Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

De la crise financière (2)

Réflexion neuf (23 janvier 2008)
Cataclysme financier ou léger reflux des bourses ? Le précédent d'octobre 1987


Mardi 22 janvier 2008, après deux séances catastrophiques dans la majeure partie des bourses mondiales (que ce soit dans les pays occidentaux ou dans les pays émergents), le comité d’open market du Système Fédéral de Réserve américain (FOMC ou FED en résumé) a abaissé de manière impromptue son principal taux directeur de 75 points de base, pour le ramener à 3,50% (soit 50 points de base en dessous du taux REPO de la Banque Centrale Européenne).

La grande question qui agite le Landerneau financier, ainsi que toutes les personnes qui s'intéressent de près ou de loin à la finance et aux marchés boursiers, est de savoir si la crise boursière actuelle peut risquer de se transformer en une crise financière majeure, comme celle des années 1929. Dans un sondage réalisé par le journal Le Monde, à la question «A propos de la forte baisse actuelle de la Bourse, estimez-vous que ?» ... les internautes interrogés (résultats provisoire sur 9.639 répondants) répondent majoritairement (46%) que «c'est un krach qui préfigure une crise profondes des économies» tandis que seulement 37% répondent «ce n'est qu'une correction des marchés après les très fortes hausses de ces dernières années».

Que va faire dans les prochains jours la Banque Centrale Européenne ? Il me semble aujourd'hui que la Banque Centrale Européenne doit suivre l'exemple de la FED et abaisser sensiblement ses taux directeurs. Cette position est différente de celle que j'estimais souhaitable jusqu'à présent. L'objectif ne doit pas être de préserver la valeur externe de l'euro, mais bien de peser sur les probabilités de survenue d'une crise financière.

Il faut à tout prix éviter de se retrouver dans la situation d'octobre 1987, où les différences de politique monétaire des deux côtés de l'Atlantique ont conduit à une première crise financière qui a ébranlé les places boursières et la croissance économique mondiale. Evidemment, la crise d'octobre 1987 n'a pas eu les mêmes répercussions que celle de 1929, et ne reste pas dans les annales comme la pire crise financière ayant ébranlé le monde et conduit directement à la montée du fascisme et à la seconde guerre mondiale.

Si la Banque Centrale Européenne ne bouge pas, il est clair que la probabilité de survenue d'une crise financière majeure s'accroît. Et si la BCE bouge ses taux de refinancement, il n'est pas non plus évident d'être certain de la réaction des marchés financiers, qui pourraient s'en alarmer.


Réflexion huit (21 janvier 2008)
Une des pires journées de l'histoire boursière mondiale


Lundi 21 janvier 2008 ... Nous nous rappellerons sans doute longtemps d'avoir vécu aujourd'hui une des pires journées de l'histoire boursière mondiale. La majeure partie des bourses mondiales ont plongé de -5% à -7% aujourd'hui, sans qu'aucune information catastrophique particulière n'ait été publiée, comme lors des 'krachs' boursiers précédents ... le 11 septembre 2001 (attaque terroriste contre le World Trade Center) ou le 13 octobre 1987 (déficit US) ...

Le CAC 40, indice phare de la Bourse de Paris plonge de -6,83% à 4.744 points (il s'agit de la troisième plus forte baisse 'intra-day' observée depuis janvier 1988 - le record appartenant au 11 septembre 2001 où Paris avait perdu -7,4%) ... le DAX (Berlin) perd -7,16% ... L'IBEX 35 (Espagne) perd -7,54% ... Le MIB 30 (Italie) perd -5,09% ... Le FTSE 100 (Londres) perd -5.48% ... Le Nikkei 225 (Japon) perd (seulement) -3,86% ... Le Hang Seng (Hong Kong) perd -5,49% ... Shanghai perd -5,15% ... Singapour perd -6% ... Moscou perd -7% ... Bombay perd -7,4% ...

Tandis que les marchés boursiers américains étaient restés fermés ce lundi et devraient rouvrir demain mardi 22 janvier 2008, peut-être en forte baisse également, avec en tout cas beaucoup de questionnements, notamment au sujet des retombées de la dégradation de la notation d'Ambac Financial par Fitch, des pertes colossales de Citigroup et Merrill Lynch, du scepticisme face au plan fiscal de George W. Bush .

Nous avons ainsi assisté ce lundi 21 janvier 2008 à un mouvement de panique auto-alimenté, aidé par le déclenchement de ventes à 'effet de seuil' et les transactions sur les produits dérivés (trackers, warrants ...), un peu comme en septembre 1987, lorsque, à l'époque, les ordres de ventes à la baisse avaient alimenté la spirale à la baisse de la bourse de Paris.

Le rapprochement effectué par les marchés financiers entre la journée noire de ce lundi et le jeudi noir du 13 octobre 1997 porte également sur des similitudes sur les interrogations sur les politiques monétaires des deux côtés de l'Atlantique. Le krach boursier d'octobre 1987 avait en effet été provoqué en grande partie par l'opposition entre les politiques monétaires de la FED et de la Bundesbank allemande ... Les deux banques centrales poursuivant à l'époque exactement les mêmes objectifs antagonistes qu'en ce début d'année 2008.


Réflexion sept (20 janvier 2008)
Effets de contagion ?


Le feuilleton de la crise financière de cet été 2007 n'en finit pas de se dérouler. Après les crédits 'subprime mortgage' puis les CDO ('collateralised debt obligation'), la crise a touché désormais un autre élément du marché du crédit américain (et mondial), connu sous le nom d'assureurs de crédits ou 'monoliners' (également surnommés 'réhausseurs de crédit'). Ces sociétés, précédemment très bien cotées par les agences de notation internationales (Moody’s ou Fitch) malgré des fonds propres faibles en regard des risques pris, garantissaient des crédits divers (collectivités locales, immobilier, crédit à la consommation) auprès des banques commerciales, et les dettes qu’elles assuraient obtenaient alors automatiquement leur notation, quelque soit la qualité intrinsèque des crédits. Or, il semble dorénavant que ces entreprises, qui ont apporté leur garantie contre tout risque de défaillance des CDO, pourraient ne plus faire face à leurs engagements.

En décembre 2007, un 'petit' réhausseur de crédit (ACA) s’est retrouvé au bord de la faillite et a vu sa notation passer de A à CCC, avec des premières pertes estimées à 2,2 milliards de dollars par rapport à des fonds propres de 0,6 milliards ...

De même, les déboires de Natixis, filiale des Banques populaires et des Caisses d'épargne, proviennent de sa filiale américaine CIFG, spécialisée également dans le rehaussement de crédit. Cette société était le plus petit des acteurs de l'assurance d'obligations (monoliners), avec une part de marché de 4%. CIFG a été cédé par Natixis à ses actionnaires pour une valeur symbolique de deux dollars, entrainant la comptabilisation d'une provision de 438 millions d'euros dans les comptes du quatrième trimestre de Natixis, correspondant à la valeur de la société dans ses comptes et à ses pertes sur la période. Dans le même temps, ses deux actionnaires ont par ailleurs recapitalisé CIFG à hauteur de 1,5 milliard de dollars pour lui permettre de conserver la notation AAA nécessaire à son activité.

Jeudi 17 janvier 2008, l’agence de notation financière Moody's a informé les marchés financiers qu'elle envisageait de dégrader la note du monoliner MBIA (le leader sur le marché de l'assurance-crédit) de AAA en AA. La note de crédit de son concurrent AMBAC (deuxième plus gros intervenant sur ce marché) était également dégradée dans la même mesure (de AAA en AA). Ces établissements, censés garantir les établissements de crédit sur un certain nombre de crédits ou de titres garantis, en tombant en faillite, accroîtraient les risques de pertes des grands établissements bancaires.


Réflexion six (4 janvier 2008)
Les événements (liés à la crise financière) ne sont pas arrivés à leur terme


La Banque de France demeure particulièrement inquiète de la situation financière internationale, et ses principaux dirigeants demeurent persuadés qu'une forte correction boursière sur les marchés des actions aura lieu au cours de l'année 2008.
http://www.banque-france.fr/fr/publications/telechar/bulletin/167edito.pdf ... Editorial du bulletin n° 167 de la Banque de France de novembre 2007 ...

Innovant par rapport au passé, la Banque de France en appelle à mot couvert à une modification de la politique de change de la Chine (et d'autres pays à forts excédents des balances de paiement) pour qu'ils prennent à leur charge une partie des coûts de réajustement du système financier international ...

« Cette situation entraîne des ajustements asymétriques, entre zones monétaires et également au sein d’une même région, comme en Asie. Globalement, certaines des principales devises flottantes pourraient finir par endosser une plus forte proportion de l’ajustement qu’elles ne le devraient. Le maintien de marchés de capitaux mondiaux intégrés dans un tel environnement pourrait ne pas être soutenable à long terme. Une correction sans heurt des déséquilibres mondiaux pourrait par conséquent nécessiter une plus grande flexibilité de la part des pays disposant d’importants excédents du compte de transactions courantes et d’un régime de change fixe. »

Les représentants français au sein des conseils des gouverneurs de la BCE étant les tenants d'une politique monétaire restrictive et d'un euro fort, une telle évolution dans le discours présage éventuellement d'une modification de la politique de change de la BCE, à l'unisson d'une majorité de gouvernements de la zone euro. Les armes de la BCE pour faire baisser le cours de change de l'euro ne sont évidemment pas nombreux, confrontées à l'importance des mouvements spéculatifs sur les monnaies. Mais une inflexion du discours de la BCE aurait certainement un effet bénéfique sur le cours de change de l'euro et sur les pressions à la délocalisation de certaines entreprises.


Réflexion cinq (24 novembre 2007)
Crise financière, CDO et 'Level 3 Asset'


L'explication de la crise financière financière de cet été avait essentiellement tourné autour du marché dit 'subprime mortgage', ou en français 'crédits à risque hypothécaires'. La récente rechute des marchés financiers occidentaux de novembre 2007 tourne notamment toujours autour des valeurs bancaires (même si la baisse est généralisée et touche les titres boursiers de nombreux secteurs économiques) et est expliquée par des problèmes de valorisation de produits nommés CDO ('Collateralized Debt Obligations' ou 'titres de créances hypothécaires').

Comme déjà évoqué (réponse à Olivier), les effets de la crise financière de cet été ont été difficiles à mesurer pour les établissements de crédit occidentaux, ce dont nous nous sommes aperçus notamment pour ceux cotés sur les marchés boursiers (soit la majeure partie des plus gros établissements - seule la CDC, la Banque Postale et les caisses d'épargne en France n'étant pas côtées). Plusieurs raisons expliquent les difficultés des banques à cerner les conséquences en terme de rentabilité de la crise financière déclarée cet été.

1. La complexité des instruments financiers utilisés expliquent le délai extrêmement important pour offrir une information qui soit fiable. Certaines opérations peuvent ne pas être dénouées actuellement et les coûts définitifs de ces opérations peuvent évoluer au fil du temps.

2. Une information des marchés sur des pertes catastrophiques exagérées pourrait être considérée comme une manipulation des cours de bourse de ces établissements, et conduire à des actions en justice pour indemnisation de préjudices, par des vendeurs qui estimeraient avoir été manipulés. La reconnaissance des pertes subies se doit donc d'être le plus réaliste possible, et nécessite de respecter toutes les procédures de contrôle des informations financières, sous le contrôle des commissaires aux comptes qui prennent la responsabilité des passages de provisions.

3. En sens inverse, l'administration fiscale et les autorités monétaires ont également un droit de regard sur la politique de provisionnement de ces établissements (avec des intérêts et des souhaits opposés). Pour l'administration fiscale, les milliards d'euros ou de dollars passés en provisions constituent autant de résultat imposable en moins, et donc autant d'impôts perçus en moins, avec les conséquences que l'on peut imaginer pour les finances publiques des états occidentaux.

4. Il y a enfin une réticence compréhensible des dirigeants de ces établissements a reconnaître facilement des pertes élevées et les dérapages de leur système de contrôle des risques internes que cela révèle, qui conduiraient inévitablement à leur licenciement, du moins aux Etats-Unis (City Group ...) mais peu vraisemblablement en France (cf. épisode du Crédit Lyonnais) du fait d'un capitalisme de réseau issu de la haute administration d'état. Le licenciement ne se pense en France que pour le petit personnel corvéable à merci, pas entre seigneurs (nous sommes encore un pays de noblesse !).

La complexité croissante des marchés financiers et des produits dérivés ne s'impose pas simplement aux établissements bancaires, mais elle repose également sur une recherche d'opacité de ces établissements ou plus généralement des marchés financiers, que les autorités monétaires et les auditeurs extérieurs ont soit autorisé, soit encouragé, soit n'ont pas su encadrer. Ainsi, les modalités de valorisation des 'level 3 asset' ont été définies par les autorités de régulation comptable (Federal Accounting Standard Board) que la nouvelle norme comptable FASB 157 vient réglementer plus précisément, et qui se trouve justement à l'origine de dépréciation importante d'actifs.

Pour plus d'informations sur les CDO, voir le site suivant :
http://www.edicas.fr/site/fin.cgi?TypeJ=20060223094550&journal_id=20060223115226

Pour plus d'informations sur les 'level 3 asset' et l'impact de la norme comptable FASB 157, voir l'article suivant de la Tribune du 12 novembre 2007 :
http://www.latribune.fr/info/IDF2AFBD6A2BC181EDC1257391002F99F7

Ce que l'on peut néanmoins en déduire, suivant en cela l'opinion de Loïc Abadie ou de la Tribune, c'est que les conséquences de cette crise financière sur les résultats des banques occidentales sont loin d'être définitivement déterminées, et que la majeure partie des établissements bancaires occidentaux portent actuellement des montants extrêmement élevés de titres dits 'level 3 asset', dont la valorisation ne repose plus sur un prix de marché (mark to market) mais uniquement sur une modélisation ou des hypothèses (mark to model).

Selon la Tribune, les plus grandes banques américaines portent des encours extrêmement élevés de titres 'level 3', parfois largement supérieurs à leurs fonds propres, qui pourraient ainsi être partiellement absorbés par les provisions pour dépréciation d'actifs que ces établissements pourraient être amenés à comptabiliser pour intégrer les pertes de valorisation que ces actifs recellent.

Selon les dossiers 10-Q remis à la Securities and Exchange Commission (SEC - équivalent américaine de l'AMF), l'exposition des grandes banques américaines aux actifs de catégorie 'Level 3' est la suivante (au 30 septembre 2007) :
- Citigroup : 136 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 126,9 milliards de dollars, soit 107% ;
- Merrill Lynch : 27 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 38,6 milliards de dollars, soit 70% ;
- Lehman Brothers : 36,8 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 21,7 milliards de dollars, soit 179% ;
- Bear Stearns : 18,3 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 13 milliards de dollars, soit 141% ;
- Goldman Sachs : 72 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 39 milliards de dollars, soit 185% ;
- Morgan Stanley : 68 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 35,25 milliards de dollars, soit 193% ;
- JP Morgan Chase : 15,2 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 120 milliards de dollars, soit 13% ;
- Bank of America : 27,8 milliards de dollars de 'Level 3' pour des fonds propres de 138,5 milliards de dollars, soit 20%.

Accessoirement, ce sont ces deux derniers établissements (avec Citygroup), moins impactés pour l'instant par ces produits, qui ont été capable de monter un fonds de secours (doté d'au moins 75 milliards de dollars) pour stabiliser le marché du crédit américain (ou venir au secours de Countrywide).

Mais au fait, quels sont, en regard, les niveaux de risques supportés par les banques françaises et par leurs fonds communs de créances ?


Réflexion quatre (22 novembre 2007)
Les risques actuels de déstabilisation des marchés financiers


En ce mois de novembre 2007 où les marchés financiers mondiaux enregistrent de nouveaux accès de fièvre, en liaison notamment avec les publications des résultats trimestriels (troisième trimestre 2007) des principaux établissements bancaires cotés en Europe et aux Etats-Unis et l'impact des pertes subies sur les produits des marchés dérivés et subprime, il est intéressant de s'interroger sur la probabilité de survenue d'une grave crise financière, comparable à celle due à l'implosion de la bulle spéculative sur les valeurs technologiques des années 2000-2002, voire pire comme celle de 1929. Pour se faire une idée de cette possibilité et des risques qui seraient liés, je conseille notamment le site suivant, particulièrement intéressant et bien documenté ...
http://tropicalbear.over-blog.com/

Comme de nombreux autres économistes de part le monde, l'auteur du blog (Loïc Abadie) semble persuader qu'une récession mondiale majeure interviendra au cours des prochains trimestres, avec une occurence plus élevée à compter de la fin du premier semestre 2008, ou à défaut au cours de l'année 2009. Cette crise naîtra aux Etats-Unis et se répandra mondialement. Mais le terme 'naître' est impropre ... Les ingrédients de cette crise existe déjà aux Etats-Unis et la bulle immobilière y a déjà explosé, touchant notamment les établissements de crédit ... Mais la crise financière de cet été n'a pas encore contaminé le reste de l'économie américaine, et notamment la consommation des ménages.

Il est clair à ce jour que de nombreux indicateurs d'alerte doivent être pris en compte sur les marchés immobiliers et financiers, ainsi que sur le marché du crédit aux Etats-Unis. Du fait des nombreuses interconnexions existant entre les réseaux bancaires occidentaux (à l'exception du réseau bancaire japonais relativement à l'abri), la crise financière s'est immédiatement transmise aux marchés boursiers européens et aux cours de bourse des grandes banques. L'interrogation actuelle concerne la possibilité d'une contagion de la crise observée sur le marché immobilier américain aux marchés immobiliers européens, puis d'une contagion d'une probable baisse de la consommation des ménages outre-atlantique et de la croissance américaine aux économies européennes. Il ne faut pas oublier que la précédente grande crise de 1929 était déjà née aux Etats-Unis, à une époque où les interconnexions financières entre les deux rivages atlantiques étaient beaucoup moins développées.

Une des plus grandes fragilités de l'économie américaine, et du système monétaire international plus globalement, concerne les déficits cumulés de la balance commerciale américaine, qui ont permis à certains états comme la Chine ou l'Inde d'accumuler des réserves de change immenses (plus de 1.000 milliards de dollars). Certains économistes américains envisagent une baisse dramatique du taux de change du dollar, qui pourrait perdre 90% de sa valeur en 2008, entraînant le monde et les Etats-Unis dans une nouvelle crise financière démesurée.

La question n'est donc certainement pas de savoir si cette contagion va se produire, mais quand. La réponse des optimistes aux visions pessimistes développées un peu partout peut reposer sur l'évolution de la connaissance des politiques monétaires. Les autorités monétaires d'aujourd'hui auront la lourde tâche de sauver le système économique mondial de la récession qui pourrait naître des déséquilibres financiers actuels en terme d'endettement et de commerce international. L'évolution des systèmes monétaires actuels (système de cotation évolué) et les outils aux mains des marchés financiers (produits dérivés et innovations financières) et des autorités monétaires internationales (politique de taux et gestion de la liquidité bancaire) suffiront-ils à nous permettre d'échapper à une crise du type de 1929, et son cortège de guerres qui s'en suivit ?


Réflexion trois (12 novembre 2007)
Le potentiel de déstabilisation lié aux fonds spéculatifs ?


1. Les hedge funds

La crise financière de cet été 2007 s'explique-t-elle par le comportement des hedge funds ? Malgré les interventions allant en ce sens de Nicolas Sarkozy, président de la République française, demandant plus de contrôles et de transparence de la part de ces intervenants majeurs sur les marchés financiers mondiaux, il faut tout de même rappeler que la crise financière survenue cet été s'explique essentiellement par la complaisance et le relâchement des pratiques de financement des organismes prêteurs sur le marché américain du crédit subprime mortgage, et dans une autre mesure, par les innovations financières qui se développent sur les marchés financiers. Les hedge funds sont relativement étrangers à ces deux éléments explicatifs. Au pire est-il possible de les accuser d'avoir accéléré le mouvement d'emballement du crédit subprime aux Etats-Unis, du fait de leur intérêt pour les nouveaux produits financiers, et leur soif de crédits à acheter et leur soif de risques supplémentaires.

Alors, si les hedge funds ne sont pas les coupables désignés de la déstabilisation actuelle des marchés financiers mondiaux, il n'en demeure pas moins qu'ils demeurent des intervenants majeurs sur les marchés financiers, et que c'est l'absence de surveillance par les autorités de marché qui pose régulièrement problème. La crise de 1998 a été dû au comportement à risques d'un seul de ces fonds (LTCM - Long Terme Capital Management), et des pertes que celui-ci réalisa sur les opérations d'arbitrage.

L'histoire des hedge funds (que l'on traduit improprement par 'fonds spéculatifs' mais signifient réellement 'fonds d'arbitrage') remonte à 1949, lorsqu'Alfred Winslow Jones créa le premier hedge fund. Mais ce n'est qu'à partir du début des années 1990 que les hedge funds vont se développer rapidement. On dénombre aujourd'hui près de 8.500 hedge funds répertoriés dans le monde avec plus de 1.500 milliards d'euros d’actifs sous gestion.

'To hedge' signifie 'couvrir une position en prenant une position contraire'. Par le terme 'hedge funds', on désigne des organismes de gestion collective qui utilisent des techniques de couverture des risques (hedge) pour spéculer sur les marchés financiers: la vente à découvert, l’arbitrage entre deux actifs, la négociation d’actifs à un prix déterminé à l’avance ... On oppose ces techniques dites de 'gestion alternative' à l’investissement classique sur le marché obligataire ou d’actions. Leur domiciliation offshore pour la plupart d’entre eux (Jersey, Iles vierges ou îles Caïmans ...), leur permet d’échapper à toutes les contraintes de réglementation. Ils recourent également massivement au crédit pour financer leurs opérations, qu’ils ne paient qu’au moment du débouclage de leur position.

Quelques hedge funds ont toutefois enregistré des pertes importantes récemment, notamment pendant la crise financière de cet été. Ainsi Amaranth Advisors avait perdu 6 milliards de dollars en septembre 2006 (sur le marché du gaz naturel), Vega Asset Management a perdu 11 milliards de dollars (sur les bons du Trésor américain), et deux fonds de la banque Bear Stearns ont perdu 20 milliards de dollars sur le marché subprime américain en juillet 2007.

Mais les hedge funds ne sont pas la seule catégorie de fonds spéculatifs qui inquiètent les autorités financières mondiales.

2. Les fonds 'private equity'

Les fonds dits 'private equity' (ou fonds privés de capital investissement) ont également été au centre des interrogations au moment de la crise financière de cet été. Le 'private equity' est l'une des branches du marché du capital investissement, dans lequel on trouve aussi le capital amorçage (ou business angels), le capital risque (ou venture capital) ou le capital retournement. Les fonds 'private equity' s'intéressent à la restructuration de sociétés matures, dont ils financent le rachat par des opérations d'emprunts. On parle ainsi souvent de financement par LBO (leverage buy out). Dans un marché du crédit bancaire tendu comme c'est le cas depuis cet été, les fonds 'private equity' éprouvent désormais plus de difficultés pour boucler les plans de financement de leurs opérations d'investissement.

C'est la puissance des fonds 'private equity' qui inquiète de plus en plus les gouvernements, européens notamment. Près de 5.000 entreprises françaises seraient actuellement détenues par des fonds private equity (certaines de petites PME), tandis qu'en Angleterre, c'est une proportion de 20% des salariés du secteur privé qui travailleraient pour une entreprise contrôlée par un fonds.

Parmi les principaux font 'private equity', il faut notamment citer Blackstone (récemment introduit en bourse et dans lequel le fonds souverain chinois a pris une participation de 10%), Kohlberg Kravis Roberts (KKR), Cerberus, Carlyle, Atticus, Texas Pacific Group ... et parmi les fonds européens notamment Eurazeo ou Wendel.

La principale différence entre ces fonds 'private equity' avec les autres fonds de pension américains (notamment Calpers -California Public Employees Retirement System- ou fonds de retraite des fonctionnaires de Californie) réside dans le choix de recourir à l'endettement (bancaire le plus souvent) pour financer l'acquisition de leurs cibles, ce qui accroît leur capacité d'investissement et leur nécessité de rentabilité à court terme. Les fonds de pension américains ont ainsi plutôt un comportement d'investisseurs à moyen terme, dont l'objectif est d'améliorer la gouvernance et le pouvoir des actionnaires, tandis que les fonds 'private equity' ont plus un comportement de prédateurs à l'égard de proies.

3. Les fonds souverains

Les fonds souverains (ou sovereign wealth funds) constituent désormais l'une des principales menaces qui pèse sur l'économie des pays occidentaux, même si l'influence de ces fonds n'a pas été perceptible au cours de la crise financière de cet été 2007. Les fonds souverains correspondent à des fonds contrôlés par des états étrangers, disposant de réserves financières extrêmement élevées, provenant soit des exportations de produits pétroliers, soit des excédents commerciaux liés à leurs échanges, essentiellement dans les pays asiatiques.

Le premier fonds souverain a été créé en 1956 pour gérer l'exploitation des phosphates des îles Kiribati. De nombreux autres fonds ont été créés dans les années 1970 à 1990 pour gérer les recettes de l'exploitation pétrolière, tels le 'Gouvernment pension funds' en Norvège, le 'Koweit Investment Authority', le 'Abu Dhabi Investment Authority', 'Borse Dubaï, le 'National Fund' du Kazakhstan ou le 'Copper SF' chilien. Ces fonds géraient jusqu'à présent leurs placement financiers ou boursiers pour obtenir la meilleure valorisation.

Les fonds souverains constitués par les états émergents asiatiques, sur la base des excédents de leur balance commerciale et de leurs réserves de change, présentent des risques différents. D'une part, les montants des déséquilibres commerciaux sur lesquels ils s'appuient sont phénoménaux, notamment à l'encontre des Etats-Unis. Avec plus de 1.000 milliards de dollars de réserves de change, la Chine peut constituer le plus puissant fond souverain mondial. Pour l'instant, le 'China Investment Corporation' bénéficie de 200 milliards de dollars. De même, la Russie a créé le 'Future generation fund'. Ces fonds souverains n'ont plus seulement pour ambition de réaliser des investissements rentables, mais de prendre le contrôle d'entreprises occidentales pour avoir accès à certaines technologies. On peut aussi craindre une forme nouvelle de guerre économique si ces fonds souverains prenaient le contrôle de pans entiers de l'économie occidentale, comme dans le secteur des banques ou des compagnies d'assurance.


Réflexion deux (11novembre 2007)
Préambule


La crise financière de l'été sur le marché du subprime américain est revenue au centre de l'actualité en ces premiers jours de novembre 2007, à l'occasion des publications des résultats trimestriels des grands établissements bancaires américains. Les banques américaines ont dû provisionner au troisième trimestre des montants importants au titre des risques de crédit élevés pris sur le marché du subprime. La défiance à l'encontre des banques américaines gagnent également les bourses européennes, les cours des grandes banques européennes ont également fortement reculé depuis le mois de juillet 2007.

Le pire est toutefois que le marché américain immobilier est très loin d'être tiré d'affaire, car la crise du subprime est loin d'être terminé ... de très nombreuses opérations risquent de devoir se dénouer au cours des prochains semestres, en raison de la très forte progression de l'activité subprime au cours des années 2006 et 2007, qui ne pouvait tenir que grâce à l'envol des prix de l'immobilier. Et nul ne sait non plus si la crise du marché immobilier américain se cantonnera aux seuls crédits subprime, et ne gagnera pas les autres compartiments moins risqués du marché.

Se trouve-t-on une nouvelle fois (mais il vaudrait mieux dire ... toujours) à la veille d'une crise financière majeure du système financier mondial ? Ce qui est seulement certain, c'est que cette crise n'entraînera probablement pas la disparition du l'organisation capitaliste de l'économie mondiale ... Tout au plus, la nouvelle crise financière qui s'annonce entraînera-t-elle un recul des places boursières mondiales, et des pertes importantes pour une majorité d'établissements bancaires occidentaux, synonymes de forte diminution de leur capitalisation. Et elle ne durera guère plus de deux ans, au grand maximum, si elle explose réellement.

Cette crise aura surtout modifié le calendrier des politiques monétaires appliquées par la Réserve Fédérale et par la BCE, en donnant un coup de frein aux relèvements des taux directeurs initiés il y a quatre ans aux Etats-Unis. La BCE et la Réserve Fédérale continuent toutefois de s'alarmer du renchérissement des prix en zone euro (2,6% actuellement) ou en zone dollar, mais ce retour de l'inflation ne les conduit pas à relever leurs taux, avec l'espoir peut-être que le ralentissement économique qui semble se profiler ralentira les véléités inflationnistes des industriels et commerçants.

Par contre, les inquiétudes des marchés financiers au sujet de l'économie américaine, les craintes touchant le marché immobilier et le marché du crédit outre-atlantique, ont entraîné une forte chute du cours de change du dollar américain, qui fleurte désormais avec les 1,47 dollar pour 1 euro (début novembre 2007). Plus qu'une politique volontariste de dévalorisation de leur monnaie par les autorités américaines, cette baisse du dollar traduit surtout une perte de confiance des acteurs des marchés financiers dans le dollar. Au fur et à mesure que l'euro verra se renforcer son statut de monnaie refuge, et d'étalon de valeur international, au détriment du dollar dont c'était le statut antérieur, plus la valeur de change de l'euro se renforcera au détriment du dollar ... Est-il possible d'envisager d'içi quelques années un cours de change de l'euro à 2 ou 3 dollars ? Plausible si les faiblesses de l'économie américaine s'accentuent au cours des prochains semestres. Quelles conséquences cela aura-t-il pour l'économie de la zone euro ? Un déficit de plus en plus massif du commerce extérieur de la zone euro (et du chômage importé), qui serait financé par l'appétît des prêteurs internationaux pour des placements en euro. Mais à l'inverse, les américains seront-ils satisfaits de voir le taux de change du dollar diminuer régulièrement ? Pas si les échanges internationaux cessaient d'être libellés en dollars et commençaient à être libellés en euros. Dans ce cas, les difficultés de financement de leur déficit extérieur et la perte de valeur de leur monnaie commenceront alors à les inquiéter.

Un nouvel ordre mondial approche-t-il ? Au bénéfice de quels pays ? L'Europe de nouveau ? La Chine, l'Inde ou l'Asie plutôt ? Ces derniers utilisent-ils l'arme financière pour déstabiliser les grands pays occidentaux (Etats-Unis aujourd'hui, zone euro demain) ?


Saucratès



09/11/2010
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