Critiques de notre temps

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Reste-t-il un espoir pour la gauche

Reste-t-il un espoir pour la gauche

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Reunion, samedi 3 juin 2023


Existe-t-il encore un espoir pour la gauche, pour le Parti socialiste, de redevenir un Parti de gouvernement ? 

Je lisais dans le magazine ‘Valeurs actuelles’ une analyse d‘un ancien premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, analysant les causes de la marginalisation de son parti. 

 

«Je crois que nous en sommes là pour deux raisons. Nous avons d’abord abandonné la question sociale au profit de la question économique. Refusant de faire de la question du précariat de masse notre sujet. Au sein de la contradiction entre le capital et le travail, nous avons choisi le capital, abandonnant ainsi les classes populaires.

 

Deuxième élément : l’impensé du régalien. Nous avons abandonné les principes républicains au profit d’une pensée démocrate. Il y avait une question nationale, pas juste identitaire, et nous n’y avons pas répondu non plus. Empêtrés dans la gestion quotidienne, nous nous sommes décomposés.»

 

Jean-Christophe Cambadélis, dans «Valeurs actuelles» no 4506

 

Et je ne m’y retrouve pas totalement même si je rejoins pourtant la même première idée de primauté des questions sociales sur les questions économiques. Mais ce programme porte en germes toutes les tendances récentes des socialistes, si tentés de restreindre les droits des uns pour égaliser les droits de tous, comme dans la réforme des rythmes scolaires et la réforme des collèges et la suppression des enseignements du latin, du grec ancien ou des classes bilangues en sixième. Nous avons ainsi ici le même risque. Afin de réduire la précarisation des uns, la tentation des socialistes pourra être de faire disparaître les contrats à durée indéterminée pour que tout le monde connaisse la précarisation.

 

J’ai la même inquiétude concernant son idée du régalien. Si on suit son raisonnement, la Gauche se doit de répondre à la question nationale mais pas à la question identitaire. Mais le socialisme lui-même est traversé par cet entrisme des militants identitaires. Ce n’est pas que les socialistes ne veulent pas y répondre ; c’est plutôt qu’ils en sont les principaux acteurs. Quant au fait qu’ils aient pu être empêtrés dans la gestion quotidienne, il vaudrait mieux dire qu’ils se sont fourvoyés à appliquer une politique économique libérale, de droite et qu’ils y ont perdus leur âme et leur électorat.

 

Je ne pense pas ainsi que ce soit la bonne explication pour la marginalisation de ce parti, parti qui en 2012, avait encore regroupé les votes de plus de 50% des électeurs français face au président sortant Nicolas Sarkozy. Qu’est-ce qui a pu se passer ? Comment peut-on passer de près de 30% des suffrages au premier tour en 2012 à tout juste 1% en 2022 ? 

 

Je pense que la France a totalement changé entre les années 1980 qui voit l’émergence et la première victoire à la Présidentielle du Parti socialiste, sous François Mitterrand, et les années 2020 actuelles. Le monde du travail a été totalement métamorphosé avec la disparition de la majeure partie des ouvriers et des employés et le développement des cadres. Il y a aussi l’influence de quarante d’années d’immigration que l’on ne peut écarter, puisque désormais, l’INSEE estime que 30% des français ont des origines immigrées, avec un impact sur les préférences affinitaires puisque l’INSEE estime aussi que ce n’est qu’à partir de la troisième génération que les immigrés ne se marient pas seulement préférentiellement entre eux, qu’on peut observer des mariages mixtes. 

Pourtant, au début des années 1980, le Front National de Jean-Marie Le Pen se focalisait déjà sur la lutte contre l’immigration et défendait le slogan : «le travail aux français» et la préférence nationale. Mais est-ce vraiment un gros mot lorsque l’on sait que c’est un slogan repris dans l’ensemble des DOM français par les antillais ou les réunionnais eux-mêmes sous le thème de la «préférence régionale»? Pour écarter dans ce cas non pas les étrangers et les extra-européens, mais tout simplement les blancs et les métropolitains. Ceux qu’en d’autres temps, le Sénégal avait déjà foutu dehors au nom de la sénégalisation des emplois. 

La France des annees 1980 et des décennies suivantes était encore une France catholique, une France des clochers. Les électeurs du Parti socialiste n’étaient pas les ouvriers, votant majoritairement pour les communistes. C’était un peuple d’employés, de fonctionnaires, des familles hétérosexuelles normales, des pères et des mères avec de jeunes enfants, allant peut-être encore régulièrement à l’église. Des grands bourgeois peut-être pensant avoir une conscience. 
 
Ce sont tous ces gens que le Parti socialiste a trahi en 2012 et au cours des cinq années suivantes, avec la loi du mariage pour tous, avec cet intérêt pour les seuls LGBTQIA+, pour les droits des familles LGBTQIA+, pour les droits des minorités. Le problème malgré tout, c’est que le Parti socialiste s’est jeté sur cette seule clientèle, a légiféré en faveur de cette seule clientèle, qui était cependant aussi courtisée par l’ensemble des autres partis d’extrême-gauche. Et pour faire cela, le Parti socialiste s’est coupé définitivement de sa base historique, les familles hétérosexuelles d’employés et de fonctionnaires qui ne se reconnaissent plus dans un parti inféodé aux intérêts de minorités. Il s’est coupé des travailleurs avec ces projets de lois travail, avec son idée de réforme des instances représentatives du personnel, reprise finalement par Emmanuel Macron dès après son élection de 2017.

 

Voilà ceux que le Parti socialiste a trahi, ce qui explique son score famélique de 2017 et pire encore de 2022. Ce qui reste de son électorat lorsque les minorités préfèrent voter par les autres partis d’extrême-gauche plutôt que pour un ancien parti de gouvernement qui leur a donné des droits mais dans lequel ils ne se sont jamais reconnus. 

Diagnostic désespéré ? Pas vraiment. Son électorat populaire est toujours là mais celui s’est détourné, s’estimant mieux représenté, soit par un parti comme LREM qui défend surtout les patrons, les riches mais qui déclare vouloir défendre les classes moyennes (tout le monde croit appartenir à la classe moyenne, classe qui n’existe pas), soit par un parti comme le Rassemblement national de Marine Le Pen.

 

Le Parti socialiste devra, s’il veut survivre et ne pas finir comme un parti moribond, comme les radicaux de gauche qui faisaient la pluie et le beau temps sous la Quatrième République, comme l’UDF puis le MoDem qui furent éphémèrement si puissants dans les années 1970, il devra se réinventer, réinventer un projet pour la France et les français, se rechercher un électorat, qui ne pourra pas être seulement constituer d’une union des minorités, même si celle-ci deviennent peu à peu majoritaire dans la population française, grâce à la publicité faite aux évolutions sexuelles, aux changements de genre, à l’idée qu’il est problématique de ne pas s’interroger sur son orientation et sa construction sexuelle.

 

La France des clochers, des familles parentales normales avec un père et une mère, des travailleurs voulant un meilleur partage des richesses, cette France-là existe toujours, mais il faut accepter de recommencer à se battre pour elle, recommencer à remettre en cause les principes édictés par une flopée d’ultra-libéraux grimés en agneaux qui se sont infiltrés dans tous les partis politiques, tous les cercles de réflexion, afin de véhiculer leurs idéaux ultra-libéraux, selon lesquels il n’y a pas d’espoir en dehors du contrôle des dépenses publiques, en dehors de l’inéluctabilité de la libéralisation du marché du travail, de la régression des droits sociaux, du recul de l’âge de départ en retraite, entre autres.

 

En quelque sorte, il faut que ce Parti socialiste renaisse, celui de la Gauche plurielle, celui des trente-cinq heures, qu’il cesse d’etre un parti des divisions, des minorités visibles, qu’il défende à nouveau les travailleurs et uniquement eux, qu’il défende par exemple la semaine de quatre jours, idée qui se répand au niveau européen, en l’imposant par la loi, réglementairement, comme il avait mis en œuvre les trente-cinq heures ou le mariage pour tous, qu’il casse les réformes du droit du travail de ces prédécesseurs, que ce soit Sarkozy, El Konnery, ou Macron, comme le Parti socialiste de Miterrand avait cassé et dénaturé en 1988 les réformes de Chirac.

 

C’était une habitude. La gauche mettait en œuvre des réformes pour les travailleurs et les syndicats. La droite mettait en œuvre des réformes pour le patronat. 2012 fut une première : un Parti socialiste qui mettait en œuvre une réforme pour le patronat. De là date mon mepris pour les faux socialistes qui étaient au pouvoir à ce moment-là. Et la fuite d’une grande partie des députés de ce parti pour prendre l’étiquette LREM est juste venu conforter mon mépris (la plus grande partie des socialistes dionysiens y avait succombé, ce qui n’a pas empêché ces mêmes élus de se faire élire avec l’étiquette Nupes ou PS cinq années plus tard lorsque l’étiquette LREM puait).

 

A défaut d’une telle renaissance, une grande partie de cette France-là votera (et vote déjà) pour le Rassemblement national de Marine Le Pen.

 

 

Saucratès



03/06/2023
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