Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

De la crise financière (3)

Réflexion seize (12 juillet 2008)
Rechute des marchés boursiers


Il y a deux mois, en mai, toute la planète de la Finance croyait que le pire de la crise financière mondiale était passée.

Deux mois plus tard, ce vendredi 11 juillet, la planète Finance s'est une nouvelle fois effondrée, en liaison avec la faillite aux Etats-Unis de la banque californienne Indymac, l'un des plus gros prêteurs hypothécaires américains (ses actifs sont évalués à 32 milliards de dollars). Il s'agit de la plus grosse faillite d'un établissement bancaire américain depuis 24 ans (depuis la faillite en 1984 de Continental Illinois National Bank, qui disposait alors de 40 milliards de dollars d'actifs sous gestion). Les autorités de régulation des caisses d'épargne, l'OTS, ont placé Indymac sous le contrôle de l'institution fédérale garantissant les dépôts bancaires, la FDIC.

Cette faillite a été la conséquence du retrait en une dizaine de jours de 1,3 milliard de dollars de dépôts par ses clients, qui ont cédé à la panique après des commentaires du sénateur démocrate Charles Schumer, qui s'était publiquement inquiété de la solvabilité du groupe. "La cause immédiate de cette fermeture est un mouvement de retraits massifs dus à la panique qui a suivi une lettre ouverte du sénateur Schumer en date du 26 juin", a affirmé le directeur de l'OTS, John Reich.

En 2008, au vingt-et-unième siècle, aux Etats-Unis, une banque peut encore couler suite à des retraits massifs de liquidités de la part de ses clients, suite à un mouvement de défiance panique, avec des files de clients hystériques ... Comme au dix-neuvième siècle où de telles scènes étaient régulières ... Il s'agit d'un énorme défi lancé à la Federal Reserve (FOMC) ... Que peut faire Ben Bernanke.

Toujours au cours de la journée de vendredi, les deux géants américains du refinancement hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac, ont fait l'objet d'un mouvement de panique boursière, perdant en cours de journée plus de 50% de leur valeur boursière, avant de se reprendre légèrement. En clôture, Fannie Mae affichait encore une perte de -22,35% (à 10,25 dollars), et Freddie Mac de -3,13% (à 7,75 dollars). La veille, Fannie Mae avait déjà abandonné -12% et Freddie Mac -22%. Leur baisse atteint -80% depuis le début de la crise financière.

Ces deux organismes ont pour mission de racheter aux établissements de crédit leurs créances hypothécaires, ce qui permet aux banques d'accorder de nouveaux prêts et de soutenir le marché immobilier dont une stabilisation est vitale pour relancer l'économie. Ces deux établissements détiennent ou garantissent à eux deux 5.200 milliards de dollars de crédits immobiliers, soit 40% de l'encours de prêts immobiliers consentis dans le pays. La Federal Reserve pourrait laisser les deux institutions accéder à ses liquidités - normalement réservées aux seules banques acceptant les dépôts du public - via son système de refinancement d'urgence (la fenêtre d'escompte).

Du côté de la France, des rumeurs circulent sur les marchés financiers sur une possible perte de l'ordre de 5 milliards d'euros pour une banque française au titre du deuxième trimestre 2008, entraînant à la baisse les cours boursiers des principaux établissements bancaires côtés, Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale, Natixis ...

Que penser ? La crise financière est repartie de plus belle, après la légère embellie enregistrée au premier semestre 2008 ... Une recrudescence de la crise financière anticipée par certains observateurs ... S'il s'agit d'une crise de crédit comparable à la crise de 1929, elle risque de laisser des traces visibles relativement longtemps.

Toutes les possibilités demeurent ouvertes. Une crise financière profonde et durable accompagnée de la faillite de nombreuses institutions financières en cascade, fragilisant l'ensemble du système financier américain puis mondial ... L'équivalent de la crise de 1929 ... Ou une crise financière et boursière plus légère, ne dépassant quelques trimestres ... Il semble en tout cas que le principe d'une sortie de crise rapide paraisse de moins en moins probable. La principale inconnue aujourd'hui devient ainsi : La Federal Reserve américaine (FOMC) et la BCE en Europe seront-elles en mesure d'empêcher la crise systémique qui semble aujourd'hui se profiler ? Cela ne me semble pas certain pour la Reserve Federal américaine, par contre j'ai moins de craintes pour la situation européenne, qui devra simplement résister à l'impact d'une déconfiture financière aux Etats-Unis. Mais une telle crise aux Etats-Unis serait l'échec d'un siècle d'histoire de la Federal Reserve ...

 

Réflexion quinze (19 mai 2008)
Sortie de crise ?


Le discours actuellement majoritaire dans la presse économique française et étrangère ainsi que sur les marchés financiers nous laisserait croire que le plus dur de la crise financière démarrée au cours de l'été 2007 serait derrière nous, et que la planète finance serait en train de sortir de la crise. Cette vision des choses paraît a priori peu probable, alors que le marché immobilier américain continue d'être malade, que la sphère des échanges économiques commençait récemment à subir une contagion de la crise de la sphère financière, aux Etats-Unis plus particulièrement mais également de manière anticipée en Europe ... que les établissements financiers occidentaux vont continuer à enregistrer au cours des prochains trimestres des pertes financières conséquentes et vont devoir procéder à de nouvelles augmentations de capital.

Et pourtant, on entend aujourd'hui parler de manière récurrente de 'sortie de crise' ... On peut notamment penser que les bons chiffres de croissance du PIB dans la zone euro au cours du premier trimestre 2008 ont rassuré les marchés financiers européens sur la robustesse de l'économie européenne à l'égard d'un ralentissement de l'économie américaine. Pour autant, est-il cohérent et vraisemblable d'imaginer que la plus grande crise de crédit enregistrée par les économies occidentales depuis 1929 puisse se limiter à quelques convulsions des marchés financiers, et à une baisse d'une dizaine de pour cent des principales bourses occidentales ?

Pour rappel, je ferais un rapide retour en arrière sur les principales crises financières ayant affecté l'économie américaine au cours des vingtième et vingt-et-unième siècles, dont les dernières ont toutes impacté fortement les économies européennes. Sur la base de quelles hypothèses pourrait-on en déduire que la situation serait différente cette fois-ci ? A moins que ce ne soit grâce à la politique monétaire européenne et à l'euro ...
(http://www.lemonde.fr/web/module_chrono/0,11-0@2-3234,32-1025393@51-951246,0.html)

1) La crise boursière de 1907

La crise boursière de 1907 aura pour origine un ressèrement des conditions de crédit (relèvement des taux) par les établissements bancaires américains ainsi que différents scandales financiers à New York. Ces évènements provoqueront une ruée des déposants vers les banques pour retirer leurs dépôts et conduira à un manque de liquidités. Le Dow Jones perdra -35% en neuf mois, passant de l'indice 90 à 58 entre le début et la fin de l'année 1907. Cette crise décidera les Américains à créer la Réserve fédérale en 1914.

2) La crise boursière de 1929

Le krack financier de Wall Street (ou le jeudi noir ... 24 octobre 1929) demeure la plus forte crise financière jamais observée à ce jour. Il a été suivie de la Grande Dépression économique du début des années 1930, qui a touché les Etats-Unis puis l'ensemble de l'Europe. La seconde guerre mondiale a également son origine dans cette dépression économique, cette crise boursière et l'hyperinflation allemande qui en résulta, et qui permit de porter au pouvoir en Allemagne le chancellier Hitler et le parti nazi. Le Dow Jones passera de pratiquement 400 points en 1929 à 50 points en 1933, soit une baisse de -85%.

3) La crise boursière de 1973

Le premier choc pétrolier apparaîtra en octobre 1973, suite à la décision de l'OPEP décrétant un embargo sur les livraisons de pétrole aux pays qui "soutiennent Israël", en pleine guerre du Kippour. En trois mois, le prix du baril de pétrole quadruplera tandis que la bourse new-yorkaise perdra -40% entre 1973 et 1974, passant de 1.050 points en 1973 à 600 points en 1974.

4) La crise boursière de 1987

En une séance, le lundi 19 octobre 1987 (dit le 'lundi noir'), le Dow Jones plonge de -22,6 % entraînant dans sa chute les bourses mondiales. Les investisseurs s'inquiètaient d'une remontée brutale des taux d'intérêt aux Etats-Unis, alors que les politiques monétaires menées des deux côtés de l'Atlantique étaient divergentes, entre une Bundesbank obnibulée par la lutte contre l'inflation et maintenant des taux directeurs élevés, et une Réserve fédérale américaine maintenant des taux directeurs bas pour relancer l'activité économique. Le Dow Jones passera en trois semaines de pratiquement 2.700 points à 1.700 points (-34%).

5) La crise boursière de 1997

La forte dévaluation des monnaies des pays de l'Asie du Sud-Est (dite crise asiatique), fortement endettés, se répercutera sur le Dow Jones. La crise des changes se propagera avec moins d'ampleur aux monnaies russe, argentine et brésilienne. Le Dow Jones passera de 8.200 points à 7.200 points en octobre 1997 (-11%).

6) La crise boursière de 2002 (ou bulle internet)

La survalorisation des sociétés internet et technologique (dites dot com) et la frénésie des acquisitions par les plus grandes sociétés (en terme de valorisation), conduiront à une envolée des indices boursiers dans les années 1998-1999, puis à l'éclatement ensuite de cette bulle spéculative à partir de 2001 puis 2002. Le Dow Jones passera ainsi de pratiquement 12.000 points en 2000 à 7.000 points en 2003 (-40%), à la veille de la seconde guerre du Golfe.

7) La crise boursière de 2007 (ou crise des subprimes)

Accordés trop largement aux Etats-Unis, les crédits hypothécaires à haut risque (subprime mortgage) entraînent des défauts de paiement en cascade des emprunteurs américains, dont les établissements financiers mondiaux subissent les conséquences du fait des innovations financières ayant accompagné les mouvements de libéralisation des marchés financiers mondiaux. Le Dow Jones passera ainsi de 14.000 points à 12.000 points entre 2007 et 2008 (-16%). Il oscille actuellement aux alentours de 13.000 points (mai 2008).



Réflexion quatorze (20 avril 2008)
Cahier de crise financière ... ou quelles nouvelles de la crise financière mondiale après quelques semaines un peu plus calmes, sans nouvelles particulièment inquiétantes des banques, de la finance, des marchés financiers ou boursiers ou de l'économie réelle ...


Un mois d'avril 2008 relativement calme au niveau de la finance mondiale ... On a à peine enregistré quelques nouvelles dégradations de créances pour quelques banques américaines (RBS, City Group, Merril Lynch ) ... Quelques annonces de bénéfices trimestrielles en forte baisse ... Les marchés boursiers sont de nouveau orientés à la hausse en cette deuxième quinzaine du mois d'avril 2008, même si rien n'empêchera la survenue d'une forte baisse la semaine prochaine ou celle d'après.

Pourtant, la situation économique mondiale ne s'est pas redressée en ce mois d'avril. Les perspectives pour les prochains mois demeurent toujours aussi sombres. Les indicateurs sur la confiance des ménages en Europe ou Outre-Atlantique traduisent des dégradations violentes des perspectives économiques pour les prochaines semaines, plaidant ainsi pour une contamination de l'économie réelle par la crise financière observée depuis août 2008 ...

Jamais les risques inflationnistes n'ont par ailleurs été aussi importants depuis une vingtaine d'années, avec un rythme d'inflation qui dépasse aujourd'hui 3,5% en Europe, et plus généralement partout dans le monde, occasionnant émeutes contre la faim dans les pays sous-développés et revendications salariales dans les entreprises des pays plus développés ... Le pire est que des économistes se félicitent de ce retour de l'inflation, estimant que l'inflation va amener plus de facilités ... Mais nos économies sont massivement désindexées sur l'inflation ... L'époque bénie dans les souvenirs de certains où les emprunts se remboursaient tous seuls est terminée. Les taux des crédits immobiliers vont prochainement fortement se renchérir, à la fois en raison de politiques plus restrictives d'octrois de crédits par les banques, et également pour se protéger du retour de l'inflation ... Les taux d'emprunt de l'Etat français vont progresser (je lis que le déficit public de la Zone Euro est revenu à 0,6% du PIB en 2007, alors que la France affiche un déficit de 2,6% ... pauvre France ...).

Contrairement aux pronostics de nombre d'économistes, il est quand même à craindre que la fin de la crise financière ne soit pas pour 2009 ...


Réflexion treize (21 mars 2008)
Suite de journées noires


Deux bonnes analyses à lire dans le Monde sur les incertitudes qui touchent actuellement les marchés financiers et boursiers mondiaux, et qui menacent de se propager à l'économie réelle, aux Etats-Unis comme dans le reste du monde ... Le premier article a le mérite de présenter un rapide historique de la crise actuelle ...
1.http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/03/20/subprimes-marches-inflation-retour-sur-un-enchainement_1025501_3234.html
2.http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/03/20/est-il-encore-temps-d-eviter-la-depression-mondiale_1025256_3234.html#ens_id=951246

La journée du 19 mars 2008 avait également apporté son lot de mauvaises surprises, quelques jours après le rachat surprise de Bear Stearns pour un prix modique, synonyme d'une perte de sens des valorisations boursières des principaux établissements bancaires. D'abord, l'annonce de problème de financement annonciateur d'un risque de dépôts de bilan de Thornburg Mortgage, une grosse société américaine spécialisée dans les crédits immobiliers. Puis les déboires de Merrill Lynch, suite à une action en justice intentée contre un de ses partenaires financiers (XL Capital), qui couvrait ses engagements risqués en matière de CDS (Credit default swaps). Les marchés anticipaient alors que l'exposition de la banque sur les subprime pourrait être plus importante que prévu, et ses garanties sur les CDO moins solides.

La journée du 21 mars 2008 enregistre pour sa part les décisions de dégradations des notes des principales banques américaines par Standard & Poor's, principal organisme de notation internationale ... organismes dont le rôle est fortement critiqué dans la survenue de cette crise. S&P a ainsi abaissé les perspectives de notation des banques d'investissement Goldman Sachs et Lehman Brothers de "stables" à "négatives". S&P estime que les profits réalisés par les deux maisons de titres sur les marchés financiers pourraient encore baisser. La note long terme de Goldman demeure "AA moins" et celle de Lehman "A +" (quatrième et cinquième niveaux de notation chez S&P). Cet abaissement de perspective ouvre la voie à une possible dégradation de notation d'ici un ou deux ans, qui pourrait se traduire le cas échéant par des coûts de refinancement plus élevés. Goldman Sachs est la première maison de Wall Street en termes de capitalisation boursière et Lehman Brothers la quatrième. S&P a également indiqué qu'elle pourrait abaisser la note "AA moins" de Morgan Stanley et a maintenu sa perspective négative sur la note "A +" de Merrill Lynch.

Pour autant, la survenue d'une crise financière majeure, telle la crise de 1929, est-elle irréversible ? C'est la position d'un certain nombre de financiers ou de commentateurs de part le monde, au premier rang desquels l'ancien gourou de Wall Street, ancien patron du FOMC (Federal Reserv des Etats-Unis), à savoir Alan Greespan. En même temps, à ce jour, même si les risques d'une forte détérioration des marchés financiers et d'une transmission à l'activité réelle sont particulièrement importants, il est également possible que le système financier mondial réussisse à gérer la crise financière qui s'étend. Le pire n'est jamais certain. Mais cela passera certainement par une réforme des politiques monétaires et budgétaires qui sont encore aujourd'hui considérées comme des dogmes intangibles ... combat contre l'inflation - libéralisme - et absence d'interventionnisme étatique en matière financière.


Réflexion douze (17 mars 2008)
De journées noires en journées noires sur les marchés !


Où en est-on sur les marchés financiers et boursiers en ce milieu du mois de mars 2008 ? Le CAC 40, indice phare de la bourse parisienne clôture en retrait de -3,51% ce jour, à 4.431 points, soit son plus bas niveau enregistré depuis novembre 2005, il y a pratiquement deux ans et demi. Le Dow Jones ouvrait ce matin aux Etats-Unis à 11.946 points, après avoir perdu -1,60% vendredi dernier. Il s'approche également de son plus bas de l'année 2008 et il faut remonter à octobre-novembre 2006 pour retrouver cet indice à ce niveau. Le Nikkei avait perdu 3,71% plutôt dans la journée (du fait du décalage horaire) pour atteindre 11.781 points, perdant près de -10% en quelques jours. Il revient ainsi à son niveau de juillet 2005, il y a de cela pratiquement trois ans.

Pour mémoire, les pertes des principaux marchés boursiers internationaux depuis le 1er janvier 2008 sont repris ci-dessous :9.74% (Etats-Unis)
- Dow Jones Indu. (Etats-Unis) : -9,74%
- Nasdaq 100 (Etats-Unis) : -19,08%
- S&P/TSX (Canada) : -6,37%
- Dax Xetra (Allemagne) : -23,37%
- Bel 20 (Belgique) : -13,89%
- Ibex35 (Espagne) : -16,64%
- CAC 40 (France) : -21,07%
- MIB 30 (Italie) : -20,01%
- AEX 25 (Pays-Bas) : -19,36%
- SMI (Suisse) : -20,16%
- FTSE 100 (Royaume Uni) : -16,15%
- Hang Seng (Hong Kong) : -24,19%
- Nikkei 225 (Japon) : -23,00%

Des fonds financiers de grands établissements bancaires ferment également, apportant leurs lots de rumeurs et de craintes. Le fonds Carlyle Capital Corporation (CCC) de la société d'investissement Carlyle a ainsi dû être liquidé le 13 mars 2008, après avoir fait défaut sur une partie du remboursement de sa dette (10,7 milliards d'euros). Il avait été suspendu le 7 mars 2008 après que sa cotation ait diminué de -58,33% la veille. La semaine précédente, c'est le fonds spéculatif de la société britannique Peloton Partners qui avait été menacé de liquidation.

On parlait également des difficultés de liquidités de certains groupes bancaires, tel Bear Stearns, cinquième banque d'investissement aux Etats-Unis. D'abord obligée de s'adosser à son concurrent J. P. Morgan Chase qui acceptait de la refinancer, J. P. Morgan Chase procédèra ensuite à son rachat au prix de 2 dollars par action, soit une valorisation globale de 236 millions de dollars, alors qu'elle était valorisé près de cent fois plus moins d'un an auparavant (20 milliards de dollars). Or, Bear Stearns avait été fondé en 1929, avant la crise de 1929, et n'avait jamais connue de pertes jusqu'à cette année, même au plus fort de la crise des années 30. Appartenant au cercle des plus grandes banques d’affaires américaines, Bear Stearns employait 14.000 salariés dans le monde et gèrait près de 400 milliards de dollars d’actifs. De son côté, Citigroup, la première banque des Etats-Unis, devait passer de nouvelles provisions pour dépréciation à hauteur de 15 milliards de dollars sur des produits de crédits hypothécaires.

Les craintes sur la valorisation des grands établissements bancaires sortent particulièrement renforcés du rachat de Bear Stearns pour 236 millions de dollars, alors que son seul siège social vaudrait au minimum 1 milliard de dollars. Encore valorisée en 2007 à 20 milliards de dollars, l'affaire Bear Stearns pose le problème de la valorisation réelle des établissements bancaires internationaux. Quelle est la valeur réelle des nombreux autres établissements bancaires de par le monde ? Les valorisations actuelles, même bradées, des plus grandes banques américaines et européennes (sans parler de la Chine), reflètent-elles encore la réalité ?

Lire à ce sujet l'article du Monde d'Eric Le Boucher daté du 15 mars 2008 ...
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/03/15/triple-choc-sur-l-economie-mondiale-par-eric-le-boucher_1023356_3232.html


Réflexion onze (10 février 2008)
La demande des ministres des finances des pays du G7 aux banques de dévoiler leurs pertes liées aux crédits subprimes


Si c'était aussi facile ! Les banques internationales auront bien de la peine à rassurer pleinement les marchés financiers sur leur exposition aux risques liés aux crédits subprime. En matière de finance, rien n'est simple. Les bilans des grands établissements bancaires sont presqu'uniquement constitués de créances sur d'autres agents : autres banques, ménages, entreprises, états ... En pourcentage de leur bilan, les immobilisations qu'elles détiennent sont infinitésimales, malgré l'importance de leurs sièges sociaux situés dans les plus beaux quartiers de nos capitales. Le problème de toutes ces créances, c'est qu'elles n'ont de valeur que théorique, en fonction de la capacité de remboursement du débiteur. D'une certaine façon, on peut dire que les établissements les plus importants de notre système économique moderne, ces banques qui gèrent l'ensemble de notre richesse, de nos économies, de nos liquidités, sont construites sur du vent.

La situation s'est amplifiée au cours des siècles. Au dix-neuvième siècle, qui pourtant a connu des crises financières terribles, les banques avaient malgré tout majoritairement à leur bilan des actifs ayant une certaine valeur, tels de l'or-métal. Aujourd'hui, à une heure où tout est dématérialisé (même l'or), les banques n'ont plus aucun actif à valeur certaine dans leur bilan. Et le fait qu'elles commencent peu à peu à se méfier les unes les autres, à s'échanger plus difficilement des fonds sur le marché monétaire, comme si elles avaient peur d'apprendre à tout moment la faillite de l'une d'entre elles, tout ceci pourrait conduire à une crise de confiance généralisée dans les fondements de notre société capitaliste.

Pour répondre au souhait du G7, les banques pourraient donc communiquer sur leurs pertes totales liées au subprime, quelqu'en soit la conséquence pour leurs dirigeants. Mais certaines de leurs autres créances pourraient malgré tout demain être touchées par un autre évènement lié de près ou de loin au subprime (défaillance des rehausseurs de crédit, défaillance d'une banque avec laquelle les autres établissements étaient en relation par le marché monétaire), entraînant de nouvelles pertes pour le système financier dans son ensemble. Cette crise n'a ainsi pas de fond, car les marchés financiers sont devenus virtuels, et que ce phénomène s'est propagé dans l'ensemble de notre système économique. Une preuve de cette virtualité : le fait que la Société Générale ait pu gagné 1,4 milliard d'euros à fin décembre 2007 sans que personne dans la banque ne le découvre.


Réflexion dix (5 février 2008)
L'affaire de la Société Générale


Il ne semble pas qu'il puisse y avoir d'évènements plus significatifs pour ouvrir cette nouvelle série de réflexions sur la monnaie et la finance que cette affaire de fraude à la Société Générale, du fait apparemment d'un seul homme, Jérôme Kerviel, trader.

Le monde de la Finance est-il devenu fou pour qu'un seul homme puisse jouer, seul, avec une opération portant sur des montants financiers représentant 50 milliards d'euros ... soit en chiffres ... 50 000 000 000 euros ? Mais il est tout aussi aberrant que ce même homme ait pu gagner précédemment 1,4 milliard d'euros sur ces mêmes marchés sans que personne ne l'ait découvert. Pour un néophyte de telles opérations, cela paraît incroyable que ce bénéfice ait pu être ignoré par la Société Générale.

L'histoire donc d'un trader fou qui aurait ainsi pu couler cette vieille maison vénérable qu'est la Société Générale, banquière d'une grosse minorité des français ... sans que l'on puisse être certain du fait que le système de garantie de place des dépôts existant aurait pu faire face. La Société Générale a perdu 4,9 milliards d'euros dans cette histoire, mais le pire est que cela aurait pu être bien pire ... Le pire, c'est peut-être aussi qu'il existe vraisemblablement d'autres traders fous à la Société Générale, ou dans d'autres banques françaises ou étrangères, non encore découverts.

Gageons que les établissements bancaires sont en train de réformer leurs procédures de contrôles internes. Soyons aussi persuadés qu'une prochaine réforme de la comptabilité bancaire est en préparation, afin de modifier le traitement comptable de ces opérations de tarde et de marché, actuellement recensées en opérations de hors-bilan. Vu les risques encourus, les autorités monétaires européennes et internationales ne peuvent continuer plus longtemps à les ignorer.

Lire l'article du Monde suivant :
http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/02/04/je-voulais-vous-faire-la-surprise_1007046_3234.html


Saucratès



09/11/2010
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