Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Questions sur la protohistoire

Des questions que l’on peut se poser sur les plus anciennes civilisations

Par Saucratès

Saint-Denis de la Réunion, mardi 29 novembre 2023 

  

La notion de ‘Protohistoire’ a plusieurs sens selon les auteurs ou les dictionnaires. Pour certains, il s’agit de l’histoire des peuples sans écriture mais qui sont mentionnés dans les écrits d'historiens ou de chroniqueurs qui leur sont contemporains. Selon une définition plus récente, il s’agit de la période de la Préhistoire où les hommes vivent de la production agricole, quelles que soient leurs techniques d'outillage. Cette nouvelle définition élargit donc la protohistoire au Néolithique et aux âges des métaux.

 

 

Oublions le présent, ses guerres et ses conflits actuels, pour en revenir à un passé particulièrement passionnant, celui de l’origine de la civilisation humaine. Mais écrire sur ce passé préhistorique est presque aussi dangereux que de parler de l’actualité récente. Parce que ce passé est supposé être une matière réservée à une caste de scientifiques, de mandarins et de théologico-politiciens (car le féminisme en archéologie est une position doctrinale relevant de la politique) et que discourir sur ce passé est totalement interdit aux profanes et aux amateurs comme moi.

 

La période qui m’intéresse est pourtant celle qui précède l’apparition des grandes civilisations, sumériennes ou égyptiennes. Ces premières civilisations qui inventèrent supposément l’écriture, les grandes cités antiques, la civilisation telle qu’on l’entend aujourd’hui.

 

Ecrire sur ce passé n’est pas un exercice totalement inintéressant comme certains pourraient le penser. En discutant avec un ami, nous en sommes venus à réfléchir sur les hauts et les bas des civilisations humaines. Il me donnait l’exemple de la civilisation des grands temples khmers au Cambodge, sur sa magnificence entre le dixième et le douzième siècle de notre ère, et son effondrement par la suite. Mais l’histoire est riche de ses grandeurs et de ses décadences. Par exemple l’effondrement de la civilisation occidentale après la chute de l’Empire romain d’Occident à la fin du cinquième siècle de notre ère. Certains défendent l’idée que le moyen-âge européen n’a pas forcément été cette période d’obscurantisme. Certes, mais encore au dix-septième siècle de notre ère, il y a à peine quelques siècles, la Cour du roi à Versailles ne connaissait toujours pas les sanitaires, alors que les cités romaines étaient construites avec des systèmes d’aisance et d’assainissement, connaissaient l’hygiène et étaient toutes construites autour de thermes. Il faudra attendre les années 1900 pour que cela soit redécouvert en Occident.

 

De la même manière, on peut aussi citer l’exemple de la décadence de la Chine impériale. Cette civilisation millénaire si avancée sur le reste du monde pendant des siècles, qui a inventé la poudre à canon, qui connaissait les mathématiques et l’astronomie, mais qui s’est également effondrée jusqu’à sa conquête par les puissances occidentales. «Les Chinois surveillaient attentivement ce phénomène, jugé très important pour l'Empereur. Et gare à ceux qui échouaient dans leurs prédictions. En 2137 avant notre ère, deux astronomes de cour, les frères Hi et Ho, auraient eu la tête tranchée pour avoir échoué à prédire l'éclipse.» Et pourtant, lors de sa rencontre avec l’Occident, la Chine impériale 

 

On connaît tous l’histoire de cet astronome jésuite capable de prédire une éclipse de Lune alors que les astronomes chinois en sont désormais devenus incapables. C’était le 1er septembre 1646 et il s’agissait du père jésuite Johann Adam Schall von Bell (Tang Ruowang, né à Cologne en 1592, mort à Pékin en 1666). «Le 1er septembre 1644, il prédit une éclipse de soleil à la minute près – les astronomes chinois s’étaient trompés d’une demi-heure, et les astronomes musulmans d’une heure. À la fin de l’année, l’empereur Shunzhi nomme Schall à la tête du Bureau d’astronomie.» 

 

https://www.bienpublic.com/actualite/2014/08/10/l-astronome-et-l-empereur
 

Et pourtant, la rencontre aurait eu lieu quelques millénaires auparavant que l’histoire en aurait été inversée, si ce qui est dit de la tragédie des frères Hi et Ho ayant échoué à prédire une éclipse en -2137 est vraie … La première prédiction exacte d’une éclipse est imputée à Thalès de Milet en 585 avant notre ère, selon Hérodote. «Néanmoins, les astronomes doutent que Thalès ait réellement eu les moyens de faire une telle prédiction à son époque. C'est au IIè siècle de notre ère, avec le grec Ptolémée et son grand traité d'astronomie, que la connaissance précise des différents paramètres nécessaires pour prédire correctement une éclipse a été acquise.» 

 

Et on ne parle pas ici de la grandeur et de la décadence des grandes civilisations précolombiennes et andines, et de leur effondrement sous les coups de boutoir des armes des Conquistadors espagnols.

 

De multiples civilisations ont connu des hauts et des bas et certaines ont disparu corps et âmes. Rome a survécu huit ou neuf siècles. Les incas, les Mayas, les Aztèques ont survécu parfois à peine quelques siècles. La civilisation occidentale, née à peu près vers la découverte des Amériques, aux alentours de la fin du quinzième siècle, il y a un peu plus de cinq siècles, disparaîtra elle-aussi un jour. Mais en s’étant mondialisée, c’est l’ensemble de l’humanité qui risque de s’effondrer avec elle. Dans combien de décennies ou de siècles ? 
 

Est-il néanmoins possible que des civilisations précédent les premières civilisations antiques connues, à savoir l’Egypte, la Chine, les Sumériens ou celle de la vallée de l’Indus, aient pu s’effondrer et disparaître avant les premières d’écritures connues sans que l’on puisse en retrouver de traces archéologiques, soit parce qu’il est difficile de retrouver des traces archéologiques remontant à plus de 6.000 ans, soit parce que les endroits où ces civilisations archaïques ont disparu sous la surface des mers ou des océans ? Que retrouverait-on de nos villes et de nos constructions dans plus de 6.000 ans si le niveau de nos océans s’élevait encore de plus de 100 mètres ?

 

• La civilisation chinoise remonterait selon les légendes, au troisième millénaire avant notre ère, soit il y a environ 5.000 ans. Mais la culture du millet et du riz remonterait à -7.000 ans et -6.000 ans avant notre ère. 

 

• La civilisation égyptienne remonterait pour sa part à -3.150 ans avant notre ère avec l’unification politique des royaumes de Haut-Egypte au Sud et de Basse-Egypte au Nord. Mais selon Wikipédia, on estime que les premiers peuples à avoir occupé les rives du Nil remontent à -5.700 ans avant notre ère, avec les cultures Badari et Nagada, à une époque où le Sahara était encore vert (de -8.000 à -4.000 ans avant notre ère, avant sa brutale nouvelle aridification). 
 

• La civilisation sumérienne remonte à -3.500 ans avant notre ère mais, selon Wikipédia, les premières traces de peuplement en Basse-Mésopotamie remontent aux derniers siècles du septième millénaire avant notre ère (il y a 9.000 ans). «La question de savoir s'il y avait un peuplement antérieur échappe à la documentation archéologique (…) la remontée des eaux du Golfe en raison de la fonte des glaces à la fin de la dernière glaciation a recouvert des régions auparavant à sec et potentiellement habitées». 

 

• La civilisation de la Vallée de l’Indus, ou civilisation harappéenne, remonte selon les traditions soit à -2.600 ans avant notre ère, soit à -5.500 ans avant notre ère (implantation des premières tribus dans la vallée de l’Indus), soit à -7.000 ans avant notre ère avec le début de la phase de Néolithisation à partir du Baloutchistan voisin.

 

• Les civilisations Valvidia et Caral sont les plus anciennes civilisations amérindiennes connues, dont l’origine remonte entre -4.000 ans et -3.000 ans avant notre ère. 
 

• Çatal Höyük est une ville turque de l’époque néolithique dont l’occupation humaine remonte à -7.560 ans avant notre ère jusqu’à 4.340 ans avant notre ère. Il s’agit d’une ville en deux tells (Est et Ouest) abandonnée par la suite. On accède à des maisons sans porte ni fenêtre vers l’extérieur, auxquelles on accède par des échelles depuis les toits. 

 

• Enfin, la construction du temple de Gobekli Tepe en Turquie s’étend de -9.600 ans à -8.000 ans avant notre ère, avant d’être ensevelie par ses contemporains. De telle sorte que ce n’est qu’en 1994 qu’il a pu être redécouvert. Cela signifie que ce site a été construit et occupé il y a 11.600 ans BP (before présent) et se trouve être contemporain du début de l’holocène et de la fin du Dryas récent. 
 
https://www.caminteresse.fr/histoire/gobekli-tepe-les-5-mysteres-du-plus-ancien-temple-de-lhumanite-11146344/
 

https://static.blog4ever.com/2010/11/447196/CE308D59-B33D-4B18-B6F8-46F012F5A203.png

 

Vers -7.000 avant notre ère, il y a donc près de 9.000 ans, en plusieurs endroits du globe, partout pratiquement à la même époque, en Chine, en Égypte, en Mésopotamie, en Turquie, dans la vallée de l’Indus, dans les Andes en Amérique, des peuples inventent l’agriculture, la domestication végétale et animale, ce que l’on a appelé le phénomène de ‘Néolithisation’.

 

L’existence de Göbekli-Tepe présente un certain nombre de mystères, que ce soit dans la signification des pierres immenses et des gravures qui les recouvrent, du poids de ces pierres et de la distance à parcourir depuis la carrière où elles sont prélevées et découpées, du nombre élevé de personnes qui ont été nécessaires pour cette construction, et de la manière dont ces personnes pouvaient être nourries, au dixième et au neuvième millénaire avant notre ère, à une époque où l’agriculture n’est pas sensée exister, où l’homme n’est pas sensé savoir planter des céréales et les récolter.

 

Et surtout, Göbekli-Tepe est contemporain de ce que l’on appelle la fin du Dryas récent, cette période de 1.200 ans s’étendant de -12.850 ans à -11.650 ans avant le présent (soit de -10.900 ans à -9.700 ans avant notre ère), qui représente la dernière oscillation froide de la dernière période glaciaire avant l’Holocène. Les hommes auraient eu besoin de construire Göbekli-Tepe dès la sortie de ce dernier épisode glaciaire ? Pour témoigner de quoi ?

 

Un journaliste et archéologue américain, Graham Hancock, traque l’existence de civilisations disparues antérieures aux grandes civilisations que j’ai cité, traque des traces archéologiques qui dévieraient de la chronologie officielle des débuts de l’histoire et des civilisations, et il propose la théorie que ce monument de Göbekli-Tepe, comme les temples mégalithiques de l’île de Malte, auraient été construits comme témoignages d’un cataclysme cosmique ayant causé la survenue du Dryas récent.

 

https://trustmyscience.com/nouvelle-preuves-suggerent-impact-asteroide-a-provoque-changement-climatique-12800-ans/

 
Evidemment, ces théories peuvent paraître loufoques. Les preuves avancées par ces auteurs peuvent n’avoir aucune valeur. Le fait que Netflix propose le documentaire de Graham Hancock , «A l’aube de notre histoire», ne donne pas forcément une légitimité à sa thèse. Mais les découvertes scientifiques évoluent. Avant 1994, personne n’aurait imaginé que l’humanité aurait été capable de construire un site comme Göbekli-Tepe vers -9.600 ans avant notre ère. Que découvrira-t-on au cours des prochaines décennies ? Combien de nouveaux vestiges préhistoriques permettront-ils de revoir la chronologie de notre préhistoire ? Des lieux improbables que Graham Hancock décrit, l’un de ceux qui me surprend le plus est le site de Gunung Panang en Indonésie.

 

https://www.geo.fr/histoire/une-pyramide-decouverte-en-indonesie-pourrait-cacher-un-temple-vieux-de-milliers-dannees-193945 

 

Pour ma part, à la recherche moi aussi des traces de cette période, j’ai découvert que Platon, qui vécut de -428 à -348 ans avant  notre ère, fait remonter la disparition de l’Atlantide à 9.000 années avant l’époque de Solon (de -640 à -560 ans avant notre ère). Bien évidemment, on estime que l’Atlandide que Platon évoque est supposé être une contrée mythique, et qu’elle doit se rapporter à quelques événements et à quelques civilisations n’ayant rien à voir avec notre légende et à notre mythe actuel de l’Atlantide.

 
Et pourtant, cette date de 9.000 années avant l’existence de Platon, et l’époque de Solon, grand législateur athénien, ramène cette légende de l’Atlantide de Platon aux alentours de -11.600 ans BP (before present) environ. Soit une date là encore très proche du début de la construction de Göbekli-Tepe et de cette satanée supposée fin du Dryas récent, de ce début véritable de l’Holocène, de la brusque remontée des températures qui en a découlé et de la tout aussi brusque remontée du niveau des océans qui s’est produite à la même période. 

 

Cette description faite par Platon de l’Atlandide se trouve seulement dans deux dialogues de Platon, dans le dialogue du Timée, et dans le dialogue du Critias, où il y est indiqué cela : 

 

«Quelle preuve en avons-nous et qu’est-ce qui reste du sol d’alors qui justifie notre dire ? Le pays tout entier s’avance loin du continent dans la mer et s’y étend comme un promontoire, et il se trouve que le bassin de la mer qui l’enveloppe est d’une grande profondeur. Aussi, pendant les nombreuses et grandes inondations qui ont eu lieu pendant les neuf mille ans, car c’est là le nombre des ans qui se sont écoulés depuis ce temps-là jusqu’à nos jours, le sol qui s’écoule des hauteurs en ces temps de désastre ne dépose pas, comme dans les autres pays, de sédiment notable et, s’écoulant toujours sur le pourtour du pays, disparaît dans la profondeur des flots.» (page 23)

 

https://beq.ebooksgratuits.com/Philosophie/Platon-Critias.pdf

 

Tout ceci peut-il seulement être le fruit du hasard ? Si tout ceci est une invention, comment Platon peut-il fournir par hasard une date si proche du début de l’Holocène et de la fin du Dryas récent, épisodes qu’il ne pouvait connaître sauf à imaginer l’existence d’archives historiques antérieures à l’invention de l’écriture ? Si d’hasard et d’invention il s’agit, on parlerait alors d’une chance invraisemblable. 

C’est à peu près ce que nous raconte Jacques Collina-Girard, géologue et préhistorien à l’université de Provence. Selon ce qu’il écrit :

 

«L’Atlantide un mot écrit dans un texte très ancien (IV° siècle avant J.C) qui depuis a suscité bien des fantasmes à travers des articles, des romans, des films, etc… Cette Atlantide que les uns situent en Grèce, d’autres au Sahara et d’autres encore au centre de l’Atlantique a pourtant bien existé pour les géologues. Il s’agit d’une île située dans le détroit de Gibraltar, émergée lorsque le niveau marin était à 135 mètres au-dessous de son niveau actuel. Cette Atlantide géologique a été engloutie, 9600 ans avant J.C. La catastrophe a été associée à un séisme et à un tsunami contemporains d’une accélération de la remontée de la mer liée au réchauffement climatique post-glaciaire.» 

 

Environ 12.000 ans avant le présent (BP), un séisme quatre fois plus puissant que le séisme de Lisbonne de 1775 se serait produit à cet endroit, entraînant un abaissement de 30 mètres de cette partie du plateau géologique.

 
https://atlantico.fr/article/decryptage/atlantide-deluge-pourquoi-certains-mythes-sont-bien-plus-vrais-qu-on-ne-le-pense-gilles-lericolais-jacques-collina-girard-jean-loic-le-quellec

 

https://www.hominides.com/html/references/atlantide-retrouvee-collina-girard-0294.php

 

N’y a-t-il pas encore autre chose à découvrir dans les temps qui précèdent la période des berceaux de l’humanité aux alentours des -10.000 ans à -7.000 ans avant notre ère ? 

 

 

Saucratès 



31/12/2023
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