Critiques de notre temps

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Quelques autres réflexions sur le développement de la Réunion

Quel développement possible pour le département de la Réunion 

Réflexion deux - Quelques enseignements tirés d’un échec

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, jeudi 21 mars 2024

 

Dans mon précédent diagnostic, je me permettais de décrire la Réunion comme une économie livrée en pâture, pillée par de grands groupes étrangers, qu’ils soient antillais ou métropolitains. Si on était capable de fabriquer une balance des paiements de l’économie réunionnaise, on découvrirait probablement une balance des transferts de dividendes très fortement déséquilibrée, avec des centaines de millions, voire un milliard d’euros, de dividendes sortant du département, et de très faibles flux rentrants. Le signe d’une économie en développement, pillée par des grands groupes étrangers ne s’intéressant pas à son développement.

 

On pourrait dire qu’il manque aujourd’hui à la Réunion un grand industriel richissime et visionnaire, l’équivalent de ce que le groupe HAYOT représente pour l’économie martiniquaise, même si les martiniquais n’en voient que les aspects sociaux problématiques liés à la toute-puissance des industriels békés.
 
Pourtant, la Réunion a eu un tel groupe industriel visionnaire et dominant par le passé. Il s’agissait du groupe BOURBON de Jacques de Chateauvieux. Il y a très longtemps, dans les années 1980-1990, ce groupe était particulièrement puissant dans le département, s’étendant de la grande distribution alimentaire avec les magasins SCORE, à l’industrie du sucre avec l’une des dernières usines sucrières, en passant par des participations dans de nombreuses entreprises ou industries (Armements des Mascareignes, CILAM …) ou dans l’immobilier (BOURBON disposait de plus de 3.000 hectares de terrain à mettre en valeur).

 

Mais le groupe BOURBON de Jacques de Chateauvieux a fait le choix de se développer à l’international, devenant un grand capitaine d’industrie français, reconnus par ses pairs, en acquérant la compagnie de secours en mer Les Abeilles, puis en se spécialisant dans le transport maritime. Pour cela, BOURBON cédera toutes ses filiales réunionnaises, de la grande distribution cédée à Casino, aux usines sucrières cédées à Beghin Say, qui deviendra par la suite TEREOS. Il devint l’une des rares groupes réunionnais cotés en bourse sur la place parisienne, sur le premier marché, rejoignant les valeurs admises au règlement mensuel. L’actualité récente lui aurait donné raison, avec l’envol des coûts du transport maritime, mais ses banques créancières lui avaient déjà volé le contrôle de Bourbon puis de sa holding JACCARD.

 

Si l’aventure de BOURBON se conclue comme un échec, Jacques de Chateauvieux aura néanmoins été proche de transformer un groupe industriel né dans des plantations de cannes dans le département de la Réunion, en un pure player du transport maritime, l’un des leaders mondiaux de cette activité. Mais trahi par les Banques, trahi par les crises financières s’étant succédées depuis 2007, le groupe BOURBON lui échappera et la fin de cette aventure ruinera également de nombreux petits actionnaires. Quant à l’économie réunionnaise, elle aura perdu dès le début de cette aventure un important investisseur et elle aura vu plusieurs secteurs clefs de son économie partir dans l’escarcelle de groupes étrangers à la Réunion.

 
Gageons que les aventures boursières de BOURBON et ses déboires judiciaires serviront de leçons aux groupes réunionnais qui seraient tentés de se développer au plan national et international. Gageons qu’ils apprendront éventuellement à se méfier des méfaits d’un endettement excessif et de se désinvestir des l’économie du département. Le groupe CAILLE a également été dans une situation financière difficile après les années 2007-2009 mais il lui a survécu. Sur une île comme la nôtre, on ne liquide pas des groupes comme CAILLE ou APAVOU représentant des milliers d’emplois, comme les banques ont pu le faire dans le cas du groupe BOURBON.

 
 
Saucratès

 

 

Post scriptum : Dans les faits, dans les années 1990, le groupe BOURBON de Jacques de Chateauvieux avait aussi un autre puissant concurrent, notamment le groupe QUARTIER FRANÇAIS, ou Sucrerie du Nord-Est, de Xavier Thieblin. Allié au groupe BOURDILLON, le groupe QUARTIER FRANÇAIS semble avoir également préféré rester à l’écart de toutes ces grandes aventures capitalistes voire également se retirer de notre département pour se repositionner sur son cœur de métier. Mais pas plus que BOURBON, le groupe QUARTIER FRANÇAIS n’a pas choisi de devenir le parrain et le protecteur du système industrmiel et capitaliste réunionnais. Mais comment leur en vouloir, dans ce monde de requins de la finance, où pour survivre, il vaut mieux vivre caché.



21/03/2024
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