De la crise financière (10)
Réflexion soixante-cinq (23 juillet 2009)
Le retour de la cupidité des banques ... Ou la réforme avortée du capitalisme financier ...
Alors que l'économie mondiale toute entière est toujours frappée par une crise économique sans précédent récent, les banques américaines se sont libérées de la tutelle du gouvernement américain et se préparent à verser des bonus de nouveau monumentaux à leurs traders et à leurs dirigeants. Leurs prises de risques monumentales avaient conduit l'économie américaine à la crise et leurs compatriotes au chômage, à la pauvreté et à la misère, les contraignant à se quitter des logements qui les avaient ruinés ... Cette crise s'était ensuite étendue au monde entier. Et aujourd'hui, Goldman Sachs prévoit de verser 20 milliards d'euros de bonus ... comme de nombreux autres établissements bancaires américains.
Lire à ce sujet les articles suivants du Monde :
http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/07/22/les-banques-americaines-renouent-avec-la-folie-des-bonus_1221457_1101386.html
http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/07/22/banques-avides_1221462_1101386.html
Ou bien, pour le plaisir, chercher les rapports entre la crise actuelle et la célèbre banqueroute de Law, en 1720 :
http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/07/22/1720-le-theatre-de-foire-parisien-prend-pour-theme-la-banqueroute-de-law_1221517_1101386.html
Quelques observateurs (parmi lesquels l'économiste Philippe Brossard) estiment que l'on a laissé s'échapper l'occasion de réformer profondément le système capitalisme financier occidental. Je partage évidemment complètement cette opinion. Mais il faut aller beaucoup plus loin que les pistes jusqu'à présent évoquées. Il est inutile de comparer la situation actuelle à la situation qui prévalait au sortir de la crise de 1929 ou au sortir de la seconde guerre mondiale. La finance devenue mondiale a changé d'échelle. La crise que le monde a connu ces deux dernières années n'a aucun rapport avec la crise des années 30 ni avec la seconde guerre mondiale. Seul une conflagration nucléaire mondiale pourrait ramener ses personnes à leur juste valeur, les ramener sur Terre.
Par ailleurs, il est utopique de penser que les banques, et même plus largement les entreprises, seront capables de s'autoréguler elles-mêmes. Ce choix, décidé au tournant des années 1970 et 1980, avec la montée de l'ultralibéralisme et du monétarisme, nous a conduit à la situation actuelle d'une économie de casino. Ce qui est notable, c'est que l'ensemble du monde politique, du monde économique et une bonne partie du monde financier (notamment les banquiers centraux) se disent scandilisés du comportement des banques américaines. On peut arriver à un consensus politique qui s'impose au système bancaire mondial, mais le problème est qu'il faut que tous tombent d'accord.
Il faut surtout aller beaucoup plus loin que les codes de bonne conduite ou les processus d'autorégulation internes aux sphères dirigeantes du capitalisme financier. Ce qui est en jeu ici, c'est le caractère central de l'activité de la banque et de la finance dans le fonctionnement de l'économie et du capitalisme. Nous en sommes arrivés à un stade où le capitalisme est à la fois financier et immatériel, basé sur du vent et également sur les anticipations rationnelles des agents. Laisser la banque et la finance décider seuls et de manière autonome de fonctionnement et du financement de l'économie mondiale est en fait monstrueusement dangereux, comme nous avons pu nous en apercevoir avec les diverses crises financières qui ont secoué notre monde depuis le début des années 1990 (c'est-à-dire 1992, 1998, 2002 et 2007).
Ce qui est désormais nécessaire, ce n'est pas une réforme du mode de rémunération des banquiers, mais une nationalisation des systèmes bancaires nationaux, pour que la finance soit désormais au service de l'économie et non plus l'inverse. Evidemment, les nationalisations ont apporté par le passé, que ce soit dans l'URSS, en France ou ailleurs, leurs lots d'aberrations et de dysfonctionnements. Mais aucun de ces désordres n'a jamais eu les conséquences des crises actuelles. Jamais l'incompétence des hommes et des structures dans un système nationalisé n'a conduit à ce genre de destruction de valeurs, sans aucune prise en compte des coûts humains. L'appât du gain et la rapacité des capitalistes financiers ont conduit à suffisamment de misère depuis l'invention de la finance, que ce soit en 1720, au dix-neuvième siècle, en 1929 ou depuis lors. Nationalisons les systèmes bancaires dans le monde entier, et interdisons le métier de la finance aux firmes privées capitalistes. La monnaie est un bien public, qui doit être gérée dans le cadre de la société dans son ensemble, de manière commune à l'échelle du monde.
Réflexion soixante-quatre (16 juillet 2009)
Les conséquences et les effets de la crise financière ...
Le Parlement islandais (l'Althingi) s'est ainsi prononcé le 16 juillet 2009, à une faible majorité (33 voix sur 63), pour l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Union européenne. Le Premier ministre islandais, Johanna Sigurdardottir, souhaite soumettre la candidature de son pays d'ici la fin du mois. L'entrée de l'Islande dans l'Union européenne devra également être approuvée par les électeurs islandais, qui seront consultés sur la question par référendum. Pour mémoire, l'Islande fait déjà partie de l'Espace économique européen, qui donne aux Islandais le droit de vivre et de travailler dans l'UE tout en permettant au pays de gérer lui-même sa propre politique monétaire, agricole et de pêche.
L'adhésion à l'Union européenne serait néanmoins préjudiciable à la pêche islandaise, l'un des rares secteurs ayant résisté à la crise financière, et un symbole de fierté nationale. En rejoignant l'Union européenne, l'Islande serait probablement contrainte d'accepter sa politique de pêche et de permettre à d'autres pêcheurs européens d'accéder à ses eaux territoriales.
Il n'y a cependant pas de consensus politique sur cette question de l'adhésion en Islande ; l'opposition de droite militant contre ce projet d'adhésion pour protéger les intérêts nationaux.
http://fr.news.yahoo.com/3/20090716/twl-ue-islande-adhesion-0ef7422.html
L'euro comme rempart face au chômage, à l'inflation, comme possibilité de bénéficier de taux bas et d'une monnaie stable, ce n'est en effet pas le discours prôné par tous ceux qui militent contre l'euro et la politique monétaire européenne commune. Et pourtant, comme le premier ministre islandais, je suis persuadé que les conséquences de la crise financière sur la France, sur son économie et sur sa monnaie auraient été catastrophiques si l'euro n'avait pas existé et si la France avait toujours une monnaie indépendante : le franc. Jamais le gouvernement n'aurait pu s'endetter comme il l'a fait depuis le début de la crise. Notre système bancaire n'aurait vraisemblablement pas non plus résisté à cette crise. Notre monnaie se serait vraisemblablement aussi écroulée. Nous serions probablement dans la même situation que l'Islande aujourd'hui, sans l'euro !
Réflexion soixante-trois (30 juin 2009)
La condamnation de Bernard Madoff
Les Etats-Unis nous donnent dans cette affaire-là une démonstration qu'au pays de l'argent-roi, les sanctions ne sont pas de vains mots. La découverte de cette escroquerie est relativement récente, mais le procès de Bernard Madoff, à la différence de la France, a déjà eu lieu. En France, son jugement et son procès n'auraient pas eu lieu avant cinq à dix ans ; seuls les petits voleurs de voitures (ou les casseurs de candélabres de la SNCF) sont condamnés dans la foulée et jetés en prison.
Deuxièmement, les condamnations ne sont pas de vains mots. 150 ans de prison pour Bernard Madoff qui a escroqué des milliers d'épargnants, les plus riches ... 25 ans de prison pour l'ex-directeur de la société Worldcom poursuivi pour fausse comptabilité ... 12 et 17 ans de prison pour les anciens dirigeants d'Adelphia, Johnn et Timothy Rigas ...
La justice américaine n'est pas la justice française, quels que puissent être ses travers. Ceux qui comme Nicolas Sarkozy ou Jean-Marie Messier rêvent de généraliser le système américain devraient y réfléchir à deux fois, surtout le second qui n'a jamais été condamné en France pour avoir coulé le groupe Vivendi, ce qui aurait pu lui arriver aux Etats-Unis ... Le pire serait toutefois de généraliser le système américain capitaliste avec une justice française inchangée, lente, inefficace et incapable de prendre des sanctions modèles, incapable de réguler ce système ... Mais n'est-ce pas déjà le cas, dans une certaine mesure.
A quand de telles sanctions en France prononcées contre les dirigeants des établissements de crédit français ou des fonds spéculatifs ayant ruiné leurs épargnants, tels Natixis, les Caisses d'épargne, Société Générale ou Dexia ?
Réflexion soixante-deux (17 mai 2009)
Sommes-nous en sortie de crise ?
Sommes-nous aujourd'hui devant un redressement durable des marchés financiers et boursiers mondiaux ? En psychologie des foules, il suffit qu'une forte majorité de la foule y croit pour que cela marche. On a vraisemblablement touché un plus bas sur un certain nombre de marchés boursiers à l'échelle de la planète, tout particulièrement en France, sur le Cac 40 mais aussi sur le Dow Jones.
Simplement, en psychologie des foules, il est aussi possible que ce plus bas historique, de ces dernières années, ne suffisent pas pour calmer les peurs de la majorité des intervenants sur les marchés, et rien n'empêcherait alors aux indices boursiers mondiaux de tomber beaucoup plus bas ...
Le Cac 40 a ainsi été divisé par plus de deux en deux années, passant de 6.000 points à 2.500 points. La remontée enregistrée au cours de ces trois derniers mois apparaît toutefois beaucoup plus rapide que lors de la précédente remontée, à compter de l'année 2003 (de même que la baisse depuis 2007 a été beaucoup plus rapide que la baisse enregistrée dans les années 2000-2003.
Le cours du Dow Jones a également été divisé par deux entre 2007 et 2009, passant de 14.000 points à un minimum de l'ordre de 6.500 points, avec une très forte accélération de la baisse sur les deux derniers semestres ... Le Dow Jones, toutefois, contrairement au Cac 40, avait très largement dépassé ces maximums des années 1999-2000 au cours des dernières années (il n'avait pas dépassé 12.000 points entre 1999 et 2001). Il n'était pas descendu non plus à moins de 7.000 points au plus bas en 2002-2003.
Le Nikkey 225 a pour sa part vu sa valorisation passait de près de 17.500 points en 2007 à 7.500 points au minimum début 2009, pour revenir trois mois plus tard à près de 10.000 points, en hausse un plus rapide que les autres indices (près de 30%). Lors de la précédente crise des années 2000-2003, le Nikkey était tombé de près de 21.000 points à environ 8.000 points.
Le Dax, indice de la bourse allemande, fait partie des rares bourses occidentales à ne pas avoir touché son plancher le plus bas début 2009. La baisse de l'indice s'est en effet arrêtée vers 3.700 points, pour s'approcher maintenant de 5.000 points, alors qu'il avait touché un plus bas de 2.250 points en 2002-2003. Par contre, en 2007, le Dax avait égalé ses plus hauts des années 1999-2000 à un peu plus de 8.000 points, ce qui a également représenté une division par deux de l'indice entre 2007 et 2009.
Le Ftse 100, de la bourse de Londres, a également été pratiquement divisé par deux entre 2007 et 2009, passant d'un peu moins de 7.000 points à 3.500 points, pour toucher désormais 4.500 points. Cette crise a également copié les précédents sommets et plus bas de la précédente crise des années 1999-2003, où le Ftse avait touché 7.000 points avait de retomber vers 3.200 points.
Enfin, on ne peut ignorer les variations un peu divergentes de l'indice phare des nouvelles technologies, le Nasdaq, dont les évolutions divergent sensiblement des autres grandes places boursières occidentales. Le Nasdaq s'est cependant rapproché de son minimum des années 2002-2003 de 1.000 points en début 2009. Toutefois, au plus haut en 2007, le Nasdaq ne s'est élevé qu'à un peu moins de 3.000 points, contre plus de 5.000 points au plus haut des années 1999-2000. Le Nasdaq a ainsi également dévissé de près 50% entre 2007 et 2009.
http://www.boursorama.com/indices/indices_intern.phtml
- L'indice russe Rts est ainsi tombé de 2.250 points en juillet 2008 à 500 points début 2009 avant de remonter actuellement à 1.000 points (sans savoir quelle était sa valorisation au démarrage de la crise financière à l'été 2007).
- L'indice chinois Sse, actuellement au dessus de 2.500 points, est supérieur à son niveau d'août 2008 (aucun historique antérieur).
- L'indice indien Bombay Bse est actuellement proche (13.600 points) de son niveau atteint il y a un an, proche de 16.000 points (aucun historique antérieur non plus).
Que faut-il déduire de tous ces graphiques ? Il est clair que l'avenir de la planète bourse demeure encore fort imprécis et incontrôlable. La reprise actuelle des places boursières peut-elle se poursuivre, en liaison avec une sortie envisagée de cette crise financière et économique au cours de l'année prochaine ? C'est envisageable. Mais on connaît déjà la cause de la prochaine crise, qui surviendra dans quelques années ... l'explosion de la dette des états, à moins que des actions fortes et novatrices ne soient prises d'ici là ... où que cette crise n'explose beaucoup plus rapidement, très rapidement ...
Pour certains autres analystes, la planète finance serait par contre à la veille d'une nouvelle forte correction boursière, d'un fort accident conjoncturel et structurel, d'un grave accident déflationniste et récessionniste, à l'image de la crise de 1929 et des années 1930 ... Les prochains mois nous éclaireront vraisemblablement sur l'évolution et la justesse de telles ou telles prévisions ...
http://tropicalbear.over-blog.com/article-31364563.html
(Nota : Les indices présentés ci-dessus correspondent à des indicateurs concernant les principales valorisations d'une place boursière déterminée. Ainsi le Cac 40 représente l'évolution de la valorisation des quarante plus grosses entreprises de la bourse de Paris, en terme de valorisation. Ces quarante entreprises changent au fil du temps ; certaines entreprises entrant dans l'indice, d'autres sortant de l'indice. Il s'agit également d'indices, proche de 3.500 points actuellement pour le Cac 40, et qui, à leur création, il y a fort longtemps, étaient égaux à 100 points. Il faut aussi noter que ces indices ne mesurent pas l'évolution de l'ensemble de la côte d'une place boursière. Enfin, il existe de nombreux autres indices sur chaque place boursière, beaucoup moins importants, beaucoup moins utilisés et beaucoup moins connus, ainsi par exemple pour la Bourse de Paris, parmi de nombreux autres indices : Cac Next 20, Cac Mid 100, Sbf 120, Cac IT 20 ...)
http://www.boursorama.com/indices/indices.phtml
Réflexion soixante-et-une (17 mai 2009)
Que peut-on dire de la crise en ce milieu d'année 2009 ...
Mai 2009. La France demeure en crise, les plans sociaux et les licenciements économiques continuent de mettre au chômage des milliers de salariés français, pour lesquels trouver un nouveau job aussi bien rémunéré que par le passé ne sera pas toujours facile.
Les prévisions de déficit budgétaire, d'évolution de la dette publique et de ralentissement de l'activité économique continuent également de rythmer l'actualité. On continue aussi à parler de temps à autre de pertes astronomiques de certains groupes industriels ou de banques (comme Natixis récemment).
La crise est toujours là, même si pour l'instant, une pause semble être observée sur les marchés boursiers européens et mondiaux ... Mais nul ne sait pour combien de temps cette pause durera. Les Cassandre pronostiquent toujours une nouvelle dégradation des anticipations des intervenants et des places boursières, qui les ferait tomber à des niveaux extrêmement bas, en dessous des 2.600 points de la crise des années 2002.
Récemment, on a appris que le gouvernement avait convoqué les assureurs-crédits pour qu'ils s'expliquent sur leur politique de crédit. Ils seraient accusés de restreindre les lignes de crédit de nombreuses entreprises françaises, et d'amplifier la crise actuelle. En tant que banques et assurances, deux professions honnies, ces intervenants font des coupables parfaits ... Il est tout de même extraordinaire d'imaginer que les assureurs-crédits puissent être considérer comme l'un des responsables de la crise immobilière pour avoir garanti des montants excessifs de crédits immobiliers, mais que l'on puisse également les critiquer pour restreindre les garanties de crédit qu'ils peuvent couvrir sur la base de risques excessifs et de fonds propres insuffisants.
http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/05/11/matignon-demande-des-comptes-aux-assureurs-credit_1191480_1101386.html
http://www.e24.fr/economie/article88797.ece/Les-assureurs-credits-nouveaux-coupables.html
Le problème n'est pas que ces assureurs-crédits restreignent leur couverture de risques, mais bien plutôt que ces entreprises n'aient pas accès à d'autres formes de crédits commerciaux et de garanties ... Il ne faut pas oublier que l'assurance-crédit n'était pas autant développée il y a une décennie et qu'elle n'existait pas il y a deux ou trois décennies. Et pourtant, il y avait des échanges commerciaux à l'époque et du crédit fournisseurs ou inter-entreprises, sans garantie. Le monde économique s'est habitué à une réduction du risque de défaut de remboursement, et le fait que les entreprises ne soient plus prêtes désormais à se faire confiance sans la garantie d'un établissement tiers est certes dommageable, mais il faudrait peut-être arrêter de rendre les banques et les assurances responsables de tous les maux qui frappent nos économies.
Il est enfin gênant de voir le gouvernement se saisir de toute question de ce genre et de convoquer alors à grands renforts médiatiques telle ou telle profession pour faire semblant de s'attaquer à la crise économique ... Cette hyper-activité du gouvernement et du président de la république perd ainsi tout sens de la mesure ...
Réflexion soixante (2 mai 2009)
Piste n°5 : réformer la distribution des revenus dans les entreprises et dans la société ...
Il est une évidence que nul ne conteste actuellement ; le fait que le partage de la valeur ajoutée entre les salariés et le capital ait fortement varié entre les années 1970 et les années 1990-2000, au bénéfice des détenteurs du capital et en défaveur des salariés. Les salariés et leurs représentants sont les grands perdants de la mondialisation économique ; la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises ayant très fortement baissé (de l'ordre de 30%) depuis les années 1970. On ne peut exclure pour la dernière décennie l'influence des politiques de 'return on equity' (ROE) des fonds spéculatifs américains ou européens, qui ont imposé comme une norme intangible l'obligation d'un retour annuel de 15% des fonds investis. Mais il ne faut pas oublier qu'au-delà de la responsabilité des fonds spéculatifs, l'ensemble des épargnants qui attendent un rendement annuel de leurs placements ou de leurs fonds largement supérieur à celui des livrets A, de l'ordre de 10% et plus, sont tout autant responsables de cette situation que les gérants des fonds spéculatifs. En matière de finance, nous sommes tous décideurs et responsables, parfois justement des actes qui vont nous faire perdre notre job pour souci de rentabilité financière.
Et pourtant, certaines études économiques récentes estiment néanmoins que les hauts revenus ont moins fortement progressé en France que dans les pays anglo-saxons, même si cette conclusion concerne les années antérieures à 2000. L'échelle des revenus se serait ainsi encore plus fortement étendue dans les pays anglo-saxons qu'en France, même si l'opinion publique française réagit pourtant aujourd'hui déjà très mal aux informations sur les sur-rémunérations des patrons français.
L'époque est-elle venue de réformer la distribution des revenus dans les entreprises occidentales (ou françaises) et plus largement au sein de la société française dans son ensemble ? C'est une question qui est loin d'être simple. A l'heure où de très nombreuses entreprises se trouvent confrontées à des problèmes de débouchés et de marchés, où leurs carnets de commandes se vident, les salariés et les syndicats sont-ils à leur place en demandant des augmentations de salaires massives pour rééquilibrer la distribution des revenus ? Les syndicats et les salariés se trouvent une nouvelle fois placés devant un vieux dilemne ; leur faut-il favoriser une partie des salariés ayant un emploi, même si cela doit coûter leur emploi à une partie d'entre ces derniers ? Ou leur faut-il privilégier l'emploi en acceptant le discours des patrons appelant à la responsabilité syndicale, discours qui explique peut-être déjà le partage de plus en plus inéquitable de la valeur ajoutée des entreprises en France ?
Apporter une réponse à cette question implique de répondre à une autre question. Se trouve-t-on dans une situation de lutte des classes. Si l'on estime que le patron est un voleur et un exploiteur (comme les syndicalistes guadeloupéens ou comme dans l'idéologie de la CGT), on peut alors sans vergogne leur imposer des revalorisations massives des salaires, même si dans la réalité, des licenciements massifs sont à prévoir et qu'il risque de s'ensuivre une diminution drastique de l'emploi salarié (qui n'a aucune importance pour les guadeloupéens puisque le financement du chômage est assuré par la France métropolitaine, ce qui ne serait pas le cas en cas d'indépendance ou dans le cas de la France). Si l'on estime par contre que la relation sociale est fondée sur une responsabilité mutuelle et sur le dialogue social entre égaux (comme normalement à la CFDT), on ne peut normalement pas répondre d'une telle manière à cette question.
Réformer la distribution des revenus devra ainsi prendre de nombreuses années, ou être imposée par la loi, en limitant les rémunérations des dirigeants et des actionnaires, permettant ainsi la revalorisation des salaires des travailleurs concourant à la formation du bénéfice des entreprises ... Car, en même temps, ce rééquilibrage dans la distribution des revenus en France est indispensable au redémarrage de l'économie, comme l'écrivait Keynes à l'époque de la précédente grande Déflation. Car le redémarrage de la consommation des ménages ne sera possible qu'en améliorant le pouvoir d'achat des classes les moins riches constituant la société, et non des plus riches, car ce sont ces dernières qui présentent la plus forte propension à consommer ...
Saucratès
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