre le franc reprendre de la vigueur. Les pensions sur appels d'offres et les prises en pensions de 5 à 10 jours sont une nouvelle fois suspendues le 22 juillet 1993. Le taux des prises en pensions à 24 heures, fixé à 7,75% le 22 juillet 1993, est relevé à 10% le 23 juillet 1993. Ce ne sera que le 9 septembre 1993 que la Banque de France peut abaisser ses taux directeurs de 2,25 points pour les ramener à 7,75%. Le 7 décembre 1993, alors que les attaques spéculatives ralentissent, les taux d'intervention de la Banque de France sur les pensions sur appels d'offres ont été ramenés à 6,20%, après plusieurs baisses graduelles.

D'une certaine façon, lorsque l'on a connu de tels épisodes de spéculations, lorsque l'on a souvenir des niveaux de taux de refinancements de cette époque, et des taux de crédits qui étaient alors pratiqués par les établissements de crédit, il me semble qu'on peut valablement s'interroger sur la capacité d'analyse des dirigeants politiques qui s'offusquent de taux directeurs relevés de 0,25 point à 3,50%, comme récemment observé suite aux dernières décisions monétaires de la Banque centrale européenne.

Pour mémoire, tout au long des années 1992 et 1993, les taux directeurs du Système de Réserve fédérale (FED) sont demeurés inchangés à 3%. Le taux des fonds fédéraux avait ensuite été relevé à 3,25% le 4 février 1994, dans le cadre d'une "mesure préventive devant permettre la poursuite d'une croissance saine non inflationniste et durable, pour éviter de devoir procéder ultérieurement à un trop fort durcissement de la politique monétaire américaine».

Douze années après cet épisode, avec notre recul de perception dû à notre connaissance du passé, ne peut-on à la fois observer la justesse de cette politique monétaire (l'économie américaine a en effet connu une longue période de croissance) et nous interroger sur la probabilité qu'une hausse plus importante des taux directeurs américains dans les années 1994 aurait peut-être pu nous épargner le crack boursier de 1999 et les déconvenues et les années de récession qui ont suivi ? Par ailleurs, il nous faut aussi noter que la situation actuelle est inversée, avec des taux directeurs de la FED supérieurs à ceux de la zone €uro. Je reviendrais sur ces deux points.


Réflexion quatre (26 décembre 2006)
Préambule


Peut-être ai-je induit en erreur un certain nombre de lecteurs en prenant en exemple les attaques spéculatives dont les monnaies européennes furent victimes avant la mise en place de l'€uro, dans le cadre du débat actuel sur sa sur-évaluation. On ne peut parler de dévaluation que dans le cadre d'un système de change fixe, ou lorsqu'un état s'impose de maintenir une parité fixe de sa monnaie avec une autre monnaie (dollar, deutschemark ou franc). On ne peut pas parler de dévaluation lorsque l'on est en système de change flottant, comme dans notre cas actuel pour la parité de l'€uro vis-à-vis du dollar ou du yen. Par ailleurs, seule une monnaie contre laquelle le marché spécule à la baisse peut être dévaluée. Dévaluer une monnaie lorsque les spéculations sont orientées à la hausse est inutile. L'exemple des dévaluations évoquées précédemment avait uniquement pour objectif de rappeler l'histoire du SME, et l'avantage (ou inconvénient selon les opinions) que peut constituer la stabilité de l'€uro pour des pays ayant subi récemment des dévaluations à répétition. Je reviendrais ultérieurement plus précisément sur les effets des dévaluations (dites compétitives) et notamment les fameuses courbes en J.

Pour faire simple, l'un des effets pervers d'une dévaluation dite compétitive concerne l'augmentation rapide de l'inflation dite importée, qui vient gommer pour partie l'impact positif de la dévaluation, en renchérissant les coûts de production des entreprises du pays ayant dévalué sa monnaie.


Réflexion trois (22 décembre 2006)
1992-1993 - Le retour des attaques spéculatives


Après deux années de calme (1990-1991) sur les parités entre monnaies européennes au sein du Système monétaire européen (SME), les marchés des changes internationaux sont de nouveau submergés par de fortes vagues spéculatives au cours de l'été 1992. Ces attaques sont-elles liées aux premières difficultés de l'adoption du traité de Maastricht. En effet, le 2 juin 1992, les électeurs danois votent contre la ratification du traité, compromettant alors les chances de naissance de l'€uro. Surtout, les français doivent également se prononcer sur le texte du traité par référendum, et les partisans du 'non', pourtant faiblement représentés parmi la classe politique française, progressent régulièrement dans les intentions de vote des électeurs.

Durant l'été 1992, les marchés financiers enregistrent une forte spéculation sur un changement de parité au sein du SME, spéculation qui aboutit au mois de septembre 1992. Le 13 septembre, la lire italienne est de nouveau dévaluée de 3,5% tandis que les autres monnaies du SME sont réévaluées parallèlement de 3,5%. Mais les attaques spéculatives contre les monnaies européennes continuent et le 16 septembre 1992, la lire italienne et la livre sterling sortent du dispositif de fixité du SME et flottent librement par rapport aux autres monnaies du SME, subissant ainsi une dévaluation. Parallèlement, la peseta espagnole, pourtant rentrée dans le SME deux années auparavant, doit être dévaluée de 5%.

Ces violentes attaques spéculatives doivent être rapprochées de la tenue aux mêmes dates en France du référendum sur le traité de Maastricht. Le 20 septembre 1992, la France ratifie à une courte majorité (51%) le traité de Maastricht par référendum. Les attaques spéculatives ne s'arrêtent cependant pas, et la peseta espagnole et l'escudo portugais (qui a adhéré au SME sept mois précédemment) doivent être dévalué de 6% le 21 novembre 1992.

Les dirigeants européens ont de la peine à réagir de manière unanime à ces attaques spéculatives des monnaies européennes. D'un côté, un certain nombre de pays (Angleterre, pays méditérannéens) s'oppose à l'Allemagne quant aux taux d'intérêt pratiqués par la Bundesbank. D'un autre côté, les allemands et les français soupçonnent des lobbies anglo-saxons d'être à l'origine des attaques spéculatives. Réuni à Birmingham en octobre 1992, le Conseil européen invite les états membres de la communauté à combattre l'inflation, à limiter les déficits budgétaires, et à renforcer le processus de convergence de leurs économies.

«Le Conseil européen a souligné, à cet égard, qu'il était important de renforcer le processus de convergence des économies des Etats membres, car elle est essentielle pour le maintien de la stabilité monétaire et la mise en place du cadre nécessaire à une croissance durable et à la création d'emplois. Le strict respect des principes d'une saine gestion économique, au sens des programmes de convergence, qui ont été formulés par les Etats membres pour se conformer aux critères énoncés dans le traité de Maastricht en vue de progresser vers l'Union économique et monétaire, permettrait à la communauté de réaliser son objectif de développement commun. Le Conseil européen a également rappelé son attachement au Système monétaire européen qui est un facteur essentiel de stabilité économique et de prospérité en Europe.

Le Conseil européen a appuyé le point de vue des ministres des Affaires économiques et des Finances selon lequel les récents remous financiers appellent une réflexion et une analyse à la lumière de l'évolution des marchés des capitaux et des systèmes monétaires à l'échelle européenne et mondiale. Le Conseil a invité les ministres des Affaires économiques et des Finances, assistés par le comité monétaire, à poursuivre ces travaux avec la participation de la Commission et en coopération avec les gouverneurs des banques centrales. Ces travaux devraient porter sur l'évolution économique et financière récente en Europe et dans les principaux pays industrialisés ainsi que sur les conséquences des changements qui ont marqué, ces dernières années, le climat économique et financier général, et notamment sur l'incidence de la taille et de la complexité croissantes des marchés financiers et de la libéralisation accrue du marché des capitaux.»

(http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=DOC/92/6&format=HTML&aged=1&language=FR&guiLanguage=fr)

Pour les sceptiques, la disparité des économies européennes exclut tout maintien de parités stables entre leurs monnaies ? Mais il est ici question de volonté politique, et l'Allemagne et la France, le chancelier allemand Helmut Kohl et le président français François Mitterrand, ne cessent de défendre la mise en place de l'Unité économique et monétaire (UEM) et souhaitent même en avancer la mise en oeuvre avant l'année 1997.

Pourtant, dès le début de l'année 1993, la spéculation reprend sur le marché des changes. La punt irlandaise doit être dévaluée en janvier 1993 de 10%, puis en mai 2003, c'est de nouveau au tour de la peseta espagnole d'être dévaluée de 8% et l'escudo portugais de 6,5%.

Jusqu'ici cependant, la spéculation a épargné le franc, dont la parité avec le deutschemark a jusqu'à présent été défendue avec succès par des interventions communes de la Banque de France et de la Bundesbank. Mais fin juillet - début août 1993 ont lieu les plus violents assauts spéculatifs que le SME a subi de toute son histoire. Contraint de céder pour éviter l'éclatement du SME, les règles concernant les marges de fluctuation entre monnaies au sein du SME sont modifiées dans la nuit du 1er au 2 août 1993. Les monnaies européennes peuvent désormais fluctuer de 15% de part et d'autre des taux pivots bilatéraux (au lieu de 2,25% auparavant). La Banque de France est alors obligée de laisser temporairement filer le franc français face à la puissance des marchés financiers, qu'elle ne peut contenir.

A cette époque, les journaux américains ironiseront sur cette modification des marges de fluctuation entre monnaies européennes, en assurant que le dollar peut rentrer dans le SME, car celui-ci n'a jamais dépassé ces marges de fluctuation.

Le communiqué des Communautés européennes rapporte : «Cette mesure de durée limitée répond à des mouvements spéculatifs exceptionnels tant par leur ampleur que par leur nature». Le chancelier Kohl admet un éventuel décalage du calendrier de l'UEM d'un à deux ans. De son côté, le Premier ministre Édouard Balladur fait part des mêmes doutes sur le respect des délais de la troisième phase de l'UEM. Qui ne demande pas, à un moment ou à un autre, le report des échéances ? La liste est longue. The Economist demande en octobre 1993 : «Est-ce que quelque chose peut être sauvé des ruines du Système monétaire européen?»

Mais le mal est limité. La France continue malgré tout de mener une politique de strict alignement sur le mark qui exclut, de fait, tout usage des marges et donc tout écart préjudiciable au crédit du franc, contre l'avis de tout un courant qui dénonce la soumission trop forte aux exigences allemandes et le cadre trop contraignant du traité de Maastricht.

Et on en est encore qu'à la première phase de l'UEM !


Réflexion deux (21 décembre 2006)
1980-1990 - Les spéculations précédant l'Unité économique et monétaire


L'entrée en vigueur du Système monétaire européen remonte à mars 1979. Les premières fortes tensions sur les marchés des changes interviennent quelques années plus tard, concommitamment à l'accession au gouvernement du Parti socialiste en France, et la mise en oeuvre de sa politique de nationalisations et de relance budgétaire keynésienne, alors que l'économie mondiale entre en récession.

Le franc (français) devra être une première fois dévalué le 4 octobre 1981 à hauteur de 3%, en même temps que la lire (italienne), alors que le deutschemark (allemand) et le florin (hollandais) seront réévalués de 5,5%. Mais ce premier réajustement des taux pivots au sein du SME ne suffira pas à apaiser les spéculations sur les marchés des changes, qui ne se limitent pas à la seule république française.

Le 22 février 1982, le franc belge doit être dévalué de 8,5% et la couronne danoise de 3%. Un peu moins de quatre mois plus tard, le 11 juin 1982, un nouveau réajustement des taux pivots au sein du SME doit être opéré, avec une deuxième dévaluation du franc français de 10% et de la lire italienne de 7%, tandis que le deutschemark et le florin sont réévalués de 4,25%.

Le 21 mars 1983, le franc français doit être dévalué une troisième fois pour la troisième année consécutive (à hauteur de 2,5%), de même que la lire italienne, tandis que le deutschemark est également réévalué pour la troisième année consécutive (à hauteur de 5,5%) et le florin de 3,5%. Pour mémoire, à la même époque, le Mexique se déclare dans l'incapacité d'assurer le service de sa dette (août 1992). Un accord sur le rééchelonnement de sa dette sera conclu en septembre 1994.

Au total, en trois ans, entre 1981 et 1983, le franc a perdu 26% de sa valeur par rapport au deutschemark. Les années 1984 et 1985 seront plus calmes sur le plan des spéculations sur le marché des changes en Europe, et tout particulièrement pour le franc français. Le 20 juillet 1985, la lire est tout de même dévaluée pour la quatrième fois de 6%, tandis que toutes les autres monnaies (dont le franc français) sont réévaluées de 2%.

Le 22 septembre 1985 a lieu la signature des accords monétaires du Plaza, qui prévoit des actions concertées des banques centrales des grands pays industrialisés pour faire baisser le cours du dollar. Le 8 octobre 1985, James Baker, Secrétaire au Trésor des Etats-Unis, propose un plan de relance pour les pays en voie de développement par apport de financements de la Banque mondiale (accroissement de 50% de ses prêts) et des grandes banques commerciales (+20 milliards de dollars de prêts supplémentaires).

En 1986, les attaques spéculatives contre le Système monétaire européen reprennent de la vigueur. Le 6 avril 1986, le franc français doit être une nouvelle fois dévalué (de 3%) tandis que le deutschemark et le florin sont réévalués de 3%, et le franc belge et la couronne danoise de 1%. Le 12 janvier 1987, un nouveau réajustement des taux pivots au sein du SME doit une nouvelle fois intervenir. Le deutschemark et le florin sont réévalués de 3% et le franc belge de 2%.

Ce sera la dernière modification de la parité de taux de change entre le franc français et le deutschemark avant les violentes attaques spéculatives de 1993. Le franc aura toutefois décroché de 32% (un tiers de sa valeur) par rapport au deutschemark entre 1981 et 1987 (ainsi que par rapport au florin hollandais). Le franc français aura également perdu 12% pendant cette période par rapport au franc belge et 15% par rapport à la couronne danoise.

Le 19 juin 1989, la peseta (espagnole) intègre le Système monétaire européen avec des marges élargies de 6% au lieu de 2,25%. Le 5 janvier 1990, la lire italienne est une nouvelle fois dévaluée de 3,7%. La livre sterling intègrera le SME le 8 octobre 1990 avec des marges élargies de 6%, tandis que l'escudo (portugais) l'intègrera le 6 avril 1992.


Réflexion une (19 décembre 2006)
1991 - L'élaboration du traité de Maastricht


L'histoire de l'€uro commence en quelque sorte le 10 décembre 1991, avec la conclusion du traité sur l'Union européenne. Ce traité et les protocoles qui l'accompagnent comportent un certain nombre de dispositions pour arriver à l'établissement de l'Union économique et monétaire (UEM). Le calendrier prévu comporte trois phases. La première court du 1er juillet 1990 au 31 décembre 1993. La deuxième phase court du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998 et prévoit la mise en place d'un Institut monétaire européen (IME). La troisième phase démarre à compter du 1er janvier 1999 au plus tard, et est caractérisée par l'introduction d'une monnaie unique et stable, et la création d'une Banque centrale européenne (BCE) indépendante, supranationale, intégrée à un Système européen de banques centrales (SEBC) pour assurer la direction de l'UEM. Le traité prévoit aussi les règles du jeu pour le fonctionnement de l'UEM, sous la forme de cinq critères de convergence appelés à encadrer le processus d'unification de manière à fonder sur des bases aussi solides que possible la future monnaie européenne. C'est un transfert de souveraineté monétaire que le traité de Maastricht introduit au niveau de la Communauté.

L'UEM remplace le système monétaire européen (SME), qui avait été mis en place en 1979, et entend substituer à l'écu une nouvelle unité monétaire (l'€uro). Dans les raisons ayant conduit à cette évolution, on trouve bien sûr des raisons économiques (amélioration de la libre circulation des capitaux, élimination des coûts des transactions, suppression du risque de change, facilitation de la comparaison des prix et des bilans, baisse des prix du fait de l'accroissement de la concurrence, achèvement du marché intérieur, plus grande cohésion et cohérence entre les Douze ...) mais on trouve surtout des raisons politiques cachées (arrimer plus étroitement l'Allemagne à l'Europe et affaiblir sa force de frappe monétaire par la substitution de la monnaie unique au Deutschmark). C'est notamment une préoccupation des français, en contrepoint du processus de réunification des deux Allemagnes. Et puis, l'UEM, qui suppose l'abandon de la souveraineté monétaire par les États membres, ne rend-elle pas nécessaire, à plus ou moins long terme, l'union politique ? En comparaison, le souci de renforcer la puissance de l'Europe face à l'Amérique a peu pesé dans les considérations.

Mais l'UEM pose très vite problème. Presque partout, des réserves et des inquiétudes s'expriment. L'Angleterre et le Danemark se sont mis d'eux-mêmes à Maastricht entre parenthèses. Elles sont particulièrement vives en France et en Allemagne. En France, la campagne référendaire de septembre 1992 voit se déchaînaient les adversaires au traité de Maastricht, qui contient à leurs yeux tous les défauts possibles. En Allemagne, la perspective du remplacement du Deutschmark par la monnaie unique soulève de fortes appréhensions, aussi bien dans les milieux économiques que politiques. D'après des sondages, les trois-quarts des Allemands rejettent en 1992 l'abandon du Deustchmark.

Partout, les critiques touchent surtout à la perte de souveraineté nationale et la menace sur l'autorité de l'État qu'entraîne le transfert de pouvoirs à la Banque centrale européenne. Une critique complémentaire concerne l'éventualité de l'instauration d'un véritable État fédéral européen qui naîtrait de l'union économique et monétaire contrairement à la volonté des peuples. Philippe Seguin, opposant à l'€uro observe dans le Figaro : "Sous couvert de trouver une solution à la domination du mark, le véritable dessein de Maastricht est de lancer, avec l'abolition d'un attribut essentiel de notre souveraineté, un formidable levier pour l'Europe fédérale". D'autres critiques plus économiques sont aussi opposées au traité de Maastricht, notamment la perte d'un instrument utile en cas de difficultés et l'absence de toute possibilité de transfert de paiement en vue de compenser les écarts de croissance entre pays membres.

Treize plus tard, on observe que ces arguments sont toujours véhiculés en France essentiellement par les €uro-opposants ou €uro-réformateurs, que ce soit en politique ou sur les blogs.


Saucratès



08/11/2010
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