De la crise financière (7)
Réflexion quarante-cinq (9 février 2009)
Le débat en cours sur les salaires et les bonus des banquiers ...
Dans ce débat international sur les salaires et les bonus des banquiers, il y a une chose qui ne me surprend pas, et une chose qui me rassure.
La chose qui ne me surprend pas est la position de Nicolas Sarkozy et du gouvernement français sur cette question, qui ne souhaitent surtout pas limiter les revenus de leurs amis banquiers et milliardaires. Cela correspond tout à fait à l'opinion que j'ai de Nicolas Sarkozy et de son absence d'indépendance à l'égard de ses riches connaissances et amis. La France est de moins en moins gouvernée comme une démocratie, et de plus en plus dirigée comme une entreprise dans laquelle seuls les amis des dirigeants sont privilégiés dans les décisions arrêtées.
La chose qui me rassure, sur la qualité d'un homme élu par l'ensemble d'un peuple, un peuple capable de beaucoup d'erreurs, mais aussi de beaucoup de sursauts d'humanité et de grandeur, c'est la décision prise par Barak H. Obama de limiter à 500.000 dollars la rémunération annuelle des dirigeants de toutes les entreprises qui recevront des aides de l'état américain. C'était aussi le fait qu'il n'ait pas hésité, à peine élu, à geler tous les salaires supérieurs à un certain plafond pour les salariés travaillant à la Maison Blanche.
Cette limite annuelle de 500.000 dollars ne concernent d'ailleurs pas que les entreprises bancaires américaines, comme certains en France font semblant de comprendre, mais bien l'ensemble des industries américaines qui demanderaient à bénéficier d'aides publiques, et notamment les Big Three.
Après les Etats-Unis, un autre héraut du libéralisme, le Royaume-Uni, s'attaque à son tour (mollement) aux bonus des banquiers. L'opposition conservatrice, dont était issue l'ancienne premier ministre britannique Margaret Thatcher, a même, de manière surprenante, demandé l'interdiction totale des bonus. Le ministre britannique des Finances travailliste, Alistair Darling, a lancé pour sa part une "enquête indépendante qui examinera la manière dont les banques sont gérées". Des recommandations seront faites sur "l'efficacité de la gestion des risques par la direction des banques et notamment l'impact de la rémunération sur la prise de risques".
Le débat est venu notamment de l'annonce de la distribution par la Royal Bank of Scotland (RBS) de primes pour un milliard de livres (1,14 milliard d'euros) à ses traders, alors que RBS est lourdement déficitaire (ses pertes devraient s'élever à 28 milliards de livres (32 milliards d'euros) pour 2008). RBS est détenue à 68% par l'Etat après l'injection dans ses comptes de 20 milliards de livres (23 milliards d'euros) de fonds publics.
Cette annonce intervient au pire moment et a suscité un tollé dimanche au Royaume-Uni, confronté au chômage et à la crise économique. Or, le patron de RBS avait obtenu l'accord du ministre britannique des Finances travailliste, Alistair Darling, qui avait donné son accord à condition que "quiconque associé avec ces pertes importantes ne devrait être autorisé à empocher d'importants bonus". Ce que l'on appelle une condition pas très contraignante ... A partir de quelle hauteur parle-t-on de bonus important ? Pour rappel, pour un salarié payé au SMIC, une prime de 2.000 euros serait considérée comme exceptionnelle ...
En France, l'annonce que les principales banques françaises verseront malgré la crise des bonus à leurs équipes des traders n'avait pas soulevé la même émotion. Ces bonus baisseraient sensiblement mais ils resteront de toute façon indécents. Et pourtant, que des équipes de salariés ayant fait perdre des sommes astronomiques à des établissements côtés sur les marchés boursiers puissent malgré tout être largement rémunérés pour des risques qu'ils ont fait prendre à l'ensemble de la planète finance est plus qu'indécent : c'est immoral !
Ce que nous attendons ... L'interdiction des bonus et le plafonnement des rémunérations, par exemple aux allentours de 500.000 dollars, soit 400.000 euros ... Mais n'est-ce pas illusoire d'attendre une telle politique de la part d'un gouvernement uniquement occupé à défendre les intérêts privés de quelques grosses fortunes et n'écoutant que les conseils avisés de quelques banquiers, financiers et aigrefins ... Une grande révolution deviendrait-elle indispensable pour libérer la France de l'influence de Nicolas Sarkozy ?
Réflexion quarante-quatre (18 janvier 2009)
Que faut-il attendre en 2009 de la finance et de l'économie ?...
Un internaute que j'apprécie, et qui ne s'était pas trompé pour prévoir l'apparition et l'ampleur de cette crise financière, Loic Abadie, envisage la poursuite en 2009 de la crise financière actuelle, avec notamment le renforcement des risques de dépression économique et de déflation monétaire, qui implique selon lui de privilégier la liquidité (tout en faisant attention à la solidité financière de son établissement bancaire), et de prévoir une petite partie de son portefeuille total en OR à titre de sécurité, même si celui-ci devrait malgré tout perdre de sa valeur (il fait l'hypothèse d'un dysfonctionnement global des systèmes monétaires qui verrait l'effondrement des monnaies de réserve ... ce qui est malgré tout peu vraisemblable).
Récemment, j'ai également noté que certains économistes prévoyaient une nouvelle vague de contamination de l'économie américaine par les crédits subprimes, pour l'été 2009. De plus en plus de ménages américains voient en effet la valeur de leurs biens immobiliers diminuer, et le risque de voir des crédits dits 'primes' cesser d'être remboursés lorsque les dettes des ménages dépassent la valeur de leurs biens s'accroît évidemment, amplifiant les difficultés du système financier américain et par contagion celles du système financier mondial.
De quoi 2009 sera-t-elle donc fait ? Le mouvement d'attentisme des ménages occidentaux ne risquent vraisemblablement pas de s'arrêter avant la fin de l'année 2009. On peut juste espérer qu'après quatre nouveaux trimestres de pessimisme des ménages occidentaux et de restriction de leurs dépenses, ils seront prêts à basculer de nouveau dans un plus grand optimisme et qu'une majorité reprendra le chemin d'une plus grande consommation ... De bonnes nouvelles peuvent-elles sauver l'activité économique en 2009. Les premières décisions du nouveau président américain Barack Obamah auront peut-être un effet positif sur l'activité américaine et sur la psychologie des ménages américains ... A part cet espoir bien mince, il est à craindre plutôt que 2009 ne voient se profiler une avalanche de mauvaises nouvelles économiques, avec l'entrée en récession de plus en plus de pays, d'occident ou d'ailleurs, voire l'entrée en dépression économique des principaux pays occidentaux ... le retour de la déflation monétaire au Japon et peut-être aux Etats-Unis et en Europe, avec le risque que l'on entre dans un cercle vicieux déflation-récession pour une décennie comme au Japon dans la décennie 1990, et non pas uniquement pendant quelques trimestres comme il est aujourd'hui anticipé.
2009 verra-t-elle de bonnes ou de mauvaises nouvelles sur le front boursier ? Les indices boursiers peuvent très vraisemblablement tomber beaucoup plus bas que les niveaux actuellement atteints ; la stabilité des dernières semaines, proche des plus bas de la dernière crise boursière de 2002, ne pouvant être qu'une simple pause, précédant une nouvelle chute de forte ampleur. Mais la prévision en matière boursière est aussi compliquée que de tirer les cartes en matière de voyance ... et en l'absence de boule de cristal ... Il ne reste plus qu'à avoir conscience des risques encourus ... Tout en sachant que tant que les médias diffuseront le sentiment de pessimisme ambiant actuel, il y a peu de chances que les économies des pays occidentaux puissent redémarrer.
Réflexion quarante-trois (7 janvier 2009)
Voici venu le temps des suicides ...
Quelques semaines après le suicide de l'homme d'affaires français Thierry Magon de la Villehuchet à New-York, piégé par l'escroquerie Bernie Madoff, qui n'avait pas supporté apparemment de perdre toute sa fortune ainsi que les fonds prêtés par un certain nombre de ses amis et connaissances, les dérèglements de la finance mondiale ont fait une nouvelle victime ... Adolf Merckle, milliardaire et industriel allemand ... qui s'est tué lundi 5 janvier, à l'âge de 74 ans, en se jetant sous un train.
L'industriel était auparavant la 94e fortune mondiale, avec un patrimoine personnel de 9,2 milliards de dollars. A travers sa holding familiale VEM, il contrôlait plusieurs grands noms de l'économie allemande : le cimentier HeidelbergCement, numéro deux mondial du secteur derrière Lafarge, le groupe pharmaceutique Ratiopharm, l'entreprise de vente en gros de médicaments Phoenix. Et un grand nombre de sociétés spécialisées dans la construction de moteurs électriques, de dameuses ou de machines-outils. Un empire dont le chiffre d'affaires dépassait les 30 milliards d'euros, et qui employaient quelques 100 000 salariés. M. Merckle aurait notamment spéculé sur le titre Volkswagen, qui avait été pris de folie fin octobre 2008 en fluctuant de 150% en quelques séances. Adolf Merckle y aurait perdu un milliard d'euros.
Aux Etats-Unis, un agent immobilier de Chicago, Steven Good, 52 ans, s'est également donné la mort. PDG de Sheldon Good & Company Actions International, une importante société de vente aux enchères de biens immobiliers, créée par son père en 1965, Steven Good a été retrouvé mort près de Chicago (Illinois) après s'être apparemment suicidé par arme à feu, lundi 5 janvier, dans son véhicule. Son entreprise avait vendu plus de 40 000 propriétés, pour un montant de 9,5 milliards de dollars (7 milliards d'euros), depuis sa fondation. Lui-même avait réalisé des ventes pour un montant de quelque 4 milliards de dollars.
Comme quoi la crise financière fait des victimes même au sein de l'élite du capitalisme ...
Réflexion quarante-deux (17 décembre 2008)
Escroquerie pyramidale ou pyramide dite de Ponzi ... ou les nouvelles leçons de cette crise financière, qui nous apporte chaque jour son quota d'évènements véritablement extraordinaires ...
Ce fut un terme nouveau pour moi, découvert il y a quelques jours ... une escroquerie pyramidale ou pyramide de Ponzi ... L'économie apporte tous les jours son quota de nouveautés et de découvertes ... Et une question me vint. Combien d'autres fonds fonctionnent de la même manière ? Le fait que je me pose cette question entraîna également de ma part une autre inquiétude ... Si je pensais de cette manière, alors que je n'avais confié aucun fond à aucune institution de ce genre (et que je n'avais aucune fortune, même minime, à gérer) ... Comment devaient réagir ceux qui avaient placé des fortunes se comptant en millions ou en milliards de dollars ? A leur place, j'aurais peur ... Le retour de bâton pour tous ces fonds spéculatifs américains et pour tous ceux qui détruisent nos entreprises en y plaçant leurs économies ...
Donc il existe un principe nommé 'pyramide de Ponzi', qui consiste à utiliser les placements des nouveaux entrants (ou nouveaux prêteurs) pour rémunérer les placements des anciens épargnants ou pour les rembourser ... Le 'pot aux roses' étant découvert lorsque les sorties dépassent les sommes disponibles ...
On appelle aussi 'chaîne de Ponzi' les montages qui reposent sur la croyance que l’on va réaliser des profits inédits. Attirée en masse par les promesses financières, la clientèle accourt et les capitaux affluent, permettant de respecter l’engagement initial de rémunération ... Jusqu’à ce que quelqu’un crie «le roi est nu» et que la bulle spéculative explose. Le terme 'pyramidale' identifie le fait que seuls les initiateurs du système (au sommet) en profitent en spoliant les membres de base.
De la sorte, on risque de savoir très rapidement quels autres fonds pratiquent ce genre d'escroqueries en cas de retraits massifs des déposants de ce genre de hedges funds ... Les possibles escroqueries pyramidales ne seront pas en effet capables de faire face aux sorties massives de déposants ... Mais les autres hedges funds seront également fragilisés par de tels retraits, s'ils doivent céder rapidement des actifs solvables pour dégager des liquidités, dans un marché où de nombreux hedges funds seraient confrontés aux mêmes difficultés ... De nouvelles baisses massives des titres sont ainsi à prévoir.
On apprend aussi par la même occasion que d'autres escroqueries pyramidales fûrent déjà enregistrées par le passé ... Il y eut évidemment celle de Charles Ponzi dans les années 1920 (qui reposait sur les International Postal Reply Coupon, qui servaient alors à affranchir le courrier depuis n’importe quel endroit sur la planète) ... Il y eut aussi (selon le journal Le Monde) celle de Richard Whitney, qui dirigeait lui aussi anciennement un marché boursier (le New York Stock Exchange - NYSE) à la fin des années 1920 . Et maintenant celle de Bernard Mardoff (qui dirigeait auparavant le Nasdaq) ... Des systèmes d'épargne pyramidale se sont aussi effondrés en Albanie en 1997 et plus récemment en Colombie (journal Libération du 25 novembre 2008). Sans compter tous les autres systèmes de ventes pyramidales qui ont été enregistrés ces dernières décennies, et qui sont interdite en France par les articles L. 122-6 et L. 122-7 du code de la consommation, qui « interdit de proposer à une personne de collecter des adhésions ou de s'inscrire sur une liste en lui faisant espérer des gains financiers résultant d'une progression géométrique du nombre de personnes recrutées ou inscrites », « interdiction qui est assortie de peines d'amende ou de prison. »
Extraordinaire science de la Finance !!!
Réflexion quarante-et-une (15 décembre 2008)
Nouvelle catastrophe financière avec l'affaire Bernard Madoff en ce mois de décembre 2008 ...
Cette histoire a un parfum plaisant. L'un des gourous de Wall Street a fait perdre une cinquantaine de milliards de dollars aux plus grands noms de la finance mondiale et à un certain nombre de très grandes fortunes mondiales ... Trois fonds spéculatifs (Fairfield Greenwich Group, Tremont Capital Management et Maxam Capital Management) feraient partie des 'grugés' ... des banques étrangères comme la banque française BNP Paribas, la japonaise Nomura ou la suisse Neue Privat Bank ... quelques grandes fortunes comme Sandra Manzke (présidente et fondatrice de Maman), Fred Wilpon (propriétaire de l'équipe de base-ball des Mets de New York), J. Ezra Merkin (président de GMAC), Norman Braman (ancien propriétaire des Philadelphia Eagles, une équipe de football américain) ...
Pour une fois qu'une énorme magouille concerne enfin essentiellement les plus riches de cette planète et non pas les petits épargnants ... Cette affaire risque en tout cas d'avoir de très importantes répercussions, avec un mouvement de panique à l'égard de ces fonds spéculatifs extrêmement secrets et absolument abrités de tout contrôle et de toute réglementation. 50 milliards de pertes spéculatives représentant la totalité des avoirs qui lui étaient confiés ... L'utilisation des fonds déposés par les derniers arrivants pour rembourser les plus anciens déposants ... C'est en tout cas un signe que la finance américaine a réellement besoin d'une plus grande transparence et de plus de réglementation.
Les puissants se laisseront-ils déplumer sans rien dire ?
Réflexion quarante (21 novembre 2008)
Les cinq erreurs de la crise de 1929 - Article des Echos du vendredi 14 novembre 2008
Nota bene : Je reproduis ci-dessous un article des échos extrêmement intéressant et riche d'enseignements sur la crise de 1929. Il ne s'agit donc pas d'une réflexion personnelle mais d'une analyse 'copiée', extrêmement bien documentée et synthétique, sur une période éloignée mais aujourd'hui tout à fait d'actualité.
Jamais le mythe de 1929 n'a autant hanté les esprits. Si la «crise des crises» n'a pas guéri le capitalisme de ses excès, elle lui a au moins appris à éviter une nouvelle Grande Dépression.
1. Une politique monétaire ignorante
L'argent coulait à flots à Wall Street début 1929. La Réserve fédérale avait d'ailleurs relevé ses taux d'intérêt pour éponger les liquidités. Mais en octobre, la Bourse s'effondre. Contrairement à ce qui est souvent raconté, la Fed ne reste pas inerte. Le lendemain du krach, sous l'impulsion de son antenne de New York, elle abaisse un taux d'intérêt. Elle réduit dans la foulée son taux directeur de 6 à 5 % (qui ira jusqu'à 0,5 % début 1931) tout en injectant massivement des liquidités.
Mais bientôt, Washington prend le dessus sur les freluquets de New York. Quand Londres casse le lien entre l'or et la livre sterling, en 1931, la Fed remonte ses taux pour protéger ses réserves d'or. Surtout, elle stoppe les injections de liquidités, en s'appuyant sur des arguments juridiques erronés. Elle asphyxie ainsi des milliers de banques. Ses dirigeants ignorent totalement la masse monétaire qui se contracte dangereusement - l'économiste Milton Friedman n'a trouvé l'expression qu'une seule fois dans les notes résumant leurs discussions entre 1930 et 1940. Ils s'inquiètent de l'inflation et méconnaissent la déflation, à l'inverse par exemple de leurs collègues de la Banque de Suède qui changent de politique en pleine crise pour concentrer avec succès leur action sur le niveau des prix. Ils entendent préserver leur indépendance et refusent donc d'avoir l'air de se plier aux demandes du Trésor les suppliant d'acheter massivement ses obligations. Même avec une bonne compréhension de la situation, la Réserve fédérale n'aurait pas pu éviter la récession qui s'est amorcée avant le krach de 1929. Avec son ignorance crasse, elle l'a transformée en Grande Dépression.
2. L'effondrement des banques
Plus de 700 banques américaines vont payer de leur existence la crise de 1929. Chiffre effarant, qui relativise la tourmente financière actuelle puisqu'à ce jour, 19 faillites ont été recensées aux Etats-Unis dont seulement deux majeures, celles de Lehman Brothers et de Washington Mutual. Mais méfions-nous des chiffres. En 1929, le paysage bancaire américain est atomisé. 80 % des établissements sont situés dans des villes de moins de 10.000 habitants. Elles concentrent néanmoins la moitié des dépôts. C'est l'époque où les Américains découvrent le crédit. Les banques prêtent de l'argent à ceux qui veulent acheter des actions, selon une mécanique infernale. Le particulier n'avance que 10 % du prix du titre. Son courtier emprunte les 90 % restants aux banques. Les deux font leurs bénéfices sur la promesse que l'action ainsi acquise va monter. C'est la version antique de la crise du « subprime ».
En trois ans, la valeur des prêts à la spéculation est passée de 2,5 à 6 milliards de dollars. Quand la Bourse s'effondre à partir d'octobre, les banques restent avec leurs créances sur les bras. La crise s'installe. Les établissements les plus fragiles disparaissent. Les autres rapatrient les avoirs qu'ils détiennent dans les banques ou les Bourses européennes, propageant ainsi la crise au Vieux Continent. En mai 1931, le Creditanstalt, première banque autrichienne avec 70 % des dépôts, fait faillite. En Allemagne, la Darmstädter und Nationalbank mord également la poussière. Le gouvernement décrète la fermeture de toutes les banques du 13 au 16 juillet 1931. La reprise en main arrive des Etats Unis. En juin 1933, en plein New Deal, est signé le Banking Act. Le gouvernement instaure une garantie étatique des dépôts bancaires, renforce les pouvoirs de la Réserve fédérale et introduit une séparation entre les banques de dépôt et les banques d'affaires.
3. Un commerce mondial fragmenté
Des droits de douane record sur plus de 20.000 produits importés par les Etats-Unis ! La loi Smoot-Hawley, du nom de deux parlementaires républicains, entre en vigueur le 17 juin 1930. Certes, le coup est parti bien avant le krach de 1929. C'était une promesse d'Herbert Hoover lors de sa campagne électorale pour la Maison-Blanche en 1928, qui fit mouche auprès des agriculteurs dont les prix de vente étaient laminés par une surproduction mondiale. Mais si la crise n'était pas à l'origine de la loi, elle a poussé les élus américains à taper beaucoup plus fort. Leur geste n'est pas resté isolé : dans les années qui suivent, plus de soixante pays ferment leurs frontières en relevant leurs droits de douane et en prenant des mesures non tarifaires. La Grande-Bretagne met fin à près d'un siècle de libre-échange et se tourne vers le Commonwealth, sauvant ainsi les économies du Canada ou de l'Australie. La France se replie sur son empire colonial. L'Italie quadruple ses droits de douane et prohibe les importations par voie postale. L'Allemagne, bientôt sous la férule de Hitler, théorise l'autarcie.
La fragmentation commerciale du monde est catastrophique. Les cours des matières premières chutent. De nombreux paysans américains sont acculés à la faillite. Au Brésil, on brûle le café dans les locomotives dans l'espoir illusoire de maintenir les cours ! En trois ans, les échanges internationaux s'effondrent d'un tiers en volume et de deux tiers en valeur. L'Amérique, qui avait impulsé le mouvement, est le grand pays le plus touché. De 1929 à 1932, son volume d'importations chute de... 39 % et celui des exports de 48 %
4. Les dévaluations compétitives
C'est l'autre tentative de réponse à la dépression qui s'installe. Devant le peu d'efficacité des mesures de déflation et surtout devant l'impopularité croissante qu'elles suscitent, les Etats vont tenter d'abaisser la parité de leur monnaie pour restaurer leur compétitivité. Le 21 septembre 1931, à son corps défendant, c'est la Grande-Bretagne qui tente la première l'expérience. Son économie de plus en plus chancelante, ses engagements extérieurs dans des pays durement frappés par la crise, ajoutés à un stock d'or insuffisant pour soutenir une monnaie jugée surévaluée, suscitent une défiance générale. « Le 24 août, le gouvernement travailliste chute après un mouvement général de ventes de livre sterling », rappelle Bernard Gazier dans le « Que sais-je ? » qu'il consacre à la crise de 1929. Le 21 septembre 1931, Londres décide de laisser flotter sa monnaie.
Cette première brèche, concernant l'une des trois devises les plus fortes du monde avec le dollar et le franc, va déboucher sur des dévaluations en cascades dont la première des conséquences sera l'abandon de fait de l'étalon-or. Entre 1929 et 1933, une quarantaine de pays dévaluent leur monnaie, dont les Etats-Unis en avril 1933. L'intérêt est double : le coût des exportations est abaissé, ce qui relance le commerce extérieur. Celui des importations est renchéri, ce qui remet un peu d'inflation dans des pays décimés par les politiques déflationnistes. L'inconvénient est que tout cela se passe dans le plus grand désordre. Prise à l'échelon national, chaque décision de dévaluation a pour effet d'exporter la déflation vers d'autres pays, confrontés à l'invasion sur le marché de produits bradés par la dépréciation monétaire.
5. La déflation salariale
Pauvre président Herbert Hoover ; l'histoire a retenu de lui son impuissance, voire son indolence après le krach d'octobre 1929. Rétablissons ici une justice. S'il n'a pas réussi, il a tout au moins essayé, beaucoup plus qu'on ne le dit. Dès les premiers jours de la crise, il prend deux décisions prouvant qu'il a senti le vrai danger : celui de voir s'installer une déflation salariale, donc une forte contraction de la consommation, porte ouverte à la dépression. Il convoque d'abord les patrons pour les enjoindre à ne pas baisser les salaires. Il annonce ensuite des réductions d'impôts pour soutenir le pouvoir d'achat. Peine perdue. Trop timides, ces mesures ne suffisent pas à arrêter l'enchaînement des crises. Les entreprises vont finir par réduire autoritairement les horaires afin de diminuer les salaires.
C'est que la mode n'est pas au soutien de l'économie par le déficit budgétaire. Même Franklin Roosevelt, malgré les visites répétées de John Maynard Keynes, ne pourra s'y résoudre pendant le New Deal. L'orthodoxie du moment, c'est la défense de la monnaie coûte que coûte. Et pas seulement aux Etats-Unis. La France et l'Allemagne vont pratiquer une politique déflationniste jusqu'en 1935 en réduisant la demande publique et en comprimant les salaires. Le Japon, la Nouvelle-Zélande et l'Australie font de même. Au Royaume-Uni, on réduit le traitement des fonctionnaires jusqu'à la dévaluation de la livre en 1931. A ces politiques désastreuses s'ajoute la montée dramatique du chômage dans tous les pays, privant les foyers de ressources. Aux Etats-Unis, le nombre de sans-emplois passe de 1,5 million en 1929 à 12 millions, soit un quart des actifs en 1932. Sur cette période, les gains hebdomadaires des ouvriers de l'industrie diminuent de 45 %.
Réflexion trente-neuf (1er novembre 2008)
La crise financière et l'exemple de l'Islande
On peut s'offusquer du fait que la France et plus largement les états occidentaux rechignent à dépenser quelques centaines de millions d'euros pour des dépenses sociales, par exemple pour financer le RSA en France, pour équilibrer les comptes de la Sécurité Sociale, pour financer l'aide au développement des pays moins avancés, mais qu'ils n'hésitent pas à dépenser des centaines de milliards d'euros (ou de dollars) pour sauver leurs banques et leur système financier. Il semble évidemment amoral de mettre en oeuvre autant de fonds publics pour organiser le sauvetage des instruments des plus puissants et de leurs capitaux, alors que le même effort ne sera jamais consentis au bénéfice des pauvres au sein même de notre démocratie. Il est amoral de sauvegarder de cette manière les banques sans leur imposer une réforme complète de leur fonctionnement, et notamment du mode de rémunération de leurs dirigeants et de leurs traders ... ceux par lesquels la crise semble être arrivée.
En même temps, il ne faut pas rêver ... Il serait idiot d'attendre de ténors et de partisans de la droite et du libéralisme économique, tels Nicolas Sarkozy, Georges W. Bush ou Angela Merkel, des mesures socialistes de limitations drastiques des rémunérations ou de nationalisation des établissements bancaires. Ce ne seront pas ces dirigeants qui imposeront de telles décisions contraires aux intérêts du capital et des puissants qu'ils représentent. Ils vont tenter de sauver le système parce que ceux qu'ils représentent y ont un intérêt, comme nous tous.
L'exemple islandais doit pour cette raison nous alerter. Ces plans de sauvegarde peuvent nous paraître amoraux. Mais la seule autre alternative consisterait à ne rien faire, à laisser, de manière absolument conforme à la doctrine libérale du laisser-faire, à l'idéologie du marché, supposé capable de s'autoréguler lui-même sans intervention extérieure ... Cette seule autre alternative qui conduirait vraisemblablement à l'effondrement du système bancaire de nos états développés, et par effet dominos, à l'effondrement de nos économies, comme en Islande.
L'Islande, où les trois principales banques ont dû être nationalisées suite à l'effondrement de son système financier et où l'ensemble des déposants sont pour l'instant virtuellement ruinés. L'Islande où la bourse de Reykjavik (ville dont Jules Verne faisait partir ces aventuriers du voyage au centre de la Terre, le professeur Otto Liddenbrok et son neveu) s'est également effondrée, ayant perdu en une journée près de 80% de sa valorisation.
L'Islande, état non membre de l'Union Européenne, pour laquelle les estimations du coût total de la crise bancaire pour le pays pourrait atteindre 1.100 milliards de couronnes islandaises soit 7,3 milliards d'euros, soit 85% du PIB national. L'Islande qui est aujourd'hui obligée de demander l'aide financière du Fonds monétaire international, qui devrait s'engager à hauteur de deux milliards de dollars (1,6 milliard d'euros) et de l'Union Européenne, alors qu'elle aurait besoin de quatre milliards de dollars supplémentaires pour stabiliser son économie
D'une certaine manière, pour la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, il vaut mieux sauvegarder de manière anticipée leurs systèmes bancaires et financiers, même au prix d'une remise en cause de leurs dogmes néo-libéraux, et au prix d'un plan d'aide représentant quelques pourcents de leur PIB, que d'attendre l'effondrement complet de leur système financier et l'arrêt de leur économie. Evidemment, il demeure cette question lancinante : les mêmes moyens seraient-ils mis en oeuvre par nos gouvernements si les plus puissants et les plus riches dans nos économies n'étaient pas concernés par cette débacle économique et financière ? Nous n'aurons vraisemblablement jamais la réponse à ce genre de questions. Même si nous en avons un début de réponse dans l'absence de toute réaction analogue à l'époque de l'effondrement de la bulle des valeurs internet et des bourses en 2001 ... Les bourses mondiales s'étaient effondrées de la même manière sans aucune intervention des gouvernements, peut-être parce que les puissants s'étaient retirés à temps des valeurs les plus spéculatives et les plus sur-valorisées.
Saucratès
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