Critiques de notre temps

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Du traitement médiatique du mouvement social du 5 décembre 2019

Saint-Denis de La Réunion, samedi 7 décembre 2019

 

A quel jeu jouent les médias qui servent à nous informer ? Bien avant la grève du jeudi 5 décembre 2019, ils ne cessaient de se faire l'écho de l'importance à venir de ce mouvement social, de la convergence en cours des différentes colères, des différentes luttes, qui semblaient pouvoir se rencontrer à cette occasion, contre ce projet gouvernemental de réforme des retraites. Et, même s'il ne faut pas s'en plaindre, leur traitement de l'information le jour venu ne fut pas une occasion de minimiser une nouvelle fois les manifestations et le nombre de manifestants. Bien au contraire. Ils titraient sur «des syndicats légitimés». Puis le lendemain venu, ces mêmes médias titraient sur les réponses possibles du gouvernement. «Le gouvernement sous pression». Ils titraient même déjà sur la fin du mouvement social, comme si le gouvernement avait déjà lâché des concessions majeures.

 

Et c'est là que le danger guette. Ce mouvement social que les médias ont légitimisés, jouant contre le gouvernement, ils peuvent tout autant le rendre invisible médiatiquement, illégitime s'ils décident de considérer que de possibles annonces du gouvernement sont des avancées majeures qui retirent tout objet à la grève. Les médias n'ont-ils pas une autre raison de s'attaquer, de s'opposer à ce gouvernement que la simple bonne volonté de rendre compte, d'offrir une bonne couverture de l'information ? La raison pourrait elle en être l'institution d'un conseil de l'ordre des médias qu'ils combattent, de cette institution d'une commission de déontologie de la presse écrite ? Pour faire reculer le gouvernement sur ce conseil de l'ordre, sur ce conseil externe de déontologue, ne cherchent-ils pas à démontrer au gouvernement leur pouvoir de nuisance, pour faire reculer le gouvernement sur le sujet qui les intéresse réellement, ce conseil de l'ordre ?

 

Une manière de rappeler à ce gouvernement que, de la même manière qu'ils ont pu favoriser son élection et lui donner une légitimité, les médias peuvent tout autant donner de l'importance, offrir une caisse de résonance à ce mouvement social, aider les syndicats à mobiliser leurs troupes en présentant leur combat comme légitime. 

 

Car le traitement de la grève du jeudi 5 décembre, rompt avec le traitement de tous les autres mouvements de grève, toutes les autres manifestations depuis l'élection d'Emmanuel Macron. Voilà un mouvement social qui n'est pas ridiculisé, dont l'importance n'est pas remise en cause, mais qui bien au contraire, est mis en avant bien avant le 5 décembre, de façon à ce que le gouvernement, les décideurs n'oublient pas que ce mouvement arrive et qu'il sera un obstacle majeur sur leur route. Un test majeur. Je ne peux en déduire qu'une chose. Soit les médias ont une capacité invraisemblable à capter l'essence du temps, la réalité des choses, et je ne peux là que m'extasier devant la qualité de leur capacité à appréhender le réel, les événements qui vont arriver ; soit les médias ont démontré une nouvelle fois à cette occasion leur capacité d'influencer leurs auditeurs, leurs lecteurs, leur public en arrivant à les persuader qu'il leur fallait manifester ce jour-là, malgré les risques d'affrontement.

 

Ou bien y a-t-il un peu des deux ? 

 

Car pour avoir été autour de la place de la République ce jour-là, il fallait du courage pour s'enfoncer dans ce qui ressemblait à une souricière, passer devant ces milliers de forces de l'ordre, ces milliers de fourgons alignés les uns derrière les autres dans toutes les avenues ou rues menant à la place de la République, ces gendarmes ou ces militaires armés de fusils mittrailleurs, prêts à en découdre, prêts à refermer la nasse, un peu comme un poisson qui verrait des milliers de pêcheurs converger vers un même point où justement il lui faudrait aller ! Il fallait un certain courage ou une certaine forme d'inconscience pour se jeter ce jeudi 5 décembre dans le piège de la place de la République, à Paris ! 

 

Autre interprétation possible ... Ce traitement médiatique rompt notamment totalement avec le traitement réalisé à l'occasion du mouvement des gilets jaunes. Au minimum, les médias français (même au-delà du Monde) semblent très favorables à ce mouvement de contestation, comme si ce mouvement leur était intelligible, à la différence du mouvement des gilets jaunes !

 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/12/07/reforme-des-retraites-les-syndicats-maintiennent-la-pression_6022028_823448.html

 

 

Saucratès



07/12/2019
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