Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

De la crise financière (4)

Réflexion vingt (14 août 2008)
Retour sur une histoire de la crise actuelle des crédits subprimes américains de l'été 2007 ... Les origines ...


Un de mes amis m'interrogeait récemment sur les origines de la crise actuelle dite des crédits subprimes. D'où venait-elle ? Comment pouvait-elle être expliquée ? Cette crise est effectivement née des crédits subprimes octroyées par le système bancaire américain à des ménages à risque américains. Ces clients, qui étaient en fait non solvables, c'est-à-dire incapables de faire face normalement aux remboursements de leurs échéances de prêts, ne pouvaient rembourser leurs crédits qu'en profitant de la hausse du prix des biens immobiliers qu'ils possédaient et notamment en les revendant ...

Cette machinerie dite des crédits subprimes s'est grippée le jour où les prix sur le marché immobilier américain ont cessé de croître, puis ont commencé à baisser. Ces emprunteurs fragiles se sont trouvés dans l'incapacité de faire face aux mensualités de leurs prêts, souvent souscrits à des taux d'intérêt croissants très élevés ... Et le droit de protection des ménages américains étant très différent du droit français (moins protecteur par certains côtés mais également pour les banques), les banques américaines se sont retrouvées avec de plus en plus de maisons sur les bras, dont les propriétaires avaient été expulsés, maisons qu'elles étaient incapables de revendre rapidement ... et pertes demeurant à leur charge ...

Cette machinerie s'est déréglée au cours du premier semestre 2007, voire même dès l'année 2006, c'est-à-dire bien avant le mois d'août 2007 où le grand public a pris connaissance de cette crise financière planétaire. Toutefois, cette crise en elle-même n'aurait jamais dû avoir de très fortes répercussions. Les crédits subprime ne représentent qu'une très faible proportion des crédits immobiliers (dits mortgage) octroyés aux Etats-Unis par les établissements de crédit. La baisse de l'immobilier fragilisait évidemment également les autres emprunteurs (dits prime) mais ces derniers sont normalement majoritairement capables de faire face à leurs mensualités de remboursement de crédit, à la différence des emprunteurs subprimes. Normalement, la crise des crédits subprime aurait seulement dû fragiliser un certain nombre d'établissements de crédit américains spécialisés dans ces crédits subprimes, et entraîner un certain nombre de faillites qui auraient moralisées la profession. En tout cas rien d'aussi grave qu'une crise financière.

Ce qui explique la crise financière des subprimes ne se trouve donc pas être vraiment l'existence de ce type de crédits hypothécaires rechargeables, ni même l'assouplissement excessif des règles d'octroi de crédits par les banques américaines, sans respect des capacités de remboursement des mensualités (système par exemple des 30% imposé par les lois Scrivener en France), sans contrôle des informations données par les emprunteurs en matière de revenus ... mais bien autre chose ... la créativité financière des marchés financiers américains et plus largement internationaux ...

Ce qui est en cause dans cette crise financière dite des subprimes, c'est l'inventivité du système financier américain et son grippage généralisé au cours de cette crise. Pour financer l'expansion de l'endettement des ménages américains, son système financier avait constitué un ensemble d'institutions de crédit ... Les sociétés de crédit qui octroyaient directement des prêts aux ménages (prime ou subprime) revendaient ces crédits à des organismes de refinancement, friands de ce genre de prêts à taux intéressants ... grandes banques d'affaires américaines ... sociétés de refinancement hypothécaires comme Freddy Mac et Fanny May ... fonds de pension et fonds spéculatifs ...

Sur cela s'est rajouté la créativité des marchés financiers américains et occidentaux, qui ont créé sur la base de ces crédits, des produits dérivés, des produits de titrisation extrêmement sophistiqués, sur la base de modèles mathématiques, produits qui dans la théorie, étaient censés être extrêmement sûrs, aux risques extrêmement faibles. Des établissements de crédit américains, rehausseurs de crédits ou monoliners (MBIA, Ambac, Aca, Fsa, Cifg ...), leur apportaient par ailleurs leur garantie pour les rendre encore plus sûrs.

Et c'est la faillite généralisée de tout un système de refinancement et de garantie au cours de cette crise des subprimes qui a conduit à cette crise financière qui se généralise petit à petit à l'ensemble de la sphère économique réelle américaine, et plus largement occidentale. Car les établissements de crédit européens ne sont pas restés à l'écart de cette expansion du marché américain du crédit. Les groupes bancaires européens ont acquis des établissements financiers américains (notamment des réhausseurs de crédit tel Cifg par Natixis ou Fsa par Dexia) mais également massivement acquis ce genre de produits financiers pour améliorer la rentabilité de leurs placements (à une époque notamment où les taux des prêts immobiliers qu'ils pouvaient consentir sur leur marché domestique ne dépassaient pas 3% à 4% (cas notamment de certaines banques allemandes ou anglaises) ... sans se rendre compte des risques des produits qu'ils acquéraient ... Ce qui est une aberration pour un banquier, puisque normalement, un taux élevé est synonyme de risque élevé ... et inversement ... Ce qui démontre effectivement la folie des marchés financiers et l'oubli des fondements du métier de banquier sur l'appréciation des risques (au coeur pourtant des nouvelles normes IFRS qui impliquent toutefois de recourir à des modèles mathématiques pour le mesurer ... en oubliant la réalité) ...

Nota : Ces fondements du métier de banquier et de l'appréciation des risques m'obligent cependant à dire que faire des prêts immobiliers à 20 ans à 3% ou 4%, soit un taux moins cher que celui dont profite l'état français, n'a aucun sens ... Cela implique aussi aujourd'hui que les banques françaises renchérissent fortement les taux des prêts immobiliers qu'elles consentent à leurs nouveaux emprunteurs pour rétablir leurs marges globales, ou qu'elles accroissent leurs prestations diverses qu'elles facturent à leur clientèle ... Les nouveaux emprunteurs et l'ensemble de la clientèle paient aujourd'hui pour compenser les conditions avantageuses consenties aux emprunteurs de ces dernières années.

Et on peut dire que toutes ces pièces du mécanisme étaient en place avant cet été 2007 fatidique ... Pour le déclenchement d'une crise financière majeure, attendue par nombre de révolutionnaires mais également d'économistes ou d'investisseurs visionnaires ... Une crise de crédit comme celle de 1929 ...


Réflexion dix-neuf (22 juillet 2008)
Retour sur les SIV («special investment vehicle» ou «véhicules d'investissement structurés») après plus d'un an de crise ...


Depuis l’été 2007, les marchés mondiaux de capitaux ont été entraînés dans une crise de liquidité sévère. La situation actuelle est particulièrement surprenante au vu des conditions initiales.

Début 2007, les marchés de capitaux disposaient d’une liquidité abondante et les investisseurs n’exigeaient qu’une prime de risque faible. Les banques étaient liquides et correctement capitalisées, avec un volant de sécurité important par rapport à leurs exigences en fonds propres réglementaires. Même en mai 2007, il aurait été diffi cile de prévoir que les pertes sur les investissements hypothécaires subprime pouvaient entraîner une crise de l’ampleur de celle que nous observons actuellement.

Tout d’abord, les pertes sur les subprime étaient relativement faibles : les estimations les plus pessimistes chiffraient leur total à 250 milliards de dollars, ce qui représente une goutte d’eau par rapport aux milliers de milliards de dollars d’instruments financiers négociés sur les marchés mondiaux. En outre, pour tous les acteurs un tant soit peu informés, les défaillances sur les crédits hypothécaires subprime étaient attendues. Le marché des subprime est le compartiment le plus risqué du marché hypothécaire, aussi n’est-il guère étonnant que certains emprunteurs ne puissent honorer leur crédit. Or, les conséquences de ces défaillances ont été le déclencheur de la grave crise de liquidité actuelle qui a touché des marchés allant du crédit à la consommation jusqu’au crédit aux entreprises.

Comment l’expliquer ? C’est en fait un accroissement de l’incertitude qui se trouve au coeur de la crise récente, c’est-à-dire une hausse du risque inconnu et non mesurable par opposition au risque mesurable que le secteur financier sait parfaitement gérer. Les instruments financiers et les structures de produits dérivés qui ont soutenu la croissance récente des marchés du crédit sont complexes. En raison de la prolifération rapide de ces instruments, les opérateurs de marché ne disposent pas de données sur longue période pour évaluer le comportement futur de ces structures financières en période de tension. Ces deux facteurs, complexité et absence de données historiques, sont les conditions préalables à une incertitude de grande ampleur.

Qu’est-ce qu’un SIV («special investment vehicle» ou «véhicules d'investissement structurés») ? Les SIV (aussi appelés «conduits») constituent des entités juridiques à part, généralement créées par une banque dénommée la banque sponsor. Bien que la majorité des SIV soient sponsorisés par des banques, leur gestion reste indépendante de celle de la banque sponsor. La banque sponsor – via l’octroi de lignes de crédits – s’engage cependant à racheter les titres émis par le véhicule si celui-ci n’arrive pas à les vendre sur le marché. Ces véhicules, qui sont dotés de leur propre bilan, apparaissent ainsi au poste de hors bilan des banques sponsors.

Les SIV sont des structures pérennes qui émettent des titres à court terme (Assets Backed Commercial Paper ou billet de trésorerie) pour investir à long terme dans des actifs financiers adossés à des créances de la banque sponsor ou du marché.

Trois conditions sont nécessaires pour que ces structures prospèrent :
- une excellente qualité des créances acquises,
- des taux courts inférieurs aux taux longs,
- un marché des Commercial Papers liquide.

Alors que les structures de titrisation classiques ont vocation à reproduire le comportement de l’actif sur leur passif, l’objectif des SIV est de générer une marge plus importante (excess spread) par la transformation et la maximisation de l’effet de levier.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les déboires enregistrés par les SIV ne s'expliquent pas uniquement par la détention de créances subprime au sein de leurs actifs. Les SIV ont été touchés par une crise de confiance des investisseurs et par un choc de liquidités. Suite à la crise du subprime, les investisseurs ont craint que les titres détenus par les SIV soient adossés à des crédits immobiliers américains. La solidité des actifs financiers détenus par les véhicules fut donc remise en cause. Dès lors, les investisseurs ont été moins enclins à souscrire aux Commercial paper émis par les SIV, avec pour conséquence de plus grandes difficultés pour les SIV à trouver des sources de financement. Le choc de liquidité a complètement déstabilisé ces véhicules.

Les banques sponsor ont été obligés d’intervenir. En effet, lorsque les SIV sont sponsorisés par des banques, ces dernières ne peuvent pas les laisser faire défaut sous peine de voir leur réputation et crédibilité en pâtir. Les banques ont ainsi réintègré leurs SIV dans leur bilan afin de pouvoir les refinancer à des termes plus avantageux. Mais cette solution présente un double inconvénient pour les banques : en consolidant, les banques réintègrent dans leurs bilans ces crédits, en même temps que les banques, voient leurs immobilisations en fonds propres s’accroîtrent, nécessitant des appels aux marchés pour respecter les normes prudentielles Tier one.

Les SIV, qui totalisaient près de 400 milliards de dollars avant le déclenchement de la crise financière, à l'été 2007, pourrait presque totalement disparaître à l'occasion de cette crise.

---> Toutes les banques se retrouvent dans la même situation : elles estiment que le marché du crédit ne va pas s’améliorer et que leurs SIV ne trouveront pas preneurs. Ce qui les obligerait alors à écouler leurs actifs en catastrophe. Aussi choisissent-elles de les consolider. Pour Benoît de Broissia, analyste chez Richelieu Finance, ces rapatriements obéissent à une logique de « réputation et de crédibilité vis-à-vis des investisseurs ». Pour gagner en rentabilité, les banques ont adossé des actifs au marché des subprime en les sortant de leurs bilans. Ce qui les dispensait de mettre en face des fonds propres en vertu des règles prudentielles.

Pour le fun, on trouvera ci-après un historique forcément partiel de l'histoire des déboires des SIV depuis septembre 2007 ...

1. Début septembre 2007, la banque publique du Land de Saxe en Allemagne, Sachsen LB, s’est retrouvée en banqueroute en essayant de renflouer son «conduit» irlandais Ormond Quay. S’en est suivi la vente en urgence de Sachsen LB elle-même à LBBW, une autre banque régionale publique. Puis c'était au tour de Kestrel, un SIV de la banque d’Etat allemande West LB, devenu insolvable sur sa dette à court terme, qui nécessitait une opération de sauvetage par West LB. En décembre 2007, West LB devait également confirmer qu'elle apportait une garantie de crédit de 11 milliards de dollars pour soutenir un de ces SIV dénommé Harrier.

2. La filiale de la banque britannique Barclay’s, BarCap, tentait également de boucler le sauvetage de son SIV Mainsail II, qui gérait 4,5 milliards de dollars, contrôlé par le hedge funds Solent Capital, lui-même durement frappé par la crise financière. Cette tentative faisait déjà suite au sauvetage par BarCap de son SIV Cairn High-Grade Funding pour 6 milliards de dollars.

3. HSBC annonçait, lundi 26 novembre, qu'elle allait venir en aide à deux de ses SIV, Cullinan Finance Ltd et Asscher Finance Ltd, en y injectant 35 milliards de dollars. Les investisseurs de ces SIV se sont vus offrir l'option d'échanger leurs titres contre des actifs levés par un ou plusieurs nouveaux véhicules que mettra en place la banque. HSBC consolidera les deux fonds dans ses comptes pour une valeur comptable de 45 milliards de dollars, mais indique ne pas prévoir de "pertes importantes".

4. Le 6 décembre 2007, Rabobank annonçait qu'elle reportait dans son bilan le solde des actifs de son SIV Tango Finance (géré avec Citigroup), qui ne disposait que de 5,2 milliards d'euros d'actifs liquides, contre 9,7 milliards en juillet 2007.

5. Le 10 décembre 2007, la Société Générale était contrainte de rapatrier 4,3 milliards d’euros d’actifs dépréciés provenant de certains des SIV qu’elle sponsorise, ces fameux « véhicules d’investissement structuré » logés hors bilan et plombés par la crise du subprime.

6. Le 14 décembre 2007, le numéro un mondial de la planète finance, Citigroup, a dû consolider près de 49 milliards de dollars provenant de 7 de ses SIV. Or, il y a encore quatre mois, avant que la crise des prêts hypothécaires à risques aux Etats-Unis ne vienne tout embraser, ces quelque 50 milliards en valaient 87 milliards. Or, tout juste un mois auparavant, Citigroup jurait qu’elle ne volerait pas à la rescousse de ses SIV, des produits à hauts rendements qu’elle a été la première à lancer sur le marché il y a une petite décennie. Mais, depuis, le patron avait été évincé.

7. Le 15 décembre 2007, la Banque de Montréal (BMO), quatrième banque canadienne, faisait savoir qu'elle travaillait sur un plan de sauvetage de ses véhicules d'investissement structurés (les SIV Links Finance et Parkland Finance), qui affichaient une dette totale d'environ 21,2 milliards US.

8. Citigroup , Bank of America, J.P.Morgan et d'autres grandes banques américaines annoncent la création d'un super-véhicule pour racheter les actifs des SIV présentant des problèmes de refinancement en raison de la panique qui s'est emparée des marchés. Ce super-véhicule devait être doté d'un montant d'environ 80 milliards de dollars et devrait porter le nom de "Master liquidity enhancement conduit" ou M-LEC. Le projet de « superconduit » annoncé sera fortement réduit à la baisse ; Bank of America, Citigroup et JPMorgan Chase rencontrant des difficultés pour monter ce fonds de 80 milliards de dollars, faute d'intérêt des investisseurs.

9. Le 16 janvier 2008, S&P avait suspendu ses notations sur les titres émis par Golden Key et Mainsail II, évoquant un manque de transparence.

10. Le 17 juin 2008, Goldman Sachs s'occupait du sauvetage du véhicule d'investissement structuré (SIV) géré auparavant par le fonds spéculatif (hedge fund) Cheyne Capital, qui représentait un encours de sept milliards de dollars (4,5 milliards d'euros). Le véhicule d'investissement structuré concerné, était investi en produits titrisés et en CDO (collateralised debt obligations), des titres représentatifs de portefeuilles d'instruments ou d'actifs financiers de nature diverse. Goldman Sachs devrait également restructurer un certain nombre d'autres véhicules en situation de dépôt de bilan, dont plusieurs étaient gérés initialement par des "hedge funds" et d'autres par la banque britannique Standard Chartered ou l'allemande IKB (les SIV Golden Key et Mainsale, anciennement gérés par des hedge funds ... Whistlejacket, un SIV de Standard Chartered ... Rhinebridge, un SIV de IKB - le tout représentant environ 18 milliards de dollars). Bilan mitigé pour la restructuration du SIV Cheyne Finance (aujourd'hui dénommé SIV Portfolio). La mise aux enchères d’une partie des actifs va permettre de verser 2,57 milliards de dollars aux créanciers seniors du SIV sur les 5,7 milliards de dettes seniors qu'ils détenaient, soit seulement 45%. Le prix établi par les enchères servira de référence pour le transfert, dans un nouveau véhicule appartenant à Goldman Sachs, des actifs qui ne sont pas repris par les investisseurs. Il fera en outre figure de benchmark pour les nombreux SIV qui doivent également être restructurés.

Même Sigma Finance, le plus important (37 milliards de dollars) et le plus ancien des SIV, fondé par deux anciens de Citigroup, qui passent pour les inventeurs de ce type de structure, a pour l'instant résisté à la crise, mais lutte pour assurer son financement ... et sa notation a été fortement dégradée par Moody’s.



Réflexion dix-huit (21 juillet 2008)
De la liaison entre le coût du crédit et la santé financière du secteur bancaire et de l'économie toute entière ...


Les estimations des marchés financiers concernant les pertes potentielles des banques européennes au cours des trois prochaines années commencent à se préciser.

Selon le cabinet de consultants Oliver Wyman et le groupe de services de gestion de crédit Intrum Justitia (source Reuters), les banques européennes pourraient perdre 120 milliards de dollars sur leurs opérations de prêts à la consommation et de prêts hypothécaires entre 2008 et 2010, en raison de coûts de financement plus importants, d'un manque de liquidités, d'une politique de crédit très agressive, d'une forte baisse du marché immobilier dans certains pays et de la dégradation générale de l'environnement macro-économique couplée à la hausse de l'inflation. La Grande-Bretagne, l'Irlande et l'Espagne devraient être les plus touchés.

Cela faisait maintenant plusieurs années que la Banque de France (en France) et plus largement la Banque Centrale Européenne mettaient en garde les établissements bancaires français et européens sur la faiblesse des marges sur les crédits consentis à leur clientèle, due à une trop forte concurrence entre établissements.

Cela faisait évidemment désordre puisqu'en même temps, Nicolas Sarkozy, le gouvernement français, et plus largement la classe politique française, attaquaient la Banque Centrale Européenne sur sa politique de relèvement des taux de refinancement et les banques françaises sur la cherté du coût du crédit, notamment à l'immobilier. Comme si le fait d'emprunter sur 20 ans ou 25 ans à 4,5%, soit au même taux que l'état français, noté tripleA par les agences de notation internationale, était un comble !

Il est aujourd'hui facile à ces mêmes politiques, au premier desquels Nicolas Sarkozy, de se plaindre de la crise financière, à laquelle ni lui-même, ni le gouvernement français, ni aucun gouvernement au monde, ne peut plus rien. Il est tout aussi facile à ces mêmes politiques de critiquer l'action de la Banque centrale européenne ou la conjoncture internationale.

S'il y a une chose qui doit demeurer comme leçon pour le futur, c'est que la santé de nos économies dépend au-delà de toute idée de la santé de nos établissements bancaires. Que nos principales banques coulent dans les prochains semestres, et nous comprendrons alors qu'en regard, la situation peut être bien plus catastrophique que ce qu'elle est aujourd'hui.


Réflexion dix-sept (14 juillet 2008)
Quelle action possible des autorités monétaires dans le cadre de la crise financière que traverse actuellement le monde occidental ?


La crise financière va bientôt rentrer dans sa deuxième année d'existence. Il est en effet d'usage de faire démarrer la crise de l'été 2007 au début du mois d'août 2007, même si des signes avant-coureurs de la crise étaient observées quelques trimestres auparavant par certains observateurs.
http://tropicalbear.over-blog.com/archive-3-11-2007.html

Au bout d'une année de crises financières et boursières, scandée par des effondrements réguliers des indices boursiers européens, américains et mondiaux (janvier 2008, juillet 2008) et par des annonces régulières de difficultés et de provisionnement massif des principaux établissements financiers occidentaux, les critiques du public et de certains hommes politiques continuent de pleuvoir à l'encontre des autorités monétaires et des autorités étatiques. La Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne concentrent la majeure partie de ces critiques, soit en raison de leur politique passée (pour avoir encourager la bulle de crédit ou immobilière en maintenant des taux bas), soit en raison de leur politique présente (pour maintenir une politique monétaire restrictive en terme de taux directeurs, défavorable à la croissance) ... Critiques qui s'opposent dans le cas présent.

Il faut cependant se rappeler de l'origine de cette crise financière. Cette crise financière a trouvé son origine dans le mécanisme de l'explosion des crédits immobiliers ('subprime mortgage' mais plus largement 'mortgage equity withdrawal') aux Etats-Unis. Les prêts subprime mortgage correspondaient à des crédits extrêmement risqués, à taux élevés, consentis à des ménages peu solvables. Les prêts mortgage equity withdrawal correspondaient plus largement à une pratique d'adossement de crédits personnels à une hypothèque sur un logement (le principe des hypothèques rechargeables initialement envisagé par le gouvernement Sarkozy et pas abandonné pour l'instant), dont font partie les crédits subprime précités.

La crise financière du début de l'été 2007 trouva son origine dans la montée des défauts de paiement au sein des crédits subprime américains, dont on s'est aperçu qu'ils avaient infiltré la majeure partie des produits de placement commercialisés dans les pays occidentaux (Etats-Unis et Europe notamment). Cette première partie de la crise financière, qui semblait s'être calmée au premier semestre 2008, a entraîné des difficultés financières chez un certain nombre de banques allemandes (...), anglaises (Northen Rock), françaises (Natixis au travers de sa filiale américaine CFIG) et américaines (Bearsterns et Indymac), et auprès des principaux monoliners américains (ou rehausseurs de crédits - Ambac, Mbia, CFIG), qui garantissaient un certain nombre de crédits intégrés dans les bilans des banques.

Les difficultés récentes enregistrés par ces deux géants que sont Fannie Mae et Freddie Mac (difficultés boursières et crise de confiance), ainsi que la poursuite de la dégradation du marché immobilier US, pourrait entraîner l'économie américaine et la finance mondiale dans une deuxième étape de la crise financière actuelle, qui ne serait plus uniquement limitée à des défauts de paiement de quelques prêteurs peu solvables (subprime) ne constituant qu'une faible proportion des crédits immobiliers consentis aux Etats-Unis, mais à la totalité des crédits mortgage américains, dont les conséquences sur la finance mondiale et dans les bilans des établissements bancaires occidentaux seraient sans comparaison possible (avec des risques systémiques élevés, c'est-à-dire un effondrement en cascade des établissements bancaires occidentaux).

Dans ces conditions, que pèsent pour les autorités monétaires européennes les critiques de quelques hommes politiques et de quelques économistes ? Rien. Toute leur attention est occupée ailleurs. Sauver un système financier qui prend l'eau de toute part.

La tâche qui attend les autorités monétaires internationales est dantesque. La Réserve fédérale américaine est la première confrontée à un défi : l'obligation de sauver Fannie Mae et Freddie Mac, et les 5.000 milliards de dollars d'obligations qu'elles ont émises et cautionnées. A défaut, c'est l'ensemble du système financier américain qui s'écroulerait. Le problème des autorités monétaires américaines ou internationales, c'est qu'elles ne disposent pas des ressources financières nécessaires (en matière de contreparties) et suffisantes pour racheter 5.000 milliards de dettes. Même les fonds souverains chinois et arabes, tellement décriés récemment, ne disposent pas des sommes nécessaires à une telle opération de sauvetage. Dans l'incapacité physique d'empêcher la faillite de Fannie Mae et Freddie Mac, la Réserve fédérale américaine doit restaurer la confiance des marchés financiers en ces établissements. L'échec n'est pas envisageable.

Alors évidemment, les critiques des uns et des autres contre les gouvernements incapables de juguler cette crise et contre les autorités monétaires trop laxistes (aux Etats-Unis) ou trop aveugles (en Europe) vont perdurer. Le pire, c'est que nul ne leur sera reconnaissant si le système financier occidental résiste à cette crise. Injuste, car on se trouve certainement devant l'un des pires défis que rencontre le système financier occidental depuis la crise de 1929. En regard, les diverses crises boursières et financières des dernières décennies ne sont rien. Et la jeune BCE se trouve déjà confrontée à une crise majeure. L'histoire oubliera peut-être les noms de Bernanke et de Trichet (et ceux des autres membres du conseil des gouverneurs du FOMC ou de la BCE), sauf s'ils échouent. L'histoire est injuste.

Pour ceux qui ne l'auraient pas compris, que peuvent faire les autorités étatiques et monétaires dans cette situation ? Les autorités publiques et monétaires américaines, européennes et japonaises doivent avant tout travailler en concertation, pour sauvegarder la stabilité des marchés financiers, monétaires et des changes, et plus largement des systèmes financiers occidentaux, afin de limiter les conséquences systémiques d'éventuelles faillites bancaires. A court terme, maintenir la stabilité du système financier ... A plus long terme, revoir les règles qui ont causé les déséquilibres que l'on observe aujourd'hui ... la déréglementation financière, l'auto-surveillance et l'auto-organisation des marchés financiers ... On va certainement vers une plus grande intervention des autorités monétaires et étatiques dans l'organisation des marchés financiers (organismes de cotation, organismes de supervision, organismes de règlementation ...), même si la capacité d'innovation financière des marchés continuera d'échapper à la surveillance des autorités publiques ... que seuls les marchés savent encadrer ... et que les autorités financières ne seront pas toujours autorisées à contrôler et à encadrer. Quant au sauvegarde de la croissance économique et à la protection des placements boursiers des petits épargnants, les possibilités d'action des autorités publiques et monétaires sont malheureusement imperceptibles, puisqu'elles visent simplement d'éviter des conséquences dramatiques d'une crise systémique majeure, comparable aux effets de la crise de 1929.


Saucratès



10/11/2010
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