Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Que deviennent les auteurs de violences scolaires

Ceux qui minimisent les faits étaient-ils des harceleurs scolaires ?

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, lundi 27 novembre 2023


Cet article prend la suite de mon article précédent. Mais il s’inscrit aussi dans la lignée de mes anciens articles sur ce même sujet qui m’a de tout temps fortement concerné, importé. 

https://saucrates.blog4ever.com/la-violence-a-lecole

https://saucrates.blog4ever.com/ecole-et-violence-scolaire-5

J’ai écrit sur ce sujet de décembre 2007 jusqu’en janvier 2012, soit pendant près de quatre ans. 2012, c’est le commencement de la campagne électorale de Hollande pour la Présidentielle de 2012 et la fin de l’intérêt pour la lutte contre la violence scolaire et le début d’une fixation de la part du ministère, du gouvernement, de moi-même, pour ou contre la réforme des rythmes scolaires, pour ou contre la réécriture des programmes scolaires. Une façon socialiste en somme de faire disparaître l’intérêt de combattre la violence scolaire et une manière de l’assimiler à une absence d’égalité de moyens pour les classes populaires. Forcer la mise en place d’activités extra-scolaires dans lesquels l’harcèlement scolaire est plus simple à réaliser, supprimer tous les moyens financiers consentis pour les enfants des classes moyennes et supérieures qui veulent que leurs enfants réussissent : suppression des classes bilangues, suppression de l’enseignement des langues mortes anciennes …

 

A la lecture de ce que j’avais écrit en janvier 2012, on découvre ainsi que le plan macroniste de lutte contre les violences scolaires de septembre 2023 prend en fait juste la suite du plan d’action du gouvernement de janvier 2012 visant à agir contre le harcèlement sur internet, et sur les micro-violences entre élèves (encore appelé ‘school bullying’).

 

http://www.lemonde.fr/education/article/2012/01/23/le-harcelement-entre-eleves-sur-internet-inquiete-les-enseignants-et-les-familles_1633291_1473685.html

http://www.tessolidaire.com/PAR_TPL_IDENTIFIANT/61825/TPL_CODE/TPL_ACTURES_FICHE/PAG_TITLE/Une+campagne+pour+réduire+le++harcèlement+entre+élèves/1626-fiche-actualite.htm

 

Voilà ce que j’écrivais il y a pratiquement douze ans sur ce sujet, avant que l’idéologie socialiste ne vienne congeler toute réflexion autonome sur ce sujet. 
  

«Ce que l'on retrouve dans ces articles, et qui réflète parfaitement ma pensée sur le phénomène, c'est qu'«en France, on a longtemps pensé la violence à l'école comme quelque chose d'intrusif - le fait d'éléments, d'élèves extérieurs. On sous-estimait les petites violences quotidiennes, souvent tues, sans doute par honte». Cette sous-estimation se retrouve dans la majeure partie des enquêtes sur le phénomène de la violence, comme par exemple l'enquête Sivis du ministère de l'éducation nationale, qui recense les incidents graves dont l'administration des établissements scolaires a connaissance. Ainsi les écoles maternelles et primaires publiques recensent 3,9 incidents graves pour 10 000 élèves en 2009-2010 ; une sorte de monde idyllique ! Dans le secondaire, il aurait été recensé 105 incidents graves pour 10.000 élèves en 2008-2009, soit déjà un score beaucoup plus élevé.

 

http://www.20minutes.fr/france/400941-France-Quels-sont-les-chiffres-de-la-violence-scolaire.php

 

http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/04/06/l-exclusion-principale-reponse-a-la-violence-scolaire_1329445_3224.html 

 

On rompt ainsi enfin avec la politique de l'autruche, cette idée que ce qui ne se mesure pas n'existe pas ! Comme le rappelait Nicole Catheline, pédopsychiatre hospitalière, «Du côté des adultes, il y a eu et il y a encore une sous-évaluation de la souffrance causée par ces "microviolences (...). On se dit que c'est l'école de la vie, qu'il faut souffrir pour apprendre ... Les enfants, eux, subissent en silence, un peu par peur, un peu par honte».

 

Enfin, je voudrais terminer par l'excellent article de la revue Sciences humaines sur le problème de la violence scolaire et les différentes explications données à ce phénomène. Les auteurs rejettent d'abord les résultats des enquêtes administratives sur les violences (logiciel Signa) en partie parce qu'ils font exister le phénomène en en parlant, et parce qu'elles ne sont que parcellaires, qu'elles ne recensent qu'une partie des faits de violence. Pour eux, seules les enquêtes de victimisation donnent des résultats acceptables (même si pour un enfant, il n'est jamais simple de se reconnaître et de s'afficher comme victime, même vingt ans après les faits !).

 

http://www.scienceshumaines.com/la-violence-scolaire_fr_14590.html

 

Les auteurs font remonter la violence scolaire, le school bullying, à la mise en place du collège unique en 1975, début de la massification de l'enseignement secondaire et année même de la fin des trente gloriseuses et le début des années de crise. A l'irruption des enfants des milieux populaires et l'importation par certains de leur «culture de l'affrontement physique comme affirmation virile de soi et preuve de courage» ... La violence scolaire existait évidemment avant même dans les milieux aisés, ou à l'école primaire ... Cette analyse rejoint mon regard sur les efforts des classes moyennes de se disjoindre de la violence des classes populaires en recherchant à s'en séparer que ce soit dans le domaine résidentiel (d'où le danger de la dispersion de l'habitat social) ou scolaire (en investissant notamment l'enseignement privé et en fuyant l'enseignement public).

 

Par ailleurs, quelques soient les articles repris, les violences scolaires touchent souvent les mêmes cibles : les enfants différents, par leur physique ou bien par leurs résultats scolaires, ou ceux inadaptés aux conflits sociaux ...

 

Intéressant enfin aussi d'observer, comme je l'avais moi-même personnellement observé, que la violence scolaire est moins forte dans les pays moins développés (les auteurs citent le Brésil, le Burkina Faso et Djibouti), pays dans lesquels «des communautés soudées et solidaires ont subsisté» et où «les écoles bénéficient de ce lien de proximité qui produit une régulation forte» (je l'avais pour ma part observé au Sénégal et à l'île de la Réunion). Intervient aussi selon moi un autre rapport à l'école, lieu vécu comme un lieu d'ascension social, et une moindre culture de la haine de l'autre et de la différence, une plus forte acceptation des différences, où le fait d'être blanc ou noir n'est pas si important, à la différence de la France où toute différence est ostracisée et susceptible de moqueries ou pire.

 

Le problème de la violence symbolique de l'institution scolaire y est également évoqué. «Toute violence de l'institution a-t-elle pour autant disparu ? Pas sûr, si l'on en croît les spécialistes. J. Pain rappelle que l'école peut encore être le lieu d'abus symboliques d'autorité, abus dont Pierre Merle a récemment dressé un tableau dans son livre L'Elève humilié. Remarques humiliantes, ironie blessante, jugements dévalorisants font selon cet auteur encore souvent parti de l'arsenal répressif de nombre d'enseignants. Les victimes en sont le plus souvent les élèves en difficulté, c'est-à-dire majoritairement ceux d'origine sociale modeste. Certaines violences physiques peuvent aussi être une réponse à la violence symbolique de l'institution». Le système des notes et des mesures répressives courantes (observations, retenues ...) participe également de cette violence symbolique généralisée des enseignants à l'égard des enfants. L'attribution de notes extrêmement basses à des élèves me semble une forme de violence contre-productive ; face à des cartons qui s'accumulent sur des élèves, aux commentaires désobligeants des enseignants, et aux réactions de la classe (rires), l'enfant se crée le plus souvent une carapace d'indifférence forcée ... La notation ne devrait pas être utilisée de cette manière et elle devrait tenter malgré tout de promouvoir les enfants, de leur rendre confiance, plutôt que de les juger ... Les notations anglosaxonnes (de A à E) non mathématiques sont vraisemblablement moins violentes, ne correspondant pas à la simple somme du détail du barême.

 

Enfin et surtout, l'article de Sciences humaines se conclut sur le fait que «c'est dans les établissements où les équipes éducatives sont à la fois solidaires et bienveillantes que la violence des élèves est la moins fréquente». Ce que les parents d'élève des classes moyennes ont parfaitement compris ont rejoignant majoritairement l'enseignement privé, et qui n'est possible que si les effectifs des personnels dans les établissements scolaires n'est pas une variable d'ajustement des finances publiques.»

 

Pour ma part, aujourd’hui, je serais plus intéressé par l’idée de me demander ce que deviennent tous ces harceleurs une fois l’expérience de l’école, du collège, du lycée, de l’Université, terminée. Que deviennent ces jeunes violents, qui jouissent de la souffrance qu’ils causent aux autres ? Deviennent-ils des rebuts de la société, cantonnés aux taches les plus rebutantes, comme aimeraient le faire croire certains films où le narrateur vous explique que ces brutes-là vivent les dernières belles années de leur vie ? Ou bien, au contraire, ces monstres, ces personnes sans humanité, ces êtres sans cœur et sans empathie, ne représentent-ils les parfaits modèles sur lesquels le management d’entreprise est construit ? 

 

Au fond, les harceleurs scolaires de notre enfance ne sont-ils pas exactement les mêmes que ces manageurs harceleurs qui pourrissent la vie et la santé de tant de salariés ?

 

Le dernier article sur lequel j’avais conclu mon article d’hier sur le harcèlement scolaire me conduisait justement à cette réflexion. Ces commentateurs si favorables aux harceleurs scolaires et à l’absence de dangerosité des petites agressions quotidiennes ne sont-ils pas simplement des personnes qui ont fait la même chose dans leur jeunesse, et qui ne peuvent rien trouver de condamnable dans les actes de harcèlement qu’ils ont eux-mêmes pratiqués enfants ? Je pense à ces jeunes dont la victime harcelée s’est finalement suicidée. Recommenceront-ils à chercher une nouvelle victime pour la pousser également à se suicider ?

 
Heureusement qu’il existe une justice divine au-delà de la justice humaine afin que les personnes mauvaises payent leurs crimes.

 

https://www.francetvinfo.fr/societe/education/harcelement-a-l-ecole/pourquoi-les-affaires-de-harcelement-scolaire-sont-difficiles-a-juger_5897938.html

 

Lorsque je lis ce qu’écrit Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie et directeur du centre ReSIS (Centre de ressources et d'études systémiques contre les intimidations scolaires), qui se réjouit que «le code de la justice pénale des mineurs impose de faire primer l'éducatif sur les sanctions», éliminant ainsi les peines de prison et les amendes, parce qu’il «ne croit pas du tout que des peines de prison, qui ne seront de toute façon pas appliquées, puissent faire peur à qui que ce soit. Les harceleurs sont surtout des jeunes gens perdus, qui feraient n'importe quoi sous la pression du groupe. Il y a peu de vrais pervers», dit-il … Je me dis qu’un ancien harceleur ne parlerait pas différemment.

 

Je suis pour ma part partisan d’un autre regard sur ces comportements. Et je rejoins en fait Nicolas Sarkozy lorsqu’il estimait que dès la plus jeune enfance, on pouvait se prononcer sur le comportement de violence à venir des très jeunes enfants dans les crèches et se donner les moyens de les isoler et de les rééduquer le plus tôt possible. Quelques années passées en enfer pourraient leur permettre de se racheter et de changer ! Contrairement à ce que pense Jean-Pierre Bellon, «les harceleurs ne sont pas le plus souvent des jeunes gens perdus», mais des brutes sans âme et sans empathie, sans humanité, qui ne jouissent de l’école que pour s’y attaquer à de plus faibles qu’eux. Des déchets de l’humanité. De la même manière que les violents, les harceleurs, certains managers, pourrissent la vie des autres dans notre vie de tous les jours. 

 

Lorsque l’on parle de harceleurs, on parle de quelques dizaines de jeunes gamins et gamines sur une population de quelques centaines d’écoliers, de collégiens ou de lycéens. Dans mon expérience personnelle, il ne devait pas y avoir plus de 5% de ces harceleurs dans la masse des gamins et gamines. Comme les hyènes dans la jungle, ils ne visent que les enfants et les jeunes isolés ; ils ne s’attaquent pas aux gamins qui bénéficient de liens d’amitiés forts autour d’eux. Ils cherchent une proie facile, seule, isolée, à part. Un rêveur, une proie blessée, un isolé, que l’on peut facilement attaquer, bouffer, terroriser. De mon temps déjà, cette personne pouvait par exemple être simplement efféminée ce qui faisait d’elle une proie facile. Entre autre chose.

 

Je me retrouve beaucoup plus dans le discours de l’avocate Laure Boutron-Marmion, lorsqu’elle dit :

 

«(…) Il n'y a en réalité pas de difficulté matérielle à rassembler les preuves du harcèlement mais une difficulté intellectuelle des établissements et des enquêteurs, qui minimisent un grand nombre de faits. Beaucoup de petites phrases mesquines vont être vues comme des railleries ou des moqueries et pas comme des insultes ou des brimades, dénonce l'avocate, qui pointe un déni de la part de l'institution judiciaire. Elle regrette notamment qu'il soit si difficile de lier le harcèlement au suicide de la victime. 

 

Pour elle, les peines à l'encontre des harceleurs doivent être à la hauteur, car les adolescents sont tout à fait conscients de ce qu'ils font.»

 
Au fond, la grande question est peut-être de savoir ce que les harceleurs voient dans leurs futures victimes. Et dans ceux contre lesquels ils ne s’attaquent pas. Pourquoi s’attaquent-ils à certains et pas à d’autres ? Les victimes ne sont-elles pas seulement victimes parce qu’elles sont différentes, par leur physique, par leur comportement, parfois par leurs résultats scolaires, ou ceux inadaptés aux conflits sociaux ? Ou désormais du fait de leur exposition sur les réseaux sociaux ? Ou bien la raison en est-elle différente ? Après tout, dans le harcèlement moral au bureau, les victimes ne sont bien souvent pas les plus faibles, mais plutôt des forts autour desquels les harceleurs s’efforcent de faire le vide pour les isoler et pour les détruire. En va-t-il de même pour les victimes de harcèlement scolaire ? 

 

 

Saucratès

 

 

Nota : Ecrits précédents sur la violence scolaire

https://saucrates.blog4ever.com/ecole-et-violence-scolaire-1

https://saucrates.blog4ever.com/ecole-et-violence-scolaire-5

https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-1975160-ecole_et_violence_scolaire__4_.html

https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-1974914-ecole_et_violence_scolaire__3_.html

https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-1974909-ecole_et_violence_scolaire__2_.html

https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-1974902-ecole_et_violence_scolaire__1_.html



27/11/2023
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