Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Economie de l'environnement (1)

Réflexion neuf (16 janvier 2007)
L'internalisation des effets externes


Les autres solutions d'indemnisation des externalités repose sur la notion d'internalisation des effets externes pour rétablir une allocation efficace des ressources.

Le terme 'internalisation' représente le processus d'intégration du coût d'indemnisation des externalités (ou des effets externes) négatives dans le prix des biens dont la consommation ou la production créée ses externalités négatives.

Il s'oppose ainsi à la notion d'externalité ou d'externalisation, que l'on peut aussi désigner comme « le mouvement par lequel un système altère les conditions de reproduction de son environnement » (Olivier Godard).

L'internalisation des effets externes peut prendre plusieurs formes, mais on observera que l'état est souvent le mieux à même de déterminer le montant à internaliser, en raison même de la nature des externalités négatives ? Mais cette position fait débat. La théorie néo-classique reste ainsi persuadée que l'économie de marché est mieux à même de déterminer un optimum (optimorum). et qu'il est préférable, lorsque cela est possible, de laisser les différentes parties trouver un accord satisfaisant pour tous. Les partisans d'une réglementation étatique (et je les rejoins) estime que seul l'état (voire la communauté internationale) est suffisamment extérieur au débat (et suffisamment représentatif au sens où il représente la collectivité des citoyens) pour déterminer le coût d'une externalité.

2. La négociation

Si les agents A et B (le pollueur et le pollué) peuvent arriver à un accord librement consenti, il n'est normalement nul besoin d'une intervention extérieure (source Wikipédia). Cette approche correspond aux travaux de Ronal Coase (1960) et de George Stigler (1966).

Selon Ronald Coase, les conditions pour que l'on puisse arriver à un tel accord nécessitent que les droits de propriété sur l'environnement pollué soient parfaitement définis, que les coûts de transaction entre pollueurs et pollués soient inférieurs aux bénéfices de l'entente, et enfin que l'entente soit plus favorable que le laissez-faire pour chacun des deux agents.

Le théorème de Coase prévoit qu'en présence de coûts de transaction nuls et de droits de propriété parfaitement définis, un accord sera toujours possible sans qu'il soit nécessaire de recourir à la justice ou à un réglementeur. Néanmoins, l’hypothèse de coûts de transaction nuls ou faibles est extrêmement peu probable. (source Wikipédia)

Evidemment, cette solution ne prend en compte que les intérêts respectifs des agents économiques concernés, et en aucun cas celui du biotope ou de la nature elle-même. Sera indemnisée la perte de valeur d'un bien ou le manque à gagner subi par l'agent victime de la pollution, et non pas le véritable coût de la pollution pour l'environnement, et son impact pour les générations futures.

3. L'intervention de l'état par le biais d'une taxe

Face à une externalité, l'état peut décider d'intervenir pour influer sur le fonctionnement du marché et l'obliger à prendre en compte d'une manière ou d'une autre, le coût social des externalités que son schéma de production (ou sa consommation produit).

C'est l'économiste Arthur Cecil Pigou qui a formalisé cette notion de taxe, que l'on a appelé 'taxe pigovienne'. « Il s’agit de mesurer le niveau de production du pollueur si celui-ci prenait en compte le coût de l’externalité (Coût marginal privé + Coût de l’externalité = Coût marginal social). La valeur du Coût de l’externalité correspondant à l’optimum social (c’est-à-dire au niveau Q*) fournit la valeur de la taxe pigovienne à appliquer à toute unité produite par A, afin que la production de celui-ci corresponde à l’optimum social. » (source Wikipédia)

Cette solution peut être retenue dans les cas notamment où il y a atteinte à l'environnement. Il est évident que le niveau fixé pour la taxe permet de désinciter plus ou moins fortement une entreprise polluante à produire dans un endroit donné, ou à rechercher des technologies plus propres. Mais les taxes environnementales peuvent simplement conduire des entreprises multinationales à effectuer leurs productions polluantes dans des états moins fiscalisés (notamment les pays en voie de développement), avec les conséquences que cela peut avoir sur l'emploi dans les pays à fiscalité environnementale.

On s'aperçoit donc ici que le traitement d'une externalité environnementale peut avoir d'autres externalités sociales, sans effet sur l'environnement mondial global (puisque la production polluante aura malgré tout lieu). Une telle solution s'apparente simplement pour les pays développés à une exportation d'activités polluantes. Pour avoir un effet valide sur l'environnement, de telles actions se doivent donc d'être appliquées au niveau multinational.

4. L'intervention de l'état par le biais d'une norme

A la place d'une taxe, l'état peut imposer des normes de pollution maximale, obligeant l'entreprise considérée à investir dans des dispositifs anti-pollutions coûteux. Cela suppose toutefois que l'état soit capable de mesurer précisément les émanations polluantes de chaque acteur et d'imposer une norme uniforme pour tous. On peut aussi imaginer que l'état fixe des normes différenciées, différentes selon les agents et les technologies de production utilisées par chacun d'eux.


Mais dans un monde où le réglementeur est incapable de mesurer précisément les émissions de chaque agent ou de connaître les technologies de production et les coûts de dépollution associés, seule la taxe est solution optimale. (source Wikipédia)

C'est la méthode de lutte contre la pollution qui semble être actuellement suivie par le gouvernement chinois. Un article du Monde du 16 janvier 2007 faisait état des menaces de sanctions agitées par celui-ci à l'égard des entreprises d'état pollueuses (source 'http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3228,36-855911@51-856037,0.html').

La Sepa (Agence chinoise de protection de l'environnement), dont le directeur adjoint (Pan Yue) est un ancien journaliste écologiste, mesure l'activité polluante des entreprises en Chine. Les autorités chinoises avaient ainsi fixé des objectifs de réduction annuelle de 4 % de la consommation d'énergie et de 2 % pour les émissions de substances polluante.

Ces objectifs n'auraient pas été atteints et la SEPA aurait annoncé des sanctions à l'encontre de quatre des cinq premiers producteurs d'électricité chinois, dressé une liste noire de quatre villes industrielles qui ont atteint leur quota de pollution et énuméré 82 projets industriels, qui ne respecteraient pas les normes environnementales. "Le recours à un tir groupé est nouveau, d'autant plus que les sociétés d'Etat désignées sont, par exemple, cotées en Bourse à Shanghaï et, pour l'une d'entre elle, Datang International Power Generation, à Hongkong. Ce producteur d'électricité est épinglé pour ne pas avoir fermé, fin 2006, comme l'avait requis la SEPA, des générateurs obsolètes dans ses chaudières à charbon à Tangshan. Le groupe, selon son porte-parole, annonce pourtant qu'il continuera à produire de l'électricité à la demande de la ville."

"Tangshan, un gros foyer industriel de l'axe Pékin-Tianjin, qui fournit 10% de la production totale d'acier chinois, fait justement partie des villes que la SEPA accuse de violer de façon flagrante ses critères d'impact environnemental. Des autorités locales et des industries ont défié les politiques de régulation macro-économique du gouvernement pour poursuivre leurs propres intérêts, en développant de manière aveugle, et en toute illégalité, des secteurs hautement polluants et hautement consommateurs d'énergie, tels que l'acier, la métallurgie, l'électricité et la chimie, dénonce M. Pan."

5. Le marché des droits à polluer

Cette solution est une variante des précédentes formes de réglementation étatique. L'idée est toujours d'imposer des normes maximales de pollution, mais d'autoriser des dépassements par certains pollueurs à charge pour eux d'acheter des droits à polluer non utilisés par certains autres pollueurs.

Selon Wikipédia, la création d'un tel marché fut proposée pour la première fois par John Dales en 1968. Plusieurs marchés de ce type (tonne carbone ou tonne CO²) sont mis en oeuvre dans le monde depuis l'adoption du protocole de Kyoto, par exemple en Europe mais aussi en Corée. Il existe notamment des bourses sur les droits (d'émission de) carbone dans le monde.

Chaque état fixe « la quantité maximale de polluants qu’il souhaite émettre. Puis, il distribue ou vend des droits à polluer de façon équitable aux pollueurs. Les entreprises polluant moins que prévu par l’État (ou ayant dépollué) sont alors gagnantes : elles peuvent revendre leurs droits à polluer inutilisés à d’autres entreprises qui polluent plus que prévu, et perçoivent donc une récompense pour leur civisme. Symétriquement, les entreprises polluant plus sont perdantes, ce qui satisfait au principe pollueur-payeur.

La pollution devient d’autant plus chère que les pollueurs souhaitent polluer (par mécanisme de l’offre et de la demande de droits à polluer), tout en limitant la quantité effectivement émise à un niveau déterminé par l’État, correspondant au montant des droits émis. Cette solution a l’avantage d’être moins coûteuse à l’État qui laisse au marché le soin de déterminer de façon optimale la répartition inter-entreprises de la pollution (à l’exception de la distribution/vente initiale). » (source Wikipédia)

Pour une autre réflexion sur le processus d'internalisation des externalités et un exemple précis, voir le site http://quatreheures.blogspot.com/2006/09/economie-linternalisation.html.



Réflexion huit (15 janvier 2007)
Quelle indemnisation pour les externalités ?


Nous avons défini préalablement ce qu'était une externalité ou un effet externe. En matière d'environnement, l'idéal est de déterminer la manière de prendre en compte les externalités négatives, d'en indemniser les victimes afin de limiter le plus possible leur production. Les principales externalités négatives dont on traitera ici concerneront la pollution et la disparition d'une ressource naturelle.

La solution au problème des externalités consiste le plus souvent à équilibrer le surplus du pollueur (son profit) avec le coût induit pour le pollué par l’externalité. Voilà une liste des actions possibles selon Wikipédia.

1. Le laissez-faire

Cette solution n'est pas forcément aussi idiote qu'elle peut paraître. Il est parfois rationnel d'accepter de faire subir un léger désagrément en échange d’un plus grand bénéfice pour l’ensemble de la société. Ainsi les habitants de régions situées en-dessous de couloirs aériens subissent-ils les désagréments des passages d’avions. Cependant, ces mêmes avions convoient fret et passagers qui concourent à la bonne santé économique de la région et sont d’une grande utilité aux habitants des régions survolées. Dans ce cas, il est préférable de laisser faire.

La solution du laissez-faire revient en fait à comparer les désagréments individuels et le bien commun. C'est une méthode que l'on retrouve dans de nombreuses autres branches des sciences humaines, lorsque l'on considère que les effets positifs pour la collectivité d'une action, d'une chose compense les effets négatifs pour certains.

Le problème en appliquant cette solution à l'économie et à l'environnement, est de chiffrer les effets positifs et les effets négatifs d'une externalité. C'est un problème que l'on retrouvera pour toutes les solutions que l'on envisagera. C'est un problème spécifique à la notion d'externalité. En matière éthique, on considère souvent que les inconvénients individuels doivent s'incliner devant le bien commun. En matière environnementale, c'est moins évident. Premièrement, l'économie aime chiffrer précisément les bénéfices et les coûts des actions économiques. Deuxièmement, on traite de notions sans rapport ... d'un côté, des atteintes à la santé d'humains ou du biotope ... de l'autre des avantages ou des gains économiques ... ce qui est vrai pour les habitants des zones survolées par des couloirs aériens l'est-il des habitants proches de voies routières ou autoroutières ? Quelle valeur économique accorde-t-on à la vie et à la santé des hommes et à la sauvegarde du biotope ? Il n'en existe aucune mesure possible, si ce n'est de les considérer comme infini, c'est-à-dire étant non compensable.

Par exemple, il pouvait apparaître intéressant pour le gouvernement indien de laisser le porte-avion français Clémenceau être dépollué et désassembler dans ses chantiers navaux ; les gains économiques de ce marché compensant à leur avis la mise en danger des travailleurs appelés à intervenir sur le bateau et la destruction de l'environnement qui aurait résulté de la mauvaise élimination des produits pollués. Et pourtant, le gain économique était-il réellement un bien commun, ou ne bénéficiait-il pas essentiellement à une entreprise, à un chantier naval, c'est-à-dire à ses dirigeants, aux possesseurs de son capital ? Heureusement (?), la pression médiatique des écologistes obligea le gouvernement français à rapatrier la dépollution du Clémenceau sur le territoire français (mais heureusement pour qui ?).

Tout le débat sur les externalités est donc de chiffrer et de mesurer les gains induits et les coûts causés par les externalités, puis de prendre une décision de type éthique sur les actions à mener ou les solutions à appliquer. En sachant que les outils de l'économie permettent difficilement de les mesurer et encore moins de les chiffrer, chiffrage qui dépend des valeurs éthiques données à la vie humaine, au biotope ou à la biodiversité.


Réflexion sept (14 janvier 2007)
Les externalités


J'énoncerais certainement un truisme pour beaucoup en disant que la question environnementale en économie repose sur l'existence de conséquences négatives dues aux activités économiques de l'humanité. Evidence, direz-vous. Comme l'énonce Wikipédia, « la croissance économique, en tant que conséquence de l'activité humaine, a manifestement un impact négatif sur notre environnement. »

Et pourtant, il s'agit de la base de l'économie de l'environnement. En économie, ces conséquences sont appelées 'effets externes' ou 'externalités'. Par ailleurs, celles-ci ne sont pas forcément toujours négatives. Il existe des externalités positives.

« L'externalité ou effet externe désigne une situation économique dans laquelle l'acte de consommation ou de production d'un agent (A) influe positivement ou négativement sur l'utilité d'un autre agent (B), sans que cette influence ne se traduise par une variation du niveau des prix. » (source Wikipédia). En effet, l'existence et la valeur de l'externalité étant ignorées par l'agent émetteur (A), l’effet d’utilité ou de désutilité imposé aux tiers ne fait pas l’objet d’un paiement compensatoire.

D'après Wikipédia, on peut dénombrer quatre catégories d'externalités :

1. Les économies externes de production désignent l’amélioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisée, suite à une production de l’agent A (l'exemple le plus célèbre est celui de l'apiculteur et du producteur de pommes développé par James Meade. L'apiculteur profite de la proximité du pomiculteur et obtient un miel de meilleure qualité qu'il pourra vendre à meilleur prix et cela gratuitement. Le pomiculteur ne sera pas payé pour le service indirect qu'il a rendu à l'apiculteur. Il s'agit dans ce cadre d'une externalité positive) ;

2. Les économies externes de consommation désignent l’amélioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisée, suite à une consommation de l’agent A ;

3. Les déséconomies externes de production désignent la détérioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisée, suite à une production de l’agent A ; en d'autres terme, c'est le cas lorsque l’activité de l’agent A crée une nuisance supportée par l'agent B en dehors de tout accord de ce dernier ;

4. Les déséconomies externes de consommation désignent la détérioration du bien-être ressenti par l’agent B, non indemnisée, suite à une consommation de l’agent A.

Les externalités sont une défaillance du marché au sens où le marché ne sait pas en tenir compte pour définir les prix et pour indemniser ou taxer leurs émetteurs. Dans le domaine des externalités positives, on classe notamment la formation et l'enseignement (en raison des avantages que retirent les entreprises d'une région dues à la proximité d'écoles ou universités qui forment leur main d'oeuvre) et les réseaux de transport ferrés, routiers ou fluviaux (avantages qu'en retirent les entreprises pour acheminer et distribuer leur production, qui expliquent l'implantation des villes et zones industrielles en bordure de ces axes). Dans le domaine des externalités (ou déséconomies) négatives, on classe notamment la pollution. Et il est bien évident que ce sont ces déséconomies qui posent le plus de problèmes, notamment en matière d'environnement.

La difficulté de cette analyse est de déterminer la manière dont on peut indemniser les victimes d'externalités négatives ? On verra qu'il existe plusieurs types de solutions, passant soit par l'Etat , soit par le marché (la fusion, la négociation, la réglementation, la taxe, la norme, la norme différenciée, le marché des droits à polluer, l'internalisation des effets externes ...).

Mais cette approche a également des limites, car elle ramène tout d'une certaine manière à l'être humain. En appréhendant la pollution d'une usine à une externalité négative, ce sont les humains victimes de cette pollution, soit directement, soit indirectement (en tant que victime du réchauffement de la planète, de la fuite ou de la mort des animaux dont dépend son activité ou son loisir) que l'on envisage d'indemniser. Ce concept d'externalités ne prend plus en compte les droits des autres espèces, la destruction des biotopes, ou le droit des générations futures. Cette approche consiste ainsi à rapprocher le coût des dommages externes pour des agents économiques victimes de la pollution, des dépenses nécessaires à la réduction de la pollution. Accélérer la réduction de la pollution ou la supprimer entièrement pourrait alors être considéré comme source d’inefficacité, de gaspillage de ressources susceptibles d’être mieux employées. L’internalisation des effets externes atténuera peut-être la pression exercée sur notre environnement - ce qui représente un progrès - mais elle participe malgré tout au processus par lequel un système économique dégrade et épuise son environnement jusqu’à son épuisement.


Réflexion six (13 janvier 2007)
Complément sur les ordres de justification
(tiré des travaux de Olivier Godard)


Nous avons parlé précédemment des différents ordres de justification déterminés par Boltanski et Thévenot. De quelle manière peuvent-ils appréhender des concepts tels la durabilité du développement ou l'environnement ? Ces paragraphres tirés des recherches d'Olivier Godard permettent de s'en faire une idée.

« Les sociétés occidentales démocratiques sont pluralistes, avons-nous reconnu plus haut. Elles disposent de plusieurs référents de base pour qualifier une situation, surmonter des conflits, juger d’une hiérarchie de valeur ou déterminer l’action qui convient ... Selon les situations et les problèmes en jeu, tel ou tel ordre de justification apparaîtra comme plus pertinent que les autres, c'est-à-dire approprié à la situation et aux valeurs qu’elle engage aux yeux des agents qui ont à s’accorder avec autrui ...

Ainsi, du point de vue de l’ordre industriel, la 'grande' nature est celle qui est valorisée productivement (les grandes cultures céréalières, les grands barrages, etc.) ; la 'petite' nature est celle qui est improductive, imprévisible, capricieuse, tel le fleuve au débit erratique qui ne cesse de déplacer son lit et qui ne permet pas la navigation. Dans cette perspective, la biodiversité importe, selon la métaphore du garde-manger, comme source potentielle d’innovations futures dans le domaine de la pharmacie, du génie génétique ou des nouveaux matériaux. Ce regard débouche sur une problématique de la meilleure stratégie de conservation in situ ou ex situ des ressources potentielles appréhendées de façon individuelle. Si cet ordre se soucie de la diversité des écosystèmes, ce n’est que dans la mesure où elle conditionnerait la préservation de ressources génétiques potentiellement de grande valeur ou tout autre valorisation productive compétitive.

L’ordre civique est centré sur la souveraineté des citoyens formant communauté et sur la valeur d’équité entre les générations présentes et les générations futures. Chaque communauté revendique des droits sur son environnement et les ressources qu’il abrite mais, dans le même temps, affirme le droit des générations successives à bénéficier de cet environnement. Il en résulte une obligation pour chaque génération de veiller à transmettre cet environnement commun aux générations suivantes afin de respecter équitablement les droits de chacun ; cette exigence est strictement indépendante de l’usage que chaque génération fait ou ne fait pas de ce droit de jouissance de l’environnement, dès lors que le fonds n’est pas entamé.

Pour l’ordre domestique, qui est le principe symbolique de représentation de la société humaine sur le mode de la famille, enracinée dans un territoire et inscrite dans un lignage, il est essentiel à la définition même du groupe patrimonial de revendiquer la possession du territoire au nom d’une histoire d’interaction entre hommes et milieux, mais aussi de veiller au lien intergénérationnel à l’intérieur de ce groupe et donc de faire que le patrimoine reçu soit retransmis. L’enjeu n’est pas ici l’égalité de principe de tout homme membre de la société, mais celle de la survie physique et culturelle d’un groupe patrimonial déterminé. L’impératif de transmission ne porte que sur les éléments patrimoniaux, c’est-à-dire ceux à qui est attribuée une dimension identitaire et ceux qui représentent des ressources essentielles pour la survie.

Pour l’ordre de l’opinion, la biodiversité est intéressante par ses êtres les plus fameux : les baleines, les phoques, les girafes, les lions vont alors tenir un rang que n’auront pas les moustiques de différentes espèces que l’on peut trouver au fin fond de la forêt tropicale. Il y a ainsi des hauts lieux de l’imaginaire partagé et un panthéon des espèces qui suscitent l’émotion et prennent valeur emblématique, des bébés phoques au panda. Ces êtres reçoivent alors une valorisation sans commune mesure avec la nature ordinaire, d’une façon qui ne correspond en rien aux hiérarchies que l’écologue pourrait établir.

Pour l’ordre marchand, la biodiversité ne vaut qu’à la mesure des activités marchandes qui peuvent se greffer sur elle, le plus souvent sur le mode de l’exploitation de ressources naturelles. Comme cela a été indiqué plus haut, ce n’est alors pas la biodiversité en tant que telle qui importe et qui se trouve directement valorisée. Elle apparaît le plus souvent comme un facteur de modulation de la productivité de certains investissements, comme le montre l’incidence indirecte qu’elle peut avoir sur la valorisation des activités touristiques. Il peut même exister des entreprises privées de valorisation d’une biodiversité enclose pour des écotouristes.

Tout autre est l’ordre appelé inspiré. Ce dernier instaure un rapport au monde physique et social 'ici et maintenant' qui est appréhendé en référence à un au-delà et un ailleurs, source transcendante du sens. Il n’est cependant accessible qu’au travers de l’expérience sensible autorisée par une incarnation, mais en dépassement de cette dernière. Cet au-delà peut être religieux ; il peut également renvoyer à des formes atténuées ou sécularisées du religieux, comme lorsque la nature se trouve sacralisée ou chargée d’une dimension mystique. Les êtres qui la peuplent sont ici appréciés selon une valeur d’unicité et de non-commensurabilité. Une ascèse à la fois physique et morale est exigée des hommes pour faire d’eux des initiés jugés dignes d’avoir accès à la beauté et à la grandeur de la nature. La biodiversité est ici appréhendée comme spectacle d’une richesse donnée à profusion et initiation au mystère de l’être. Elle appelle non l’usage, mais la contemplation. »
(source : travaux d'Olivier Godard)

 

 
Réflexion cinq (12 janvier 2007)
De la justification de l'approche de la durabilité
(tiré des travaux de Olivier Godard)


Le concept de durabilité est de plus en plus considéré comme le prolongement et la continuation d'une réflexion éthique sur le rapport entre l'économique et l'environnement. Le développement durable serait ainsi l'aboutissement de cette économie de l'environnement. Mais il semble aussi intéressant pour certains penseurs de réfléchir sur la légitimité de cette approche et des mesures qu'elle préconise d'appliquer.

En effet, d'après Olivier Godard, s’agissant d’actions collectives, de règles destinées à encadrer les conduites individuelles, ou de conflits sur les places respectives des sujets dans une société, la recherche d’un accord est soumise à une exigence de justification. Il est intéressant de s'intéresser à la notion développée par Boltanski, Thévenot et Chiapello qu'ils dénomment 'ordres de justification'. Il apparait ainsi que la complexité des sociétés occidentales modernes tient d'abord à la pluralité des ordres de justification qui y coexistent. La théorie de la justification vise à rendre compte des procédures et des moyens qu'utilisent les personnes pour arbitrer leurs différends ou s'engager sur des actions collectives.

Boltanski et Thévenot avaient ainsi déterminé six ordres de justification correspondant au modèle de la 'cité' : les ordres 'domestique', 'marchand', 'industriel', 'civique', 'inspiré' et de 'l’opinion'. Dans un ouvrage plus récent, un septième ordre de la cité leur a été adjoint, qui caractérise l’évolution du capitalisme moderne : la cité par 'projets'.

Pour ces auteurs, un ordre légitime doit respecter un certain nombre d'axiomes :
- principe de commune humanité (distinction entre les hommes et les autres êtres, et identité de statut ontologique de tous les hommes) ;
- principe de dissemblance (il existe différents états sociaux) ;
- principe de commune dignité (identique puissance d’accès aux états sociaux) ;
- principe d’ordre sur les états sociaux (certains états sont plus recherchés ou plus valorisés que d’autres ; il existe donc une échelle de valeurs) ;
- formule d’investissement ou de sacrifice (pour être légitime, l’accès aux états supérieurs doit résulter d’un effort des postulants ou de l’acceptation d’un coût pertinent au regard de cet ordre) ;
- principe d'un bien commun profitant à tous (les 'puissants' ne sont pas seulement ceux qui ont plus d’avantages que d’autres ; pour l'être de manière légitime, ils doivent engendrer un bien commun dont bénéficient les sociétaires ; ils sont les garants du principe supérieur commun qui institue l’ordre en question).

C’est en ce sens du concept de légitimité que l’on peut dire que l’idée de durabilité du développement est présentée et utilisée aujourd’hui par de nombreux groupes, organisations et institutions comme une nouvelle norme de justification des actions se déployant dans les champs, fort vastes, du développement technologique et économique, de l’expansion démographique, de l’aménagement du territoire, de l’utilisation et de l’exploitation des ressources naturelles et de la protection de l’environnement biophysique. Ce concept de durabilité permet aussi de passer au crible les choix de développement qui nous sont proposés.

Mais on peut aussi estimer que la constitution de l’idée de durabilité en norme de légitimité dépend d’un ensemble d’opérations qui n’ont été réalisées que de façon partielle, sous la forme d’une fiction juridique autour de l’idée d'une dette due par les états développés au bénéfice des pays en développement :
- la définition scientifique d’une fonction de réponse du climat et de la biosphère à divers niveaux d’émissions de gaz à effet de serre ;
- l’évaluation socio-économique des conséquences des changements induits et l’appréciation des seuils de durabilité, ou plutôt de non-durabilité ;
- l’appropriation par une instance mondiale des droits à disposer de l’atmosphère relevant jusqu’alors de l’accès libre ;
- la répartition entre les États, selon une règle jugée juste, des droits compatibles avec la norme de durabilité retenue ;
- la définition de mécanismes de transition, d’incitation et de pénalisation pour assurer le respect des nouveaux droits.

Mais cette approche de la légitimité de la durabilité du développement permet malgré tout de développer un certain nombre d'aspects éthiques :

• le principe de durabilité vise à permettre de prendre connaissance des réalités locales à la lumière de la signification prise au niveau de la biosphère dans son ensemble : tel prélèvement de poissons est interprété à la lumière de la survie de l’espèce ; telle technique d’irrigation des sols est évaluée à l’aune des tendances globales des surfaces cultivables, de la productivité et de l’essor démographique ; tel changement d’affectation de l’espace, comme un déboisement, est appréhendé sous l’angle de sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre ou du bilan de la biodiversité ... Cette capacité à donner sens aux phénomènes locaux en les reliant à une généralité est formellement un attribut essentiel d’un principe de légitimité.

• la prise en compte d’une humanité appréhendée dans sa dimension transgénérationnelle, avec ses implications en termes de responsabilité envers l’avenir et de patrimoine commun à transmettre, apporte un fondement propre à l’obligation faite aux ‘riches’ des générations présentes de transférer les moyens nécessaires vers leurs contemporains les plus démunis de manière à les mettre en position de pouvoir assumer leurs obligations de durabilité envers les générations futures. En d’autres termes, dans l’ordre de la durabilité, le principe d’équité intergénérationnelle fonde un principe d’équité intragénérationnelle (comme dirait Real).


Réflexion quatre (12 janvier 2007)
Les problèmes qui se posent à l'économie de l'environnement


D'après ce qui précède, on remarquera deux des principaux problèmes qui se posent à l'économie de l'environnement : d'une part, gérer les risques de surexploitation des ressources naturelles de type 'biens privatifs' ou 'biens communs' (biens collectifs de type 1) ; d'autre part, fabriquer suffisamment de biens de type 'biens collectifs purs' ou 'biens publics mondiaux' et trouver des financements suffisants et équitables pour cela.

Concernant la surexploitation des ressources naturelles et des biens communs, il existe plusieurs types de solutions pour la gérer. « Beaucoup de solutions de conservation des ressources communes impliquent la mise en place de mesures de restrictions d'accès par une agence extérieure ou une autorité sélectionnée par les utilisateurs de la ressource. Une solution différente est de convertir la ressource commune en propriété privée pour donner au propriétaire un intérêt de ménager la ressource. Historiquement, cette dernière solution a été appliquée du 12ème au 19ème siècle en Angleterre aux terres communes. C'est la solution qui est préconisée par les libéraux en suivant le principe Lockéen de l'appropriation initiale par le travail : le premier qui transforme une ressource non-appropriée par son travail devient le propriétaire légitime de cette ressource.

Les indiens Salish géraient leurs ressources naturelles à l'aide d'un système localisé où chaque famille avait la responsabilité d'un lieu et des ressources qui s'y trouvaient. L'accès à la nourriture était la principale source de richesse, et la capacité à être généreux avait une valeur morale élevée, ce qui donnait un intérêt à la conservation des ressources.

Une autre solution économique au problème est celle du Théorème de Coase où les individus qui font usage des biens communs se paient les uns les autres de manière à ne pas surexploiter la ressource.

Enfin, Hardin proposait que les utilisateurs de la ressource commune, choisissent une solution mutuellement coercitive approuvée unanimement (dans le cas de la surpopulation ce serait de renoncer collectivement au droit de procréer). » (source Wikipédia)

Mais l'économie de l'environnement ne peut pas non plus ignorer les réflexions éthiques menées sur la possibilité de reconnaître certains droits aux êtres non-humains, notamment sous la forme d'obligations morales des humains à leur égard de conserver inchangé leur environnement. En effet, peut-on nier que toutes les espèces disposent d'un même droit à pouvoir éprouver leur potentiel de vie naturelle conformément à leur constitution biologique. Dans ce cadre éthique, il ne serait plus possible d’assimiler notre environnement animal et végétal à de simples biens (de production, de consommation ou d'inputs) à notre disposition. Mais en même temps, il est difficile de défendre légitimement ces idées dans notre organisation politique, à savoir la défense des espèces animales et des biotopes et l’indignation qui saisit certaines personnes devant leur destruction bien qu’ils ne soient pas humains ?

C'est d'une certaine façon la principale difficulté d'une telle réflexion éthique, ainsi que de l'économie de l'environnement, même si cette dernière appréhende différemment la question : accorder des droits aux générations futures non encore nées et à des êtres non humains (animaux ou biotope) et les faire intégrer et respecter par les agents économiques dans leurs actions actuelles.


Réflexion trois (11 janvier 2007)
Une typologie des biens


Qu'appelle-t-on un 'bien' ? Nous avons déjà vu que cette définition pouvait varier en fonction des époques, notamment avec la notion d'esclavage, ou avec celle de l'air, de l'eau ou de la biodiversité.

Paul Samuelson, en 1954, a proposé une typologie des biens selon deux types de critères, fonction de la rivalité ou non-rivalité de leur usage, et de leur exclusivité ou non-exclusivité. On peut ainsi opposer les 'biens privatifs' aux 'biens collectifs' ('publics goods' en anglais qu'il serait impropre de traduire par 'biens publics' au sens où ce mot en français à une connotation étatique qu'il n'a pas en anglais).

- A un extrême, on trouve les 'biens privatifs' (usage rival et exclusif), qui correspondent à la majeure partie des marchandises et autres biens que nous connaissons (notamment une bonne partie des ressources naturelles prélevées dans la nature). Ce sont des biens dont l'usage par une personne interdit le plus souvent la consommation par une autre personne (rivalité) et qui doivent être acquis pour être consommés ou utilisés, ce qui signifie que toute personne qui ne peut l'acquérir est exclu de son usage (exclusivité).

- A l'autre extrême, on trouve les 'biens collectifs', qui selon Paul Samuelson, devaient respecter le critère de non-rivalité (signifiant que la consommation de ce bien par un usager n'entraîne aucune réduction de la consommation des autres usagers) et de non-exclusion (l'impossibilité d'exclure quiconque de la consommation de ce bien, qui entraîne par voie de conséquence l'impossibilité de faire payer l'usage de ce bien). Un exemple est l'éclairage public. L'usage d'un réverbère par un individu ne se fait pas au détriment de l'usage des autres consommateurs (non-rivalité) et il n'est pas possible de soumettre à paiement le bénéfice de l'éclairage public (non-exclusion).

« Ces deux caractéristiques des 'biens publics' ont une importante conséquence pratique : le libre fonctionnement des marchés ne permet généralement pas de les produire en quantité satisfaisante. A l'évidence, la production de ces biens publics présente un intérêt collectif, mais aucun agent privé n'a intérêt à s'engager dans la production de ces biens, dans la mesure où l'impossibilité d'en faire payer l'usage interdit de rentabiliser l'investissement consenti. Chaque agent privé a intérêt à adopter un comportement de « passager clandestin » (ou de free rider dans la terminologie de Mancur Olson), c'est-à-dire à attendre que d'autres prennent l'initiative de la production du bien, pour pouvoir ensuite en bénéficier, sans supporter aucun coût. Dans ces conditions, il existe une forte probabilité que le bien ne soit pas produit, ou le soit en quantité inadéquate.

Cette lacune pourrait être surmontée si tous les acteurs privés se coordonnaient et produisaient le bien public en mutualisant les coûts. Mais cette coordination des agents privés n'est pas facile à obtenir, en raison des coûts de négociation, et des difficultés qu'il peut y avoir à contrôler, et sanctionner si nécessaire, l'application des règles communes. C'est pourquoi la solution optimale réside, à l'intérieur des frontières nationales, en la production de ces biens par la puissance publique. Comme il est impossible de faire payer l'utilisation du bien, sa production est financée par l'impôt. »

On appelle 'biens collectifs impurs' les biens qui ne répondent qu'à un seul de ces deux critères à la fois.

- Les 'biens collectifs' dont l'usage est non-exclusif mais rival sont appelés 'biens collectifs de type 1' ou 'biens rivaux en accès libre'. Ces biens, qui correspondent à certaines ressources naturelles telle les ressources halieutiques, posent cependant le problème de la 'tragédie des biens communs' (ou 'tragedy of the commons' d'après l'article de Garrett Hardin de 1968) qui entraîna le mouvement des enclosures en Angleterre à l'époque de Smith et de Ricardo. « L'accès libre à une ressource limitée pour laquelle la demande est forte amène inévitablement à la sur-exploitation de cette ressource et finalement à sa disparition. Chaque individu ayant un intérêt personnel à utiliser la ressource commune de façon à maximiser son usage individuel, tout en distribuant entre chaque utilisateur les coûts d'exploitation, est la cause du problème. » (source Wikipédia). La Tragédie des biens communs ne peut s'appliquer, dans un marché libre, qu'aux ressources ne pouvant être appropriées par personne : l'atmosphère, la biodiversité et l'océan par exemple.

- Les 'biens collectifs' non-rivaux mais dont l'accès est exclusif sont appelés 'biens collectifs de type 2' ou 'biens de clubs'. Il s'agit de biens dont on peut interdire l'accès, c'est-à-dire dont on peut réserver l'usage ou l'accès à ceux qui le paient. Comme exemple, on trouve notamment un certain nombre d'infrastructures telles le canal de Suez ou le canal de Panama, les autoroutes à péage, les stations d'épuration ou bien les chaînes de télévision cryptée.

L'expression 'biens collectifs' est le plus souvent employée pour désigner tant les 'biens collectifs purs' que les 'biens collectifs impurs' tels les 'biens de clubs' ou les 'biens communs'.

Toutefois, aujourd'hui, des modes soft de confiscation se généralisent à travers l'appropriation privée des ressources collectives. Les délégations de service public, les partenariats entre secteurs public et privé sont des exemples d'instruments juridiques utilisés aussi bien pour construire des hôpitaux publics que pour gérer la propriété industrielle nécessaire à la production des médicaments à des prix abordables.

Une autre définition importante concerne les 'biens publics mondiaux'. « Ce sont des biens ou des services indispensables au bien-être des individus comme à l’équilibre des sociétés du Nord et du Sud de la planète. Pas plus qu’il ne le fait seul au plan national, le marché ne peut fournir seul ces biens publics mondiaux : leur préservation et leur production nécessitent une coopération internationale. C’est le cas de biens tels que la gestion durable des ressources naturelles, la prévention et le contrôle des maladies transmissibles, la paix et la sécurité, le commerce international, la stabilité financière internationale et la connaissance et la recherche. » (source : Site du Ministère français des Affaires Etrangères)


Réflexion deux (10 janvier 2007)
Une définition de l'économie de l'environnement


L'économie néo-classique s'est construite sur l'optimisation du bien-être de consommateurs virtuels, disposant d'échelles de valeur qui leur font préférer tel bien à tel autre en fonction de l'utilité qu'ils en ont respectivement.

« L'économie de l'environnement est la recherche d'une efficacité nouvelle qui intègre les interactions entre agents mais aussi entre les agents et l'environnement (au sens large). Cette nouvelle vision n'est pas exclusive de l'ancienne vision économique : il s'agit au contraire de bâtir autour de l'économie traditionnelle un édifice qui tiennent compte de la variable environnementale.

Cette évolution n'est pas neutre : elle suppose de redéfinir une notion centrale de l'économie : le bien-être des individus. Dans l'économie néo-classique, le bien-être tient compte de la consommation de biens marchands. En économie de l'environnement, il faut y ajouter la valeur que les individus confèrent à leur environnement dans un cadre de loisir, et finalement sa valeur symbolique souvent impossible à monétiser. »
(source Wikipédia)


A la base de l'économie néo-classique, on observe une partition du monde physique en deux sous-ensembles ; d'un côté les hommes, consommateurs ou producteurs, équipés de fonction d'utilité ; de l'autre, les 'biens' de production ou de consommation. C'est cette notion de biens qui est primordiale dans l'économie néo-classique, ainsi que plus généralement dans notre monde réel. Les biens, les objets, sont là pour être utilisés, pour satisfaire les hommes, pour être appropriés par ceux-ci et pour pouvoir faire l'objet d'échanges. Notre droit de propriété, que l'on retrouve pratiquement dans tous les systèmes juridiques humains, qui se combine entre l'usus, le fructus et l'abusus, c'est-à-dire le droit d'user d'un bien, le droit de profiter de ses fruits, et le droit de le céder ou de le détruire, en est l'archétype.

Dans cette approche économique de notre planète, notre environnement est finalement constitué d'un ensemble de biens disponibles pour les 'hommes', aptes à être utilisés, consommés, détruits, ou bien prêts à leur rendre des services. Evidemment, selon les époques, les hommes, consommateurs ou producteurs, intègrent différents éléments dans les 'biens' qu'ils estiment pouvoir utiliser et user. A certaines époques, d'autres hommes réduits à l'esclavage ont été considérés comme des biens comme les autres. Aujourd'hui encore, à travers la prostitution ou la publicité, le corps des femmes est considéré comme un bien, comme une chose, même si l'abusus n'est pas autorisé (par différence avec l'esclavage). De même, le travail des salariés est aussi considéré dans la théorie économique néo-classique, comme un facteur de production, c'est-à-dire plus ou moins comme un bien, dont seul une nouvelle fois l'abusus uniquement est exclu. L'air ou l'eau également, selon les époques, sont considérés ou ne sont pas considérés comme des biens.

L'économie de l'environnement est donc une tentative d'intégrer l'ensemble de ces biens, de cet environnement de l'homme, dans la théorie économique, en vue de déterminer un nouvel optimal d'équilibre économique, 'durable' (et l'on retrouve ainsi la théorie du 'développement durable').


Réflexion une (9 janvier 2007)
Economie de l'environnement et développement durable


« L'économie de l'environnement est la branche de l'économie qui traite d'un point de vue théorique des relations entre les sociétés humaines et l'environnement, notamment dans le cadre des politiques économiques environnementales. » (source Wikipédia)

Il ne faut pas confondre l'économie de l'environnement avec la notion de 'développement durable' (ou 'sustainable development'), même si ces deux branches de l'économie sont assez proches et traitent de sujets comparables.

Ainsi, « l'économie du développement est une branche de l'économie qui s'intéresse aux déterminants de la pauvreté et du sous-développement ainsi qu'aux politiques à mettre en œuvre pour sortir les pays en développement de leur sous-développement. » (source Wikipédia)

Quant au 'développement durable', c'est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de besoins, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » (source Rapport Brundtland de 1987)

Cette réflexion menée sur le modèle de développement économique appliqué par nos sociétés trouve son origine, d'après Wikipédia, dans les années 1970 « lorsque les pays développés ont pris conscience que leur prospérité était basée sur l'utilisation intensive des ressources naturelles, et que par conséquent, outre l'économique et le social, un troisième aspect avait été négligé : celui de l'environnement. »

Ainsi, « le modèle de développement industriel ne serait pas viable sur le plan environnemental, ce modèle ne permettant pas de durer et de se développer. Les points cruciaux sont le changement climatique, l'épuisement des ressources naturelles (matières premières, énergies fossiles pour les humains), la destruction des écosystèmes et la diminution de la biodiversité.

Le développement industriel génère de la pollution qui provoque aussi la destruction d'écosystèmes. Cette destruction provient aussi du changement climatique ou de l'exploitation des ressources naturelles. Elle provoque une perte inestimable en terme de biodiversité par l'extinction d'espèces végétales ou animales. Enfin, ce développement provoque la raréfaction des énergies fossiles et des matières premières, donc finalement l'épuisement des ressources naturelles. »


Toujours selon Wikipédia, le souhait de croissance des pays sous-développés va amplifier ce problème de déséquilibre. « Si tous les États de la planète adoptaient l'American Way Of Life, qui consomme près du quart des ressources de la Terre pour 7% de la population, il faudrait cinq ou six planètes. Et si tous les habitants de la planète vivaient avec le même train de vie que la moyenne française, ce ne sont pas moins de trois Terre qui seraient nécessaires. »

Il apparaît évidant que l'économie de l'environnement a de nombreux sujets communs de préoccupation avec cette approche de développement durable. L'économie de l'environnement propose en quelque sorte les outils qui peuvent permettre au modèle de développement industriel (qui est notre modèle économique actuel) de prendre en compte l'environnement et ses modifications induites par l'impact de nos activités.

Est-il possible de dire que la principale différence entre ces deux notions ou branches de l'économie concerne la priorité donnée à l'un ou l'autre des sujets d'étude, l'économie pour le développement durable et l'environnement pour l'économie de l'environnement ? Non. Cela dépend des écoles de pensée auquelles on se réfère. Pour la majeure partie des économistes (relevant de la théorie néo-classique) s'intéressant à l'environnement, l'idée est simplement d'intégrer théoriquement l'environnement et les conséquences économiques de ses modifications dans leurs modèles.

A l'inverse, peut-on rattacher les théoriciens de la 'décroissance soutenable' à l'économie de l'environnement ? Pour ceux-ci, « une société qui consomme toujours plus de ressources ne peut pas être respectueuse de l'environnement et sera rapidement confronté au manque de certaines ressources vitales. Pour être durable et soutenable sur une planète finie, le développement humain devra au contraire pouvoir se passer d'une croissance matérielle perpétuelle, au profit de réponses justes aux besoins matériels et socio-psychiques (incluant la santé et la sécurité affective, individuelle et collective), et au profit d'une croissance partagée de la qualité et du plaisir de vie, du savoir et des cultures. » (source Wikipédia). Même si la préservation de l'environnement est privilégiée à la croissance économique par les tenants de cette théorie, il n'en demeure pas moins qu'ils mettent malgré tout l'accent sur les aspects économiques.


Réflexion zéro

« Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. » (proverbe africain cité par Tim Flannery dans son livre 'Les faiseurs de pluie' aux Editions Héloïse d'Ormesson)


Saucratès



28/11/2010
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