Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

De la crise financière (11)

Réflexion soixante-et-onze (23 novembre 2009)
Une prochaine crise à venir ...


Le Nouvel Observateur, le Figaro et le Journal des Finances titraient ce week-end sur l'analyse réalisée par la Société Générale pour le compte de sa clientèle pour les conseiller dans le cas d'une éventuelle prochaine crise financière que la banque anticipait.
http://www.jdf.com/societes/2009/11/20/02035-20091120ARTJDF00024-la-societe-generale-se-prepare-a-un-effondrement-economique-mondial.php
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/finance_et_marches/20091121.OBS8458/la_societe_generale_craint_un_nouvel_effondrement_de_le.html

Il serait évidemment extrêmement ambitieux et déplacé de ma part de discuter des éventuels possibilités de survenue de crise financière au cours des prochains mois et années. Je n'ai pas les compétences et les outils des services de prévision des grands établissements bancaires tels par exemple la Société Générale.

Mais en même temps, le net bruisse d'informations, d'analyse sur l'évolution de l'économie mondiale et sur les risques financiers encourus par les économies occidentales, entre autres. Et toute analyse de ma part ne sera ainsi qu'une reprise de certaines informations assez largement disponibles, et comme toute sélection, elle sera aussi forcément partisane ...

Quelle évolution de l'économie et de la finance mondiale peut ainsi être envisagée au cours des prochains mois et prochaines années. Il y a plusieurs écoles en concurrence. Pour une première école, l'économie occidentale et mondiale est de nouveau condamnée à voir exploser des bulles spéculatives les unes après les autres, comme au dix-neuvième siècle. Dans cette hypothèse, certains ont déjà anticipé la prochaine bulle spéculative, qui pourrait correspondre aux dérivés carbone ... Cette vision, certes globalement négative, repose néanmoins sur l'hypothèse d'un rétablissement des économies occidentales et mondiales, puisque pour qu'une bulle spéculative explose et fasse mal, il faut que cette bulle gonfle et qu'elle entraîne quelques années durant ces mêmes économies. Dans cette vision, nous enregistrerions par conséquent un nouveau cycle d'expansion économique sur quelques années, jusqu'au prochain accident conjoncturel financier, malgré l'ensemble des déséquilibres existant au niveau mondial en matière de dettes et de créances.

Par contre, pour une deuxième école, les déséquilibres mondiaux en matière de poids des dettes publiques et privées entraîneraient à très court terme une nouvelle contraction de l'économie mondiale et un retour de la crise. Les partisans de cette vision parlent d'une crise majeure du crédit, qu'ils n'imaginent pas voir se régler en les deux petites années de crise que nous avons connues. Cette école, dont fait manifestement partie l'équipe de la Société Générale à l'origine du dossier en cause, craint une nouvelle explosion du marché de la dette, au niveau de sa composante publique, après l'explosion d'une partie du compartiment de la dette privée risquée, les crédits subprimes américains ... L'explosion de cette crise reposerait simplement une nouvelle fois sur la psychologie des marchés ; dès lors qu'une majorité des intervenants sur les marchés perdraient confiance dans les titres obligataires d'état, ces derniers perdraient toute valeur et les états ne pourraient plus se refinancer ni faire face à leurs obligations.

Pourtant, il serait faux de tenter d'analyser cette crise comme une simple crise obligataire, comme par exemple la crise survenue en octobre 1987. Il ne s'agirait pas en effet d'une interrogation comparative sur les politiques publiques et économiques de certains groupes d'état, et d'arbitrages réalisés par les marchés entre différents titres obligataires. Il s'agirait dans cette hypothèse, d'une remise en cause de la capacité de certains états occidentaux, dont la dette publique est énorme en comparaison des précédentes crises sur les dettes publiques (crise russe, crise mexicaine ...), à honorer le remboursement de leurs dettes.

La tentation de recourir à l'expédient de l'inflation pour annuler une partie de cette dette est certes tentante pour les opinions publiques qui ne veulent pas entendre parler de hausse des impôts pour assurer le remboursement de ces dettes et le paiement des intérêts de la dette, de même que pour nombre de gouvernements qui savent parfaitement que les hausses d'impôts nécessaires serot impopulaires. Mais dans le cadre d'économies mondialisées et d'un problème d'endettement qui concerne de la même manière l'ensemble des pays occidentaux, c'est-à-dire le groupe que l'on appelle les pays riches, la possibilité de recourir à l'inflation monétaire, que l'on ne contrôle pas par un claquement de doigt, qui ne se décide pas à la demande, mais qui constitue un comportement d'un groupe reposant avant tout sur des anticipations rationnelles des agents économiques, par essence particulièrement fragiles ... La confiance dans une monnaie ou dans des monnaies, de même que l'absence de confiance en une monnaie, ne s'édicte pas du jour au lendemain ... mais se construit sur la durée et continue d'avoir des effets des décennies plus tard. 

 

Réflexion soixante-dix (12 novembre 2009)
Reprise durable des économies occidentales et des bourses ? Quelques réflexions sur l'état des lieux des fragilités de l'économie mondiale ...


Au regard de la bonne santé actuelle des principales places boursières occidentales, on pourrait penser que l'économie mondiale est sortie de la zone dangereuse de la crise financière démarrée à l'été 2007, il y a un peu plus de deux ans. Le spectre d'une nouvelle grave dépression économique et financière semble aujourd'hui s'écarter et les marchés spéculent déjà sur le retour des années passées de folie financière et de rémunérations hallucinantes. Pourtant, quelques Cassandre continuent de pronostiquer la poursuite d'une grave dépression économique et le retour d'une nouvelle spirale baissière des indices boursiers (cf. le blog de Loïc Abadie par exemple). Que faut-il donc penser de cette forte reprise des cotations boursières démarrée il y a un peu plus de six mois désormais ?

Premièrement, la volatilité sur les marchés boursiers demeure élevée, comme le faisait remarquer Loïc Abadie, ou comme le fort décrochage des bourses en début de semaine dernière le démontre également. Les marchés boursiers occidentaux ont ainsi aligné quatre à cinq séances consécutives de fortes baisses. Cette forte volatilité implique selon une forte incertitude sur l'évolution future des bourses, une forte irrationalité des marchés financiers et des intervenants, de telle sorte que chaque indicateur peut se voir accorder une importance démesurée et faire basculer dans un sens ou un autre les marchés vers l'euphorie ou vers le pessimisme.

Deuxièmement, il faut garder à l'esprit que les énormes déséquilibres financiers qui ont fait naître la crise financière à l'été 2007 demeurent toujours aussi présents et se sont même accrus depuis deux ans et demi. Le monde reste concerné par des déséquilibres commerciaux phénoménaux, notamment entre la Chine, dont les excédents commerciaux demeurent considérables, et les Etats-Unis, qui continuent d'importer massivement des biens en provenance de l'étranger, et qui sont financés par les placements financiers des excédents chinois. Ces déséquilibres, massifs avant la crise, sont toujours aussi importants. Et les réserves de change de la Chine ont simplement doublé depuis 2007, atteignant désormais plus de 2.000 milliards de dollars.

Le problème lié au déséquilibre des dettes publiques des principaux états occidentaux s'est par ailleurs très fortement agravé depuis 2007. Ce problème ne concerne plus seulement les Etats-Unis, mais touche désormais la majeure partie des états européens et notamment de la zone Euro, en raison de déficits publics importants mis en oeuvre pour lutter contre la crise financière puis économique, puis pour financer les mesures sociales de lutte contre les effets de la crise. Les dettes de nombreux états européens vont probablement dépasser 100% de la valeur de leur PIB avant 2010, et nul ne sait jusqu'à quand les marchés financiers pourront financer sans crainte de telles dettes publiques, normalement sans risque.

Les dettes privées des ménages (et des entreprises) demeurent également encore élevées malgré le recul des flux d'endettement octroyés par les systèmes bancaires depuis le début de la crise, à l'été 2007. Il faut se rappeler évidemment que c'est ce seul compartiment de la finance qui a entraîné l'économie mondiale dans la crise il y a un peu plus de deux ans, même si ce sont les innovations financières et les mathématiques financières qui ont déclenché la crise financière elle-même.

Quels autres déséquilibres demeurent-ils au sein de l'économie mondiale ? Des divergences de rythmes de croissance entre les pays occidentaux, les pays nouvellement industrialisés (les BRIC, les tigres et les dragons asiatiques) et enfin les pays en développement, qui demeurent à l'écart du commerce international ... Des divergences entre les niveaux de richesse de certains pays occidentaux et la réalité de leur développement économique, qui les met peu à peu à l'écart du commerce mondial et rend fantomatique le niveau de consommation de leurs habitants. Il suffit pour s'en convaincre de voir la situation économique actuelle de l'Islande, frappée par la crise financière et la faillite de son système bancaire !

Ces divergences préexistaient à la crise et expliquaient notamment les déficits commerciaux géants cumulés des Etats-Unis à l'égard de la Chine et autres pays nouvellement industrialisés. Ces divergences se sont en fait encore accrus avec la crise, avec une récession économique qui a frappé plus violamment les Etats-Unis et l'Europe que leurs principaux concurrents.

Il y a enfin les contraintes portant sur les principales matières premières, entraînant l'envol de leurs cours, mais insuffisantes pour inciter à des comportements plus vertueux en matière de consommation et de recyclage ...

... Au final, que peut-on penser de la situation économique et financière mondiale ? Je partage relativement l'opinion de Loïc Abadie sur l'inéluctabilité d'une nouvelle crise économique et financière qui pourrait théoriquement surgir, exploser, à tout moment, au cours des cinq ou dix prochaines années ... Dans deux mois, dans un an, ou dans trois ans ... La question serait alors de savoir, devant l'éclatement d'une bulle liée à l'endettement des états et des ménages, quels établissements financiers occidentaux seraient capables de survivre à une telle crise ?  



Réflexion soixante-neuf (5 octobre 2009)
La situation de la bourse début octobre 2009 ...

Au cours du mois de septembre 2009, les bourses mondiales ont continué de progresser, avec un CAC 40 qui a atteint 3.800 points fin septembre 2009. Il s'agissait du niveau prévu par un blogueur de mes connaissances  (Loïc Abadie) avant qu'une nouvelle série de vagues baissières ne touche une nouvelle fois les bourses mondiales. Au cours des deux premières séances boursières du mois d'octobre 2009, il semble que ce scénario est prévalu avec deux séances baissières consécutives. Toutefois, les raisons d'euphorie des marchés financiers n'ont pas disparu en ce début de mois d'octobre. Les économies occidentales continuent de se relever même si le chômage continue de progresser, de même que les fermetures d'entreprises. Mais après deux années de crise et de dégradation des anticipations des agents économiques (ménages ou entreprises), ceux-ci commencent à vouloir recommencer à investir ou à consommer, même si les témoignages visant à culpabiliser les consommateurs et les entrepreneurs sur l'irrationnalité d'une consommation à outrance comme les décennies précédentes commencent peut-être à être entendus.

Le graphique suivant de l'évolution du CAC 40 de la bourse de Paris fait apparaître, comme à la fin du mois de juin de cette même année, un croisement avec la moyenne mobile à 50 jours, qui peut conduire à plusieurs évolutions possibles. Une petite période de recul de l'indice CAC 40 de quelques semaines pourrait ainsi être observée, comme à la fin du mois de juin, avant une éventuelle reprise des bourses pour le rallye de fin d'année.


Réflexion soixante-huit (25 août 2009)
Quelques évolutions graphiques des bourses à fin août 2009 ...

La progression des diverses bourses mondiales depuis le point le plus bas en mars 2009 s'établit vers la fin du mois d'août 2009 aux alentours de +50% de manière assez générale. Certaines bourses dans les pays émergents (et en Espagne) ont réalisé des performances un peu plus élevées. Il doit être noté le retournement observé de l'indice phare de la bourse de Shanghai au cours des toutes dernières semaines, qui a déjà diminué de près de 15% ... expliquant notamment les quelques tensions de la semaine précédente (ci-dessous quelques graphiques des principales places boursières de la planète sur les six derniers mois, depuis le point bas de février-mars 2009). 

La comparaison entre les évolutions de ces places financières extrêmement diverses et éloignées les unes des autres laisse voir la parfaite simultanéité des mouvements qui affectent toutes les places boursières au même moment, et dans des amplitudes comparables. C'est particulièrement frappant. Cela conduit notamment à s'interroger sur la déconnexion de ces mouvements avec la situation financière réelle des entreprises qui y sont cotées. Car ces divers indices correspondent aux principales valorisations boursières de chaque place boursière. Il est peu probable que les résultats des entreprises toutes différentes composant les indices de Paris, Francfort, New York, Tokyo, Bombay ou Hong Kong aient partout enregistré des évolutions comparables.

Nous sommes véritablement dans une époque où les valorisations boursières ne traduisent plus des estimations de résultats futurs mais une appréciation subjective et mondialisée de la conjoncture économique d'ensemble, de l'ordre de l'irrationnel. C'était déjà vrai au dix-neuvième siècle. La simultanéité s'est simplement accentuée en ce vingt-et-unième siècle.

On observe ainsi graphiquement parfaitement le rallye boursier de l'été 2009, qui a démarré de manière simultanée sur toutes les places boursières au début du mois de juillet 2009, ainsi que la petite accélération des derniers jours, qui semble déjà cependant en voie de se calmer sur la plupart des places boursières. Que peut-on en déduire pour les prochaines semaines ? Mystère et boule de gomme !

- Le CAC 40, Bourse de Paris (France) : +46% environ
- Le Dow Jones, Bourse de New York (USA) : +46% environ
- Le Nasdaq, valeurs technologiques (USA) : +53% environ

- Le Dax, Bourse de Francfort (Allemagne) : +57% environ
- Le FTSE 100, Bourse de Londres (Royaume-Uni) : +40% environ

- Le Ibex 35, Bourse de Madrid (Espagne) : +76% environ
- Le Nikkey 225, Bourse de Tokyo (Japon) : +50% environ
- Le TSEC, Bourse de Taïwan : +55% environ
- Le BSE, Bourse de Bombay (Inde) : +100%
- Le Hang Seng, Bourse de Hong Kong : +87% environ
- Le SSE, Bourse de Shanghai (Chine) : +75% environ à son maximum


Réflexion soixante-sept (24 août 2009)
Quelle situation à fin août 2009 ...

Cela fait un peu plus de deux ans que cette crise a démarré. C'était en effet au début du mois d'août 2007 que la crise financière telle que nous la connaissons avait explosé aux yeux du monde. Qu'en est-il deux ans et quelques semaines plus tard ? Les bourses ont entamé depuis maintenant cinq mois, depuis mars 2009, un net rebond en matière de cours, après avoir perdu en deux années une grosse partie (entre la moitié et les deux-tiers) de leur capitalisation. Déjà, en mai 2009, je m'interrogeais sur la solidité de la reprise des places boursières. Trois mois plus tard, les mêmes interrogations demeurent, avec néanmoins des voix de plus en plus nombreuses à pronostiquer un sursaut un peu trop précoce en regard de la situation des économies occidentales.

La semaine dernière, ce sont les hoquets de la bourse de Shanghai qui ont fragilisé l'ensemble des places boursières de la planète, alors que celle-ci a enregistré une progression de son indice phare de 90% depuis le début de l'année 2009, contre 6% à peine pour celui de la bourse de New York. Un ordre capitaliste nouveau est-il déjà en marche, où ce seront les éternuements des places chinoises qui enrhumeront la planète finance, prélude d'un monde nouveau ? Un peu comme au dix-neuvième siècle que je suis en train d'étudier (voir note précédente) ...

Parmi les visions les plus pessimistes de la situation économique et financière actuelle, consulter le blog de Loïc Abadie qui continue de défendre son idée d'une explosion cataclysmique du système financier et monétaire actuel, dans la ligne de la terrible crise de 1929, ou celle plus ancienne de 1873 ... crises qui entraînèrent toutes deux le monde entier dans plusieurs décennies de dépression économique, et l'avènement d'un monde nouveau ...

Difficile de choisir entre ces deux visions, entre la vision optimiste d'une sortie de crise précoce, en prélude à un redémarrage des économies occidentales courant d'année 2010 ... et une vision pessimiste d'une nouvelle agravation de la crise qui démarrerait dans les prochaines semaines, après ces quelques mois d'accalmie. Le blogueur Loïc Abadie a pour l'instant correctement anticipé la survenue de la crise actuelle, mais s'il l'avait anticipé avec quelques trimestres d'avance. Mais il pronostique également depuis mars 2009 le démarrage d'une nouvelle vague baissière touchant les principaux indices boursiers, qui ne s'est toujours pas déclenchée ...

A l'inverse, la perspective d'une sortie de crise précoce jette de nouveau le système financier occidental dans les mêmes turpitudes que par le passé, comme le retour des primes mirrobolantes des traders fous des banques françaises ou américaines le laisse trans-apercevoir. Avec une crise financière et économique aussi légère, malgré les millions de chômeurs supplémentaires, les millions de propriétaires précipités dans la misère et ayant perdu leur logement, il est évident qu'aucune réforme d'envergure du capitalisme financier ne pourra leur être imposé, et qu'ils en retireront l'impression d'un blanc-seing donné par le Dieu (ou l'état) providence.

Seule une aggravation de la crise économique et financière pourra jetter à bas l'architecture du système capitaliste mondial, tel que nous le connaissons actuellement. Mais une telle aggravation impliquera également nécessairement une accentuation des misères de tous ceux dont le travail et l'emploi sont menacés, et fragilisera également les systèmes sociaux des pays occidentaux comme la France qui ne seront peut-être pas capables de soutenir suffisamment longuement l'effort financier indispensable pour les préserver de la crise.

En sens inverse, de manière positive, il faut se rappeler que dans aucune des deux crises majeures précitées du système capitaliste antérieur (1873 et 1929), il n'existait de tels stabilisateurs sociaux capables de limiter l'effet déflationniste de ces crises. Et jamais les états n'avaient été capables, ni même n'avaient pensé, à injecter des sommes aussi colossales pour stabiliser le système financier occidental et pour en limiter l'impact déflationniste. On entre ainsi peut-être déjà en sortie de crise ... après tout ... 


Réflexion soixante-six (10 août 2009)
Les banques et l'histoire ...

Quelques mots sur un petit livre extrêmement intéressant à lire que je conseille vivement à ceux que la crise financière actuelle interpelle ou a interpellé ... «Lombard Street» (des crises financières et du moyen d'y remédier) de Walter Bagehot dans la Petite bibliothèque Payot ... Ce livre n'a pas est pas récent, c'est le moins que l'on puisse dire. Il traite des crises bancaires qui frappaient régulièrement l'Angleterre au XIXème siècle (1847, 1857, 1866). Il a été publié en 1873, soit il y a plus de 130 ans. Mais aussi anciennes que ces crises bancaires puissent être, ce livre rappelle l'invraisemblable ressemblance entre ces crises bancaires répétitives et la crise financière des années 2007-2009, malgré l'immense évolution de l'activité bancaire et des marchés financiers entre ces deux époques. Nous avons changé d'époque financière, mais les banques sont restées les mêmes, toujours aussi fragiles, toujours reposant sur la simple confiance des épargnants, à la merci d'une panique. Un livre très intéressant à lire par tous ceux qui veulent se rendre compte que les 130 dernières années écoulées n'ont pas vraiment changé grand chose en la matière ...

Pas grand chose ... Malgré ce changement d'époque dont nous parlions juste avant ... Malgré la fin de l'étalon-or et du rattachement des monnaies à l'or ou l'argent ... Un carcan limitant les politiques monétaires et l'émission monétaire ... Mais également un mécanisme de protection des monnaies et des économies, qui interdisait par exemple la survenue de crises d'hyperinflation comme en Allemagne après les guerres mondiales ou plus récemment dans certains pays en développement. Face à une monnaie arrimée à des métaux précieux, dans un rapport stable et intangible comme cela a été le cas en Europe, en France ou en Angleterre, tout au long du Moyen-Age et jusqu'au vingtième siècle, une perte de valeur exponentielle de la monnaie était impossible puisque sa valeur reposait sur celle de l'or.

Changement d'époque. Alors que la somme des placements financiers au niveau mondial est estimée aujourd'hui aux alentours de 100.000 milliards de dollars (valeur avant la crise ... elle a pu baisser de l'ordre de 10 à 20%) ... en 1873, les dépôts accumulés dans les banques londoniennes, parisiennes, new-yorkaises et allemandes s'élevaient à 160 millions de livres sterling, d'après Bagehot. Même si les chiffres ne sont pas strictement comparables, ils le sont néanmoins suffisamment, puisque, à l'époque, les dépôts dans les banques constituaient l'une des seules formes de placements financiers envisageables. Et ces places financières représentaient la presque totalité des placements existants. Soit une multiplication des sommes placées dans le monde par un multiple d'environ 1.000.000 en 130 ans.

Et malgré tout cela, ce petit livre nous explique comment fonctionnaient les banques centrales et les banques de dépôts il y a un peu plus de 130 ans, face aux mêmes nécessités de relèvement ou d'abaissement des taux d'escompte (ou taux directeurs), face aux mêmes nécessités d'attirer les placements de la clientèle, face aux mêmes nécessités de financement des entreprises, du commerce et de l'industrie, face aux mêmes risques de panique des déposants, des épargnants et du public. Ce petit livre nous rappelle la loi de Gresham, qui veut que la mauvaise monnaie chasse la bonne (ce qui peut paraître contraire à l'idée première qui vaudrait que les usagers devraient préférer la meilleure monnaie plutôt que la moins bonne ... ce qui est effectivement le cas ... la bonne monnaie est tellement préférée à la mauvaise que les usagers la thésaurise tandis qu'ils se débarrassent le plus vite possible de la moins bonne, de telle sorte que très vite, il n'y a plus que de la mauvaise monnaie qui passe de main en main, tandis que la bonne monnaie a disparu, thésaurisée par les usagers) ... Cette loi avait été édictée dans des cas de bi-métallisme, face à des monnaies d'or et d'argent. Mais elle s'applique tout aussi bien aux premières monnaies de papier, même gagées sur l'or, comme à l'origine.

Ce petit livre remarque, entre autres choses, qu'à l'époque de Walter Bagehot, les crises se succèdent à peu près tous les dix ans (1825, 1837-1839, 1847, 1857, 1866 ...). Le plus remarquable, c'est que notre monde reste frappé même à notre époque, par des crises économiques qui se succèdent le plus souvent à peu près tous les dix ans, parfois même un peu plus rapidement (des sortes d'accidents) ... 1973-1975 ... 1981-1983 ... 1992-1993 ... 2001-2003 ... 2007-2009. Je trouve cela particulièrement extraordinaire, que la même récurrence de crise nous frappe toujours régulièrement ... Récurrence qui nous interdit de considérer ces crises régulières comme le fait d'un hasard ou d'une aberration. Récurrence à un siècle d'écart qui nous interdit de douter de cette surprenante situation. Il y a là une invraisemblable régularité et je n'ai plus souvenir qu'une explication parfaite y ait été apportée par un quelconque théoricien économiste (même si John Maynard Keynes y apporte une solution, confiant à l'état le rôle de pilotage de l'économie, relançant la demande en période de ralentissement économique par des dépenses publiques ...).

Dans son livre, Walter Bagehot tentait d'expliquer cette succession de crises économiques dans un premier temps par des successions de mauvaises récoltes, qui influaient sur le prix du blé et en renchérissaient le coût ... Les travailleurs dépensant plus pour se nourrir et ne pouvant plus acheter d'autres biens ... crise diffusant au reste de l'économie une situation de baisse des consommations et des achats. Cette explication n'est plus valable dans notre monde occidental développé, et pourtant les crises économiques continuent de s'y succéder de manière toujours aussi régulière. Il serait intéressant de revenir sur ce problème de crises régulières pour l'expliquer réellement.
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/08/11/une-histoire-des-crises-financieres-du-19e-au-21e-siecle.html

Dans un deuxième temps, il expliquait cette crise par la généralisation de comportements optimistes des capitalistes en période d'euphorie ... « Les gens sont d'autant plus crédules qu'ils sont plus heureux ; quand on vient de gagner beaucoup d'argent, quand on est persuadé qu'on va en gagner beaucoup encore, on se laisse bien facilement duper. » («Lombard Street», Walter Bagehot, 1873, page 170) ... « ... On peut faire croire au public tout ce que l'on voudra pendant un certain laps de temps, et, longtemps avant la découverte de la vérité, les fripons les plus adroits et par conséquent les plus dangereux ont eu soin de se placer géographiquement ou légalement hors de l'atteinte de toute punition ... »

Notre époque actuelle aura eu son quota de 'fripons' de toute sorte, dont bien peu seront punis !!!


Saucratès



13/11/2010
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