Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

De la crise financière (9)

Réflexion cinquante-neuf (27 avril 2009)
Piste n°4 : repenser les politiques économiques (suite) ...

Le monde a été conduit au point où nous en sommes en raison d'une idéologie libérale qui a peu à peu gagner l'ensemble des états et l'ensemble de nos gouvernements. Nous avons assisté, au cours des trois dernières décennies, à la victoire des libéraux sur les régulateurs, sur les interventionnistes, sur les néo-keynésiens, sur les néo-marxistes, sur le communisme ... Trois décennies plus tard, on ne parle plus que de monétarisme, de réduction du poids de l'état, de privatisation, de transferts de compétence vers le privé, de valorisation du rôle de l'entrepreneur ... Et pourtant bizarrement, on ne parle pas de valorisation du rôle du financier, auquel notre monde pourtant a accordé une importance et un pouvoir sans commune mesure.

Le monde est-il prêt à un retour en arrière, loin du libéralisme, de la fascination du marché, de la libre-entreprise et du moins-d'état ? Je ne le pense pas. Cette crise aura mis en avant l'importance du rôle des états, mais les libéraux sont déjà prêts à théoriser cette crise pour renforcer leur argumentation vers plus de marché et moins d'interventionnisme.

Il faut une nouvelle théorie économique apte à expliquer ce qui se passe actuellement. Il faut relégitimiser l'intervention de l'état dans l'économie et notamment lui trouver des relais et une légitimité au niveau international. Il faut réinscrire dans les législations de chaque état, et tout particulièrement dans chaque état occidental, la légitimité de formes d'impositions confiscatoires sur les très hauts revenus et sur les très gros patrimoines. Il faut faire en sorte que les états soient capables et soient légitimes à encadrer les très hauts revenus et rétablissent une forme de justice redistributive entre ceux qui n'ont rien, qui sont exclus de nos sociétés, et ceux qui ont réussi exagèrement.

Il faudra rélégimitiser également la propriété collective ou étatique de certains biens et de certains services publics, en remplacement de la doctrine de privatisation menée régulièrement depuis plus de trente ans dans l'ensemble des états de la planète. Il faudra premièrement interroger la soi-disant réussite des politiques de privatisation menées ces dernières décennies, pour s'interroger sur les véritables bénéficiaires de ces privatisations, au-delà des simples améliorations des technologies. Il y a une véritable urgence à s'intéresser en effet au concept de privatisation. Quels bénéficiaires ? Les mêmes bénéfices n'auraient-ils pas pu être obtenus avec une propriété collective ? Les états sont-ils les seuls capables de lancer de nouvelles technologies à la rentabilité incertaine ? Au-delà de la privatisation des services et des industries publiques, se pose le problème de la privatisation des biens communs, des ressources communes à l'ensemble de l'humanité, qu'ils soient animal, végétal, minéral ou fossile ...

Il y aura enfin un sujet sur lequel il sera fondamental de réfléchir. Quelles politiques monétaires devront être conduites désormais par les états de la planète ? Le monétarisme, qui reposait notamment sur une légitimisation de l'action des banques centrales, et sur la crédibilité de leurs interventions, est-il à remettre en cause ? Et pourtant, sans cette crédibilité affirmée, leurs interventions concertées sur les marchés monétaires ou pour sauver des établissements financiers fragilisés n'auraient jamais pu réussir. Mais la crédibilité de certaines institutions (la BundesBank, the Federal Reserv ...) préxistait à la théorie monétariste. Le monétarisme n'a fait que théoriser ce principe de crédibilité des politiques monétaires, pour qu'il soit appliquer par la plus grande partie des institutions monétaires de la planète. Ce principe est donc distinct du monétarisme.

Ce qu'il faudra interroger dans le monétarisme, c'est l'idée même de l'inefficacité des incitations monétaires sur l'activité économique ... Dans nos économies frappées aujourd'hui par une gigantesque bulle d'endettement, il faudra penser la politique monétaire, et s'interroger sur le rôle de l'inflation, ainsi que sur l'intérêt et les bénéficiaires des politiques de désinflation compétitive menées ces dernières décennies.

 

Réflexion cinquante-huit (21 avril 2009)
Piste n°4 : repenser les politiques économiques à l'échelle de la planète ...

J'ai essayé dans mes réflexions précédentes de souligner la responsabilité de la doctrine monétariste dans la crise financière et économique que nous vivons aujourd'hui ... Ou du moins, pour ceux qui ne se rangeraient pas à mes arguments, démontrer, si ce n'est sa responsabilité, sa faillite à prévoir et à empêcher la survenue de cette crise.

Cette crise est en fait le témoin de la faillite de la plupart des théories économiques libérales, qui ont défendu depuis bientôt trente ans toujours plus de libéralisme, toujours plus de déréglementation, toujours plus de libéralisation, toujours plus de privatisations ... Le fait que les tenants de ces théories soient silencieux en ces temps troublés ne doit cependant pas nous faire croire qu'ils ont admis leurs erreurs et son prêts à faire amende honorable ... Nous pouvons être sûr qu'ils reviendront avec de nouveau les mêmes recettes libérales dès lors que la crise économique se sera légèrement estompée ... Et ils prétendront vraisemblablement alors que ce sont les automatismes de marché qui auront permis à l'économie de dépasser la crise financière, qu'ils attribueront vraisemblablement aussi aux interventions excessives de l'état. Ils auront peut-être même l'idée de défendre un désinvestissement de l'état des économies modernes pour accroître leur capacité potentielle à intervenir lors de telles crises systémiques. On peut en effet défendre l'idée que la capacité des états occidentaux à intervenir massivement pour relancer l'économie et protéger leur système financier d'une crise systémique a été limitée par leur niveau d'endettement préexistant et par leur poids dans les économies occidentales.

Face à de telles argumentations ineptiques, il faudra toutefois pouvoir opposer une réponse théorique forte, aussi forte que fut la théorie keynésienne à la sortie de la crise de 1929 et de la seconde guerre mondiale. Il faudra une refondation des principes de l'économie et du capitalisme. Mais cette refondation ne sera pas naturelle.

Cependant, d'une certaine façon, je ne crois pas que les théories économiques puissent être inventées ex nihilo et que la réalité économique s'adapte ensuite. Je crois à la situation contraire ; que les théories économiques savent le plus souvent simplement traduire ce qui est une réalité économique. Keynes fait peut-être exception ? En même temps, à la fin des années 1920, les états occidentaux avaient commencé à étendre les domaines d'intervention de l'état gendarme du siècle précédent, accroissant les organes de régulation de l'économie, même si ces essais ont malgré tout échoué et ont conduit à la grande crise ...

Mais si toute théorie économique n'est que le reflet d'une réalité mouvante, en train d'évoluer, il s'agit alors de détecter dans la réalité économique extérieure les signes d'une modification du fonctionnement de l'économie mondiale ... Une nouvelle théorie explicative capable d'expliquer le monde et la crise que nous avons connue ...


Réflexion cinquante-sept (13 avril 2009)
Des responsabilités de la théorie monétariste dans la crise financière et de son devenir ...

Quelle est la responsabilité du monétarisme dans la survenue de la crise financière que nous vivons actuellement, en ce début du vingt-et-unième siècle ? Cette question pourra peut-être paraître totalement déplacée pour tous les économistes ou les spécialistes en cette matière. Et pourtant, le monétarisme n'avait-il pas pour objectif d'empêcher la survenue d'une crise financière comme celle que nous connaissons actuellement, comme celle que nous avons connu dans les années 1930 ?

Quels étaient les objectifs du monétarisme à sa création ? Bizarrement, alors que le keynésianisme a été imaginé au cours de la crise des années 1930, comme solution à la crise financière, comme solution à toute crise financière, il n'en va bizarrement absolument de même pour la doctrine monétariste. Le monétarisme est né plusieurs décennies plus tard, comme réaction aux politiques keynésiennes menées entre les années 1945 et les années 1970. Le monétarisme n'est que la revanche des théories classiques et néoclassiques sur le keynésianisme, théories classiques et néoclassiques qui avaient sombré au cours des années 1930 en raison de l'inadéquation de leurs propositions avec la crise vécue par les économies occidentales à cette époque.

Il est intéressant d'observer qu'une fois encore, en période de crise grave, les gouvernements se réfugient une fois de plus dans des plans de relance massifs, d'inspiration keynésienne, alors que les théories libérales, néoclasiques et monétaristes, ne répondent absolument plus aux désordres économiques et monétaires observés. La presse l'avait déjà noté : on n'entend plus les théoriciens libéraux, étrangement silencieux face à la situation économique et financière chaotique que les économies occidentales rencontrent actuellement, car leurs modèles, leurs théories et leurs recettes ne s'appliquent absolument pas à un tel temps de crise.

Cependant, le jour où le système économique et financier occidental sortira de cette crise, s'il en sort prochainement, ces mêmes théoriciens ressortiront du silence pour remettre en avant les théories fumeuses qui nous ont conduit aujourd'hui à la crise ; déréglementation, privatisation, abaissement des impôts, liberté des marchés et absence d'intervention des états ... Le libéralisme et le monétarisme sauront alors expliquer les raisons de cette crise et la façon de les éviter pour la prochaine fois, jusqu'à la prochaine fois.

Je n'interrogerais ici que la théorie monétariste ; pas le libéralisme ... Les monétaristes comme les néoclassiques ne reconnaissent aucun rôle à la monnaie ; tout juste lui reconnaissent-ils une capacité à distribuer des informations inadéquates aux marchés, capables de dérègler l'activité économique. D'une certaine façon, cette crise économique, née à l'été 2007 de désordres financiers qui se sont transmis à l'économie réelle en donnant naissance à l'une des plus violentes crises économiques jamais observées ces dernières décennies, leur donne totalement tord.

Deuxièmement, le monétarisme pensait qu'en contrôlant les agrégats monétaires, la création monétaire et l'inflation, il était possible de maintenir l'économie réelle dans un optimum de croissance permanente, à l'abri des fluctuations et des crises économiques. Le monétarisme ne faisait en fait que reprendre, en l'actualisant, la vieille idée de la neutralité de la monnaie chère aux économistes classiques et néoclassiques. D'une certaine façon, il est à craindre que les théoriciens monétaristes, que l'on retrouve aujourd'hui notamment à la tête des principales banques centrales occidentales, ne fassent qu'imputer la crise économique et financière que nous avons rencontrée à une mauvaise application des théories monétaristes, à un mauvais contrôle de la masse monétaire, liée au problème de l'innovation financière ... Il est à craindre que, même si aujourd'hui, les contraintes monétaristes soient assouplies pour aider à sortir l'économie mondiale de la crise, celles-ci soient réappliquées ultérieurement tout aussi vigoureusement que par le passé par les mêmes théoriciens et banquiers centraux.

La crise financière que nous vivons aujourd'hui est née d'une crise de crédit et de déséquilibres majeurs à l'échelle mondiale en terme de niveau de vie, de niveau de rémunération et de niveau d'endettement. A l'échelle de nos économies occidentales, c'est essentiellement l'explosion d'une bulle de crédit qui est l'origine de la crise financière et économique que nous vivons. Et cette crise de crédit a été très vraisemblablement amplifiée par la doctrine monétariste qui pose comme principe une inflation quasiment nulle, par le biais de la gestion des anticipations rationnelles des agents financiers et économiques en matière de hausse des prix. Il est presque certains que la conséquence d'une absence d'inflation est le développement de cette bulle de crédit ; puisque les dettes et les créances ne perdent pas de valeur du fait de l'inflation, mais uniquement du fait des remboursements. Cette situation de désinflation s'avère extrêmement profitable pour les créanciers, dont les créances ne perdent pratiquement pas de valeur. Les débiteurs profitent de l'abaissement des taux d'intérêt, qui demeurent cependant relativement élevés ...

Cependant, la situation n'est peut-être aussi simple qu'il n'y paraît. Les risques actuels reposent aussi sur les déséquilibres au niveau mondial, et sur le fait que les principaux débiteurs des économies occidentales sont la Chine, le Japon et les pays exportateurs de pétrole ; les économies occidentales se trouvant ainsi à la merci de la confiance de leurs créanciers dans leur monnaie et leur économie. Que ceux-ci perdent confiance en la dette publique des états occidentaux, et c'est l'économie mondiale qui peut s'écrouler. De même, la désinflation enregistrée par l'occident ne s'explique pas uniquement par la théorie monétariste, mais également par la mondialisation, et notamment les transferts de production industrielle vers la Chine et les autres pays en développement, à faible coût de main d'oeuvre, qui sont à l'origine de la constitution des réserves pharaoniques de change de la Chine des autres dragons ou tigres asiatiques ...

De la sorte, il n'est peut-être pas si évident d'imputer la crise, les désordres et les déséquilibres financiers à la seule théorie monétariste, sans reconnaître une responsabilité plus large à la mondialisation. Rien n'est vraiment simple. Les deux phénomènes semblent liés et interdépendants ... La politique de désinflation d'inspiration monétariste a ainsi pu imposer la recherche de solutions de diminution des coûts, rendues possibles par le processus de mondialisation, qui a elle-même accentué le processus de désinflation compétitive ... Mais ce qui semblait correspondre à un cercle vertueux, auto-entretenu, s'est avéré au contraire correspondre à un processus déséquilibrant, dont la crise financière et économique actuelle n'est peut-être que le prélude ...


Réflexion cinquante-six (10 avril 2009)
Phénomènes inflationnistes et hyperinflation ...

Je reprendrais dans cet article deux graphiques 'empruntés' (pour ne pas dire voler) au blog de Loïc Abadie, à son article du 11 mars 2009, ainsi que quelques parties de son argumentation. Ces graphiques me semblent en effet très pertinents et décrivent convenablement la situation à laquelle les économies occidentales sont aujourd'hui confrontées. Il m'a également semblé intéressant de traiter de ces phénomènes d'inflation en cette période où de nombreuses personnes (évidemment mon ami Nolats, mais plus largement aussi des politiques ou des journalistes) parlent de relance de l'inflation comme solution à l'explosion des dettes publiques.

Ces personnes en appellent ainsi à une accélération de la création monétaire pour relancer l'inflation, dont ils estiment qu'elle aurait un effet bénéfique sur nos économies, sur la crise qui est en train de gangrèner notre économie, sur la compétitivité prix de notre industrie nationale, et sur le poids de notre dette publique. Il n'est même pas certain que ce ne soit pas la politique monétaire actuelle menée par certaines banques centrales, tout particulièrement aux Etats-Unis. C'est en tout cas la façon dont Loïc Abadie analyse la politique monétaire américaine, pour lequel « ... les USA ont fait tout ce qu'il fallait en 2008 pour relancer l'inflation : baisse des taux massive supposée relancer le crédit, déficit et forte hausse de la dette publique, politique de quantitative easing à partir de septembre 2008, avec un gonflement du bilan de la FED qui s'est mise à prendre en pension toutes sortes d'actifs plus ou moins douteux pour fournir en échange une masse de liquidités aux banques. Malgré cela, comme au Japon, ces mesures n'ont eu aucun effet sur la progression de la crise et sur le taux d'inflation. »

Si cette solution pouvait fonctionner, ce serait évidemment une option politique tout à fait intéressante, qui permettrait de sortir doucement et facilement de cette crise économique et financière, de manière plus ou moins indolore. Il faudrait évidemment après cela recommencer une politique désinflationniste, pour se déshabituer à l'inflation, si les standards monétaristes continuaient d'être mis en oeuvre après cette crise financière. En écrivant cela, une doute m'assaillit ; et si c'était justement ces politiques monétaristes désinflationnistes qui à l'origine, en éliminant une cause majeure de régulation de nos économies financiarisées (l'inflation), étaient responsables de la crise financière que nous rencontrons actuellement ? Ce point nécessitera d'être creusé.

Toutefois, cette solution indolore ne fonctionnera pas. La politique monétaire, qui touche aux fondamentaux de notre système économique et financier, sur la confiance des agents dans la monnaie, ne peut pas être manipulée inconsidérément. On ne peut jouer impunément avec la monnaie sans risquer des réactions incontrôlables des agents économiques. C'est une évidence que j'ai rappelée à de nombreuses reprises par le passé en parlant de politique monétaire, parce que la monnaie joue sur les anticipations et la psychologie des agents ... La monnaie est un peu comme le coeur d'un réacteur nucléaire. On ne peut pas jouer avec elle.

Loïc Abadie parle à son sujet de comportement d'avalanche, ou d'effets de seuil. Pour reprendre une partie des explications de l'internaute Loïc Abadie, ceux (comme Nolats) qui souhaitent une augmentation de la création monétaire pour sortir de la crise financière et économique que rencontre l'occident « pensent que l'inflation est proportionnelle au rythme de création monétaire, et qu'elle peut se piloter à volonté, comme dans le schéma ci-dessous (avec éventuellement un petit temps de retard déflationniste comme sur le graphique) :

Mais selon Loïc Abadie (et je suis totalement d'accord avec son analyse), ces personnes ont tord. Dans certaines situations exceptionnelles comme celle que nous rencontrons aujourd'hui, face à la plus grande bulle de crédit observée ces dernières décennies, face selon lui à un retournement de la psychologie des foule lui aussi exceptionnel, le gentil modèle linéaire de nos économistes keynésiens, le vrai modèle de réaction monétaire, a toutes les chances de ressembler à ceci :

 

Avec les explications données par Loïc Abadie sur les trois phases (ou possibilités) de son graphique :

« 1) Première phase ou possibilité : absence totale d'intervention de l'état. Vu la masse d'actifs douteux présents dans les banques, un bank run généralisé a de fortes chances de se produire (perte totale de confiance dans le système bancaire, tout le monde se précipite aux guichets des banques en craignant leur faillite).

2) Deuxième phase ou possibilité : intervention limitée de l'état (liquidation ordonnée de la bulle de crédit). Jusqu'à un certain niveau (comme pour les USA jusqu'ici et comme pour le Japon), le "malade" refuse de répondre aux "stimulations" : la déflation se maintient malgré la création monétaire, les opérateurs préférant attendre avoir du cash plutôt que des actifs qui baissent. Cela est vrai tant que la peur de détenir du cash est inférieure à la peur de détenir d'autres actifs.

3) Troisième phase ou possibilité : intervention excessive de l'état (poursuite de la fuite en avant keynésienne dans le crédit). Au dela d'une certain niveau de fuite en avant et de création monétaire (c'est à dire de déficits publics et d'impression de fausse monnaie), la peur de détenir du cash finira par devenir supérieure à la peur de détenir d'autres actifs ... Seul problème : La peur n'est pas un sentiment qui se pilote ou se met en équations. En situation de crise elle évolue en panique. On obtient alors un effet d'avalanche, où tous les opérateurs chercheront à changer leur cash pour d'autres actifs (et des monnaies jugées plus sûres d'autres pays). Et on passerait alors très rapidement du mode 'déflation' au mode 'Zimbabwe' qui aurait des conséquences bien pires encore. Bien entendu, (...) personne n'a la moindre idée de l'endroit où se situe cette limite. L'expérience du Japon nous montre simplement qu'elle est sans doute encore assez éloignée ... Espérons que les dirigeants se montreront suffisamment raisonnables pour ne pas la franchir ! »


Voilà en quelques mots, ce que l'on peut dire de la tentation inflationniste dans la situation financière actuelle de l'économie occidentale ... Article pour la plus grande partie copiée au blog de Loïc Abadie.

 

Réflexion cinquante-cinq (9 avril 2009)
Apparté sur la crise financière ; quelques scénariis pessimistes possibles ...


En se référant au blog d'une de mes connaissances, Loïc Abadie, dont le caractère prédictif des anticipations depuis le début de la crise n'a pas encore été pris en défaut, nous pourrions être à la veille d'un nouvel épisode cataclysmique de la crise financière, démarrée à l'été 2007. Selon Loïc Abadie, l'embellie actuellement observée sur les marchés financiers occidentaux pourrait n'être qu'un nouveau feu de paille, après lequel une nouvelle forte dégradation des bourses et des économies occidentales pourrait être observée (je me trompe entre le nom des vagues qu'il donne ... 3 ou 5 ...).

L'une des pires hypothèses d'évolution des économies occidentales repose sur le comportement futur des marchés et des acteurs économiques à l'égard des dettes publiques. Le poids des dettes publiques dans les pays occidentaux est déjà extrêmement important ; la dette publique française devrait atteindre 80% du PIB en 2009 ou 2010 ... elle sera presque aussi importante dans plusieurs pays de la zone euro, ainsi qu'aux Etats-Unis. Les états se sont fortement endettés au cours de l'année 2008 pour recapitaliser les établissements bancaires, quelques assureurs comme AIG dans le cas des Etats-Unis et des constructeurs automobiles, pour financer des plans de relance massif par la dépense publique ou pour monter des fonds de defeasance pour racheter les créances pourries des établissements bancaires. Et pourtant, malgré ses mesures extrêmement coûteuses pour les finances publiques occidentales, le monde est toujours au seuil d'une des pires crises économiques de son histoire.

Aujourd'hui, les états semblent être les derniers remparts protégeant nos économies d'un cataclysme financier, identique à celui connu à la fin des années 1920. Notre système financier était supposé être sain et les recettes néolibérales étaient sensées permettre un développement infini de nos économie. Notre système financier s'est écroulé sous le poids des crédits subprimes et de l'innovation financière. Il ne faudrait pas que nos états s'écroulent de la même manière, mettant fin à toute possibilité d'interventionnisme étatique.

Quelle est la probabilité d'un tel évènement ? Nous sommes malheureusement dans la simple psychologie des foules, des masses. Il y a vraisemblablement déjà de nombreux intervenants sur les marchés financiers qui n'ont plus confiance dans les dettes des états occidentaux, ou des états en développement, même s'il doit leur être difficile de trouver un autre placement plus sûr (l'or éventuellement). Il suffira que de telles anticipations agrègent un nombre suffisant d'acteurs des marchés financiers, pour que ce comportement fasse effet de boule de neige, et qu'il emporte l'ensemble de la finance mondiale avec lui. Il est clair que le comportement d'acteurs financiers tels la Chine ou le Japon, principaux débiteurs du Trésor américain, sera primordial. Que de tels débiteurs déclarent publiquement ne plus avoir confiance dans la dette étatique américaine, et ce sera le début de la fin ! Mais une telle crise peut aussi naître des autres intervenants sur le marché de la dette publique, et notamment des compagnies d'assurance occidentales.

Le dilemne est là aujourd'hui. La crise va-t-elle gagner le marché des dettes publiques, avec tous les risques d'explosion du système que cela impliquerait ? Des états incapables de continuer à s'endetter, en faillite, et obligés de diminuer drastiquement leurs dépenses, avec tous les risques d'emballement de la crise économique et de faillite des économies occidentales ; avec une épargne des ménages, des banques et des compagnies d'assurance fortement impactées par la faillite des états ? Réponse dans quelques mois.

Mais le pire n'est jamais certain.
Un peu d'espoir que diantre !


Réflexion cinquante-quatre (7 avril 2009)
Piste n°3 (suite) : repenser les modes de rémunération et la fiscalité ...


Evidemment, la crise financière a poussé le gouvernement français à menacer le patronat (le MEDEF notamment) de choisir entre mettre en place et appliquer une charte de bonne conduite (éthique) en matière de rémunération pour les chefs d'entreprise ou se voir imposer des mesures législatives dans ce domaine. Il existait de nombreux codes éthiques au MEDEF ; il existe même depuis quelques mois (octobre 2008) un code de gouvernance établi par le MEDEF et l'AFEP ; code que le MEDEF refusait de durcir en mars 2009 en ajoutant les mesures demandées par le gouvernement.
http://www.agefi.fr/articles/Le-Medef-refuse-toujours-d-obtemperer-a-la-demande-du-gouvernement-1064017.html

La solution est-elle d'empiler des codes éthiques qui ne peuvent se comprendre que s'il existe des possibilités de sanctions à l'encontre des patrons qui ne les appliquent pas ?... Ou ne faut-il pas une nouvelle fois comprendre ces gesticulations du gouvernement comme une mesure visant apparemment plutôt à calmer l'opinion publique française, pour lui faire croire que le président de la république et le gouvernement agissent ? Il faut notamment rappeler que le MEDEF a accumulé ces dernières années des codes éthiques en matière de rémunération des patrons, jamais suivis d'effets ... le "rapport Bouton" de 2002, et surtout le rapport du Comité d'Ethique du MEDEF de mai 2003, intitulé "la rémunération des dirigeants d'entreprise, mandataires sociaux" ...
http://www.lesmotsontunsens.com/remuneration-des-patrons-le-medef-recycle-ses-codes-ethiques-et-la-majorite-s-aplatit-2488

Limiter les rémunérations du patronat et des personnes les mieux rémunérées de notre société a-t-il un sens ? Cette mesure aurait avant tout comme principal intérêt de permettre une meilleure redistribution des richesses produites dans notre société. En effet, à masse salariale inchangée, plusieurs millions d'euros de rémunération annuelle versée à une poignée de dirigeants peuvent correspondre à quelques milliers d'euros de rémunération annuelle supplémentaire versés à quelques milliers de salariés, les plus mal rémunérés

Serait-il aberrant d'imposer que nul, dans un pays comme la France (ou les Etats-Unis), ne puisse toucher de rémunérations supérieures à celle du président de la république (ou de l'union pour les States) ? Aux Etats-Unis toutefois, cette limite, s'élevant à 400.000 ou 500.000 dollars, ne devrait s'appliquer qu'aux patrons des seules entreprises aidées par l'état fédéral au cours de la crise financière. En France, la rémunération du président de la république est plus modeste (malgré l'augmentation décidée pour lui-même par Nicolas Sarkozy) et ne correspond qu'à la partie émergée de l'iceberg ... son argent de poche en fait ...

Par ailleurs, pour quelles raisons imposer comme norme le salaire du président de la république, même pour des entreprises n'ayant pratiquement aucun rapport avec l'état ? Cela pourrait être interprêté comme le signe d'une supériorité du possesseur d'un tel mandat sur l'ensemble de la société civile, comme le signe encore plus marquée d'une hyper-présidence. Et cela ne résoudrait pas le problème des revenus autres que salariaux, tels les dividendes versées par les entreprises, par ses dirigeants dont les salaires seraient encadrés, ou les droits d'auteur et autres sources de revenus. Comment pourraient-ils être limités ?

A mon avis, il faut effectivement traiter le problème de l'inflation des rémunérations et de la richesse perçues par les personnes les mieux rémunérées et les plus riches de notre société, alors que les revenus de l'immense majorité d'entre nous plafonnent pas loin du Smic, en s'attaquant à ce problème par le biais de la fiscalité. Il faut rétablir un impôt sur le revenu confiscatoire pour les très hauts revenus, quelque soit leur origine, en restaurant une tranche marginale d'IR à 90% pour les revenus très élevés (dépassant un million d'euros par exemple), tout en laissant les tranches actuelles pratiquement inchangées (même s'il serait plus sain, pour la conscience de tous, que les droits attachés à la citoyenneté impliquent la participation à l'entretien de la cité et de la société par le paiement de l'impôt).

Il est vraisemblablement illusoire d'attendre cette mesure d'un gouvernement libéral comme le nôtre, et il nous faudra certainement attendre un gouvernement socialiste pour voir une telle mesure être mise en oeuvre.

L'instauration d'une telle mesure ne sera pas neutre non plus en matière d'évasion fiscale pour tous ceux qui pourraient être concernés. Une telle mesure nécessiterait aussi d'être mise en oeuvre pratiquement dans tous les pays développés pour s'appliquer convenablement et ne pas conduire à une évasion fiscale à grande échelle.

Enfin, une telle mesure ne sera vraisemblablement pas la solution à tous nos problèmes. De tels niveaux d'imposition existaient dans les années 1970 dans la majeure partie des pays occidentaux, avant la grande période des déréglementations inaugurée dans les pays anglo-saxons gagnés aux idées libérales. Pourtant, cela n'empêchait pas l'existence de très grandes fortunes capitalistes dans notre pays à cette époque.


Réflexion cinquante-trois (6 avril 2009)
Piste n°3 : repenser les modes de rémunération et la fiscalité ...


Il s'agit d'une autre des pistes évoquées par les vingt pays les plus riches de la planète : réformer les modes de rémunération au sein de la finance mondiale, parce que ces modes de rémunération auraient conduit à une prise de risques excessive de la part des dirigeants des établissements financiers et des courtiers et des traders sur les marchés financiers.

Il s'agit également d'un des leit motifs de certains de mes amis internautes (Nolats et surtout Dima) ... qui vont bien au-delà de l'approche prudente des dirigeants du G20 ...

Nous avons tant vécu dans ce monde capitaliste occidental que les annonces de rémunérations mirobolantes des présidents directeurs généraux de grands groupes industriels et financiers, les rémunérations et les primes octroyées aux traders de tout accabit, les salaires des joueurs de football, des tennismen, des joueurs de NBA, de golfeurs ou de nageurs, ne nous étonnaient pratiquement plus. Il était accepté que ces rémunérations défiant la logique et l'entendement étaient la rémunération de risques pris et de résultats exceptionnels ... Et au cours des cinq dernières années, peu de voix s'élevaient pour s'interroger ou pour mettre en cause ces montants de rémunération ... ou du moins, peu d'entre elles réussissaient à passer le filtre et le barrage des médias ...

Aujourd'hui, l'époque a changé, notamment en France, mais pas uniquement. L'époque a changé notamment aux Etats-Unis, et c'est tout particulièrement notable dans un pays qui a longtemps prôné la libre entreprise et la réussite individuelle, signe à une certaine période dans les religions protestantes d'une prédestination divine. Et pourtant, si aux Etats-Unis, cette modification majeure du consensus national s'est effectuée sous un président pour la première fois non WASP (white anglo saxon protestant) et non issu d'une famille riche (à la différence de son prédécesseur Bush junior issu d'une famille enrichie dans le pétrole texan), en France, cette évolution beaucoup plus lente s'est réalisée sous un président issu justement d'une famille riche appartenant aux cercles les plus élevés de la finance et de l'industrie ... et qui ne cache pas ses amitiés bling-bling ...

En France, l'encadrement des salaires des dirigeants d'entreprises a été limité au minimum acceptable par les intéressés et par l'opinion publique. Nicolas Sarkozy ne pouvait pas ne rien faire ; l'opinion publique ne l'aurait pas compris. Il a donc encadré le plus légèrement possible les salaires de quelques patrons d'entreprises. Il acceptera difficilement d'aller plus loin contre les intérêts de ses mandants et de ses proches amis. Ne pas choquer l'opinion publique au cours des deux prochaines années ; voilà le message transmis aux dirigeants des entreprises aidées par l'état.

Et pourtant, cela ne suffira pas pour empêcher que la même situation ne se reproduise dans quelques années ; les mêmes prises de risques insensées ; les mêmes rémunérations affolantes et détachées de toute contingence terrestre, en totale rupture avec les rémunérations misérables perçues par des millions de travailleurs, leur permettant à peine de survivre en couple, d'élever leurs deux enfants, et de partir parfois chichement en vacances tous les trois ou quatre ans ...

Ce qui est inacceptable, c'est quand le dirigeant d'un grand groupe industriel ou financier s'octroie, à lui-même et à quelques uns des plus hauts cadres de l'établissement, des salaires et des primes se comptant en millions d'euros, alors que l'immense majorité des employés de son groupe est payé tout juste au Smic, et parfois même à mi-temps. Je me rappelle notamment du cas du patron du groupe Carrefour et du parachute doré qu'il devait percevoir pour son départ à la retraite ... Mais la situation est la même dans tous les grands groupes industriels ou bancaires français ... ou étrangers ... que ce soit Wendel, le groupe de Ernest-Antoine Seillères ... ou la Société Générale, où certains des employés de comptoir sont également payés au Smic ... C'est peut-être même encore plus terrible dans les grands groupes étrangers, comme en Inde où les patrons de ces entreprises sont milliardaires, lorsque leurs salariés touchent des payes véritablement misérables, de l'ordre de quelques dizaines à quelques centaines d'euros par mois ...

Le monde que nous avons contribué à construire et à faire fonctionner est fou et amoral. C'est le capitalisme !... Quelle réforme engager pour que le monde redevienne humain et moral ?


Saucratès



13/11/2010
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