Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Développement durable


Nouveau retour sur le développement

Quels sont les mécanismes du développement

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 7 janvier 2024

 

Quels processus expliquent les mécanismes du développement ? Il y a des écoles qui forment au développement. On ne parle déjà plus de développement économique mais de développement durable ou de développement humain. Et malgré tout, malgré toutes les études, malgré les décennies où l’Occident a cherché à réfléchir développement, à penser développement, à former des experts en développement, qui œuvrent dans des institutions œuvrant pour le développement, dans des associations militant pour le développement, intervenant pour construire des puits en Afrique, pour faire fonctionner des hôpitaux ou des centres de soins en Afrique, et parfois pour voler et faire adopter des enfants africains (comme l’arche de Zoé), l’immense majorité des États africains, des États d’Asie centrale, des états d’Amérique du Sud ou des Andes, sont toujours insuffisamment développés, victimes de coups d’état militaires, rongés par la misère, le sous-développement, la faim, l’absence d’éducation des jeunes garçons et des jeunes filles, et les maladies comme le Sida, la maladie du sommeil, la malaria, et autres infections parasitaires.

 

Et pourtant, cela fait plus de cinquante ans, depuis bien avant le début des années 1970, que l’on réfléchit développement, que des travaux en économie du développement cherchent à théoriser la sortie du sous-développement pour aider les États en développement. Depuis bien avant les années 2000, on parle désormais de développement durable et que des générations des économistes en développement durable sortent d’écoles du développement. Et pourtant, rien ne se développe, si ce n’est les institutions occidentales d’aide au développement qui grossissent, qui absorbent d’autres institutions devant supposément les aider dans leurs tâches, qui accroissent phénoménalement leurs encours de financement, changent de noms, de symboles et de sigles, et malgré tout, le cercle vicieux du sous-développement continue d’aspirer les états africains dans la spirale du sous-développement et de la misère. Et leurs jeunes cherchent désespérément à fuir en Occident pour s’enrichir, pour avoir enfin une vie, un futur, ou pour y commettre finalement des attentats ou des crimes pour se venger.

 
Comment définir l’action de la Chine ? La Chine répète-t-elle les mêmes erreurs que l’Occident ? La Chine a-t-elle une politique impérialiste visant son propre développement, sa propre expansion et la sécurisation de ses voies maritimes et aériennes, de ses voies d’approvisionnement en matières premières, en ressources, cherche-t-elle en un mot juste son seul intérêt, ou bien pense-t-elle différemment, a-t-elle une autre réflexion, une autre voie à proposer vers le développement de ses partenaires ?

 
Ma première interprétation de la politique chinoise est qu’elle semble mettre en œuvre une politique de type impérialiste. Les Etats africains ou asiatiques où elle s’installe se trouvent acculer sous les dettes pour rembourser les prêts qu’elle leur a consenti pour construire des infrastructures et des installations portuaires, énergétiques, ou des réseaux de transport dont elle a elle-même besoin dans le cadre de ses ‘nouvelles routes de la soie’. Et ces États semblent contraints sous la menace de défaut de paiement de lui transférer des parties de leur territoire sur lesquels ils ne seront plus souverains. 
 
C’est mon interprétation de ce que l’on peut voir et comprendre. Ces mécanismes à l’œuvre semblent peu différents des politiques colonialistes mises en œuvre par l’Occident au dix-neuvième et au début du vingtième siècle. D’une certaine façon, les États occidentaux n’ont plus osé agir de cette manière au cours des cinquante dernières années, apeurés à l’idée d’être à nouveau soupçonnés de vouloir coloniser leurs anciennes colonies africaines. Évidemment, les états occidentaux ont gardé des bases militaires en Afrique et ailleurs, pour maintenir leurs capacités d’intervention militaire. Gardé des États vassaux pour un temps, mais qui désormais leur échappent inéluctablement. 

 

La question serait donc de savoir si, malgré ses apparences, la Chine met en œuvre une politique d’aide au développement différente en Afrique et en Asie du colonialisme et de l’impérialisme occidental de notre passé ? Et si ce n’est pas le cas, il serait utile de comprendre pourquoi ces états en développement se jettent malgré tout dans les bras de la Chine et de ses ’nouvelles routes de la soie’ ? Leur vend-elle du rêve de les associer à son expansion commerciale ? Est-ce cela qui nous manque désormais en Occident ? Cette capacité à vendre du rêve pour un développement futur de ces États africains ? Le fait que les mécanismes que l’on a mis en œuvre pour les protéger, pour aider à se développer, sont aujourd’hui considérés comme des moyens de les enfermer, de les contrôler, de nous enrichir, de les maintenir dans le sous-développement !

 
Mais avons-nous même compris comment le développement fonctionne ? Sait-on véritablement comment les Etats d’Europe occidentale se sont-ils développés au dix-neuvième siècle ? Sait-on véritablement comment les Dragons asiatiques, les Tigres asiatiques, le Japon et la Chine ont réussi leur développement économique pour faire aujourd’hui partie des États développés ? 
 
La seule chose dont on peut être sûr, c’est que les états européens, les USA, le Japon, la Chine, les Dragons asiatiques et les Tigres asiatiques, ne se sont pas développés en fonction de nos principes ultra-libéraux, sur le principe du libre-accès aux marchés et aux ressources. Ils se sont développés au contraire en se fermant à toutes les influences extérieures. C’est le cas du Japon au dix-neuvième siècle, des Tigres et des Dragons, de la France qui a protégé son économie de manufactures de la concurrence anglaise au dix-huitième et dix-neuvième siècle.
 
Alors évidemment, toute la réflexion économique du développement s’est évidemment construite autour du libre-échange, de l’ouverture des économies nationales à la concurrence internationale, de la spécialisation des économies sur leurs avantages concurrentiels, à la mode de l’économie ricardienne et des théoriciens qui ont pris sa suite, mais cela n’a fonctionné probablement nulle part. Probablement même pas en Angleterre où cette théorie est pourtant née, mais l’Angleterre n’avait aucun autre pays à concurrencer, mis à part les vignerons portugais. Mais comment pourrait-on penser le développement économique autrement ou différemment, sachant l’importance dans la théorie économique des principes néoclassiques, de ceux des partisans des marchés, de la concurrence pure et parfaite.

 
Des théories économiques du développement qui ne fonctionnent toujours pas. Pour les théoriciens du développement, les réussites isolées des états européens et du Japon au dix-neuvième siècle, des Dragons et des Tigres asiatiques ainsi que de la Chine au vingtième et vingt-et-unième siècle ne sont que des cas exceptionnels qui n’auraient pas dû réussir parce qu’ils contreviennent aux règles canoniques du libéralisme économique. Ou alors on va chercher à l’expliquer par d’autres facteurs externes comme la qualité et le niveau de formation de la main d’œuvre, qui viendrait en explication subsidiaire à la réussite de ces États. Et pourtant, ces différents cas exceptionnels sont les seuls cas de réussite d’un État en développement pour l’amener au stade d’Etat développés. En éliminant bien sûr les pétro-monarchies du Golfe persique, mais qui ont construit une économie sur les rentes issues de leurs gisements pétroliers. 

 
Malgré plus de cinquante années de réflexions et de recherches, on ne sait donc toujours pas expliquer le développement économique passé ni construire un processus de développement qui fonctionnera. On ne sait toujours pas sortir les États en développement africains du sous-développement économique, comme si l’Occident ne le souhaitait pas.
 
Évidemment, quelques scientifiques divins peuvent obtenir un prix Nobel parce qu’ils vont pouvoir expliquer leurs petites expériences de terrain où ils donnent une aide financière à certains ou à certaines et pas à d’autres et qu’ils vont savoir mesurer les effets et les conséquences de leur intervention. Mais à part le fait que cela fait de l’économie une science expérimentale, et permet à des économistes de se prendre pour Dieu jouant aux dés, qu’est-ce que cela apporte en matière de développement ? Quels pays ces scientifiques divins et adulés ont-ils sorti du sous-développement pour les amener au stade des Etats développés ? Aucun. Ceux qu’ils aident retombent d’ailleurs dans la mendicité ou la misère dès lors qu’ils arrêtent leur expérience divine.

 
Quelle explication au développement économique de l’Europe au dix-neuvième siècle ? Sait-on même expliquer schématiquement les mécanismes des développements qui ont réussi ? Une des explications du développement économiques des Etats européens du dix-neuvième siècle s’appuie sur l’idée que les États européens ont pu s’appuyer sur une classe de petits épargnants et sur une bourgeoisie qui a pu financer les investissements publics et privés ayant permis d’enclencher le développement industriel européen. C’est en tout cas ce que j’ai souvent lu, ce qui, selon certains théoriciens ou spécialistes du développement, manque aux États africains et aux États en développement. Une classe de petite bourgeoisie sur laquelle ces Etats pourraient s’appuyer et qui pourraient apporter le capital financier nécessaire au développement. 
 
Mais est-ce vraiment l’explication de ce qui s’est passé en Europe ? La philosophe Hannah Arendt donne une autre explication de ce développement dans son livre sur l’antisémitisme. 

«A partir de la fin du XVIIè siecle, on assiste en conséquence à une expansion sans précédent de l’activité économique de l’Etat et, parallèlement, de son besoin de capitaux. Parmi les populations européennes, aucun groupe n’était en mesure de fournir à l’Etat les capitaux nécessaires, ni de prendre une grande part au développement d’activités économiques étatiques. Les Juifs, au contraire, avaient une longue expérience du prêt et des relations avec la noblesse européenne, qui souvent les protégeait localement et les employait comme hommes d’affaires. Il était donc naturel qu’on eût recours à eux. Pour ses nouvelles activités économiques, l’Etat avait tout intérêt à accorder aux Juifs certains privilèges et à les traiter comme un groupe à part. L’Etat ne pouvait en aucun cas les laisser s’assimiler complètement à une population qui refusait de prêter à l’Etat, qui répugnait à prendre part à ses entreprises et à les developper, et qui se cantonnait au modèle routinier de l’entreprise capitaliste privée.»

 

Hannah Arendt, L’antisémitisme - Quarto Gallimard - pages 229-230

 

Selon Hannah Arendt, cela explique la montée de l’antisémitisme en Europe. Selon elle, toute classe sociale entrant en conflit avec l’Etat, avec le gouvernement, entrait inévitablement en conflit avec les Juifs, principaux soutiens des gouvernements et de l’administration. Toujours selon Hannah Arendt, à compter de 1900, les États n’auront plus besoin des Juifs pour les financer, l’impérialisme ayant conduit la bourgeoisie à investir et à financer les États. Ce qui nourrira encore l’antisémitisme : selon elle, toute classe de privilégiés sans objet social est détestée par le peuple, comme l’aristocratie au moment de la Révolution francaise. 

 

Mais cela excède notre analyse des explications du développement économique. Au fond, l’explication du développement économique européen ne reposerait donc pas sur une petite bourgeoisie suffisamment riche pour financer et participer aux activités industrielles des États, mais de leur financement par quelques riches banquiers juifs, comme Les Rothschild, Samuel Bernard, le baron Liefman Calmer, Gerson von Bleichröder, ou encore Samuel Oppenheimer, cités par Hannah Arendt. Mais on trouve aussi quelques autres grands banquiers catholiques ou protestants comme les Fugger ou Jacques Cœur. 

 
Qu’est-ce qu’une telle explication peut apporter à notre analyse du développement économique et industriel ?

• Le fait que le développement soit permis par quelques grandes familles de banquiers juifs que les États en développement modernes actuels ne possèdent pas et qu’ils sont par conséquent contraints de se financer auprès d’institutions internationales occidentales qui les forcent à emprunter en devises étrangères (francs français, euros, dollars ou remimbi) ?

 

• Le fait que l’économie du développement moderne fasse totalement l’impasse sur l’aspect monétaire et financier du développement, en fonction des principes théoriques néolibéraux et monétaristes qui veut que la monnaie n’est aucun impact, aucune incidence sur l’activité économique réelle ?

 

• Cette impasse sur l’aspect monétaire et financier du développement économique est évidemment une erreur. L’origine interne ou externe des fonds finançant le développement d’infrastructures industrielles ou routières est évidemment fondamental, tout comme l’adhésion du peuple au développement, et sa mise en œuvre par un groupe d’administrateurs ou de politiques visionnaires qui agissent collectivement pour le bien commun du pays.

 

• Au fond, la main invisible du marché, le libre jeu de la concurrence, la recherche unique du profit comme élément explicatif, ne permettent en aucun cas le développement. Même la France est encore aujourd’hui obligée de recourir à la planification et à une autorité régulatrice pour mettre en œuvre des politiques industrielles.

 

En ayant écrit tout cela, je ne réponds pourtant pas véritablement à mes questions. Comment penser le développement économique et comment expliquer que cela ait fonctionné ou dysfonctionne ?

 
 
Saucratès


07/01/2024
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Sur l’écologie punitive

Du discours des écologistes 

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 3 décembre 2023

 
Petit retour en arrière sur l’écologie punitive. Mon argumentation première était de considérer que l’écologie et la collapsologie n’étaient pas solubles dans la démocratie libérale, si tant soit peu que l’on puisse considérer le régime politique français comme une démocratie …

 
1. Dialogue avec Bruno Bourgeon

 

Un lecteur, le docteur Bruno Bourgeon, m’avait longuement répondu en insistant d’abord sur la nécessité des lois, pour nous interdire de nuire aux autres en matière d’écologie et de préservation des milieux naturels. Il insistait aussi sur l’idée que, loin que de parler uniquement d’écologie punitive, il faudrait considérer que ce sont les pollueurs, le capitalisme, qui portent atteinte à notre liberté «de vivre sur une planète en bon état, de respirer un air sain, de manger une nourriture sans pesticides».

 

Je ne reprendrais pas ici la totalité de sa critique, sur notre insupportable égoïsme qui pousse certains d’entre nous à continuer à consommer sans limitation en considérant que seul notre contentement compte. «À force de s’abreuver à ce genre de langage (individualiste), les  gens se soucient de plus en plus de leurs libertés individuelles de consommateurs et de moins en moins du bien commun».

 

Il existe donc une rhétorique et une opposition frontale autour de la notion des libertés individuelles ! Et c’est le point d’achoppement frontal entre Bruno Bourgeon et moi-même, entre nous en tant que consommateurs, face à l’idéologie écologiste et collapsologiste.

 

Quelle est donc la principale des libertés individuelles ou publiques ?

 

• Le fait «de vivre sur une planète en bon état, de respirer un air sain, de manger une nourriture sans pesticides», quelque puisse en être le coût en terme de libertés individuelles ?

 

• Ou au contraire, le fait de conserver et de se battre pour conserver le maximum de libertés individuelles, même s’il peut y avoir un impact climatique à nos actions individuelles ? 

 
Je considère pour ma part que l’argumentation présentée par Bruno Bourgeon est parfaitement défendable lorsqu’il aborde le problème de manière collective. Le capitalisme est évidemment responsable de la destruction des écosystèmes, de la surconsommation des ressources de la planète. La course au profit a conduit des milliers d’entreprises à privilégier leur intérêt personnel, celui de leurs administrateurs, celui des représentants des plus grands de leurs actionnaires, à l’intérêt de la préservation de la planète. La technologie des cryptomonnaies est responsable de la consommation énergétique des entreprises de minage de blockchains qui consomment énormément. Les fabricants de véhicules automobiles ou d’électroménagers sont responsables à la fois des politiques d’usure prématurée de leurs produits, de ce que l’on appelle l’obsolescence programmée, et de leur consommation énergétique, en terme de ressources ou en terme de carburant. Cette industrie aurait pu chercher à minimiser autant que possible l’empreinte de la consommation énergétique de leurs produits plutôt que de privilégier leurs marges et leurs chiffres d’affaires. Apple est forcément responsable du développement des smartphones et de la frénésie de remplacement des consommateurs, même si, si cela n’avait pas été Apple, d’autres fabricants les auraient remplacés dans le cœur des consommateurs. 

Peut-être est-ce là la principale source de nos difficultés écologiques : l’évolution technologique effrénée. Nous ne vivons plus dans un monde immobile. Pendant des siècles, le progrès technique est resté stationnaire. Pendant des millénaires, on a continué à utiliser l’araire pour labourer les champs, le moulin à vent ou à eau pour moudre la farine de blé, et à s’éclairer à la chandelle puis à la lampe à huile. Et tout ceci a perduré pendant plusieurs milliers d’années. La précédente révolution technologique de l’humanité remontait au néolithiqué, avec l’invention de l’araire. Et puis en l’espace de quelques siècles, on a vécu la révolution industrielle du moteur à explosion, de l’électricité, du train, puis la révolution de l’informatique, et maintenant la révolution de la connaissance et bientôt celle de l’intelligence artificielle. 

La population mondiale est passée en quelques siècles de moins d’un milliard d’habitants à plus de huit milliards d’habitants sur notre pauvre planète, et la durée de vie du moindre outil, du moindre objet que nous possédons, ne se compte plus en nombre de générations, mais ne dépasse pas 4 ou 5 ans avant de devenir complètement obsolète. Forcément, cette juxtaposition d’effets pernicieux est générateur d’une catastrophe. Des milliards de consommateurs potentiels qui cherchent à disposer du dernier objet à la mode. Et le capitalisme au milieu de tout ça qui se réjouit de cette mondialisation de la demande qui lui est adressée. L’objectif ou le rêve des capitalistes : pouvoir produire pour l’ensemble de la planète, disposer d’une demande presque infinie.

 

Voilà ce que Bruno Bourgeon me répondait le 4 septembre 2022 :

 

«Quelle liberté pourrait exister dans un monde où tout est permis, y compris la possibilité de nuire aux autres ? À quoi ressemblerait une société sans aucune loi où n’importe qui pourrait être soumis à quelqu’un d’autre ? C’est proprement contre cette idée que se dresse le Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau : nous troquons la loi du plus fort, contre des devoirs qui doivent permettre l’égalité de droit. Cette idée se retrouve d’ailleurs plus généralement à l’époque des Lumières, et elle donnera naissance au célèbre adage -la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres-.

 

Or, dans le cas de l’écologie, on se situe précisément dans cette configuration. Le but de  l’écologie est de préserver la planète afin que l’humanité puisse continuer à y vivre dignement. Interdire les pratiques nocives d’une minorité en vue de mieux respecter l’environnement, ce n’est pas une atteinte à la liberté, mais la défense du bien commun.


On pourrait d’ailleurs renverser l’accusation en arguant que nous  souhaitons conserver la liberté de vivre sur une planète en bon état, de respirer un air sain, de manger une nourriture sans pesticides. En agissant contre l’intérêt commun, ce sont les pollueurs qui portent atteinte à nos libertés, c’est la croissance non consentie qui s’impose, le capitalisme qui dicte le monde (…)»

 

Je n’ai repris qu’une partie de la réponse de Bruno Bourgeon. Et au fond, ce qu’il dit ne présente pas de difficultés. On peut être facilement d’accord avec ce qu’il écrit. Mais ce qu’il écrit n’est pas la totalité de l’idéologie écologiste. Ce n’est qu’une argumentation visant à rendre légitime son discours. Mais ce n’est pas cela l’écologie. Ou plutôt, ce n’est plus seulement cela l’écologie et la collapsologie.


Le problème de Bruno Bourgeon, le problème des écologistes, le problème de Sainte Greta Thurnberg et compagnie, c’est que leur idéologie ne s’arrête pas à ce qu’ils disent combattre, à ce qu’ils écrivent, à ce que Bruno Bourgeon nous écrit. 

 

Combattre les grands groupes capitalistes multinationaux, les méthodes publicitaires agressives et d’obsolescence programmée, leur absence de prise en compte de la limitation des ressources terrestres, est extrêmement compliqué et difficile pour les militants écologistes, et ne suffira pas pour sauver suffisamment rapidement la planète. C’était la méthode du Rainbow Warrior et des écologistes dans les années 1980, mais il s’agissait d’un combat dangereux et difficile. Des gens sont morts ou ont été emprisonnés.

 

Il est tellement plus simple de dégonfler des pneus de SUV et de 4x4 avec des grains de riz pour alerter leurs possesseurs sur le risque qu’ils font courir à la planète. Lorsqu’un écologiste dégonfle vos roues, c’est un beau combat, même si vous risquez d’en mourir si vous conduisez malgré tout. Dégonflez les pneus d’un écologiste ou d’une maire écologiste, et là, c’est un attentat contre l’Etat. C’est un crime haineux. 

 

S’attaquer aux individus lambda est devenu le Graal de tous ceux qui se croient investis d’un rôle de robins des bois ou de sauveurs de la planète. Pour peu que ces abominables individus lambda soient les possesseurs de quelques biens considérés comme un crime contre la Terre. Non pas les possesseurs de yachts protégés par des armées privées. Non beaucoup trop dangereux. Mme Sandrine Rousseau va ainsi s’attaquer aux beaufs qui aiment faire des barbeuques alors que c’est mauvais pour la planète, et que ce sont les ennemis des féministes écologistes qui se font appeler les louves alpha, contraire à l’égalité des sexes, parce que cela réactive le vieux syndrome de l’homme préhistorique et de l’inferiorité feminin … et en plus on parle de grillades de boeuf, qui est en plus le pire émetteur de méthane. 

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/09/01/sandrine-rousseau-et-l-entrecote-symbole-de-virilite-les-faits-derriere-la-polemique_6139857_4355770.html

 

Selon Bruno Bourgeon encore :

 

«En réalité, ces arguments ‘épouvantails’ ont surtout pour but de conserver des modes de vie  qui deviennent incompatibles avec la vie sur terre. Il n’est pas raisonnable de continuer à détruire les sols alors que nous en avons besoin pour nous nourrir. Il n’est pas raisonnable de dérégler le climat alors qu’il peut entraîner des bouleversements irréversibles pour notre survie et celle des non-humains, victimes collatérales injustes de notre désir insatiable de liberté consumériste.

 
Pourtant, une immense partie de la population, des élites et de la classe politique continue  dans cette voie. Une fraction d’entre elle a décidé d’ignorer la crise environnementale, voire de nier son existence ou sa gravité. Une autre portion a même décidé de s’en moquer, estimant que sa situation sociale lui permettrait d’échapper au pire.  


Il s’agit alors de conserver des privilèges et un mode de vie le plus libre possible. Et tant pis si cet exercice de la liberté nuit à la société en général. Pour les conservateurs, on est plutôt face à un refus de changer ses habitudes ; on a toujours fait comme ça (…)»

 
Au fond, pour les écologistes comme Bruno Bourgeon et consorts, un grand nombre de citoyens n’ont pas droit aux libertés publiques, n’ont pas le droit de choisir ce qu’ils ont le droit de consommer, la manière dont ils ont le droit de vivre librement, parce qu’ils font les mauvais choix. Non pas une infime partie de l’élite, mais «une immense partie de la population» comme nous l’écrit Bruno Bourgeon. 

 

2. Le discours écologiste n’est que dictature

 
Quel est donc ce type de régime politique où l’on considère qu’une immense partie de la population n’a pas le droit de décider librement de ses choix parce qu’ils feront forcément les mauvais choix ? Quel est donc ce type de régime politique où seule une infime minorité de la population, qui s’estime éclairée, qui estime faire elle les bons choix, s’arroge le droit de décider pour tout le monde ? 

 
Ce régime politique n’est pas une démocratie, mais une dictature. Dans le cas présent une dictature écologiste. Mais rien ne la séparera des dictatures du prolétariat que l’on a pu connaître par le passé, ou des dictatures fascistes qui s’étaient répandu en Europe pendant la période de l’entre-deux guerres, dans les années 1930-1940. Ce n’est pas l’idéologie affichée qui compte. Toutes les dictatures ont pour but de sauver l’humanité d’un grand péril, d’accoucher d’un nouvel homme, d’une nouvelle race. Ce n’est pas parce que la dictature écologiste croit avoir pour noble but de sauver la Terre que les moyens qu’elle entend utiliser pour cela seront pour autant bon. Le MAL engendre le MAL. 

 
«Cette rhétorique de l’atteinte aux libertés n’est pas seulement utilisée pour la  question écologique. Elle a aussi été appliquée au domaine social, comme on a pu le constater lors des élections législatives. Emmanuel Macron, se sentant en danger, avait pointé la gauche du doigt en soulignant que leur programme proposait plus d’une trentaine d’interdictions. Pourtant, là aussi, il s’agissait d’interdictions destinées à améliorer le bien commun. Qui peut sérieusement s’insurger qu’on interdise de louer des passoires thermiques ou de procéder à des licenciements boursiers ?

 
Ce qui est logique pour des dirigeants néolibéraux puisque leur citoyen idéal est le consommateur docile, contenté par ce système.
Il faut dire que les élites font également tout pour dégoûter les gens de la notion même de  solidarité, préférant pointer du doigt une minorité de soi-disant assistés et glorifiant les  structures privées tout en dénigrant les services publics. Avec un tel discours, on glisse donc  lentement vers un système libertarien où l’État deviendrait accessoire et où les libertés individuelles passeraient avant tout dans une sorte de course impossible de laquelle ne pourraient ressortir gagnants que les déjà-plus-riches et qui plongerait tout le reste dans l’illusion d’un jour atteindre la première place. Et, ce, peu importe le bien commun.»

   

3. Mes arguments contre le discours écologiste

 

Au fond, que peut-on répondre aux arguments des écologistes ? Comment contester leur soif de tout interdire ?

 

«Effectivement, je suis contre la majeure partie des interdictions stupides de ces gouvernements, quand elles ne visent qu’à gêner, écraser, contrôler un peu plus notre vie et contrôler nos pauvres droits et libertés publiques restantes. On devrait être autorisé à ne respecter que les lois auxquelles on accepte d’obéir. 

 

Je vise des positions très particulières ; le fait d’interdire ou réglementer la consommation de viande bovine et de la cuire sur un BBQ ; la ségrégation entre LGBT et hétérosexuels ; et enfin la lutte contre les SUV pour les rendre inutiles. Parle-t-on ici de bien commun, de sauvegarde de la planète, de lutte contre des consommateurs ultra-riches égoïstes qui ne pensent qu’à leur plaisir ? Ou bien de lubies et de cibles faciles d’écolos féministes extrémistes ? On ne parle que du droit à manger de la viande de bœuf, une entrecôte, et on arrive à vouloir décompter ce que mange un homme et une femme, et estimer que l’homme moyen doit s’aligner sur la consommation de la femme moyenne. 

Continuons plus loin. Comparons ce que mange une éthiopienne et une française et légiférons pour que les français et les françaises ne consomment pas plus qu’une éthiopienne moyenne ! En plus, je n’exagère même pas puisque les écologistes font déjà cette comparaison, en comparant le nombre de Terre consommée par tel ou tel habitant de telle ou telle nation. Aucun d’eux, ni Sandrine Rousseau, ni une autre extrémiste, n’a encore mis en cause les français et françaises et proposé de légiférer à ce sujet. Interdire les restaurants, limiter le nombre de repas à un par jour, ou restreindre à manger juste une mesure de riz … ou que sais-je encore …

La lutte contre les SUV est évidemment une constante des écologistes. Les écologistes extrémistes trouvaient autrefois amusant d’agresser les conducteurs de 4x4. Le mouvement Rébellion Extinction trouve amusant aujourd’hui de dégonfler les pneus des SUV. Mais qui vous autorise à décider ce qui est bien ou mal ? En fonction de quoi si ce n’est de vos propres lubies ? Pourquoi ne pas dégonfler les pneus des avions à Gillot ? L’extrémiste d’Extinction Rébellion ne prend-il jamais l’avion ? Son homologue est peut-être venu à la nage à La Réunion ? Ils s’attaquent à ce qu’ils estiment mauvais pour la planète et qu’ils n’utilisent pas. Et ils veulent les interdire aux autres sous ce prétexte là. 

C’est exactement la même chose pour Sandrine Rousseau ou pour les leaders d’EELV. Ils veulent la transparence sur les mouvements des yachts privés ? Qu’ils soient donc eux aussi transparents sur leur propre usage des avions pour leurs déplacements ministériels et personnels ? Il y a eu une ministre écologiste qui se promenait à bicyclette, même si je crains qu’il ne s’agissait que d’affichage : n’a-t-elle jamais pris l’avion à l’époque et depuis ?  

C’est cela qui me met en boule : l’égoïsme des écologistes qui veulent faire interdire ce qu’ils n’utilisent pas, ce qu’ils considèrent comme coupable, mais en aucun cas ce qu’eux-mêmes utilisent même si c’est tout autant mauvais pour la planète. Ou pire. Un double langage. 

Donc évidemment, je suis d’accord sur votre diatribe sur la pollution industrielle, sur les pesticides, sur la sauvegarde de la planète, mais je le suis beaucoup moins sur les moyens d’y parvenir, sur l’usage des interdictions, sur les actions des ayatollahs et des papesses de l’écologie. 

Aucune des mesures gouvernementales prises ne trouvent grâce à mes yeux. Le malus automobile est une aberration. 40.000 euros de malus pour des voitures sportives (60.000 euros à partir de 2024), cela devient débile, en sachant qu’à quelques kilomètres de là, en Allemagne ou ailleurs, ces voitures peuvent circuler librement et passer la frontière. Ou qu’il suffit aux plus riches de les immatriculer de l’autre côté de la frontière pour être exonéré de cette taxe. Mais encore faut-il disposer de sociétés étrangères pour échapper au fisc. De même, il est débile de donner un bonus de 3.000 ou 6.000 euros pour des voitures électriques majoritairement fabriquées en Chine, ou aux Etats-Unis. Les américains ont au moins l’intelligence de réserver les primes à des véhicules américains, mais l’Europe le conteste en défendant l’intérêt des fabricants chinois de véhicules électriques ! Mais les européens sont-ils stupides ? A-t-on besoin d’utiliser l’argent de nos impôts et taxes pour le donner aux constructeurs automobiles chinois, américains ou allemands ? 

Il reste à traiter l’argument des plus riches qui pourraient continuer à profiter grâce à leur argent de ce que les écologistes voudraient nous interdire, ou de ce qui reviendrait trop cher pour nos finances. Bruno, vous prônez un ordre mondial policier, pire que le communisme stalinien, pour être sûr que nul ne pourrait faire telle ou telle chose que vous souhaiteriez voir interdire ? On parle bien ici de fascisme écologique au nom de la sauvegarde de la planète, ou bien au nom de la police de la planète ? Ce que vous proposez, ce que les écolos fascistes proposent, me fait frémir.

Effectivement, je préfère la liberté au monde que vous souhaitez. Un monde de règles respectueuses des libertés individuelles plutôt que votre monde policier fasciste écologiste extrémiste, en fonction des lubies de quelques gourous féministes ou fascistes. 

 

Enfin, je vous parle de mesurettes qui n’auront aucun effet global mesurable sur le réchauffement climatique, prises pour emmerder les certains français, en fonction de lubies personnelles de quelques pseudo intellectuels politiciens, et vous, vous me parlez de victimes du capitalisme mondialisé.

 

Des mineurs qui ruinent leur santé, il y en a toujours eu. Ces mines pourraient être automatisées, mais pour quelques dollars, ces gosses, ces adultes cherchent à survivre en se tuant à petits feux. Effectivement, je ne me sens pas concerné. Vous leur interdiriez d’y creuser qu’ils chercheraient des façons encore plus dangereuses de gagner leur vie, même au mépris de nos vie ou de celles de nos jeunes (drogues).

 

Et les migrants climatiques (économiques) sont pour moi avant tout un danger civilisationnel. Évidemment, les amérindiens eussent pu dire la même chose devant l’immigration européenne aux Etats-Unis, ainsi que les aborigènes australiens devant les pionniers et les déportés anglo-saxons. Même justement, n’est-ce pas exactement ce qui s’est passé pour eux, aborigènes australiens ou amérindiens ? N’ont-ils pas été les victimes d’un ethnocide ?»

  
 

Saucratès


03/12/2023
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COP-28. Au fond, il n’y a rien à en attendre

Entre postures personnelles et idéologiques, les COP ne sont rien qu’une immense perte de temps. Notre seul espoir : qu’elles ne débouchent sur rien.

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, jeudi 1er décembre 2023

 

La COP-28 a démarré ce jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis. Elle se tiendra du 30 novembre jusqu’au 12 décembre 2023. Elle est présidée par le Sultan émirati Ahmed al-Jaber, ministre de l’Industrie et PDG de la compagnie nationale Abu Dhabi National Oil Company.

 
Le terme COP signifie «Conférences des Parties (conferences of the parties) des États signataires de la CCNUCC (convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques)». Les 197 pays signataires de la CCNUCC sont appelés «Parties à la Convention». Cette convention-cadre fait partie des trois conférences-cadres signée lors du sommet de la Terre, à Rio-de-Janeiro en 1992. Les deux autres conventions signées lors du sommet de la Terre sont la «Convention sur la diversité biologique» (CDB) et la «Convention sur la lutte contre la désertification» (CLD).

 

https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/cop28-recit-tout-le-monde-s-en-foutait-le-constat-d-une-crise-climatique-se-heurte-a-l-indifference-politique.html#lente_prise_conscience

 

Que peut-on attendre de cette nouvelle ‘conférence des parties», de cette COP-28 de Dubaï ? Qu’est-ce que, pour ma part, j’en attends ? Pour ma part, surtout rien du tout. Surtout que rien ne change. Pour avoir vécu de suffisamment près la COP-21 de Paris, cette COP exceptionnelle qui accoucha de ce que l’on appela l’Accord de Paris, je me rappelle surtout que ces COP ont d’abord et avant tout des enjeux de carrière, de politique intérieure et extérieure.

 

• Pour les personnalités qui en assument l’organisation comme à l’époque Laurence Tubiana, également présidente de l’Agence française de Développement.

 

• C'était d’ailleurs aussi le cas pour le directeur de l’Agence française de Développement de l’époque, Jean-Michel Severino, dont l’objectif à atteindre était la réussite de cette conférence parisienne, et pour laquelle derrière lui toute l’Agence française de Développement s’attela.

 

• Pour le président de la république François Hollande qui avait prévu de décrocher un accord, à tout prix.

 

• Pour les pays les plus industrialisés enfin qui ne peuvent se permettre de laisser de petits États accueillant les COP s’enorgueillir d’obtenir la conclusion d’accords marquants. Raison pour laquelle tous les accords de quelque envergure ne sont signés que lorsque les COP se tiennent en Occident (Paris, Bonn, Copenhague, Montréal…)

 

• Pour les autres Etats industrialisés qui auront tendance à vouloir réserver à leur propre conférence la signature de ces accords, pour peu qu’il y en ait une qui soit organisée chez eux juste après.


Les COP sont en fait des jeux de dupes. Jeux de dupes dans lesquels les risques pour la planète, pour les équilibres de la planète, pour les jeunes générations et les générations futures sont complètement oubliés. Parce que ce qui compte pour les gouvernants de tous pays, pour les personnalités publiques de tous pays, c’est d’abord et avant tout eux-mêmes, et en aucun cas l’espoir de l’humanité.

 

De toute façon, que pourrait-il en sortir ? Dans la partie d’en face, dans les diverses ONG et mouvements activistes, leurs leaders n’attendent que l’interdiction de toute forme d’activités polluantes, la condamnation et l’interdiction de consommer, d’acheter, de produire ou d’extraire tout ce qui de près ou de loin participe à l’émission de gaz à effet de serre. Ces gens-là ne se satisferont que de cela, d’interdictions totales vertueuses et des condamnations morales de ceux qui polluent. 

Le problème, c’est que c’est comme dans une révolution, comme dans une libération armée d’un pays, comme dans les territoires ukrainiens libérés, comme dans la France libérée en 1944 et 1945, comme dans l’Italie libérée de 1945, tout le monde pollue, tout le monde peut être condamné et exécuté pour avoir pollué la planète, même la sainte Greta Thurnberg, jusqu’à la sainte Greta Thurnberg. Tout le monde peut donc être dénoncé comme pollueur par l’armée des activistes ; tout le monde peut donc être jugé et condamné par ces nuées de militants activistes, tout le monde peut être accusé et condamné. 

On ne va pas empêcher l’eau des océans de monter ou les températures de grimper. Ces nuées d’activistes n’attendent qu’une chose : l’imposition d’une dictature écologiste dont ils seront les papes et les papesses. Eux seuls sauront ce que nous sommes autorisés à faire, à acheter, à consommer et eux seuls sauront ce que nos leaders éclairés, c’est-à-dire eux-mêmes, auront le droit de continuer à utiliser comme moyens polluants pour continuer à militer, à se rendre dans les sauteries climatiques internationales.

 

Quelqu’un s’est-il intéresser au coût climatique des déplacements et de l’hébergement des acteurs de la société civile, des activistes, des manifestants, qui accompagnent et participent à ces diverses COP depuis désormais plus d’une ou deux décennies ? Combien de millions de tonnes de CO2 ces chers militants, ces troupeaux de manifestants et d’activistes, qui cherchent tous à se faire voir pour exister, ont-ils pu émettre pour alerter les décideurs et acteurs politiques ? Beaucoup plus que ce qui était nécessaire de toute façon.

 

C’est bien là le problème. Il est évident que ces millions de tonnes de CO2 ont été émis à tord, pour rien. Ils auraient pu s’en passer et la Terre s’en serait bien porter. Sans eux, il n’y aurait pas eu d’accord de Paris ? Probablement que si. Il y a le sommet de la Terre. Le protocole de Kyoto.

 

Le problème, c’est lorsque ceux qui jugent de la pertinence et l’impertinence des émissions de gaz à effet de serre sont à la fois juges et parties. Le problème, c’est lorsque les juges sont partiaux, partie prenante au problème et que leurs jugements sont arbitrairement subjectifs.

 

Je n’attends surtout rien de la COP-28 de Dubaï parce que je crois que la solution et la réponse devra être technologique, et que la seule réponse non technologique que j’attendrais, la limitation drastique des naissances par exemple par la stérilisation générale de l’humanité au-delà d’un premier enfant, ne sera jamais être prise par cette COP-28. Parce que la limitation des naissances est une chimère ; il suffit de regarder le carnage mahorais et son extension désormais à la Réunion.

 

 
Saucratès

 

 

Post scriptum : Liste des conférences des parties de la CCNUCC

 

• COP 1 à Berlin (Allemagne) en mars-avril 1995, qui donna naissance à la décision connue sous le nom de 'mandat de Berlin', où les parties entamèrent un cycle de négociations en vue de décider d'engagements plus solides et plus détaillés pour les pays industrialisés.

 

• COP 2 à Genève (Suisse) du 8 au 19 juillet 1996.

 

• COP 3 à Kyoto (Japon) du 1er au 12 décembre 1997, et qui vit l'adoption du Protocole de Kyoto.

 

• COP 4 à Bueno Aires (Argentine) du 2 au 14 novembre 1998.

 

• COP 5 à Bonn (Allemagne) du 25 octobre au 5 novembre 1999.

 

• COP 6 à La Haye (Pays Bas) du 13 au 24 novembre 2000.

 

• COP 7 à Marrakech (Maroc) du 29 octobre au 10 novembre 2001, qui débouchera sur la signature des accords dits de Marrakech, qui présentent la traduction juridique des règles de mise en œuvre du Protocole de Kyoto.

 

• COP 8 à New Delhi (Inde) en novembre 2002.

 

• COP 9 à Milan (Italie) en novembre 2003.

 

• COP 10 à Buenos Aires (Argentine) en novembre 2004.

 

• COP 11 à Montréal (Canada) en novembre 2005, qui donnera naissance au processus de Montréal.

 

• COP 12 à Nairobi (Kenya) du 6 au 17 novembre 2006.

 

• COP 13 à Bali (Indonesie) du 3 au 14 décembre 2007.

 

• COP 14 à Poznan (Pologne) du 1er au 12 décembre 2008.

 

• COP 15 à Copenhague (Danemak) du 7 au 18 décembre 2009, qui débouchera sur la signature d'un accord non contraignant dit de Copenhague.

 

• COP 16 à Cancun (Mexique) du 29 novembre au 10 décembre 2010.

 

• COP 17 à Durban (Afrique du Sud) du 28 novembre au 11 décembre 2011.

 

• COP 18 à Doha (Qatar) du 26 novembre au 7 décembre 2012.

 

• COP 19 à Varsovie (Pologne) du 11 au 23 novembre 2013.

 

• COP 20 à Lima (Pérou) du 1er au 14 décembre 2014.

 

• COP 21 à Paris (France) du 30 novembre au 12 décembre 2015, qui a donné lieu à la signature de l'accord de Paris.

 

• COP 22 à Marrakech (Maroc) du 7 au 18 novembre 2016.

 

• COP 23 à Bonn (Allemagne) du 6 au 17 novembre 2017, qui a donné lieu au lancement du dialogue de Talanoa, à l'invitation du Premier ministre fidjien Frank Bainimaram.

 

• COP 24 à Katowice (Pologne) du 3 au 14 décembre 2018.

 

• COP 25 à Madrid (Espagne) du 2 au 13 décembre 2019, dans les faits présidée par le gouvernement du Chili et organisée avec le soutien de l’Espagne

 

• COP 26 à Glasgow (Royaume-Uni) du 31 octobre au 12 novembre 2021

 

• COP 27 à Charm el-Cheikh (Égypte) du 6 au 18 novembre 2022.

 

• et donc pour finir, COP 28 à Dubaï (Emirats Arabes Unis) du 30 novembre au 12 décembre 2023.


30/11/2023
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La France, l’Afrique et une certaine idée du Développement

La France, l’Afrique et une certaine idée du Développement 

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, mardi 5 septembre 2023

 

L’histoire partagée de la France et de l’Afrique remonte désormais à plusieurs siècles. On en connaît évidemment les siècles de colonisation, de colonialisme, d’esclavagisme, de guerres et d’invasions. Mais cette histoire réciproque remonte beaucoup plus loin, puisque l’histoire de la France s’est même construite sur une première invasion des tribus berbères Omeyyades en Gaulle et sur leur défaite en 732 à Poitier, face au premier carolingien, Charles Martel. Mais l’Europe ne resta pas indéfiniment sous le joug arabe, que ce soit sous le règne des tribus berbères Omeyyades ou Almoravides, des tribus dont l’origine se trouvait un peu au nord du Sénégal actuel, en plein milieu de l’Afrique sub-saharienne … Et quelques mille années plus tard, l’Europe envahissait et conquérait l’ensemble des terres africaines.

 

Aujourd’hui, plusieurs décennies après les re-indépendances des États africains, on assiste à une succession de coups d’états militaires dans plusieurs parties du pré-carré africain de la France, dans lesquels la domination de l’ancienne métropole française est violemment dénoncée et rejetée.

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/03/comment-la-france-a-perdu-le-sahel_6187599_3210.html

 

Et ce qui n’arrange rien, ce sont bien les discours du président Emmanuel Macron et de ses ministres qui appellent à une intervention militaire au Niger et interviennent dans les affaires intérieures nigériennes ou gabonaises, dans l’optique de rétablir leurs intérêts menacés et des dirigeants amis. Ou bien ceux que Macron et l’Occident appellent des dirigeants ‘légitimes’.

 

L’Occident justicier autoproclamé

C’est le problème de base de l’Occident. Cette faculté de se croire autorisé à donner des leçons de démocratie au monde entier, du moins aux États moins puissants économiquement, financièrement ou militairement qu’eux ! Ainsi, ils peuvent nommer un président selon eux plus légitime que le président vénézuélien élu et lui transférer les réserves de change extérieures vénézuéliennes. Mais tout ceci dépend avant tout de leurs intérêts. Dans une situation gabonaise semblable d’une élection confisquée, nul risque que la France agisse de la même manière et considère que le président qui devrait être considéré comme légitimement élu serait l’adversaire de leur propre poulain. Et qu’ils lui transfèrent les réserves de change du Gabon. 

 

Imaginons donc que la communauté internationale, ou bien la Russie ou le Venezuela considèreraient de la même manière que Macron est un dictateur, que les élections présidentielles de 2017 ou de 2022 n’étaient pas libres, et que le véritable dirigeant légitime de la France devrait être, soit un gilet jaune comme M. Rodrigues, soit l’adversaire empêchée de Macron au second tour, à savoir Marine Le Pen, et lui transfère les réserves de change françaises ? Que n’entendrait-on pas ? Quelle démocratie ne se révèlerait pas être la France dans cette occasion, avec des poursuites contre M. Rodrigues ou Mme Le Pen pour trahison, connivence avec l’ennemi et sédition ? Et c’est cela que l’on appellerait une démocratie ? Des États qui comme les États-Unis, la France ou le Sénégal, s’acharnent sur leurs principaux opposants pour des motifs inventés ou factieux ? Évidemment, il ne s’agit jamais de motifs politiques. Financements irréguliers de campagne, abus de leur position, mauvais usage ou déclaration de fonds, violences sexuelles ; les motifs sont légions mais il n’y a évidemment jamais rien de politique dans ces procès qui leur sont fait ! Jamais. Évidemment, d’autres qu’eux l’ont fait par le passé pour éliminer des concurrents dangereux, comme Sarkozy et Hollande avec Dominique Strauss-Kahn ou Dominique de Villepin et l’affaire Clearstream. 

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/03/entre-la-france-et-l-afrique-les-ambiguites-du-ressentiment-doivent-etre-depassees-pour-desamorcer-la-machine-a-haine_6187614_3232.html

 

La France et la prédation

Et si c’était vrai. Si la France était bien la prédatrice décrite par l’ensemble des africains d’Afrique de l’Ouest ? Si la France n’était pas une sorte de bouc émissaire commode des juntes militaires arrivées au pouvoir, mais une société prédatrice s’étant accaparée les ressources économiques et les ressources financières de ces pays malgré leur indépendance ?

 

« Pendant trois décennies, dans le sillage de De Gaulle et de son homme de main en Afrique, Jacques Foccart, Paris a fait mine de partir, pour mieux rester en installant ses obligés au pouvoir dans chacune de ses ex-colonies. En 1990, la fin de la guerre froide a permis l’instauration du multipartisme, mais n’a conduit qu’au maquillage en démocraties électives des mêmes régimes.

 

Au même moment, les terribles potions budgétaires administrées au continent par les institutions financières internationales ont affaibli les Etats – dont les prérogatives ont été largement sous-traitées à des ONG étrangères et à des agences de l’ONU –, appauvri les populations et accru des inégalités déjà abyssales. Cette époque de faux-semblant démocratique semble s’achever aujourd’hui, pour le meilleur ou plus probablement pour le pire, alors que, dans plusieurs pays du Sahel, les jeunes, privés massivement d’avenir, préfèrent des militaires putschistes à des présidents élus et voient dans le coup d’Etat le seul moyen de se débarrasser d’un régime honni assimilé à la France. »

 

Mais la France elle-même n’est-elle pas rien d’autre qu’une démocratie élective au même titre que ces Etats africains que le journal Le Monde décrit dans les lignes ci-dessus. Et ce n’est pas parce que Emmanuel Macron a été élu en 2017 en dehors du jeu des grands partis politiques de la fin de la cinquième république que la France n’en demeure pas moins une démocratie élective.

 

L’élection présidentielle de 2017 et les élections législatives qui ont suivi ne sont qu’une gigantesque manipulation de l’opinion publique organisée par un groupe de hauts fonctionnaires, de maçons et de milliardaires propriétaires de journaux et de médias. La France est rentrée de plein pied à cette occasion dans le monde de l’argent et de la manipulation médiatique. Mais cela ne peut marcher qu’en interne ; cela ne peut pas marcher dans les médias des pays étrangers, auprès des populations étrangères informées par des médias non inféodés aux intérêts et aux capitaux français. 

Et la panique de Macron et de son gouvernement s’explique par l’existence même de la possibilité de coups d’état. Derrière ces dirigeants étrangers que l’armée renverse, c’est l’oligarchie française qui se sent elle-même menacée.

 

Selon moi, Macron a eu une peur bleue d’être renversé par une révolte populaire, comme pendant les gilets jaunes, ou par un coup d’état militaire. Et les réponses totalement stupides et contre-productives de la France aux coups d’état militaires nigériens et gabonais ne peuvent se comprendre sans appréhender cette dimension personnelle de Macron. Un dirigeant légitimement élu (à son sens) ne peut être renversé par des militaires ou par un peuple versatile et ignorant. 

 

Entre ce que nous voyons comme outil de développement, et ce que les africains voient, il y a un monde

Le développement est pour partie pétri de bonnes intentions. Un certain nombre de développeurs croient en leurs outils, en leurs objectifs, mais les actions de développement ont également leur côtés obscurs. Derrière l’association l’Arche de Zoé qui souhaitait sauver des orphelins, il y avait des personnes qui instrumentalisaient la soif d’enfant de couples européens stériles, et volaient des bébés à leurs parents parfaitement en vie. Derrière les projets de développement, il y a des entreprises qui se créent des empires industriels ou portuaires en Afrique. Pour quelle raison les bières brassées et vendues en Afrique par le groupe Castel, appartiennent à des capitaux français et non pas africains ? 

 

Au fon, la raison est toujours la même : derrière les grands sentiments se déroule une diplomatie reposant sur la force, les pressions, les menaces et les sanctions, qui imposent aux États africains le respect de principes politico-économiques qui favorisent les intérêts français, autour des notions de concurrence, de libéralisation, de respect de la propriété pour les investisseurs étrangers. Et de mise sous tutelle de la justice de ces pays-là, de la même manière que la justice française est mise sous tutelle par l’Europe et les principes européens, par les idéaux écologistes des petits juges administratifs francais, ou par les intérêts américains. Impossible donc pour les États africains appartenant au pré-carré français de nationaliser les ports, infrastructures, brasseries, industries appartenant aux intérêts privés français … Et de toute façon, si ces infrastructures devaient être nationalisées, elles s’effondreraient d’elles-mêmes parce que les États africains ne pourraient pas les entretenir. Parce que l’entretien de ces infrastructures dépend aussi d’autres entreprises internationales et ne peut être assuré facilement. 

 

Jusqu’aux constructions bancaires et financières dans ces pays africains, comme le franc CFA, qui ne dépendent étroitement de Paris, qui ont été pensées par Paris et dans la succession du Général  de Gaulle et des hommes qui l’entouraient. Jusqu’à l’institution de développement française (l’AFD), qui se trouve toujours confrontée au couplage ou au découplage de l’aide au développement qu’elle distribue ou met en œuvre, vis-à-vis des investisseurs français qui veulent être priorisés, comme le font tous les autres pays au monde, de la Chine aux USA en passant par l’Allemagne. 
 

Comment refonder une relation entre la France et l’Afrique qui ne reproduise pas tous ces travers, qui ne fasse plus de l’Afrique une vassale de la France (ou de l’Occident), qui ne nourrissent plus la rancoeur des peuples africains à l’encontre de la France ? Se retirer de ces pays africains suffira-t-il, puisque ces mêmes peuples africains garderont aussi rancune à la France du possible effondrement de leurs économies suite au départ des institutions françaises, des désordres monétaires éventuels consécutifs à l’abolition du régime du franc CFA …

 

Certes, un certain nombre de réalisations institutionnelles françaises peuvent être utiles, protectrices pour les États africains et pour leur peuple. Mais on ne peut pas protéger un peuple de désordres à l’encontre de sa propre volonté. On est allé trop loin dans la soumission de l’Afrique aux interêts étrangers et aux intérêts privés étrangers. On ne peut pas protéger des États ou des peuples lorsqu’ils ne veulent pas être sauvés ou aidés. C’est ainsi le cas de Madagascar, jadis au sortir des indépendances, une économie développée et prospère, un système de santé qui en faisait le centre de l’Ocean Indien, et qui est devenu aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres du monde, après plusieurs décennies de main-mise communiste et russe. 

 

Mais peut-on moralement et humainement laisser ces États d’Afrique s’enfoncer dans le sous-développement, la violence et la pauvreté parce que leur peuple ou leurs dirigeants veulent reprendre en main leur destin et se jeter dans les rets des régiments Wagner russes et des prêts et des investissements chinois, ou coréens ? Parfois, il faut aller au bout de ses erreurs.

 

 

Saucratès 

 

 

Post scriptum : Lorsque l’on parle de l’Afrique et du colonialisme, difficile de ne pas parler de l’esclavage, des 12 millions d’esclaves capturés et embarqués sur la façade atlantique de l’Afrique à destination des colonies américaines ou atlantiques, de 1563 à 1866. Mais comment oublier que Oman est demeuré le principal port esclavagiste bien après l’abolition officiel de l’esclavage, que l’esclavage y est resté actif jusqu’en 1920 à destination de l’Arabie, les pays du Golfe et la région persique, et que celui-ci n’a été officiellement aboli qu’en 1970 à Oman ! 
 

Même le retour des esclaves libérés des Amériques, au Liberia, se traduisit par la reproduction de la part des anciens esclaves du même mode de discrimination et de domination à l’encontre des africains natifs que les anciens esclaves avaient subi en Amérique. Ce qui valut au Liberia, indépendant depuis 1847, d’être condamné par la Société des Nations en 1936 pour la discrimination des autochtones et leur exclusion du droit de vote.


05/09/2023
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Face à la crise de la dette et face à la Chine, est-il éthiquement acceptable d’abandonner les États en développement

Face à la crise de la dette et face à la Chine, est-il éthique d’abandonner les États en développement

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 16 juillet 2023

 

Il y a quelques jours, le 11 juillet 2023, l’Agence française de développement organisait un webinaire sur une question supposément centrale : «Est-il possible d'éviter une nouvelle crise de la dette dans les pays à faible revenu ?» avec Thomas Mélonio et Guillaume Chabert.

 

https://cepr.org/voxeu/columns/another-systemic-debt-crisis-low-income-countries-can-be-prevented-if-we-act-now

 
Selon la présentation de l’Agence française de développement, 

 

«Les experts craignent de plus en plus que les pays à faible revenu soient proches d'une crise systémique de la dette, ressemblant à la situation au milieu des années 1990 à l'origine de l'initiative d'allégement de la dette des pays pauvres très endettés. Cette crainte est d'autant plus prégnante que ces pays ont été sévèrement affectés par les conséquences combinées de la pandémie de Covid et des impacts de la crise climatique.

Au lendemain du 
Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s'est tenu les 22 et 23 juin 2023 à l'initiative de la Présidence française et qui a réuni les représentants d’une centaine de pays, des organisations et institutions financières internationales, les acteurs de la société civile et du monde académique, ainsi que des entreprises et investisseurs privés, se demandent s’il est possible d'éviter une nouvelle crise de la dette dans les pays à faible revenu ?»


Pour ma part, cette question supposément centrale repose sur un autre questionnement. Est-il utile et nécessaire de s’interroger sur l’origine de la montée de cette dette, et de son affectation ? On a déjà parlé de crise de la dette pour les pays en développement par le passé à de multiples reprises. Et il existait un organe international pour traiter ces problèmes, intitulé le Club de Paris. Mais qu’est-ce qui explique que ces mécanismes ne fonctionnent plus, n’arrivent plus à résoudre le problème d’excès d’endettement des pays en développement qui pouvaient jusqu’à récemment y recourir ? 

Avec l’arrivée de la Chine, pourra-t-on faire l’économie de cette interrogation ?

En effet, selon moi, c’est bien l’irruption de la Chine continentale comme principal prêteur de nombre de ces pays à faible revenu dans les zones géographiques qui intéressent la Chine, à savoir essentiellement les pays des nouvelles routes de la Soie, qui a fait exploser, à la fois ce cadre multilatéral, et la dette de ces mêmes pays en voie de développement.

 

Lorsqu’un des principaux prêteurs internationaux, lorsque la première puissance économique mondiale devient le prêteur principal de nombreux pays, tout en refusant tout cadre multilatéral, le système ne peut plus fonctionner. Il ne servirait à rien d’effacer les dettes d’un certain nombre de prêteurs étatiques internationaux, simplement pour permettre à ces états en développement de pouvoir mieux faire face aux annuités de remboursement dûs à la Chine. Les coûts de non-remboursements des dettes des pays en développement se doivent d’être mutualisés entre tous les prêteurs, éventuellement.

Éventuellement parce que par rapport aux années 1970-1980 et 1990, le cadre des prêts internationaux aux pays en développement a sérieusement évolué. On se rappelle des critiques portés à l’encontre des instances de prêts internationales quant à l’objet des financements. Est-il normal de financer des éléphants blancs, ces méga-projets d’investissement sans aucun intérêt pour les populations locales et totalement disproportionnés à l’échelle des pays financés. C’était sûrement de très beaux projets mais ne servaient-ils pas avant tout de vitrines technologiques ou de débouchés commerciaux pour les grands groupes industriels français, anglais ou américains ? Et était-ce aux États en développement de payer la note et de rembourser ces prêts monstrueux, dont une partie avait vraisemblablement disparu pour payer quelques dessous de table, pour acheter quelques soutiens de complaisance.

 

Selon mon interpretation, dans les années 1990, la communauté internationale a fait le choix de ne pas s’interroger sur l’origine des dettes, sur les destinations des fonds prêtés mais a proposé d’annuler de manière générale, la plus grande partie des financements concernés, quelque soit l’usage et l’origine des biens prêtés. Une sorte de ‘gentleman agreement’ entre gens (et pays) de bonne compagnie, en échange du silence et de la fin des contestations des pays emprunteurs.

 

La communauté internationale a cependant pris en compte pour partie les critiques qui leur avaient été portées. On ne finance plus après 2000 comme on finançait auparavant. Des prêteurs comme l’AFD, comme les autres prêteurs, cherchent à financer des biens mondiaux précis, avec une utilité pour les populations mesurables. On finance l’éducation des enfants, l’accès à l’enseignement pour tant d’enfants, tant de lits d’hôpital ou tant de matériels servant à soigner tant de malades, tant de ménages ayant accès à tant de réseaux d’assainissement. Comme si l’utilité d’une dette pouvait se mesurer en nombre d’enfants scolarisés, en nombre de malades soignés, en population raccordé aux réseaux de distribution d’eau, d’elevtricité ou au tout à l’égout. Derrière ces histoires de chiffres, les prêteurs internationaux cherchent à s’assurer de la bonne affectation de l’aide au développement et de leurs prêts.

 

Mais l’Occident a-t-il raison de fliquer les pays en développement ? Cette immixtion dans la gestion économique et publique de tous ces Etats dépendants de l’aide publique occidentale ? Que dirait-on nous si les marchés financiers internationaux et les banques internationales exerçaient le même contrôle sur les finances publiques françaises, européennes ou américaines et imposaient de ne financer que des écoles, des lycées, des lits d’hôpitaux ou des réseaux d’assainissement ou de distribution d’eau ou d’électricité ? Les hommes politiques s’enflammeraient et les pays du G7 (il ne faut plus parler aujourd’hui de G8) inventeraient de nouvelles législations restrictives contre ces prêteurs irrévérencieux. 

 

Ainsi va le monde ! Simplement, ces pays en développement cherchent forcément toujours un accès au financement plus simple, plus souple au crédit. S’ils n’accèdent que difficilement aux marchés financiers mondiaux, si les prêteurs privés mondiaux sont échaudés par les précédents coûts des annulations de dettes des pays en développement, des déclarations de cessation de paiement des pays en voie de développement, ces derniers ont trouvé dans la Chine un nouveau prêteur vraisemblablement moins restrictif dans l’objet et l’usage de ses financements.

 

Les objectifs de la Chine se confondent-ils avec ceux des pays emprunteurs 

Quels sont les objectifs de l’aide publique au développement de la Chine ? Ces objectifs ont un lien avec les nouvelles routes de la soie, initialement appelées «Belt and Road Initiative» (BRI) et depuis 2017, «One Belt, One Road» (OBOR).

 

L’article suivant de Chine Magazine détaille les conditions cachées derrière les prêts consentis par la République populaire de Chine, et les contreparties imposées par la Chine et par les institutions chinoises qui ne peuvent plus rembourser les prêts qui leur ont été consentis : 

 
• Pour éviter le défaut de paiement à la suite du choc pandémique, le Laos a été contraint de confier à la Chine le contrôle majoritaire de son réseau électrique national.

 

• Le Tadjikistan a dû céder 1 158 kilomètres carrés (447 miles carrés) des montagnes du Pamir à la Chine, a dû accorder aux entreprises chinoises le droit d’extraire de l’or, de l’argent et d’autres minerais sur son territoire et a dû approuver la construction financée par la Chine d’une base militaire près de sa frontière avec l’Afghanistan.

 

• En 2017, incapable de rembourser les prêts chinois, le Sri Lanka a cédé le port le plus stratégiquement important de la région de l’océan Indien, Hambantota, et plus de 6 000 hectares de terres autour, en accordant un bail de 99 ans à Chine. 

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/17/un-an-apres-la-revolution-le-sri-lanka-assiste-a-une-fuite-massive-de-ses-cerveaux_6182378_3210.html

 

• LPakistan a accordé à la Chine des droits exclusifs pour gérer son port de Gwadar stratégiquement situé pendant quatre décennies. Pendant ce temps, la Chine empochera 91% des revenus du port. Par ailleurs, la China Overseas Ports Holding Company bénéficiera d’une trêve fiscale de 23 ans pour faciliter l’installation d’équipements et de machines sur le site.

 

• Le piégeage de la dette a permis à la Chine d’acquérir sa première base navale à l’étranger à Djibouti, stratégiquement située à l’entrée de la mer Rouge. La Chine cherche également maintenant une base navale sur le littoral ouest-africain, où elle a fait le plus de progrès en Guinée équatoriale, un pays à faible revenu très endetté

 

https://www.chine-magazine.com/pleins-feux-sur-la-domination-des-dettes-chinoises/
 
Comme l’écrit l’auteur de l’article, «c
ela met en évidence la spirale de la dette auto-entretenue dans laquelle la Chine plonge les pays. Parce que la Chine, contrairement au FMI, n’attache pas de conditions strictes à ses prêts, les pays empruntent simplement pour assurer le service de leurs dettes, s’enfonçant ainsi de plus en plus dans l’endettement.»

 

La Chine est ainsi un prêteur international qui fait financer les investissements massifs de ses nouvelles routes de la soie par les états en développement auxquels elle prête, à des taux excessifs, ainsi qu’un acteur qui met en œuvre des mécanismes particuliers et colonialistes de renégociation et d’annulation des dettes, extrêmement différentes des habitudes multinationales,

alors que la Chine est devenu le premier prêteur mondial, devant le FMI et la Banque Mondiale, ainsi qu’un prêteur extrêmement important de très nombreux pays en développement, même en dehors de la zone OBOR (comme dans le cas de la Guinée équatoriale).

 

Les règles de bonne conduite des prêteurs internationaux, des institutions de prêts bilatéraux ou multilatéraux (financement d’investissement pour l’enseignement, les soins ou l’assainissement ou le traitement des déchets) ne servent peut-être à rien lorsqu’un acteur important du marché ne respectent pas les mêmes règles, ne respectent pas de règles du tout.

 

Est-il normal de faire payer des Etats en développement pour des investissements routiers, énergétiques ou maritimes qui ne serviront qu’à la Chine elles-même ? Est-il normal de faire payer des États en développement pour le remboursement de prêts servant à rembourser des prêts eux-mêmes illégitimes ? Est-il même normal de devoir céder le contrôle et la propriété de zones portuaires financées par des prêteurs chinois qui profitent du défaut de paiement de l’Etat créancier ?

 

L’Occident a certainement fait pire dans son passé colonial, mais la Chine va au-delà du tolérable

Les États en développement qui ont fait confiance à la Chine doivent aujourd’hui s’en mordre les doigts. Sauf que les dirigeants politiques de ces États ont changé, et qu’ils n’ont vraisemblablement aucune autre solution palliative aux conditions chinoises. Si ce n’est de passer sous les fourches caudines d’un ajustement structurel sous l’égide du FMI, ce que ces États doivent vraisemblablement considérés comme encore pire.

 

Ce qui est au fond incroyable, c’est que la Chine bénéficie encore en Afrique et en Asie d’une aura magnifique, à mille lieux du rejet dont est victime l’Occident et surtout l’Europe. Nous payons pour notre histoire coloniale et post-coloniale. 

 

Et remettre en cause les conditions léonines appliquées par la Chine à ses emprunteurs reviendrait à remettre en cause tous les arrangements post-coloniaux conservés par les États occidentaux, comme les bases navales ou militaires dont ils disposent de par le monde, à Djibouti, à Diego-Suarez, à Diego-Garcia …

 

On peut aussi se demander, au-delà de la légitimité du remboursement de prêts consentis par la Chine pour financer des investissements qui ne servent principalement qu’à elle, et de leur accaparement sans aucune contrepartie, s’il est même normal de faire rembourser à ces États en développement des prêts consentis pour investir dans des biens publics mondiaux ? Est-il donc normal de faire rembourser à ces Etats des prêts pour investir dans l’enseignement, dans des écoles, dans des hôpitaux, dans les soins, sachant que les élèves qui y sont formés font ensuite le choix de partir travailler en Occident ?

 

Il faut s’interroger sur le sens même des dettes publiques

Devant les dérives des prêts chinois et des méthodes de résolution des défauts de paiement des créanciers par la Chine, il faut que la Communauté internationale intervienne. Peut-on imposer le gel des prêts et l’annulation des mesures colonialistes de la Chine à l’égard de ses créanciers, sachant que la Chine est la première puissance économique, le premier créancier mondial, et notamment le principal prêteur des Etats-Unis ?

 

Il le faudra pourtant car sinon, on se trouve devant la mise en place d’un ordre mondial, comme les Etats-Unis en avaient instauré un nouveau en 1945, en tant que vainqueur de la Seconde guerre mondiale. Mais ils avaient aussi mis en place le plan Marshall de reconstruction de l’Europe. Je ne suis pas sûr que la Chine ferait demain preuve de la même mansuétude.

 

La question n’est dont pas de savoir s’il est «possible d'éviter une nouvelle crise de la dette dans les pays à faible revenu». La question est plutôt de se demander s’il est éthiquement possible d’abandonner les États en développement seuls face à cette crise de la dette, seuls face à l’impérialisme chinois, s’il est éthiquement acceptable de ne rien faire pour les aider, et de ne pas réformer, tant que nous le pouvons encore, les outils de l’ordre financier mondial issus des accords de Bretton-Woods ?

 


Saucratès

 

 

Post scriptum : En disant cela, je n’invente rien. Je ne fais que reprendre les propositions du PNUD.

 

https://www.euractiv.fr/section/economie/news/un-nouveau-plan-dallegement-de-148-milliards-de-dollars-est-necessaire-pour-eviter-une-crise-de-la-dette/


16/07/2023
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