Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Aux origines de la Religion et de la Philosophie

Dieu, l’Homme et la philosophie

Par Saucratès 

Paris onzième, jeudi 14 décembre 2023

 

Qu’est-ce que Dieu ? Qui est Dieu ? Pourquoi l’homme a-t-il besoin de croire en Dieu ou en autre chose ? Ou bien en quoi pourrait-il croire s’il ne croit pas en Dieu ? Pourquoi l’Homme pense-t-il ? Et depuis quand ? Et qu’est-ce que la philosophie ?

 

Sont-ce les grandes questions métaphysiques existentielles ? La première question porte, je pense, sur la place respective de la religion et de la philosophie. La religion a-t-elle commencé avec l’invention des Dieux, au début des premières civilisations de l’écrit, ou bien la religion et la croyance en un Dieu, ou des Dieux, bienveillants ou malveillants, préexistaient-elles à ces premières civilisations de l’écrit, aux temps antérieurs au néolithique ? De la même manière, la philosophie a-t-elle démarré avec la Grèce antique, avec Socrate ou avant cela avec les philosophes présocratiques, ou bien existait-elle avant la Grèce antique, au cours des millénaires antérieurs qui se sont déroulés en Égypte, en Sumer, en Chine ou dans la vallée de l’Indus ? 
 

À la première question, sur l’existence préhistorique de la croyance en des Dieux, en des êtres surnaturels, on peut se rappeler toute la controverse sur l’existence ou non d’une croyance et d’une religion adorant une déesse mère, schématisée autour de ces multiples statuettes de déesses mères trouvées dans les grottes préhistoriques. Ces statuettes représentaient-elles, témoignaient-elles d’une adoration d’une sorte de déesse mère ? Ou bien s’agissait-il de toute autre chose, de symbole de la fécondité ou autre symbole ? Les préhistoriens ne sont pas tous d’accord sur l’objet et les symboles de ces statuettes. 
 

Il existe une autre réponse à cette question. Elle se trouve dans l’ancienneté des grandes formes des mythes des origines, qui font tous intervenir des Dieux ou des personnages légendaires et supérieurs aux humains. Et ces mythes sont extrêmement anciens, bien antérieurs aux premières civilisations de l’écrit que j’ai cité. La répartition géographique de ces mythes permet de faire remonter l’origine de ces mythes de la création du monde, de ces discours sur l’origine des sociétés et de l’homme, à plus de 100.000 ans dans le passé pour les plus anciens des mythes primordiaux. Le discours des aborigènes australiens remontent probablement aux premiers temps de leur arrivée en Australie, vers il y a 50.000 ans.

 

Et ces mythes, quelque soit la manière dont ils ont évolué, dont ils ont pu se combiner avec d’autres mythes, d’autres discours, d’autres religions, font intervenir des Dieux ou des personnages ou des animaux légendaires. La croyance en des Dieux, en des entités surnaturelles, dépassent forcément de très loin les premières traces écrites que les premières civilisations de l’écrit nous ont laissé. On sait que  l’écriture de la Bible a été influencé par les mythes babyloniens et sumériens. Vraisemblablement, ces premiers mythes sumériens ont dû également être influencés par des mythes bien plus anciens d’autres peuples dont il ne nous reste aucune trace écrite et aucun souvenir historique. 
 

A l’exception de nos peuples occidentaux urbains modernes, le reste de l’humanité croit encore aujourd’hui en des entités surnaturelles. Je fais partie d’un peuple pétri de religiosité et de surnaturel, qui croit encore à la légende de l’Ankou. Et dans ma prime enfance, certainement bercé par les contes et légendes bretonnes, j’étais persuadé que je tomberais, en soulevant les rochers pour la pêche aux coquillages, sur le roi des crabes ou le roi des poissons. Un crabe à la carapace immense, bien plus grand que le jeune enfant que j’étais. Et même si j’étais d’un caractère rêveur, je ne peux avoir été le seul à croire en l’existence de tels êtres surnaturels. De telles croyances on existait de tout temps comme nous l’enseigne les contes et légendes qui se perpétue jusqu’à nous, depuis des temps immémoriaux.

 

Si ces croyances ont existé de tout temps, vraisemblablement depuis au moins 100.000 ans, il est possible que ces croyances ne reposaient pas sur l’existence d’un Dieu unique et tout puissant, ni sur un Dieu vengeur. L’existence de croyances préhistoriques en des entités surnaturelles n’implique pas évidement que l’on puisse parler de religions préhistoriques. Pas de bible. Juste une histoire de la création du monde que l’on se transmet de générations de conteurs en générations de conteurs …

 

Pour la deuxième question posée quant à l’origine de la philosophie, cette question équivaut à se demander si la manière de se penser des égyptiens et des sumériens de l’Antiquité correspondait à un questionnement sur le but de l’homme, sur la recherche du bonheur. Les hiéroglyphes égyptiens et les pictogrammes sumériens ne nous renseignent pas sur ce problème. On y trouve des codes de lois, des inventaires marchands, des discours de la création, mais pas de traités sur le bonheur ou sur le bon fonctionnement de la cité. Une autre façon de chercher une réponse à ces questions est d’interroger les civilisations archaïques que l’on a découvert au cours des derniers siècles, au moment de leur premier contact avec l’Occident, que ce soit en Afrique, en Australie, en Nouvelle-Guinée ou dans la forêt vierge amazonienne. Les hommes et les femmes de ces sociétés archaïques avaient-ils développé une philosophie, sur le bonheur, sur les formes idéales de fonctionnement des sociétés, sur ce qu’est l’homme et l’humanité ?

 

Question à laquelle, je le crains, il n’y ait pas vraiment de réponses. Les anthropologues qui ont étudié ces peuples nouvellement découverts, qui ont été au contact de ces peuples, s’intéressaient à collecter de nombreuses informations, mais je n’ai pas lu qu’ils avaient cherché véritablement à se demander s’ils disposaient d’un discours philosophique. Mis à part Pierre Clastres qui nous a transmis de sa rencontre avec les indiens Guayakis ce qu’il a appelé ‘Le grand Parler, Mythes et chants sacrés des Indiens Guarani’, ce qu’il a appelé comme une forme de discours mélancolique des indiens Guayakis sur la fin de leur vie d’errance. 
 

Au fond, l’invention et l’usage du terme de philosophie n’est-il qu’un concept ethnocentrique de l’Occident et de ces racines qui plongent dans la Grèce antique platonicienne. N’est-ce pas uniquement parce que nous avons conquis le monde entier que nous pensons que la philosophie est une constante inamovible de la pensée humaine ? L’existence et l’invention de la philosophie ne dépendent-elles pas de la confrontation à de multiples formes de sociétés, d’organisations sociales différentes, comme cela a été le cas dans la Grèce antique, ce creuset géographique microscopique où s’inventa la cité athénienne ou spartiate, la démocratie et la tyrannie ? Des sociétés archaïques en Afrique, en Amazonie ou en Australie, qui ont réussi à maintenir inchangées et immuables des organisations sociales inchangées pendant des millénaires, qui ont réussi à rejeter toute apparition de l’Un, du pouvoir coercitif, ces sociétés pouvaient-elles avoir un discours sur la meilleure forme d’organisation de la société et de l’homme, alors que toute leur énergie passait dans le processus de maintien et de défense de leur forme de société. Le discours servait à rappeler l’origine de la tribu et l’égalité de tous contre tous, et ce discours n’aurait pas pu tolérer une réflexion philosophique sur ce que serait la meilleure forme de gouvernement, sur le rôle de l’homme, sur la recherche du bonheur …

 

La philosophie implique la possibilité d’interroger et de remettre en cause l’organisation de la société telle qu’elle fonctionne. La philosophie n’a probablement pas pu apparaître avant qu’une telle capacité de la société à accepter sa remise en cause ne soit acceptable et possible. Et probablement cette tolérance n’a pas été possible avant cet exceptionnel accident historique et géographique que fut l’apparition des premières cités de la Grèce antique. Tout comme cette tolérance n’a pas survécu, ou très difficilement survécu, aux temps obscurs du moyen-âge occidental tout comme aux siècles obscurs de l’islamisme, même si la splendeur des débuts de l’islam ont permis la redécouverte des sagesses antiques que l’Occident avait totalement oublié lors de ce même moyen-âge. 
 

Il me resterait maintenant à parler de Dieu et de l’homme …

 

 

Saucratès



14/12/2023
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 49 autres membres